Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : restauration des sols
Défense et restauration des sols en Algérie
6 pages - n°97 - 30 mars 1953

--------Il est donc maintenant démontré que là où ils sont réalisés les travaux de D.R.S. ont pour effet immédiat non seulement d'arrêter l'évolution régressive des sols et ses conséquences désastreuses, mais de lui substituer une évolution progressive, favorable à l'intérêt général et aux intérêts particuliers.
--------Mais, en dépit des résultats acquis, l'accélération de la dégradation des sols l'emporte encore de loin sur l'efficacité des mesures prises pour conserver le patrimoine de ce pays.

mise sur site le 21-05-2005
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EXPOSE GÉNÉRAL.

--------La lutte contre les érosions sous toutes leurs formes et spécialement contre les érosions pluviales constitue l'objectif essentiel des travaux de défense et restauration des sols.
--------Cette défense revêt un caractère d'impérieuse nécessité car les désastres consécutifs au progrès des érosions se précisent et s'aggravent d'année en année, à une cadence croissante pour prendre un caractère catastrophique chaque fois que des pluies torrentielles sont enregistrées dans une région donnée.
--------Le capital foncier de terre végétale,, déjà fortement entamé, ne suffit plus aujourd'hui à nourrir une population qui s'accroîtà un rythme accéléré. Aussi l'appauvrissement du sol nourricier, dû aux érosions, crée-t-il à lui seul une menace redoutable. `
--------Il s'aggrave de toutes les conséquences directes d'un ruissellement sans frein sur des bassins versants dénudés. Les crues deviennent soudaines et d'une violence extrême. Les eaux boueuses chargées des matériaux arrachés sur les pentes engravent les thalwegs, envasent les grands barrages dont la capacité de retenue diminue rapidement, coupent les ponts, les voies ferrées et les routes, interrompent la circulation, envahissent dans la plaine les terres de cultures, ensablent les ports qui doivent être périodiquement dragués à grands frais, endommagent les villes, agglomérations ou habitations isolées, détruisent des animaux domestiques et provoquent souvent des pertes de vies humaines.
--------En bref, les dommages causés par les érosions elles-mêmes et les phénomènes qui en découlent entraînent des pertes irréparables. Les progrès de ce fléau sont si graves qu'ils achemineraient rapidement le pays vers la famine et la ruine, s'il n'y était porté remède.

L'ACTION ENTREPRISE.

- Principes de base suivis par le Service. -

--------Cinq millions d'hectares sont à protéger contre les érosions. La défense correspondante peut être évaluée à 200 milliards. Elle ne saurait être supportée en totalité par le budget de l'Algérie. Aussi le succès de l'œuvre dépend-il pour une grande part de la contribution financière des Collectivités locales et des particuliers.
--------Le premier travail qui s'impose à l'Administration est de déterminer les périmètres de restauration où les travaux à caractère d'utilité publique doivent être entrepris sans délai, qu'il s'agisse de la protection d'une ville, d'une voie ferrée, d'un réseau routier, de terrains de culture en plaine contre l'inondation, d'un barrage-réservoir contre l'envasement, d'un port contre l'ensablement..
--------En raison même de leur caractère obligatoire, ces travaux sont à financer par le, budget de l'Algérie. Mais ils doivent avoir une valeur d'exemple afin d'amener l'homme de la terre, qu'il soit paysan ou fellah et les collectivités locales, à rechercher l'aide technique du Service de la D.R.S pour consolider et favoriser leurs propres propriétés.

- les réalisations de 1942, ,début des travaux, à fin 1951.

--------La mise au point des techniques a nécessité une phase d'expérimentation qui a duré de 1942 à 1946. Ces travaux ont pris corps en 1947 lorsque lés méthodes de traitement ont été adaptées aux conditions-physiques et humaines du pays : elles consistent essentiellement dans l'exécution sur les terrains en érosion où menacés par les érosions de réseaux de banquettes qui freinent et disciplinent le ruissellement, tout en canalisant le trop-plein des eaux vers les thalwegs voisins protégés à l'aide de seuils et barrages. Au surplus, chaque fois que les circonstances locales l'ont permis, des plantations-d'arbres fruitiers et fourragères ont été installées sur le bourrelet des banquettes.
--------Leur mise en oeuvre a mis en lumière la nécessité d'avoir recours à des moyens mécaniques puissants : tracteurs, à chenilles, spécialement équipés, niveleuses automotrices. rooters ou rippers, défonceuses, groupes compresseurs.
--------A la fin de. 1951, le bilan des travaux pouvait s'analyser ainsi qu'il suit :
--------33.000 ha étaient traités dans les périmètres, savoir :
--------- 15.000 ha dans les périmètres de protection de 13 barrages.
---------11.400 ha dans les périmètres de protection contre l'inondation de villes, voies ferrées, réseaux routiers, terres de culture situées à l'aval.
--------6.100 ha dans les périmètres de protection de trois ports (Nemours, Béni-Saf, Arzew).
---------8.000 ha hors périmètres dans les terrains domaniaux. communaux et les S.A.R.
--------Au surplus, les travaux de démonstration avaient porté sur 11.000 hectares de terrains particuliers."
--------90 hectares de pépinières avaient été créés et équipés et étaient susceptibles de produire 3.100.000 plants forestiers et 523.000 plants fruitiers par an.
--------Enfin, le parc des engins mécaniques mis en oeuvre comprenait
---------109 tracteurs de 40 à 120 CV avec équipements spécialisés.
---------14 tracteurs à chenilles d'entretien de 20 à 35 CV.
--------- 8 tracteurs à roues pour le travail des pépinières.
---------8 niveleuses automotrices.
---------9 compresseurs.

Réseau de banquettes de restauration dans le bassin versant
Réseau de banquettes de restauration dans le bassin versant de l'Oued-el-Kebir (atlas blidéen)


-------Les travaux en 1952
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Volume des crédits.
--------Compte tenu des crédits de report et des blocages intervenus au cours de l'exercice, les crédits mis à la disposition du Service de la D.R.S. se sont élevés à :
---------704 millions pour les travaux proprement dits de défense et restauration des sols;
---------32 millions pour l'aménagement des pépinières ;
---------201 millions pour les acquisitions de matériels spécialisé;
--------Total : 937 millions.

-Réalisations
--------L'action de protection s'est poursuivie activement dans les périmètres C'est ainsi qu'au cours de 1952:
---------4.900 hectares auront été traités dans les bassins versants de 14 barrages, 8.700 hectares dans les périmètres de protection des villes, voies ferrées, réseaux routiers, terres de culture en plaine contre l'inondation, 1.400 ha dans les périmètres de protection des ports contre l'ensablement.
--------En définitive, la surface protégée se sera accrue de 15.000 hectares dans les périmètres au cours de l'exercice.
--------Hors périmètres, l'action entreprise en collaboration avec les collectivités locales et les S.A.R. aura permis de traiter 4.000 hectares. -
--------Quant au travaux de démonstration sur les terrains particuliers à restaurer, ils auront porté sur 3.500 hectares.
--------La surface des pépinières sera portée à 105 hectares et la production annuelle à 3.700.000 plants forestiers et 900.000 plants fruitiers. -
--------Le parc s'est enrichi de :
---------30 tracteurs de plus de 40 CV avec équipements spécialisés. .
--------I tracteur à chenilles de 32 CV.
--------1 tracteur à roues.
--------4 niveleuses automotrices.
--------1 groupe compresseur.

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-Prix de revient.
--------L'analyse du prix de revient moyen par hectare traité de 1947, époque à laquelle les techniques nouvelles ont été mises au point, à 1952 inclus, fait apparaître les chiffres suivants, compte tenu des frais d'amortissement des matériels mis en oeuvre :

--------1947 : 28.300 Fr/Hectare -
--------1948 : 35.400
--------1949 31.700 -
--------1950 88.400 -
--------1951 36.700 - -
--------1952 : 37.300 -

--------Or, durant cette même période le prix moyen de la journée de l'ouvrier agricole est passé de 137 francs à 316 francs.
--------Ainsi donc, de 1947 à 1952, le prix de revient moyen par hectare traité n'a augmenté que de 31 % alors que l'accroissement du prix de la main d'oeuvre atteignait 130 %.
--------Un tel résultat met en lumière, de manière particulièrement saisissante, l'influence déterminante de là mécanisation des chantiers sur l'abaissement des prix de revient.

TRAVAUX PROJETÉS EN 1953.

--------- Volume dos crédits.
--------En tenant compte des moyens de financement susceptibles d'assurer, la couverture de la tranche du plan d'équipement de l'exercice prochain, le montant des crédits réservés pour l'exécution de travaux de D.R.S. peut s'analyser ainsi qu'il suit :

--------Travaux- de D.R.S. proprement dits 690 millions
--------Pépinières 25 millions
--------Matériel : 220 millions
--------Total 935 millions

--------Dans cette, hypothèse, le volume global de crédits sera donc essentiellement identique à celui dont le Service a disposé en 1952.

--------- Réalisations escomptées.
--------- 18.000 hectares protégés dans les périmètres, 2.500 hors périmètres, 3.500 à titre de démonstration dans les terrains particuliers;
--------- 120 hectares de pépinières en état de produire chaque année 4.000.000 de plants forestiers et 1.000.000 de plants fruitiers.

--------- Acquisition de :
---------21 tracteurs lourds de 45 à 140 CV avec, équipements spécialisés ;
--------8 tracteurs d'entretien de 32 CV ;
--------2 niveleuses automotrices
--------2 groupes. compresseurs..

---------Répercussion des travaux sur le vie du pays.
--------Les résultats observés dans les bassins versants traités peuvent être analysés succinctement comme suit :
--------- arrêt des érosions destructrices des sols et cicatrisation des plaies anciennes;
--------- rétablissement de l'équilibre naturel des terres sur les pentes ;
---------reprise de la genèse pédologique augmentant progressivement leur valeur agricole, là où un ruissellement excessif avait autrefois lessivé ou même arraché par lambeaux le sol végétal;
--------- régularisation du régime des oueds et des rivières sous tous ses aspects, caractérisée notamment par un écoulement d'eaux claires. ou peu chargées en matériaux solides, l'arrêt des charriages, le retour à un profil d'équilibre du thalweg, l'atténuation et l'étalement des crues qui se traduisent par une diminution des: débits de pointe ;
--------- protection contre le colmatage des barrages-réservoirs, l'ensablement des ports, la rupture des voies de communication, les alluvionnements,, les inondations des cultures et des agglomérations ;
--------- accroissement très sensible des possibilités de 'production agricole, forestière, pastorale, et partant amélioration des conditions de vie des populations montagnardes dont l'avenir était gravement menacé par la ruine progressive des pentes.
--------Ainsi, donc, en contrepartie de dépenses relativement modestes, les travaux de D.R.S. apportent des avantages substantiels sur le plan général qui se traduisent notamment par :
--------- la préservation d'ouvrages publics parfois de grande valeur (barrages, Ponts, routes) et la suppression de frais élevés qu'entraîneraient leur reconstruction, leur réparation ou leur remise en état;
--------- l'arrêt des pertes irréparables de terres végétales, qui éloigne le spectre de la disette ;
--------- la possibilité accrue de production végétale, et animale, par la mise en valeur des terrains protégés, notamment dans les montagnes surpeuplées ;
--------- la suppression d'indemnités ruineuses en cas de calamités provoquées par les inondations ou les récoltes déficitaires.

CONCLUSION.

--------Il est donc maintenant démontré que là où ils sont réalisés les travaux de D.R.S. ont pour effet immédiat non seulement d'arrêter l'évolution régressive des sols et ses conséquences désastreuses, mais de lui substituer une évolution progressive, favorable à l'intérêt général et aux 'intérêts particuliers.
--------Mais, en dépit des. résultats acquis, l'accélération de la dégradation des sols l'emporte encore de loin sur l'efficacité des mesures prises pour conserver le patrimoine de ce pays. --------Or, la comparaison des crédits de 1952 avec ceux prévus pour 1953 qui sont sensiblement identiques, fait craindre. une stagnation dans l'effort. Dans la course engagée contre les progrès des érosions dont la vitesse augmente, il faudrait au contraire redoubler d'efforts.
--------Pour gagner la partie dont l'enjeu est l'avenir de l'Algérie, ce n'est pas 22.000 hectares de terre qu'il convient de protéger chaque année, mais au moins 50.000 hectares.
--------Toute année perdue pour atteindre cet objectif de première urgence, ne fait que reculer l'ére où le fléau des érosions qui acheminent le pays vers la ruine et la famine pourra être considéré comme surmonté.