Alger, Algérie
: documents algériens
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La fine fleur de la Cavalerie Française tint à servir dans les nouveaux Régiments, et l'on dit même que des Sous-Officiers des Régiments de France " rendirent leurs galons pour venir faire le coup de sabre comme simples Chasseurs d'Afrique ". |
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----------Nous
sommes en 1830. En débarquant à Sidi-Ferruch, les Français
ont pris pied en Algérie. Devant eux, les espaces infinis d'un
nouveau continent s'étalent de toutes parts, inondés de
lumière et de mystère. Vers l'Est et vers le Sud, les masses
montagneuses qui limitent la vue recèlent dans leurs plis hostiles
toutes les inconnues des batailles futures. Plus loin, ce sont les vastes
étendues des déserts ignorés que l'imagination s'efforce
d'animer en tableau féerique, au rythme lent des caravanes.
----------C"est un cadre nouveau dont les mille aspects semblent devoir dérouter nos troupes et leurs chefs, rompus aux manoeuvrais dans les vertes campagnes de France et familiarisés avec les champs de bataille d'une Europe plus clémente. Tout ici va réclamer une adaptation judicieuse et méthodique du combattant Français : le terrain, le climat, l'adversaire. ----------Cet adversaire, toujours harcelant, reste le plus souvent insaisissable. Sa mobilité, son adresse, sa ruse, déconcertent un temps les plus valeureux de nos guerriers. Mais le commandement français a tôt fait de se rendre compte qu'il n'en pourra venir à bout qu'en utilisant ses méthodes, qu'en limitant ses procédés. Aussi, lorsqu'un aventurier du nom de Yusuf vient faire ses offres de service au Général de Bourmont, celui-ci comprend tout le parti qu'il peut en tirer. Yusuf, d'origine italienne, capturé par un pirate de Tunis et converti à l'Islam, sert le Bey en qualité de mameluk ; il commande une petite troupe de 120 turcs qu'il met à la disposition de la France dès le débarquement. ----------Toutes ces circonstances incitent Clauzel à constituer des troupes indigènes. Il crée les Chasseurs Algériens ; ce sont des cavaliers arabes, équipés par la France et montés à leurs frais. On les appelle encore les chasseurs numides en souvenir de la terrible cavalerie d'Annibal. On leur joint bientôt des éléments français, volontaires de tous les régiments, épris du goût de l'aventure. ----------C'est au mois de Mars 1831 qu'une ordonnance royale transforme les Chasseurs Algériens en escadrons et bataillons de Zouaves. On distingue alors les Zouaves à pied et les Zouaves à cheval. Peu de temps après, une nouvelle ordonnance royale du 17 Novembre 1831, crée le 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique, dont le décret d'organisation date du I Mars 1832. Le 1er Chasseurs comprend à l'origine un escadron de Chasseurs Algériens et les 120 Turcs que commande Yusuf. ----------Le ler Avril, le 2è Chasseurs est formé à Oran, à partir d'éléments du 6è Chasseurs à cheval et du 3è Dragons. Enfin, le 1er Février 1833, le 3è Chasseurs est formé des éléments des 7è et 8è Escadrons du 1er` Chasseurs. Dans ce 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique, l'émulation qui naît parmi les jeunes Fiançais au contact de l'escadron indigène de Yusuf, contribue à développer en eux cet esprit aventureux et romanesque, cette adresse et cette habilité qui vont les caractériser sur les champs de bataille. ----------La fine fleur de la Cavalerie Française tint à servir dans les nouveaux Régiments, et l'on dit même que des Sous-officiers des Régiments de France " rendirent leurs galons pour venir faire le coup de sabre comme simples Chasseurs d'Afrique ". ----------Mais bientôt, le 16 Octobre 1834, l'élément indigène est dissocié des Chasseurs d'Afrique pour former ces autres valeureux Régiments de la Cavalerie d'Afrique que sont les Spahis. ----------Nos chasseurs sont habillés d'une veste d'écurie bleu ciel et d'un large pantalon rouge à deux bandes bleues. Ils portent la ceinture et la chéchia de laine rouge. Ils sont armés d'un sabre à lame légèrement recourbée et d'un pistolet d'arçon. ----------Ensemble, les trois régiments de Chasseurs d'Afrique vont désormais, prendre part à toutes les opérations, ils sont de toutes les colonnes, il n'est pas une expédition où ils ne s'illustrent. Ils combattent côte à côte dans la plaine de la Mitidja, à Boufarik, à Blida, puis à Constantine. A partir de 1839, un quatrième Régiment de Chasseurs d'Afrique va se joindre à eux' sur les champs de batailles d'Algérie et de Crimée. Mais voyons-les à l'oeuvre dans ces premiers temps héroïque de leur existence. ----------Il faudrait certes de nombreux volumes pour relater leurs exploits, pour conter les faits d'armes et dire les mérites de tous les chasseurs qui ont donné leur vie à la Patrie. Nous nous bornerons à rappeler brièvement quelques faits glanés au hasard dans leur merveilleuse histoire. ----------C'est le 2 Octobre 1832. Dans la plaine de Boufarik, le Colonel de Shauenbourg, commandant le ler Chasseurs, mène la charge à 25 mètres en avant de ses escadrons. Au moment d'aborder l'ennemi son cheval s'abat sur lui et le retient au sol. Les escadrons entraînés par l'élan de leurs chevaux tentent de s'arrêter pour ne pas écraser leur Chef, mais celui-ci se soulevant d'un main et brandissant son sabre au-dessus de sa tête leur commande " Chargez, et passez-moi sur le Corps "... Deux drapeaux sont pris à l'ennemi. Par miracle, le Colonel n'est atteint que de blessures légères. ----------En 1837, sous les remparts de Constantine, les Chasseurs d'Afrique sont encore là ; ils chargent inlassablement les cavaliers arabes qui tentent de prendre nos troupes à revers. ----------En 1840, ce sont les assauts répétés des chasseurs qui dégagent le Général Duvivier assiégé dans Blida. ----------Toutes ces premières années de la conquête d'Algérie sont émaillées d'actes d'héroïsme, aujourd'hui tombés dans l'oubli pour la plupart. En 1841, le Chasseur Tujurmeau, envoyé seul en estafette est surpris par une troupe arabe. Il se défend vaillamment et réussit à se débarrasser de ses agresseurs. A son retour, on constate qu'il a une balle dans le ventre, deux coups de lance sur la tête et trois dans la poitrine, trois doigts coupés. Il meurt quelques jours après. ----------Le 11 avril 1842, c'est l'acte d'héroïsme du Sergent Blandan qui, avec 21 Français, dont trois chasseurs d'Afrique, tient tête à deux cent cavaliers indigènes. Les cinq survivants doivent leur vie à l'intervention d'éléments des 1er et 4è Chasseurs. De 1842 à 1854, c'est la bataille d'Isly, la prise de la Smala d'Abd-el-Kader, la progression vers le Sud, les Chasseurs sont partout. Après la prise de Laghouat on édifie deux forts : le Fort Morand et le Fort Bouscarens, ce dernier en l'honneur du Générai Bouscarens tué dans l'attaque et qui avait été Chef d'Escadron au 1" Chasseurs. ----------A la fin de l'année 1853, le Maréchal Randon prépare l'expédition de Kabylie. Déjà les Chasseurs d'Afrique font mouvement vers l'Est mais d'autres destinées les attendent sur des terres lointaines. Les événements d'Orient interrompent momentanément l'expédition Kabyle qui ne sera reprise qu'en 1857. ----------Au mois d'Avril 1854, Alger voit s'embarquer pour Varna la plupart de ses chasseurs. Dès le débarquement en Crimée, nous retrouvons le 1er et le 4è chasseurs chargeant les Russes à la bataille de Balaciava. L'étendard du 1er Chasseurs y reçoit le baptême du feu. Sur la Tchernaia, une charge du 1er Chasseurs met en en fuite une troupe de trois-cents Cosaques du Don. La campagne d'Orient a duré deux ans. Les chasseurs débarquent à Alger en Juin 1856. Le 4è Régiment de l'Arme a été dissous avant son départ de Crimée. ----------En 1859, c'est la campagne d'Italie et les chasseurs d'Afrique s'embarquent de nouveau. A Montebello, à Solferino, sous les ordres du Général Desvaux, nous retrouvons le 1"° et le 3" Chasseurs. illustrant leurs étendards dans les charges légendaires qui les opposent aux Autrichiens. ----------Dès le retour en Afrique du Nord, c'est l'expédition du Maroc où nos chasseurs sont éprouvés par le choléra, Le Colonel de Montalernbert et le Lieutenant-colonel Fénin du 1er Chasseurs sont victimes du terrible fléau. ----------L'année 1862 voit un nouveau départ lointain de nos Régiments d'Afrique pour l'expédition du Mexique. Là, pendant 4 ans, les Chasseurs se couvrent de gloire. Le récit de leurs fait d'armes semble plutôt tenir du roman que de l'histoire tant les coups de main hardis, les combats disproportionnés, les actions d'éclat abondent. Leurs victoires spectaculaires s'expliquent d'abord par la similitude entre la guerre de partisans du Mexique et la Guerre d'Afrique, ensuite par la terreur que provoquent nos chasseurs dans les rangs des Mexicains. Ceux-ci les ont surnommés : " Los carcineros azules ", c'est-à-dire " les bouchers bleus ". Il serait long d'exposer en détails les actions glorieuses où le 1er et le 3è Chasseurs infligent de véritables désastres à la Cavalerie Mexicaine : les combats de Cholula, d'Atlixco, et tant d'autres. C'est pourtant au cours de ces opérations que le 1", Chasseurs gagne la Légion d'honneur qui ornera désormais son étendard. ----------Le 5 mai 1863, le 6è Escadron rencontre 1.500 Lanciers de Durango au combat de Pablo-del-Monte. La charge est menée par le Capitaine de Montarby qui, ayant le poignet gauche fracassé, prend les rênes entre les dents et continue à sabrer l'ennemi. Au plus fort de la mêlée le Chasseur Bordes enlève l'étendard des Lanciers. Au cours de la même campagne, le brigadier Pierre du 3è Chasseurs conquiert l'Étendard des Lanciers de Zacatecas. Deux glorieux trophées qui seront conservés plus tard dans la salle d'honneur du 5è Chasseurs. Tous ces faits d'armes sont brièvement résumés dans un magnifique ordre du jour signé du Maréchal Bazaine, commandant en chef. Mais malgré les sacrifices aussi héroïques, l'évacuation du Mexique commence en 1865, et les Chasseurs rentrent à Alger sans chevaux et sans armes comme après une défaite. ----------Le répit sera de courte durée. Voici la terrible année 1870 qui verra tant d'héroïsme dans les rangs des Chasseurs. ils sont tous présents sur le sol de France : le 1er et le 3"" Régiments aux ordres du Général Margueritte ; le 2"'" et le 4'" aux ordres du Général Tillard. Ils font partie de la Division du Général du Barrail qui les inspecte à Lunéville. Le 4è R.C.A., dont nous avons vu la dissolution en Crimée, a été reconstitué à Mostaganem en 1867. C'est le 12 Août qu'ils entrent en lice. Le 1er Septembre devant Sedan, le Général Margueritte est blessé, il mourra cinq jour plus tard. Une balle lui a traversé la joue et arraché la langue, il ne peut plus parler. Ses chasseurs prêts à charger reconnaissent leur Chef et s'écrient : " Vengeons-le. " Margueritte dans un suprême effort étend le bras en direction de l'ennemi. Aussitôt, les Colonels commandent la charge. Les premiers escadrons sont anéantis, les autres se succèdent sans interruption. Bientôt la première ligne allemande est sabrée. dispersée, mais les bataillons sont inabordables. Les escadrons décimés se rallient et reviennent héroïquement à la charge. Les deux tiers de la Division Margueritte sont anéantis. Le Général Decros demande un suprême effort. à Gallifet qui lui répond : " Tant que vous voudrez mon Général, tant qu'il en restera un ". Sur les hauteurs de la Marfée, le roi Guillaume qui contemple le champ de bataille, admire malgré lui l'héroïque grandeur de cette folie, et s'écrie : " Oh ! les braves gens ! " |
-----------La
brigade y perd son Général et les deux tiers de~ ses effectifs.
Depuis, trois bandes noires sur sa chéchia, rappellent au Chasseur
d'Afrique son deuil et l'héroïsme de ses aînés. |