Limite nord du Sahara, bordé au nord
par les hautes steppes, l'Atlas saharien s'étend sur sept cents
kilomètres, du nord-est au sud-est, depuis la dépression
du Hodna et des Zibans (M'Sila, Biskra) jusqu'au Figuig. Il se répartit
en plusieurs tronçons : monts du Zab, monts des Ouled Naïls,
monts des Amour, monts des Kçour. Caractéristiques essentielles
: phase de plissement principal à l'éocène, ruines
d'anticlinaux et de synclinaux de structure simple, chaînons dissymétriques
avec un versant couronné d'une falaise de calcaire ou de grès...
En raison de l'aridité, " les chaînes se sont enfouies
dans leurs propres débris " (Despois,
" L'Afrique du Nord Française ", 1949, p. 57.).
C'est seulement au sud, en bordure du Sahara, en particulier au voisinage
des cluses qu'ont creusées les oueds, qui y descendent, que le
relief est un peu dégagé, surtout dans le bastion central
du Djebel Amour. Malgré l'altitude qui atteint au sud-ouest 2.230
mètres, on n'a pas l'impression d'être dans la haute montagne.
Les hautes plaines steppiques de la bordure nord-ouest sont particulièrement
monotones et soulignées par des dépressions : Hodna, Zahrez
Chergui, Zahrez Gharbi, Chott Chergui, Chott Gharbi. Elles ont une densité
de population encore un peu inférieure à celle de l'Atlas
Saharien, qui est de 4 à 10, alors que dans le Tell elle dépasse
en général 10 à 20, et atteint en certaines régions
40 ou 60. On sait qu'au désert elle tombe aux environs de 1. Malgré
son climat rude et ses faibles ressources, l'Atlas Saharien est donc,
grâceà ses cours d'eau et à sa pluviométrie
un pou favorisé par rapport aux steppes.
L'ANNEXE DE DJELFA
L'annexe de Djelfa (2.700.000 hectares, 111.000
habitants, 4,2 au kilomètre carré) est par excellence le
pays des Ouled Naïl ( à part les Saharis et les Abbaziz; à
part six tribus Ouled Naïl sur BouSaâda et trois aux Ouled
Djellal). Son territoire a la forme d'un rectangle nord-ouest sud-est
entouré par les communes mixtes de Chellala, d'Aïn-Boucif,
Bou-Saâda (dans le département d'Alger), les annexes des
Ouled Djellal et de Touggourt (Territoire de Touggourt), de Ouargla (Territoire
des Oasis), de Ghardaïa et de Laghouat (Territoire de Ghardaïa),
la commune mixte d'Aflou ou du Djebel Amour (département d'Oran).
C'est vraiment le cur de l'Algérie.
Sa géographie physique. est très caractéristique
et simple. La partie nord est cultivée, froide, montueuse, habitée
toute l'année; la partie sud comprend essentiellement la région
des dayas (petites dépressions ensemencées, souvent plantées
de betoums, pistachiers), parcourue par les nomades cinq mois d'hiver.
Le crétacé domine. Les plissements tertiaires sont nord-est
sud-ouest. Les synclinaux sont devenus par l'érosion de larges
cuvettes; les anticlinaux étroits forment d'assez minces chaînons.
Les eaux ont lessivé les sommets crétacés salés,
aboutissant, au nord, à des bassins fermés où elles
s'évaporent, formant des sebkhas, petits chotts comme les deux
Zahrez environnés de sols incultes. Deux gîtes de sel gemme,
le Rocher de Sel et Aïn-el-Hadjar, sont considérés
comme le résultat d'une éruption boueuse gypsosaline. Si
l'on suit une ligne nord-ouest sud-est, on recoupe successivement le synclinal
des Zahrez, l'anticlinal Medjedel-Zenina, un petit synclinal, l'anticlinal
du Djebel Haouas, le synclinal de Djelfa, l'anticlinal du Djebel Zerga,
le synclinal de l'Oued liessaâd et Bou Kahil, l'anticlinal de Messaâd,
dernier relief avant le Sahara. La région des dayas est plate et
les couches tertiaires intactes y recouvrent le crétacé.
La hauteur moyenne des plateaux du nord est de 1.150 mètres. La
chaîne des monts Saharis (Charef, Senalba, Djebel Sahari) atteint
1.568 mètres, les monts proprement dits des Oueld Naïl 1.453
mètres. Le long oued Djedi sépare ces chaînes du nord
de la région des Dayas.
LE CLIMAT ET LES RESSOURCES
Le climat est peu favorable, très
froid en hiver (souvent - 10) avec des gelées précoces en
octobre qui peuvent être désastreuses et des gelées
tardives en avril qui compromettent les céréales, les vergers
et les jardins. Le sirocco est tempéré par l'altitude, mais
le vent, toujours violent et fréquent, accroît la rigueur
du climat, sèche le sol, annihile souvent l'effet des pluies déjà
irrégulières et insuffisantes. Ces pluies brutales rendent
destructeurs les oueds impermanents; ou de longues périodes de
sécheresse. Compromettent la vie des troupeaux et des hommes.
Messaâd, à la limite des deux régions, est bien abritée,
jouit d'un climat plus doux. Le pays des Dayas est déjà
très chaud, et rares sont les nomades qui y estivent.
Il y a de belles forêts dans les monts Saharis : plus de 100.000
hectares peuplés de pins, chênes verts, genévriers.
Dans les monts des Ouled Naïl la forêt est plus clairsemée,
sur les pentes nord; les génevriers prédominent; les pentes
sud sont dénudées. Sur les plateaux croissent l'armoise
(chih), l'alfa et les herbes aimées des moutons. Dans les dépressions
plus humides on cultive des céréales. Autour des points
d'eau, aux résurgences' des oueds, des jardins offrent presque
toutes les variétés d'arbres fruitiers et de légumes.
A Messaâd et Tadmit, les palmiers commencent et cessent les peupliers.
D:ms les Dayas pousse malgré de regrettables destructions, l'étrange
betoum, pistaches, protégé de la dents des bêtes par
un jujubier épineux.
Comme il n'y a pas d'industrie, peu de commerce et guère d'autre
artisanat que le tissage familial, tout cela ne donne pas les bases d'une
grande prospérité. Comme nous le reverrons, la principale
ressource est l'élevage du mouton : 1.400.000 hectares de terrains
de pâture sur lesquels ont peut-être trop tendance à
mordre les labours hasardeux. Elevage,malheureusement compromis, tous
les cinq ou dix ans par de longues sécheresses qui vont jusqu'à
exterminer 80 % du troupeau !
La culture des céréales est en progrès, ce qui n'est
pas forcément un bien, si cela réduit la pâture sans
très grand avantage. Caractéristiques : jachère triennale,
labour unique d'enfouissement des grains après les pluies d'automne,
semences non sélectionnées, moisson à la faucille,
dépiquage au pied des bêtes. Des progrès récents
sont en cours. On pratique parfois les labours de printemps dans le nord-ouest.
En l'absence de tout colon, les S.A.R., secteurs d'amélioration
rurale, jouent depuis quelques années un rôle de pilotes
et procurent des moyens aux fellahs : tracteurs, semences. Environ 70.000
hectares sur 200.000 cultivables sont actuellement emblavés. Le
blé dur l'emporte sur l'orge. Le rendement moyen a un peu gagné,
mais reste faible : 3 pour le blé, 4 pour l'orge. Pour augmenter
les emblavures sans nuire à la pâture, on pourrait gagner
de la terre cultivable au moyen de barrages dans les Zahrez et défricher
des plaines comme celles des Maâlba.
La spécialité des divers centres est la culture des vergers
(900 hectares, dont 400 à Messaâd) avec production d'abricots,
pêches, raisins, grenades et même (à Moudjebara surtout)
cerises, pommes et poires. On compte quelque 2.500 palmiers à Messaâd-Demmad,
mais les dattes sont médiocres. La production de pommes de terre
et légumes est faible sauf à Djelfa ; les choux et artichauts
prospèrent à Zénina ; les fèves servent de
denrées de soudure dans les qçour ou l'on ne mange pas toujours
à sa faim.
L'alfa abonde dans la steppe; les moutons n'en consomment que les jeunes
pousses. On l'utilise en sparterie et surtout pour la pâte à
papier (à l'étranger et depuis quelques années en
Algérie même, à l'usine Cellunaf de Baba-Ali). La
cueillette de quelques dizaines de milliers de tonnes, à des prix
d'ailleurs très variables, procure des salaires d'appoint aux nomades,
quelques revenus à la commune.
DES MOUTONS ET DES HOMMES
Avant d'en venir à l'élevage
et à la transhumance, il faut considérer la population;
il est peu de pays au monde où l'homme et le mouton soient si étroitement
liés.
La population est presque entièrement musulmane 109.450 musulmans
contre 1.231 non-musulmans au recensement de 1954. Les quelque sept cents
israélites de l'annexe sont venus naguère du Mzab; on a
observé un temps chez leurs jeunes gens une certaine tendance à
émigrer en Israël. La population européenne n'augmente
pas; elle a même diminué depuis la suppression de la garnison
de Djelfa. Il n'y a pas de colons. L'élément européen,
à part les fonctionnaires, s'est mal adapté au pays; il
comprend quelques techniciens, chefs d'entreprise, transporteurs; mais
est éliminé, remplacé peu à peu. Par contre,
la population musulmane (relativement stabilisée depuis quelques
années) a doublé en cinquante ans. Elle comprend des nomades
ou demi-nomades, des sédentaires habitant les qçour, et
quelques commerçants mozabites. Les nomades des vingt et une tribus
en forment les deux tiers. Seize centres groupent 25.000 habitants sédentaires.
Depuis une quinzaine d'années, pour diverses raisons sur lesquelles
nous reviendrons, la sédentarisation s'accentue, avec des résultats
divers.
Le Centre de Djelfa est de formation moderne et de style fort banal avec
deux grandes rues se coupant à angle droit, et des maisons très
monotones. Autour de la ville dont les remparts d'argile en ruines sont
à peu près le seul pittoresque, mais que bordent des jardins
et des prairies aux beaux peupliers, se groupent de plus en plus des îlots
satellites de maisons indigènes élémentaires accueillant
les plus ou moins récents sédentarisés, Djelfa s'est
construite autour du bordj fondé en 1852 par Yusuf.
Le Centre avait 114 habitants en 1860, 263 en 1863 (on ouvrait la route
de Laghouat). La commune mixte est créée en 1868. Les indigènes
affluent sérieusement après 1870. En 1920, ils sont 2.835
(y compris 106 mozabites) contre 590 européens. La famine de 1920,
puis la voie ferrée, puis la multiplication des transports et la
route goudronnée déterminent une nouvelle poussée,
pour dépasser 6.000.
Un plan d'urbanisme, peut-être un peu optimiste, prévoit
pour dans vingt cinq ans une popula tion de 20.000.
Si la population de Djelfa a plus que doublé en trente ans, celle
des qçour a presque doublé, ce qui souligne la tendance
à la sédentarisation.
Hassi Babah a 1.200 habitants, Zénina 1.400, Charef 1.100. Dar
Chioukh, enrichi par les émigrants Ouled Bouabdallah qui vont travailler
en France en a 1.100. L'oasis de Messaâd, gros marché du
sud, en compte plus de 6.000. Les anciens militaires retraités
sont nombreux dans ces qçour (2.500 environ). Leur influence est
d'autant plus grande qu'ils appartiennent au premier collège et
constituent un élément politique appréciable.
Trois nouveaux petits villages se sont même constitués depuis
dix ans : Kroa-el-Botma aux Ouled Si Ahmed, El-Euch aux Ouled Abdelkader,
Mliliha aux Ouled Aïffa. Le développement des qçour
s'explique aussi pour une raison très intéressante : aussi
bien d'un point de vue traditionnel que pour des buts progressistes, chaque
tribu tient à avoir son centre avec son entrepôt, son marché,
aujourd'hui son école.
Les nomades participent à la poussée démographique.
Ce sont les tribus de la zone nord-est (Saharis, Ouled Bouabdallah, Ouled
Ben Alia) et les Thouaba qui croissent le moins ou même diminuent.
Les Ouled Naïl, purs arabes de l'invasion hilalienne, forment la
grande majorité des tribus. Ils l'ont emporté sur la couche
plus ancienne des Saharis et des Abbaziz. Les qçouriens sont tous
arabophones aujourd'hui, mais doivent comporter des éléments
d'origine berbère ancienne. Les gens de Demmad, puis Messaâd,
au pied du fameux Castellum Dimmidi, se disent d'origine romaine. Toutes
ces différences tendent d'ailleurs à s'atténuer en
face de l'uniformité administrative, bien que les rivalités
familiales soient toujours aiguës. Le sang tribal est vivace, mais
on se marie de plus en plus entre membres de tribus différentes.
Bien que les conditions géographiques strictes que nous venons
d'envisager ne laissent pas beaucoup de marge, une certaines évolution
se constate. Le niveau de vie (quoique stoppé périodiquement
par* les crises désastreuses de sécheresse) s'est nettement
amélioré malgré la progression démographique.
Le prix du mouton, de sa chair, de sa laine et de sa peau, e monté
plus vite que celui des céréales et e:es produits qu'il
faut importer (sucre, café, thé, huile, légumes,
tissus, carburants, objets manufacturés). Les salaires et les pensions
sont plus substantiels.
L'émigration fournit son appoint. Environ trois mille familles
vont dans le Tell (Sersou, Mitidja, Médéa, Alger), y restent
quelques années ou s'y fixent, Quelque cinq cents ouvriers représentent
en France, notamment à Montluçon, les Ouled Bouabdallah
et les Ouled Abdelkader, y restent en général cinq ou six
ans et envoient des sommes importantes à leurs familles.
La circulation monétaire s'est accrue. On vit de moins en moins
en économie fermée. La fréquentation des Européens,
l'autocar, la radio, le cinéma n'ont pas laissé d'agir sur
la mentalité et le comportement des nomades. Le pasteur biblique
regarde durs le journal le cours de la laine, sait les conséquences
des achats américains, ou des restrictions de la guerre de Corée
ou de la hausse de l'or, prend le téléphone pour discuter
avec les démarcheurs algérois ou marseillais le cours du
mouton sur pied selon l'état des pâturages.
Le Qçourien se nourrit moins bien, a une vie moins saine, mais
plus encore de facilités, surtout à Djelfa, pour évoluer.
La polygamie est en régression; les Qçouriens sont presque
tous monogames.
Pour accentuer ces progrès ou pour les stabiliser en regard de
l'accroissement de la population, les moyens sont assez réduits
: en dehors d'un petit développement possible des cultures de céréales
par des irrigations nouvelles,. là où cela ne gêne
pas le mouton, il n'y a qu'un but essentiel à rechercher : pallier,
par l'accroissement des fourrages et des points d'eau aux effets désastreux
des périodes de sécheresse. C'est encore l'histoire biblique
de Joseph, des vaches grasses et des vaches maigres. En rapprochant l'éleveur
et le cultivateur de l'école, de la poste, de l'assistance médicale,
d'une administration plus étoffée, plus efficace et plus
dégagée des influences locales, on peut d'ailleurs espérer
obtenir indirectement des intéressés un plus grand esprit
de prévoyance et d'adaptation.
Le troupeau normal est d'environ 600.000 moutons, 120.000 chèvres,
15.000 chameaux, 10.000 bovins, 11.000 ânes, 500 mulets, 3.000 chevaux
barbes. Il dispose d'environ 1.500,000 hectares de pâturage. Peu
de moutons nomadisent hors de l'annexe (35.000 en temps normal vers le
Sersou, Aïn-Boucif et Chellala; 100.000 dans les mauvaises années).
Si l'on compte qu'un chameau mange à peu près comme dix
moutons, un buf, si forcément sobre qu'il soit, comme six,
on voit que chaque animal dispose seulement de 1 hectare et demi de steppe.
C'est peu car le terrain n'est pas homogène et certains lieux sont
impraticable faute d'eau. Il faut sans doute ajouter les 1.150.000 hectares
de la partie sud, mais ils ne sont pas toujours accessibles. L'encombrement
est toujours grand sur les plateaux de la moitié nord. Il devient
dangereux s'il dépasse les 800.000.
Les bufs sont maigres, sauf dans les Zahrez c à Zénina.
Les chèvres guident le troupeau et appartiennent au berger. Les
chevaux sont un luxe passionnément aimé. " Je suis
le caïd des plus beaux chevaux et des plus jolies femmes " disait
le caïd de la tribu des Ouled Sidi Ahmed, le capitaine Ben- chérif
(auteur en français du livre sur le Pèlerinage
à La Mecque et d'un roman Le Cavalier), fidèle
aux traditions de la poésie arabe. Mais c'est le mouton qui est
le maître et le roi, la sources de toute richesse dont dépend
non seulement la prospérité, mais à la lettre, la
vie même de la plupart des habitants de l'annexe.
Le mouton naïli n'est pas le mouton à grosse queue des Aurès
dont la réserve de graisse caudale et d'odeur forte, a contribué
au discrédit dont souffrit longtemps le mouton " africain
" dans les boucheries de la métropole. Il est très
résistant, grand, avec des membres grêles, la toison blanche,
la tête dégagée, blanche ou pigmentée de brun
clair,
LA TRANSHUMANCE
Les transhumants vont donc, en gros, hiverner
dans la région sud, remontent au printemps sur les plateaux du
nord, vendent les moutons engraissés, vont, avec ou sans mouton,
et en certain nombre estiver dans le Tell, pour revenir en automne dans
la partie centrale ou septentrionale de l'annexe. Mais ce mouvement n'est
pas comparable à celui des grands nomades Saïd Otba par exemple,
entre Ouargla et le Sersou, ni même à celui des Larbaâ
de l'annexe de Laghouat. Le plus gros des mouvements Ouled Naïl se
fait dans les limites de l'annexe de Djelfa. Les déplacements vers
le Sersou et les communes du département d'Alger concernant moins
les moutons que les hommes. Ceux-ci, au nombre de plus de 15.000 vont
travailler à la moisson et à la cueillette des lentilles
dans le nord en été. Mal payés, ils gagnent juste
de quoi rapporter une provision de blé pour une partie de l'hiver.
C'est pourtant ainsi que les travaux agricoles saisonniers du Sersou,
des régions de Boghari et Aïn-Boucif, sont presque entièrement
faits par les travailleurs fils de Naïl.
Pour préciser davantage, les seules tribus vraiment nomades sont
celles du sud de la piste DjelfaBou-Saâda : elle. hivernent dans
l'oued Djedi et des Dayas, vont en petits groupes, chercher des dattes
au Mzab et dans l'Oued Righ, estivent dans les vallées du nord
de l'annexe. Les Ouled Ameur vont parfois, au nord-est, chez les Adaoura
de la commune de Sidi-Aïssa.
Les déplacements s'accompagnent souvent d'ensemencements. Pendant
quelques jours le pasteur devient agriculteur. Il s'arrête dans
un lieu favorable, laboure, sème, en automne, ou, dans certaines
régions, au printemps, et fait au retour la moisson, si Dieu a
bien voulu qu'elle pousse.
LA CHARRUE
L'araire traditionnel du pays est l'araire
dental, dans lequel le timon est isolé du manche qui s'élève
à part, alors que dans l'araire manche - sep le timon traverse
le mancheron et que dans l'araire -- chambige c'est le mancheron qui traverse
le timon infléchi : l'araire dental, qui pénètre
moins le sol, est utilisé à l'ouest et au sud d'Alger, ainsi
qu'à Ouargla. L'araire manche-sep est celui de la Kabylie et des
Aurès (Haudricourt et M. Jean Brunhes Delamare,
L' homme et la charrue, 1955, p. 255, d'après Cantineau.).
Depuis plusieurs années d'ailleurs, dans les exploitations plus
stables que les semis hasardeux des nomades, c'est la petite charrue en
fer moderne que l'on trouve presque partout.
A propos de charrue, il faut signaler un malentendu qui se répète
souvent. Le prophète Mohammed aurait dit : " la charrue
n'entre pas dans une maison sans que la bassesse entre en même temps
dans les âmes ". Et l'on oppose pasteur et agriculteur
nomade et sédentaire pour insinuer une hostilité congénitale
de l'Islam et de l'arabisme contre l'agriculture, Quel que soit le sens
de ce hadits fameux, il est contredit par un autre non moins célèbre,
sur le mérite de celui qui revivifie une terre. Les diatribes du
Coran contre les Arabes du désert semblent bien souligner que l'Islam
eut d'abord son terrain de prédilection dans les oasis comme Médine.
Quoi qu'il en soit, le Pr Capot-Rey remarque (Le Sahara
français, 1953, p. 220.) que si le nomade fait cultiver
son jardin de l'oasis, il laboure lui-même son terrain des dayas.
Il est même à peu près le seul à user de la
charrue au Sahara.
Cet usage d'ensemencer certaines places en cours de route contribue, on
le comprend, à diminuer les caprices du nomadisme, à régulariser
les déplacements et ,à en diminuer l'ampleur. Le nomade
semble y tenir beaucoup, bien que le rapport soit des plus irréguliers
et fort aléatoires. " Le grain qu'il confie au sol est
moins un capital qu'il prête qu'un enjeu qu'il risque; il n'y a
pas de contrat entre la terre et l'homme. "
Presque partout, la tente naïla est la tente rouge et noire, qui
s'oppose à la tente noire des Larbaâ de l'annexe de Laghouat.
Ses longs flijes font alterner les deux couleurs sur un plan rectangulaire
au faîte caréné soutenu par une barre transversale,
et deux rangées de poteaux de part et d'autre, un long toit tombant
jusqu'à terre, un côté relevé formant porte.
Cette khaïma normale peut abriter cinq à dix
personnes. Elle représente un petit capital et son entretien convenable
peut revenir à une cinquantaine de mille francs par an. Pendant
la désastreuse crise de 1945-1946, beaucoup de tentes disparurent
et l'on vit surgir plus de trois mille affreux gourbis de pierres et de
toub pour abriter les vaincus du désert, véritables naufragés.
SIDI NAIL, LE SAINT
ÉPONYME
Les Romains occupèrent le pays. Le
poste de Demmad-Messaàd est bien connu et a été étudié
à fond par Gilbert C. Picard. D'autres postes ont étérelevés
au Kef Serdoun et sur l'Oued Djedi. Le R.P. Lethielleux, qui est actuellement
le grand connaisseur de la région, a noté de nombreuses
traces probables dans les environs de Djelfa, Charef, etc. On s'est demandé
comment ce limes pouvait être aussi avancé dans le Sud. Mais
Castellum Dimmidi ne pouvait être tellement en l'air. L'on fait
en effet passer par Boghar et la route de Letourneux le limes de l'Algérois,
Mauritanie Césarienne. Sans doute y avait-il là comme un
double limes, un chevauchement, le limes bien connu de la Numidie et de
la région Biskra--Touggourt descendant assez loin vers le sud-ouest,
venant pour ainsi dire doubler celui de l'Algérois commencé
plus au nord.
L'invasion arabe de Sidi Oqba, au milieu du VII" siècle, ne
dut pas avoir beaucoup d'effet sur le pays. Mais la grande invasion hilalienne
du milieu du XI' siècle eut pour conséquence de l'arabiser
peu à peu complètement. Vinrent d'abord les Riah, puis les
Bou Aïch, les Aziz, les Bou Hasseni, les Mouidat, les Zenakra qui
repoussèrent au nord-ouest les Saharis aborigènes du Djebel
Mechentel, aujourd'hui Djebel Sahari.
La vie de Sidi Naïl ben Naïl semble avoir rempli tout le XVI"
siècle. On donne comme dates approximatives 1500-1594. D'une famille
de chorfa idrisside, comme il convient, venu du Figuig, il aurait été
l'un des " égorgés " de Sidi Ahmed ben Youssef,
enterré à Miliana en 1517 : pour mettre à l'épreuve
ses fidèles, Sidi Ahmed ben Youssef avait fait semblant d'avoir,
sur un ordre divin, à égorger ses sept meilleurs disciples,
seul le sang des moutons' avait coulé, mais le maître savait
désormais sur qui compter; ces hommes pouvaient être entre
les mains de leur cheikh " comme le cadavre entre les mains du
laveur des morts ".
Sidi Naïl s'établit d'abord à Mendès, chez les
Flittas (aujourd'hui commune mixte de Zemmora). Frappés par la
beauté déjà remarquable des filles de la famille
Naïl, les Flittas demandèrent des femmes en échange
de blé. Mécontent, le saint quitta le pays et prit la direction
du sud-est, après avoir lancé contre les Flittas ce dicton
satirique : " Mieux vaut la vie pénible du Boubiadha (lézard
des touffes de quethaf) dans les sables du désert, que Mendès
et son blé ".
Sidi Naïl avait la double vue des péchés. Il voyait
dans une piscine les fautes des gens qui s'y lavaient. Les péchés
qu'il réprouvait le plus étaient la pédérastie,
la diffamation, le meurtre des êtres dont Dieu a ordonné
de respecter la vie. Quelques dictons assonances qu'on lui attribue dénotent
un solide bon sens, sans mysticisme échevelé. " O
toi qui demandes ce qu'il faut faire pour une tache sur le pan d'un vêtement,
lave la place de la tache et ne te donne pas plus de mal; mais si le vêtement
est souillé partout, le mieux à faire est de le laver entièrement
". " Ne nourris pas de soupçons contre ta femme; ne
fréquente pas les gens vils; bien fou est celui qui rappelle le
passant qui s'éloigne. "
Il eut personnellement à mettre en pratique le précepte
de ne pas être jaloux. Les autres conseils dénotent de la
modestie, une bienveillance un peu désabusée, une modération
retenant d'en trop faire une prudence évitant de courir après
les dépenses (ne pas rappeler l'hôte éventuel qui
s'en va).
A Aïn Rich, il se maria et étudia sous le savant Sidi Belhadj
el Kerti ; puis il partit pour la Mecque, confiant sa famille à
son disciple et ami Malik. Au retour il aurait trouvé un enfant
de plus qu'il n'y aurait dû, semblait-il, y en avoir. Sagement,
il décida que l'enfant avait dû " s'endormir "
dans le sein de sa mère Cheliha et le nomma Malik ben Naïl.
Se dirigeant par la suite vers Sour Ghozlan (le Rempart des Gazelles,
aujourd'hui Aumale), il mourut sur les bords de l'oued Sebisseb. Il y
est enterré à la Hammadat Sidi Naïl, chez les Ouled
Belhout (Commune Mixte de Sidi Aïssa), dans un cimetière où
l'on ne doit ensevelir que des enfants assez jeunes pour n'avoir connu
ni le péché ni le mensonge.
Malgré ce trait touchant, la tombe est aujourd'hui à peu
près abandonnée. On s'y rendait encore souvent en pèlerinage
dans les dernières années du XIX" siècle. Mais
les Ouled Naïl négligent aujourd'hui leur grand ancêtre
et se rendent plutôt à la tombe d'un de ses arrière-petits-fils,
considéré comme plus spécialement marabout, Sidi
Abderrahman, fils de Salem, fils de Malik, fils de Naïl, tige des
Ouled Sidi Mhammed, à Oued Chaïr, sur la route de Bou-Saâda
- Ouled-Djellal.
La généalogie de Sidi Naïl est un tableau imposant
et fort chargé, où se succèdent les éponymes
des diverses tribus et fractions. Certains tableaux semblent au départ
mélanger les fils et petits-fils. Zekri, fils de Naïl, est
l'ancêtre des Ouled Naïl de l'est, ceux qui n'accompagnèrent
pas les autres dans leur exode vers l'ouest et la conquête de leur
domaine actuel. Yahia eut de nombreux descendants. Mais c'est surtout
Malik qui est l'ancêtre de la branche mère et des tribus
les plus influentes. Il eut comme fils Salem, Amer et Yahia. Amer donna
son nom aux Ouled Amer, et Yahia aux Ouled Feredj et aux Ouled Aïssa.
Salem engendra le vénéré Sidi Abderrahman, père
de Sidi Mhammed, ancêtre des Ouled Sidi Mhammed, lesquels se divisent,
d'après ses trois épouses, en Ouled Cheliha (Ouled Sidi
Ahmed et Ouled el Ghouini), en Ouled Dia (Abdelkader et Bouabdallah) et
en Ouled Oumhani (Tameur). Des deux autres fils de Salem descendent les
Ouled Saad ben Salem et les Ouled Yahia ben Salem.
En vertu d'une bénédiction de leur grand-père Abderrahman,
les descendants de Sidi Mhammed avaient une prééminence
purement théorique, mais assez sensible pour que les Turcs prissent
chez eux la plupart des chefs, comme le fit ensuite Abdelka-der. Aujourd'hui
encore, c'est la grande famille d'El Guendouz des Ouled el Ghouini, avec
les Lahrech, Belahrech et Bencherif, qui fournit la plupart des caïds.
Comme on le voit, la répartition tribale est théoriquement
basée sur les liens du sang, la parenté agnatique, la filiation
à partir d'un ancêtre commun. Mais ce serait une erreur de
croire qu'il en est strictement ainsi dans la réalité ;
il ne doit pas y avoir beaucoup de tribus qui n'aient intégré
des groupes 'de provenances diverses. Avant de se fixer, elles avaient
l'occasion d'entraîner dans leur orbite de pareils clients ; fixées,
elles tendent aujourd'hui à se rapprocher de la conception territoriale
moderne et à moins éviter les mélanges sur le plan
individuel. Les fils de Naïl arrivèrent en tribus déjà
bien constituées et soumirent ou repoussèrent celles qui
occupaient la région. D'entre celles-ci restèrent, à
côté des envahisseurs : les Saharis Khobeizat et les Saharis
el Attaya, peut-être d'origine berbère, mais très
arabisés ; et des tribus maraboutiques : Ouled Ben Alia, Ouled
Sidi Younès de Zénina, Abbaziz de Charef, descendant de
Sidi Abdelaziz. Quant aux Ouled Zid, apparentés à ceux de
Ouargla, Biskra et Metlili, ils seraient le reste des Riah, premiers envahisseurs
arabes du pays en 1047.
LA CONQUETE DU PAYS
PAR LES FILS DE NAIL
Laissant donc les tribus filles de Zekri
dans le Sud-Constantinois, une vingtaine de tribus naïlias quittèrent
l'Oued Djedi et Sidi Khaled, au XVII' siècle, dans la direction
de l'Ouest. Arrivés dans la région qui correspond à
l'actuelle annexe de Djelfa, ils repoussèrent ceux des Larbaa qui
l'occupaient, ainsi que les Bouaïch et les Mouïdat, et composèrent
avec les Abbaziz et les Saharis. Tel est en gros le schéma, qui
comporte bien des péripéties dont le souvenir s'est conservé
dans les traditions familiales ou hagiographiques et dans les chants épiques.
La chronologie des événements n'est pas très claire
; l'orgueil aristocratique et la jactance tribale s'ajoutent à
l'insatiable besoin de merveilleux pour composer un tableau tracé
plus par l'imagination que par la méthode critique, mais qui n'en
est pas moins plein d'enseignement du point de vue de la sociologie.
Les monts Sahari portaient alors le beau nom de Djebel Mechentel. Ils
étaient le bastion, assez peu solide et nullement comparable aux
massifs des Kabylies et des Aurès, d'un peuple nommé Sahari
et déjà, semble-t-il, fortement arabisé. Assez énigmatiques,
mi-chair, mi-poisson, accablés par le destin, les Saharis paraissent
s'être repliés sur eux-mêmes et avoir renoncé
à jouer un grand rôle. Ils vivaient sous la tente, tout en
ayant de nombreux petits qçour sur les hauteurs. Ils avaient accueilli,
bon gré, mal gré, quelques Bouazid, descendants de l'illustre
Sidi Bou Zid, du Djebel Amour, qui construisirent des villages sédentaires
jusqu'auprès de Charef, mais qui en furent chassés avant
l'arrivée des Ouled Naïl.
Plus graves avaient été les guerres entre Saharis et Bouaïch
ou Ouled Bou Aïcha. On garde le souvenir d'une sanglante bataille
sur les bords de l'Oued Mendjel, qui coûta 67 morts aux uns, 71
aux autres, et d'une autre mêlée où l'intervention
du grand saint Sidi Mohammed ben Alia donna la victoire aux Saharis. Une
troisième défaite décida les Bouaïch à
fuir vers le Nord jusque dans la région de Boghari, conformément
à une nouvelle malédiction de Sidi Ben Alia, à la
suite d'une atroce histoire : des Bouaïch, revenant bredouilles de
la chasse au faucon, auraient donné à manger à leurs
oiseaux de proie un bébé Sahari.
Une autre fois, les Saharis, attaqués par les Larbaa du Sud et
leurs alliés, durent fuir jusqu'aux monts de Guelt es Stel, mais
profitèrent de la nuit pour exterminer leurs adversaires.
Les Ouled Naïl assistaient, de l'Est, à ces dissensions. Ils
durent sentir que le moment était venu d'en profiter. Une nouvelle
da'oua de Sidi Ben Alia, décidément fécond en malédictions,
leur ouvrit le pays. Ce saint, qui vivait dans la pauvreté, ou
du moins dans une médiocre aisance, rechercha en mariage la fille
d'un Sahari des Ouled Rached, Ibn Haradj, qui le repoussa dédaigneusement,
déclarant qu'il aimerait mieux donner sa fille à son nègre.
Ben Alia, courroucé, maudit les Saharis et proclama que les Ouled
Naïl lui achèteraient la faveur qu'on venait de lui refuser.
En effet, un Naïli de la fraction des Ouled Saâd ben Salem
vint offrir au saint, avec sa fille d'une beauté remarquable, un
taureau blanc et vingt brebis tachetées de noir. Ben Alia prédit
à nouveau toutes sortes de malheurs et d'humiliations aux Saharis,
et promit aux fils de Naïl les richesses de ce monde avec le succès
des armes : " Vous pèserez sur le cou des Saharis plus
lourdement que le joug sur le cou des taureaux. " Les Ouled Naïl
ne demandaient qu'à profiter de cette baraka. Si les bénédictions,
les anathèmes et les miracles des saints n'engendrent pas les événements,
ils les soulignent, les sertissent, en conservent la mémoire et
en donnent de raisons qui, pour être légendaires ou allégoriques,
n'en comportent pas moins beaucoup de vérité.
Les fils de Naïl commencèrent par écraser successivement
les Saharis, les Bouaïch et les Mouïdat, et s'installèrent
solidement au coeur du pays de façon à bien tenir et à
contrôler fructueusement la route du Sud. Une seconde poussée
leur assura la possession de tout le Zahrez, et les Bouaïch furent
pourchassés jusqu'à Aïn-Boucif.
LES MALHEURS DES SAHARIS
Les Saharis avaient composé. Les uns
partirent vers les Ziban, Bou-Saâada ou le Titteri. Les autres restèrent.
Certains même, comme la famille des Ouled Kacer s'agrégèrent
aux Ouled el Ghouinî des Ouled Naïl, selon le processus que
nous avons indiqué. Sidi Mhammed Ben Alia ne cessait de les brocarder.
Du moins met-on sous son nom des comparaisons assonancées avec
des copeaux, rebuts inégaux d'une planche dégrossie, avec
un fouillis de faucilles enchevêtrées pêle-mêle
dans un sac, avec une selle couverte d'un beau maroquin rouge, mais dont
le dessous mal fait blesse la monture... Comme s'ils se courbaient d'eux-mêmes
sous la malédiction du saint, ils se laissèrent grignoter
et tondre, se replièrent sur eux-mêmes, et ne cessèrent
de décliner à tel point que les Turcs durent réduire
leurs impôts â un tribut quasi symbolique. Un refus de leur
part entraîna une nouvelle épreuve, trois tribus naïlias
ayant été lâchées contre eux par le bey du
Titteri.
C'est du XVIIe siècle que doit dater la destruction d'un certain
nombre de petits qçour, lieux d'habitation, d'entrepôt ou
de refuge, dont on voit maintes ruines sur les hauteurs. D'autres qçour,
plus ou moins anciens, disparurent par la suite. Rien n'est plus capricieux
que la vie de ces petits villages fortifiés, abandonnés
pour les raisons les plus diverses . guerre, discordes intestines, progrès
de la sécurité, déplacement d'une source... Ce dernier
fait, dans ces terrains torturés, peut se produire à le
suite d'une petite secousse sismique.
Il semble qu'au XVIIe siècle beaucoup de ces qçour, habités
soit par des sédentaires, soit par des demi-nomades, furent liquidés
par les envahisseurs Et que cet abandon fut facilité par des discordes
intestines. C'est ce que le R.P. Le Thielleux appelle la " conflagration
du chacal ". Des légendes expliquent ces destructions par
des récits similaires qui mettent en relief l'absurdité
néfaste des dissensions. Sept qçour des Draba du Djebal
Sendjas auraient été détruits pour avoir refusé
le tribut aux Ouled Naïl. Le village de Khaneg el Arar, la gorge
des genévriers, doit sa ruine au fait suivant : tandis que les
hommes jouaient au sig, sorte de jeu de jonchets, les femmes rivalisaient
d'épigrammes rimées. Une querella naquit et s'envenima si
vite que les gens s'entr'égorgèrent. Il ne survécut
qu'un chien nommé arar et deux vieilles. Une d'elles tua le chien
; alors elles se battirent et se tuèrent mutuellement. Un autre
qçar des Draba fut ruiné pour n'avoir point .écouté
les avertissements d'une femme nommée Makhoula, à la vue
et à la double vue très perçantes. Plus au sud, à
Tadmit, un des qçour successifs aurait été ruiné
de même, selon une tradition recueillie déjà par l'interprète
Arnaud vers 1860 : un homme du quartier ouest avait élevé
un chacal qu'il aimait beaucoup ; le chacal devenu grand étrangla
des moutons appartenant à des gens du quartier est, qui le tuèrent
; d'où massacre général. Une inscription précisa
: " Un petit chacal fut cause de la ruine de notre. ville. "
L'OCCUPATION FRANÇAISE
Il n'y a pas lieu de nous attarder aux quelques
soulèvements monotones contre les Turcs. Ceux-ci n'avaient sur
les Ouled Naïl qu'une domination théorique symbolisée
par des impôts pas toujours faciles à percevoir. Ils choisissaient
pourtant les caïds - parmi, en général, les cinq tribus
Ouled Sidi Mhamined élevées au rang des tribus makhzen,
auxiliaires du beylik. Quand Alger capitula, en 1830, le caïd qui
percevait l'impôt dans le Zahrez pour le bey du Titteri, rejoignit
prudemment Médéa, et les Ouled Naïl retournèrent
allègrement à une liberté voisine de l'anarchie.
L'émir Abdelkader réussit par la suite à leur imposer
son autorité après l'équipée de Sidi Moûssa
Ben el Hassan, un aventurier mystique, originaire d'Egypte, installé
à Laghoùat en 1829 et affilié à la confrérie
des Derqaoua, alors très virulente, aussi ennemie des Turcs que
des infidèles. Après des séjours et des prédications
à Messaâd, dans le Djebel Sahari et chez les Abbaziz, Sidi
Moussa appela tous les Ouled Naïl aux armes contre Abdelkader alors
allié des Français. Avec 3.000 cavaliers et 2.000 fantassins
assez mal armés, il arriva devant Médéa qui négocia.
En mars 1335, Abdelkader quitta Mascara, rencontra aux environs de Mouzaïa
l'armée déjà aux trois quarts débandée
du fanatique, et l'écrasa sous le feu de son artillerie. Moûssa
se cacha dans la montagne et à Messaad. Il devait en être
chassé par Marey-Monge en 1847, fuir à Metlili 'et périr
au siège de Zaatcha. Abdelkader soumit les Ouled Naïl et leur
donna six cheiks sous l'autorité de Si Abdeselam ben el Guendouz,
des Ouled el Ghouini, puis sous celle de trois aghas et d'un khalifa,
Si Chérif ben el Ahrech, neveu de Si Abdesselam.
Après la prise de la smala, les Ouled Naïl, qui ne pouvaient
se passer de leurs relations d'été avec le Tell, se rapprochèrent
de la France. Ils accueillirent bien le général Marey-Monge,
commandant la . subdivision de Médéa, qui s'aventurant le
premier aussi loin dans le sud, franchit en 1843 les monts Saharis, poussa
jusqu'à Zaccar, rencontra Ahmed Bensalem, chef de Laghouat, accueillit
ses propositions de placer tout le Sud-Algérois sous le protectorat
français et le nomma khalifa. Les années suivantes, Marey
et le terrible général Yusuf guerroyèrent dans le
pays. Puis Si Chérif se soumit, après la reddition d'Abdelkader,
et fut nommé en 1850 agha, et en 1853 khalifa de tous les Ouled
Naïl de la province d'Alger, après avoir énergiquement
réprimé toutes les dissidences. Laghouat prise, Djelfa fut
fondée et rattachée au cercle de Laghouat.
Emile DERMENGHEM.
BIOLIOGRAPHIE SOMMAIRE
ARNAUD. -- Notice sur les Sahari, les Oulad ben Aliya, les Oulad Naïl
et sur l'origine ries tribus Chorfa ; Revue Africaine, 1864.
- Histoire des Oulad Naïl, faisant suite à celle des Sahari
; Revue Africaine, 1872 et 1873.
- Exploration du Djebel Bou Kahil et des Ksar de l'annexe de Djelfa ;
Revue Africaine, 1863.
Artisanat (L') traditionnel dans les départements d'Alger et le
Territoire de Ghardaïa ; Documents Algériens, Série
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BALOUT (Lionel). Préhistoire de l'Afrique du Nord, 1955.
BARADEZ (colonel). Fossatum Africae, 1949.
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- La pénétration saharienne, 1906.
- L'évolution du nomadisme en Algérie, 1906.
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BRIDIER (Marcelle). Tissage nomade algérien ; Cahiers des arts
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CAPOT-REY (Robert). Le Sahara français, 1953,
- Le nomadisme pastoral dans le Sahara français ; Travaux Institut
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FROMENTIN. Un été dans le Sahara. 1857 et 1888.
GAUTIER E.F.
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-- La conquête du Sahara, 1910.
GOUVION (Marthe et Edouard). Kitab Aayane el Marhariba, 1920.
IBN KHALDOUN. Histoire des Berbères, trad. de Slane, 4 vol. 1852-1856
; 2e édition, 3 vol. parus, 1925-1934.
LEHURAUX (Léon)
- Le nomadisme et la colonisation sur les Hauts Plateaux de l'Algérie,
1931.
- Où va le nomadisme en Algérie, 1948.
LETHIELLEUX (R.P.). Manuscrit inédit.
MARÇAIS (Georges). Les Arabes en Berbérie du XIe au XIVe
siècle, 1914.
MAREY-MONGE (général)
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- Notes sur les Ouled Naïl ; Archives G.G.A., 2-E-14 et 21-H-18.
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TRUMELET (colonel). L'Algérie légendaire, 1892.
VAUFREY (Raymond). Préhistoire de l'Afrimie, I, Le Maghreb, 1956.
Archives du Gouvernement Général de l'Algérie, notamment
: 2-E-14 ; 21-H-18 ; 8-X-100 ; 19-X-2 ; 25-Y-1.
Archives de la Commune Mixte de Djelfa.
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