Alger, Algérie : documents algériens
Série monographies : Sahara
Les relations humaines à travers le Sahara dans la préhistoire et l'Histoire
7 pages - n° 10 - 15 décembre 1952

Plaines immenses, presque sans limites. A peine quelques groupes montagneux importants : régions du Hoggar, du Tassili des Ajjeur, de l'Adrar et l'Air soudanais. Donc, en général, parcours facile à priori. Même les montagnes sont facilement perméables, étant coupées de vallées, routes indiquées pour les mouvements humains.
-----------Or, le Sahara est resté longtemps un des pays les plus inhumains. Le climat d'abord, supportable en hiver, mais très dur en été. Le manque d'eau ensuite, car aucun des grands fleuves dont le lit est encore reconnaissable dans le désert, ne coule plus à l'air libre sinon, et très temporairement à sa source.

mise sur site en août 2005
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-----------" Aussi loin qu'il est donné à l'humanité de remonter dans ses souvenirs, elle trouve l'Afrique. L'Egypte, un doigt sur les lèvres, est assise au seuil des civilisations. Au delà, il n'y a plus que la nuit ! Or, aujourd'hui, qu'après vingt mille ans (car on ne peut nombrer les siècles) l'homme achève de parcourir la planète, la ' terre qu'il découvre la dernière, c'est encore l'Afrique. L'Afrique est à la fois la plus ancienne et la plus récente conquête de l'humanité .Pendant la durée d'une si longue histoire, ce continent a fait défaut à l'histoire. "
-----------Ainsi s'exprimait en termes éloquents, M. G. Hanotaux dans son discours d'ouverture de la session du Congrès de Géographie d'Oran vers 1889. Il est bien exact que l'Afrique, pendant des Siècles, est restée ignorée, du monde Européen qui déniait toute histoire quelconque à cette poussière de peuplades, de tribus, de petits États que la statistique et l'ethnographie elle-même avaient de la peine à ranger en groupes distincts.
-----------Or; depuis le Congrès d'Oran, la connaissance de la préhistoire et l'histoire de l'Afrique, ont fait des progrès considérables. Toute une lignée d'explorateurs et de savants se sont efforcés, en particulier, de reconnaître en tous sens le Sahara et d'y découvrir des traces de son passé jusqu'aux plus lointaines époques. Des traductions ont été faites des récits des anciens voyageurs Arabes et Berbères. Des travaux importants ont été publiés par nos contemporains, touchant la géographie, la géologie, la préhistoire et l'histoire de l'immense région comprise entre l'Afrique noire et l'Afrique du Nord, éclairant de quelques lueurs, encore incomplètes d'ailleurs, les aventures de l'homme dans cette contrée qui ne fut peut-être pas toujours un Désert. _
-----------Il nous a paru intéressant d'examiner à la lumière des données générales acquises par la science, quelle fut la nature des relations humaines à travers le Sahara, depuis les époques les plus reculées où l'homme ait oser s'aventurer, jusqu'à notre temps où de nouvelles techniques ont permis de mettre ces relations au niveau de celles qui dans l'ensemble du monde, règlent désormais les contacts des hommes des différentes races entre eux.

L E PAYS.

-----------Aspect géographique du Sahara.
-----------Plaines immenses, presque sans limites. A peine quelques groupes montagneux importants : régions du Hoggar, du Tassili des Ajjeur, de l'Adrar et l'Air soudanais. Donc, en général, parcours facile à priori. Même les montagnes sont facilement perméables, étant coupées de vallées, routes indiquées pour les mouvements humains.
-----------Or, le Sahara est resté longtemps un des pays les plus inhumains. Le climat d'abord, supportable en hiver, mais très dur en été. Le manque d'eau ensuite, car aucun des grands fleuves dont le lit est encore reconnaissable dans le désert, ne coule plus à l'air libre sinon, et très temporairement à sa source.
-----------A peine quelques puits creusés par l'homme, quelques réservoirs naturels (Redir des Arabes-Aguelmans des Berbères). Puits éloignés les uns des autres, parfois de 3 à 400 kilomètres.
-----------Jusqu'à l'occupation française, un obstacle plus redoutable existait : c'était l'homme lui-même : Maures du Sahara occidental, Touareg du Sahara central, Tebbous du Tibbesti, opposaient à toute pénétration leurs bandes pillardes ou (dans les époques de paix relatives) leurs prétentions à des dîmes excessives sur les marchandises qui passaient à leur portée.
-----------Mais, même pour ces pillards, les distances restaient grandes, impossibles à parcourir par les animaux de bât ordinaires. Seuls chameaux et mehara pouvaient supporter ces longues étapes et se contenter des maigres pâturages rencontrés.

LE SAHARA DANS LA PRÉHISTOIRE.

-----------Les découvertes faites sur la préhistoire du Sahara, sont de date toute récente. Les reconnaissances et explorations qui n'avaient débuté qu'avec Barth vers 1850, avaient permis de constater l'existence de bassins fluviaux très importants auxquels il ne manquait que de l'eau pour arroser le Désert et faciliter les relations humaines.
-----------Faut-il citer entre autres, de l'Ouest à l'Est, les bassins de l'Oued Ghir et de la Saoura distinctement tracés à travers les sables, à partir de l'Atlas marocain et qui ne vont se perdre dans le Sahara qu'après avoir arrosé de leurs eaux, presque dès le début souterraines, des régions d'oasis importantes dont la rue des Oasis de la Satura est la plus typique.
-----------Et encore l'Oued Igharghar qui, né dans le massif du Hoggar, se prolonge vers le Nord, nettement visible jusque dans cette autre rue des Oasis que représente la contrée de l'Oued Rhir, aujourd'hui enrichie par des eaux souterraines jaillissantes. L'Oued se termine dans une région de Chotts et on sait que des ingénieurs se trouvèrent pour proposer de rendre à cet immense fleuve, le débouché qu'il avait jadis dans la Méditerranée, en créant à son issue, une vaste mer intérieure (projet du Commandant Hou-claire).
-----------Nous nous garderons bien d'oublier (ayant nous-mêmes signalé ce phénomène dès 1904) que l'actuel Niger se jeta jadis dans un lac ou une mer intérieure située dans la région d'Arraouan, jusqu'au mo - nient où, par suite d'un phénomène de capture, bien connu, ses eaux furent " captées " par celles des grands fleuves descendus du Hoggar et de l'Air vers le Golfe de Guinée ".
-----------N'avions nous-mêmes pas généralisé cette constatation en émettant l'hypothèse d'un changement probable dans un avenir plus ou moins lointain, du cours actuel du Chari qui serait finalement " capté ;. par la Bénoué, grand affluent du Niger dont les eaux vont se jeter aussi dans le Golfe de Guinée ?
-----------Tout permet donc de supposer que le Sahara inhumain d'aujourd'hui, fut à une époque lointaine (et qu'on ne peut chiffrer en l'état actuel) un pays bien arrosé et par suite fertile et capable de nourrir une certaine population.
-----------De fait, des officiers sahariens et des explorateurs (parmi lesquels il serait injuste de ne pas mentionner le savant Henri Lhote) ont fait sur les rives de ces fleuves, des découvertes singulières : amas d'arêtes de poissons et d'ustensiles de pierre destinés à broyer le grain, démontrant l'existence en ces temps reculés de villages de pêcheurs et d'agriculteurs.
-----------Ailleurs, ce sont des ateliers de l'âge de la pierre taillée où l'on trouve de véritables amas de pointes de flèches, de lances, de grattoirs, sans compter des objets sculptés dont on ne connaît pas toujours l'usage. -
-----------Les régions montagneuses où vécurent jadis d'autres hommes, dont les principales industries paraissent avoir été la chasse et l'élevage, renferment d'ailleurs de véritables trésors, sous la forme de dessins et parfois de peintures, reproduisant les figures des hommes et des animaux qui peuplèrent jadis ces régions. Nombreux sont les officiers et les savants qui ont pu faire de telles trouvailles et, en ce moment même sont poursuivies des prospections qui viendront heureusement compléter celles faites notamment par Henri Lhote
-----------Parmi ces dessins préhistoriques on retrouve des traces d'une faune aujourd'hui disparue, sans doute en grande partie par suite d'un assèchement du climat : girafes, hippopotames, rhinocéros, dont on a exhumé d'ailleurs des ossements fossiles, - et parmi les animaux domestiques, boeufs, moutons, chèvres, et surtout des chevaux du type " ailé " traînant des chars à la grecque.
-----------Tous ces indices paraissent démontrer l'existence au Sahara d'une population primitive dont on ne peut encore affirmer qu'elle fut blanche ou noire, ou encore rouge comme certains ont voulu le croire.
-----------Quoi qu'il en soit, on peut sans crainte d'erreur, imaginer une époque préhistorique durant laquelle les déplacements humains furent singulièrement facilités par l'existence de ces fleuves et rivières dont nous avons parlé. Sans doute le climat était-il entièrement différent du climat actuel. De là à affirmer un assèchement progressif du Sahara, il n'y a qu'un pas. Nous ne le franchirons pas, les partisans du maintien d'un même climat depuis la préhistoire disposant également d'arguments de valeur.

L'ENTRÉE DU SAHARA DANS L'HISTOIRE.

-----------C'est avec les Grecs et les Romains que le Sahara va faire son entrée dans l'histoire. Certes les données qui peuvent être tirées des auteurs anciens sont encore vagues et incertaines. On connaît par exemple le récit rapporté par Hérodote, du voyage de cinq " Nasamons " qui, traversant le Sahara, seraient parvenus jusque dans la vallée d'un grand fleuve qu'on a pensé être le Niger. Mais les idées demeurent troubles et les auteurs ont tendance à confondre les fleuves : Niger ou Nil que leur signalent les caravaniers qui, comme de notre temps, commencent de se rendre au pays des Noirs.
-----------Henri Lhote, l'un des plus curieux et des mieux informés de tout ce qui touche au Sahara, ayant relevé lui-même ou entendu parler de ces gravures rupestres qui représentent des chars traînés par des chevaux " ailés ", a cru pouvoir établir l'existence .le véritables pistes sur lesquelles les chars pouvaient circuler de la Libye, jusque vers l'Adrar soudanais.
-----------Mais une de ses hypothèses les plus ingénieuses se rapporte à l'itinéraire qu'il aurait retrouvé, d'un certain centurion nommé Cornélius Balbus connu pour avoir, prédécesseur de nos modernes explorateurs traversé le Sahara de part en part. D'après certains textes qu'il aurait trouvés au sujet des honneurs du triomphe décernés à ce militaire, et par suite de rapprochements philologiques très vraisemblables qu'il a faits, il semble résulter que ce dernier, parti de la Libye romaine, se soit enfoncé dans le Sud-ouest du Sahara, qu'après avoir franchi la Hammada el Homra, il soit passé par le pays de " Lezy " (Ilésy-Fort Polignac) ; que par les défilés du Tassili des Ajjeur (" Iter proaeter caput saxi ") il se soit rendu dans les jardins de " Blessa " (A balessa) et qu'il ait abouti finalement à un grand fleuve que les naturels du pays appelaient " Harissa " (les Songhai nomment encore le Niger dans son cours moyen l'Issa Ber).
Hypothèse séduisante certes et qui rencontre l'adhésion de beaucoup d'auteurs. Mais ce qui paraît certain, c'est que lors de l'occupation par les Romains de la Libye et de la Mauritanie, ils auraient eu affaire à des cavaliers Numides et Gétules qu'ils repoussèrent vers le Sahara, au delà du " limen " dont des études récentes ont établi les limites. Ainsi se seraient continués les rapports entre les peuples des deux Rives de la mer saharienne et s'expliquerait la parenté étroite qui parait unir les Touareg du Sahara central (tout au moins les " Imrad ", les Touareg de classe moyenne, aux Kabyles, ces autres Berbères du Nord de l'Afrique.
-----------Avec la décadence du Monde romain, la connaissance du Sahara cesse d'intéresser les possesseurs successifs de l'ancienne Mauritanie romaine. Cependant, les relations entre ces deux régions ne s'arrêtèrent pas, bien au contraire, car repoussées par leurs vainqueurs, les tribus autochtones se retirent soit dans les montagnes où elles résistent à tous les assauts, soit vers le Sahara où elles font cultiver les points fertiles par des nègres originaires des oasis ou bien importés de la Nigritie avec laquelle elles demeurent en contact. Dans cette période, les chevaux, les boeufs, tendent à disparaître par suite de la sécheresse et on pense que c'est au IIIme siècle de notre ère seulement que le chameau (connu de longue date en Egypte) commencera d'apparaître dans le désert.
-----------Et c'est à partir du VIIn e siècle, l'entrée en ligne des envahisseurs Arabes qui se précipitent à la conquête de l'Afrique du Nord afin d'y répandre la nouvelle foi. Seul, vers l'Ouest, l'Océan Atlantique pourra arrêter les hordes de Sidi Okba, mais les sables du Sud ne constitueront pas un obstacle pour ces nomades accourus de la péninsule arabique, tout aussi désertique que le Sahara.
-----------Leurs explorateurs répandent dans le monde de l'Islam la connaissance du Sahara en même temps que celle du Soudan où ils s'efforcent d'introduire la nouvelle foi. Parmi eux nous pouvons citer El Bekri qui, au XI' siècle recueille de précieuses informations sur la vallée du. Niger, Ibn Batouta qui vint à Tombouctou vers le XIVme siècle, Ibn Haoukal, Ibn Khaldoun, le plus réputé d'entre eux, auteur d'une histoire des Berbères, Léon l'Africain, etc...
-----------Tous ces auteurs et après eux le TARIKH ES SOUDAN et le TARIKH EL FETTACHI, apportent au
monde civilisé du XV siècle une idée de ce qu'a été au début de notre ère le développement propre des régions soudanaises, sous l'influence et par le contact des Berbères venus du Nord.
-----------Ce n'est pas le lieu d'esquisser d'après tous ces auteurs les épisodes divers de l'histoire de la civilisation des pays soudanais. Divers états centralisés s'y succèdent : Etats de Ghanade Mali, du Songhaï. On ne peut que s'en faire une vague idée à travers les généalogies de leurs rois que le TARIKH-ES-SOUDAN énumère. La richesse de ces derniers devient proverbiale et attire la cupidité des Sultans du Ma-roc. Par un mouvement inverse de celui qui avait conduit une des tribus du Sahara occidental, les ALMORAVIDES, à envahir le Maghreb et finalement l'Espagne, les CHORFA du Maroc, allaient porter leur activité guerrière vers l'Empire des Askia qui depuis le XIII ` siècle, dirigeaient les destinés des Songhaï
-----------La préparation de la campagne qu'ils méditaient, précédée d'ambassades solennelles de part et d'autre, d'escarmouches et de razzias, fut conduite par les souverains du Maroc avec une réelle persévérance. Enfin, après quelques échecs, une petite armée formée aux ordres du pacha Djouder, dit : El-Mansour (Le Victorieux) et envoyée par le Sultan Mouley Ahmed, atteignit Tombouctou, non sans grande difficultés, en passant par Teghazza et Taoudenit, et vainquit en un combat décisif l'armée d'Askia Ishak, qui dut se résoudre à l'abdication et à l'exil.
-----------Il semblait qu'après cette victoire, le Maroc agrandi d'une partie importante du Soudan, dut continuer les contacts avec sa nouvelle colonie et y apporter, à travers le- désert pacifié et purgé de ses tribus pillardes, une organisation durable. Or, cet Empire livré à tous les avatars des pays orientaux, retomba bientôt dans un état d'anarchie chronique, qui empêcha les sultans, réduits à l'impuissance, de continuer de ce côté leurs efforts.
-----------Dès lors, la Boucle du Niger, partagée par une multitude de petits tyrans locaux, va -perdre ses attaches avec l'Afrique du Nord et sera livrée à tous les périls.
-----------Tandis que Maures et Touareg qui ne sont plus tenus par une main forte, bornent leur activité à piller les régions plus riches qui bordent le Sahara vers le Sud et y détruisent peu à peu les populations emmenées par eux en captivité, les contrées du Soudan passent de main en main, sans connaître désormais la stabilité qu'elles avaient peut-être eue sous les souverains de Mellé, de Ghana et du Songhai.
-----------Chassés eux-mêmes d'un Sahara qui devient chaque année plus sec et plus stérile, les nomades Maures et Touareg s'enfoncent plus loin dans le Soudan, pour y former le peuplement d'une bande de terrain qui s'étend de jour en jour vers le Sud. On ne sait pas assez que la majorité de la population de l'Afrique, située au Nord du 16è parallèle est de race blanche, apparentée par tous ses caractères somatiques et mentaux aux Berbères du Nord.
Et, dans ce phénomène qui n'a pas assez attiré l'attention, on devra reconnaître la cause de la transformation de la race proprement noire, influencée par des métissages lointains et continus.
-----------Un fait analogue pourra d'ailleurs être relevé dans le Sahara central et oriental où se produiront des infiltrations analogues de la race blanche, qu'il s'agisse des missionnaires arabes venus de Tripoli vers le Tchad, Ouled Sliman, ou bien d'autres tribus qui ont remonté la vallée du Nil et de la région des marais se sont rabattus vers le Tchad (Chouas).
-----------Mais il convient de noter que dans tous leurs déplacements Arabes et Berbères n'ont pas eu d'autre moyen de transport que le chameau et le méhari.

 

L'INTERVENTION DE LA FRANCE AU SAHARA.

-----------Avec l'entrée en ligne de la France, l'histoire du Sahara va se fixer dans ses lignes définitives. Dès le début, grâce à un petit nombre de hardis explorateurs, le Sahara va être parcouru en tous sens. Parmi. eux René Caillé retrouve les traces des armées marocaines de Djouder et Duveyrier prend un contact amical avec les Touareg. D'autres explorateurs parmi lesquels ressortent les noms de Barth, de Nachtigal, de Rohls... parcourent le Sahara central et les pays qui le bordent vers le Sud.
-----------Derrière les explorateurs, arrivent les colonisateurs. La France s'établit sur les côtes de l'Océan Atlantique, du Golfe de Guinée, du Congo et son extension fait tâche d'huile jusqu'au moment où les trois groupes de colonies et de possessions françaises de l'Afrique du Nord et de l'Afrique occidentale et de l'Afrique équatoriale se seront réunies pour former un ensemble magnifique.
-----------Mais entre eux, les séparant plus que les réunissant, se trouve l'obstacle opposé aux relations humaines par le Sahara. Et ce sera la tâche du XX'"e siècle de le supprimer.

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-----------Dès le début, l'Algérie va avoir une politique saharienne. Elle ne peut faire autrement, à moins de se limiter à une étroite bande côtière, celle de 1"occupation restreinte ".
-----------Du Sud du Sahara surgissent des rezzous qui pillent les populations du Nord. Il n'est pas tolérable, ou'à portée immédiate de pays tranquilles, opèrent en toute sécurité des bandes de pillards.
-----------Les officiers des " Bureaux Arabes " créés depuis peu s'efforcent d'abord de réunir tous renseignements sur le Sahara français, sur son état social, sur son commerce. Toutes les informations recueillies concordent. Le désert, tout entier, est livré aux exactions des tribus guerrières qui les habitent. La misères des quelques sédentaires qui cultivent les oasis sahariennes, comme les " arrems " du pays Targui est affreuse. Le commerce se borne, avec le passage de quelques rares caravanes, qui portent des produits européens en pays noirs, à la traite des esclaves que les Nomades continuent de prélever au prix de sanglants combats sur les pacifiques populations noires.
-----------Aussi la pénétration saharienne se dessine-t-elle, à un rythme d'abord lent, puis accéléré lorsque des plans de liaisons transsahariennes sont dressés. Le massacre de la mission saharienne du colonel Flatters, n'arrête la marche en avant que pour un temps. Le succès de la mission saharienne Foureau-Lamy dissipe le mirage d'un Sahara invincible et prépare la réunion des efforts faits de part et d'autre du désert.
-----------Dans la période de quinze années qui va suivre, l'A.O.F. et l'A.E.F. qui sont pervenues en lisière du Grand Désert vont à leur tour faire tâche d'huile jusqu'à ce qu'elles trouvent leurs limites avec l'Algérie.
-----------Les accords internationaux de 1898 et 1899 ont permis à la France de poursuivre la pacification du Sahara. Conduites parallèlement, les opérations entreprises par le Nord et par le Sud du Sahara aboutissent rapidement au but recherché (sous l'oeil parfois ironique de nos éternels concurrents en Afrique). Il n'importe. Le commandant Laperrine, créateur des compagnies sahariennes ouvre le premier l'ère des rencontres interafricaines. Non sans quelques incidents plus ridicules qu'affligeants, il fait fixer les limites du Sahara Algérien vers le Sud et dès lors ce seront des rencontres fréquentes entre troupes des Deux Rives, rencontres toujours cordiales et qui aboutissent finalement à la signature de la Convention de Niamey (1909) qui règle de façon définitive la question des limites des deux zones.
-----------Toujours sous l'impulsion du colonel Laperrine, les compagnies méharistes s'étendent vers les limites occidentales de la Libye, à ce moment d'obédience turque. La paix s'étend sur le Territoire des Oasis tout entier et l'on commence à parler de sa mise en valeur.
-----------Certes toute cause d'insécurité n'a pas disparu et en 1913 le lieutenant Gardel doit soutenir un combat très dur, mais finalement victorieux à Esseyen où des bandes Touareg, très supérieures en nombre. viennent l'attaquer.
Mais s'agissant de transports sahariens, rien de nouveau n'a été fait ni tenté pour remplacer chameaux et mehara restés seuls chargés des communications, des transports et même des courriers à destination du Soudan.
-----------Sait-on que lorsque le colonel Laperrine institua les premiers courriers transsahariens à méhara, la durée de leur transport s'avéra comme un succès lorsqu'on réussit à faire passer en deux mois lu poste transsaharienne. On avait bien étudié la possibilité de la pose d'un fil télégraphique d'Alger à Tombouctou, mais pour toutes sortes de raisons, dont les accidents qui seraient dus au long cou des girafes, cette innovation fut retardée.
-----------Telle était la situation en 1913, au moment où un nouveau commandant militaire prit la suite du
commandant Payn qui avait été le successeur immédiat de Laperrine rentré en France avec le grade de général.
Sous l'impulsion du gouverneur général Lutaud, plein d'initiative et de dynamisme, le nouveau commandant militaire des Oasis présenta à M. Eugène Etienne, grand ami de l'Algérie et des colonies, un plan de modernisation du Sahara qui fut adopté aussitôt.
-----------Il s'agissait d'utiliser les découvertes récentes de la technique moderne, pour rendre plus faciles les relations transsahariennes par le moyen de la T.S.F., de l'automobile et de l'avion. Dès ses premières tournées d'inspection, le nouveau chef étudia les moyens de tirer parti de ces outils. Les correspondances qu'il eut à ce sujet avec le général Laperrine et les longues conversations qu'il eut avec le R.P. de Foucauld les montrent tous les _deux fort intéressés par ces réformes.
-----------Et aussitôt on se met au travail. Tous les déplacements des officiers et des sous-officiers sahariens sont utilisés pour rapporter de renseignements topographiques sur les différents itinéraires automobilisables réunissant les centres nerveux du Sahara. Des correspondances sont échangées avec le général Ferrier, le grand initiateur en T.S.F., que la question intéresse au plus haut point. Enfin, le lieutenant aviateur de Laffargue amorce brillamment l'entrée de l'avion au Désert
-----------Le 14 mais 1914, enfin, est inauguré à Touggourt, au milieu d'une grande affluence, le chemin de fer à voie de 1 m de Biskra à Touggourt, création de M. C. Lutaud, et réalisation du colonel du Génie Godefroy (1M. le Gouverneur général Léonard a approuvé le prilcipe de l'apposition en gare de Touggourt d'une plaque rappelant le souvenir de ce bon serviteur du pays.).
-----------Malheureusement tous ces beaux projets seront interrompus ou tout au moins mis en sommeil par la guerre de 1914. Des besognes militaires plus immédiates s'imposent pour protéger l'Algérie contre les attaques des Senoussistes qui, après avoir reconduit les Italiens à la côte, se tournent progressivement contre nous. Quels regrets de ne pouvoir disposer à ce moment d'autres moyens de transports que des des chameaux de bât et des méhara. Sur une ligne de communication de plus de 1.500 km les troupes et goums engagés, après avoir chassé l'ennemi de Djanet, dans une lutte sans issue puisqu'on leur interdit d'occuper les oasis de Rhat et de Rhamadès, nids de vipères où les Senoussistes préparent silencieusement leurs attaques, doivent se cantonner sur la défensive.
-----------C'est pourtant de cette époque (mai 1915) que date la première performance importante de l'auto-mobile. Le lieutenant Isnard réussit ce coup de maître en utilisant une piste de fortune construite d'Ouargla à In-Salah par Inifel.
Mais il faudra la nomination du général Laperrine au commandement d'un Sahara très agrandi pour voir s'introduire des engins automobiles qui. faute de pistes suffisantes, sèmeront leurs cadavres tout au long des pistes sahariennes.
-----------Par contre, la T.S.F., introduite progressivement. dans les postes, rencontre le plus beau succès et justifie toutes les espérances qu'on avait mises en elle.
L'aviation militaire ne fera qu'une timide apparition qui se clora malheureusement par l'accident survenu au général Laperrine lui-méme.
-----------En résumé, dans cette période qui se termine avec la guerre, automobile, aviation, T.S.F., n'ont fait que de timides et malheureux essais. Il faudra le retour au temps de paix pour permettre la reprise de tous les projets ébauchés. Encore cette reprise aura-t-elle lieu sur l'initiative des grandes firmes françaises d'autos Citroën et Renault qui réussiront, la première la grande croisière Noire d'Alger au Cap et à Madagascar,' la 2-, l'utilisation pratique des pistes existant entre Colomb-Béchar et Gao.

UN PROGRAMME GENERAL DE MODERNISATION DU SAHARA.

-----------En l'année 1925, M. Viollette était nommé Gouverneur général de l'Algérie et aussitôt il se déclarait, en matière saharienne tout au moins, l'héritier direct de M. C.' Lutaud.
-----------Il profiterait des conférences annuelles nord-africaines qui réunissaient chaque année tous les Gouverneurs et Résidents généraux de l'Afrique française pour leur proposer d'harmoniser la politique saharienne de tous ces pays, de créer entre eux un puissant réseau de pistes automobiles, un ensemble cohérent de stations de télégraphie sans fil. Enfin, d'étudier, avec le concours de l'aviation militaire, les possibilités de l'avion au Désert.
-----------Les années qui suivirent furent capitales pour le développement des relations transsahariennes. Dès 1926-1927, une mission importante d'Algériens - commerçants, savants, hommes politiques - pouvait se rendre au Soudan en automobile.
-----------Des compagnies de transport subventionnées étaient très vite créées et trouvaient dès leur début de nombreux clients.
-----------La compagnie AIR AFRIQUE du regretté commandant. Dagnaux commençait de fonctionner en " pool" avec la société belge S.A.B.E.N.A.
-----------Le réseau de T.S.F. fonctionnait sans défaillance et cet ensemble de conditions favorables permettait la réalisation d'un rallye d'Alger au Niger qui démontrait victorieusement, grâce à une organisation parfaite due à son commissaire général, capitaine Nabal, que désormais le Désert était franchissable pour n'importe quelle voiture de série (1930).
-----------En 1936, enfin, s'organisait cette fois en avion une très importante mission des Chambres de Commerce d'Algérie qui réussissait pleinement et sans le moindre à-coup, grâce à l'intervention du regretté Maurice Cardinal.

LE COMITE " ALGERIE ET COLONIES ".

-----------Les années passaient et démontraient par les résultats obtenus la justesse des vues d'un autre grand disparu : M. Morard, président de la Région Economique d'Algérie.
-----------Sous sa haute impulsion, un comité " Algérie et Colonies ", comprenant les plus hautes personnalités de la politique et de l'économie algérienne était créé. Les résultats de son action se traduisaient par une augmentation très sensible du trafic entre l'Algérie et l'Afrique noire.
-----------Déjà, élargissant ses vues, le Comité préparait un nouveau Rallye International Automobile de la Méditerranée au Cap, lorsque une nouvelle guerre mondiale éclata en 1939 et parut une fois encore devoir annihiler les résultats obtenus au prix de tant d'efforts.
-----------Il n'en résultait pas moins que dans la période de 1913 à 1939, la question des relations transsahariennes avait été résolue pour le mieux et si les projets de Chemin de Fer Transsaharien subirent par contre quelque retard, celui-ci n'en demeure pas moins vivant et prêt à renaître de son long sommeil, si toutefois d'autres découvertes ne viennent pas encore changer la face des choses.
-----------Dans un prochain article faisant directement suite à celui-ci, nous nous- proposons de donner un aperçu des conditions dans lesquelles a été organisé en 1950-1951 le Rallye de la Méditerranée au Cap, qui fut un grand succès. Une nouvelle épreuve du même genre est en préparation et elle rencontre l'assentiment et les encouragements du public et du gouvernement.
-----------M. le président Pinay lui a accordé son patronage en terme particulièrement chaleureux. M. le Président de la République lui-même a bien voulu l'honorer d'une semblable faveur.
-----------Ainsi les efforts que le Comité d'Organisation a faits ont trouvé leur première récompense. Elles seront couronnées, nous l'espérons, par la création de sentiments communs entre les divers pays d'Afrique, préliminaire à la création d'une Eurafrique homogène et cohérente.

GENERAL O. MEYNIER.