----------Le
28 avril 1952, Monsieur Roger DUCHET, Ministre des Postes, Télégraphes
et Téléphones a solennellement inauguré à
Rabat la liaison téléphonique entièrement souterraine
entre les capitales des trois territoires d'Afrique française du
Nord.
----------Cette
cérémonie a consacré l'achèvement de l'oeuvre
connue sous le nom de " Câble téléphonique Nord-Africain
", marquant ainsi le raccordement en un seul réseau des 2.600
kilomètres de câble téléphonique posés,
au cours des vingt dernières années, dans le sol de l'Afrique
française du Nord, tan-tôt sur les seules ressources financières
des Territoires intéressés, tantôt avec un important
appoint du Budget de la Métropole.
----------Une
année auparavant, Monsieur Charles BRUNE alors, Ministre des P.T.T.
avait déjà échangé une conversation téléphonique
entièrement souterraine entre Alger et Tunis, à l'occasion
de la mise en service de la partie Est du câble téléphonique
nord-africain.
----------Les
divers interlocuteurs des communications téléphoniques inaugurales
n'ont pas manqué de sou-ligner la netteté et la qualité
des conversations échangées ainsi que l'importance que représente
pour l'Afrique du Nord une telle réalisation française.
POSE DU RESEAU ALGERIEN.
----------Comme
dans tous les pays du monde, les premières lignes télégraphiques
ou téléphoniques ont, en AFRIQUE DU NORD, été
réalisées par des fils de cuivre posés sur des poteaux
le long des voies fer-rées et des routes.
----------Cette
méthode, évidemment rapide et en apparence peu coûteuse,
présente le grave inconvénient de limiter très rapidement
le nombre des circuits possibles.
----------En
effet, la capacité des lignes aériennes sur poteaux est
relativement réduite, même avec des appuis doubles ; et,
d'autre part, une ligne aérienne chargée devient très
difficile à entretenir, car sa solidité en souffre. Sa surface
offre une proie facile aux vents qui, en certains cas, arrivent à
jeter bas de grandes longueurs, interrompant alors,. surtout pendant les
périodes hivernales, une grande partie des communications téléphoniques.
----------Les
vieux Algériens se souviennent encore de la précarité
des communications, ainsi que des longs délais d'attente, entre
Oran, Alger et Constantine.
----------Cette
situation n'avait, toutefois, pas échappé aux techniciens
lorsque le trafic téléphonique commença à
se développer en Algérie, et, après quelques hésitations
motivées par l'ampleur de la dépense à engager, on
se décida, en 1932, à poser un câble souterrain sur
le parcours Oran-Orléansville-Alger-Sétif-Constantine-Philippeville.
L'oeuvre fut terminée en 1937 et coûta, à l'époque,
la somme considérable de 250 millions.
----------Dès
ce moment, la nécessité de liaisons sûres entre les
trois territoires de l'Afrique du Nord apparut aux dirigeants des P.T.T.
des trois pays, ainsi qu'à certaines hautes autorités métropolitaines.
LE CABLE TELEPHONIQUE
NORD-AFRICAIN.
----------Mise
sur pied des travaux.
----------On
ne pouvait, plus, en effet, admettre que des liaisons téléphoniques
aussi importantes qu'Alger-Rabat ou Alger-Tunis dussent dépendre
de la solidité d'un seul poteau télégraphique et
l'on comprit 'qu'il valait mieux, suivant en cela l'exemple de l'Algérie,
poser du câble souterrain plutôt qu'accroître la capacité
des lignes aériennes -existantes dont certaines, notamment aux
environs de la frontière algéro-tunisienne, suivent des
parcours montagneux où leur bonne tenue demande des soins constants.
Mais des considérations financières et un certain manque
de coordination retardèrent la décision et ce ne fut qu'en
septembre 1941 que le Gouvernement d'alors, par des actes non parus à
l'Officiel pour des raisons de discrétion bien compréhensibles,
ordonna la construction du câble Rabat-Oran et Constantine-Bône-Tunis-Bizerte,
dotée initialement d'une large participation métropolitaine
qui, au stade définitif, est voisine des 2/3.
----------Celle-ci
était justifiée par l'importance des travaux qui dépassait
les possibilités financières des trois pays, par leur caractère
international et surtout par leur intérêt stratégique
et on peut affirmer que, sans elle, le travail n'aurait pu être
réalisé.
----------Les
modalités d'exécution prévues étaient assez
originales puisque celle-ci était assurée sous l'autorité
du Gouverneur Général de l'Algérie, par un Comité
composé de quatre membres représentant respectivement la
Métropole, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc et d'un secrétaire
permanent. Le programme des travaux était défini par le
Comité de Coordination des Télécommunications de
l'Union Française et le Contrôle technique était assuré
par le Ministère des P.T.T.
----------Le
fonctionnement de cette organisation qui a présidé à
l'exécution de tous les travaux de pose du câble téléphonique
nord-africain a été tel qu'elle a été maintenue,
pour le programme d'extension du réseau du télécommunications
nord-africain, récemment approuvé. En effet, pour un travail
qui s'est étendu sur plus de dix ans et dont le montant avoisine
3.5 milliards de francs, le total des frais de personnel de direction
et. de contrôle (tous traitements el indemnités compris)
sera de l'ordre de 3 pour mil-le des dépenses.
----------L'exécution
des travaux.
----------L'année
1942 fut consacrée à rassembler les matières premières
indispensables, travail difficile alors, et à passer les marchés.
Il faut signaler à ce propos que la construction des premiers tronçons
ne fut rendue possible que par l'utilisation d'un stock important de cuivre,
soigneusement dissimulé en Afrique du Nord, aux investigations
des Commissions d'Armistice. qui fut tréfilé et câblé
en Algérie.
----------Cette
année 1942 vit cependant le commencement des réalisations
puisque le câble Rabat-Port-Lyautey y fut fabriqué et posé
- la réception en était en cours au 8 novembre 1942.
----------L'arrivée
des troupes alliées bouleversa le programme établi. Les
stocks péniblement constitués à l'usine d'Alger servirent
à fabriquer des câbles d'un usage militaire plus immédiat
et par la force des choses le C.T.N.A. entra en sommeil pendant plus de
trois ans.
----------Aussitôt
après la libération et pratiquement depuis 1946, les travaux
reprirent malgré les difficultés de l'heure et furent poursuivis
au rythme maximum compatible avec les possibilités techniques et
surtout financières, car il n'est pas exagéré de
dire que. pour ce travail, les difficultés financières furent
parfois plus grandes que les difficultés techniques.
----------L'oeuvre
est maintenant achevée. Que représente exactement ce travail
?
----------Caractéristiques
du Réseau Nord-Africain.
----------Sur
les 2.600 kilomètres de câbles téléphoniques
souterrains qui, de Casablanca à Tunis, en passant par Rabat et
Alger, à travers 40 centres d'amplification, desservent une partie
importante de l'Afrique Française du Nord, on peut distinguer :
-----------
Une artère principale Casablanca-Tunis longue de 2.235 kms
;
-----------
Des dérivations. L'artère principale Casablanca-Tunis
peut elle-même se décomposer comme suit :
-----------
une section Casablanca-Rabat (92 kms) qui
comporte deux câbles, l'un posé depuis une vingtaine d'années,
l'autre moderne et comprenant deux conducteurs coaxiaux. Ces deux câbles
ont été posés aux frais exclusifs du Maroc ;
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une section Rabat-Oran (797 kms) dont le
récent achèvement a permis en avril 1952 l'inauguration
de la liaison entièrement souterraine Casablanca-Rabat-Alger-Tunis.
Cette section a été posée selon la formule CTNA,
c'est-à-dire à frais communs entre la Métropole,
le Maroc et l'Algérie ;
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une section Oran-Alger-Constantine (882 kms) posée depuis
une vingtaine d'années aux frais exclusifs de l'Algérie.
Cette section, actuellement saturée, ne suffit plus à satisfaire
tous les besoins ex-primés. Son doublement entre Alger et Oran
a été entrepris par l'Algérie depuis deux ans. Afin
d'en accélérer la réalisation, reconnue d'intérêt
général, une participation métropolitaine a été
accordée. Le nouveau câble dont plus de la moitié
est actuellement posée, comporte deux conducteurs coaxiaux ;
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une section Constantine-Tunis (446 kms) achevée et inaugurée
en avril 1951. Cette section a été réalisée
selon la formule CTNA c'est-à-dire à frais communs entre
la Métropole, l'Algérie et la Tunisie.
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----------L'artère
principale ainsi constituée comporte les dérivations ci-après
:
- Rabat-Port-Lyautey : 40kms (CTNA)
- Constantine-Philippeville : 87 kms (Algérie)
- Guelma-Bône : 60 kms (CTNA)
- Tebourba-Bizerte : 90 kms (CTNA)
- Souk-El-Arba-Le Kef : 49 kms (Tunisie)
----------L'exposé
ci-dessus montre que le réseau souterrain nord-africain de câbles
à grande distance a été réalisé en
deux tranches nettement séparées dans le temps :
----------1-
tranche - de 1930 à 1935
-----------
un câble marocain Casablanca-Rabat : 92 km
-----------un
câble algérien Oran-Alger-Constantine-Philippeville.... 969
km
----------Total
1.061 km
----------2ème
tranche - de 1945 à 1952
-----------
un câble marocain Casablanca-Rabat : 92 km
-----------
un câble CTNA Rabat-Oran et sa dérivation sur Port-Lyautey
837 km
-----------
un câble CTNA Constantine-Tunis et ses dérivations sur Bône,
Le Kef- et Bizerte 665 km
----------Total
1.594 km
----------La liaison
téléphonique entièrement souterraine Casablanca-Bizerte,
longue de 2.300 kms environ, soit la distance à vol d'oiseau Paris-Istamboul,
constitue, après les câbles téléphoniques nord-américains,
l'une des plus longues liaisons téléphoniques souterraines
mondiales.
----------Le
câble a été entièrement fabriqué en
Algérie par la Société Française des Lignes
Télégraphiques et Téléphoniques dans son usine
d'El-Alia, près d'Alger. Cette Société a également
assuré la pose du câble ainsi que la fourniture de la moitié
environ des équipements de charge et d'amplification.
----------L'autre
moitié de ces équipements a été fournie par
la Société Anonyme de Télécommunications.
----------L'aménagement
des centres d'amplification a été réparti entre les
Sociétés françaises, spécialisées qui
comprennent, outre les deux Sociétés ci-dessus, la Compagnie
Industrielle des Téléphones et' la Société
Alsacienne de constructions mécaniques (branche téléphonie).
----------Le
financement.
----------Il
n'est pas inutile d'insister sur l'intérêt que présente
pour l'Afrique du Nord la formule de financement qui a été
utilisée. En effet, si les trois territoires ont pu, sur leurs
ressources propres, financer une partie des câbles qui les désservent,
l'achèvement rapide du réseau aurait dépassé
leurs possibilités budgétaires et les travaux se seraient
échelonnés sur de nombreuses années.
----------Considérant
l'intérêt général et l'urgence qui s'attachaient
.à la réalisation de ces liaisons, la Métropole a
accepté de participer aux dépenses correspondantes à
concurrence des 2/3, soit plus de 2 mil-liards de francs.
C----------ette
importante contribution financière a permis de réduire considérablement
les délais prévus.
----------Pour
fixer un ordre de grandeur de l'importance de ces travaux, on peut dire
que si le réseau sou-terrain nord-africain était à
construire maintenant, la dépense totale avoisinerait une vingtaine
de mil-liards.
----------Programme
d'extension du réseau.
----------On
doit noter qu'une troisième tranche, comportant la pose de 1.250
kms de câble nouveau, est en cours de réalisation. Elle comprend
-----------
un câble coaxial Alger-Oran dont plus de la moitié est déjà
posée 450 km
-----------
un réseau sud-marocain en câbles coaxiaux qui, à partir
de Casablanca, desservira Mazagan, Safi et Marrakech 530 km
-----------
un câble coaxial Tunis-Sfax 270 km
----------Total
1.250 km
----------Cette
troisième tranche de travaux s'intègre 'dans le programme
général d'extension du réseau actuellement prévu
et qui comporte :
-----------
Le prolongement du réseau de câbles téléphoniques
souterrains vers le Sud Marocain (Mazagan, Safi, Marrakech) et le Sud
Tunisien (Sfax).
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Le doublement de la liaison souterraine Oran-Alger-Constantine.
-----------
L'établissement d'une liaison hertzienne Afrique du Nord-Métropole
dont le point d'aboutisement est fixé en Algérie, à
Bône.
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L'établissement d'une liaison hertzienne Rabat-Tanger.
-----------
L'établissement d'une liaison hertzienne Tunisie-Sicile.
----------Le
financement de ces réalisations dont le coût atteindra une
dizaine de milliards est également prévu avec participation
financière métropolitaine. Toutefois, cette participation
qui `était de 2/3 pour les travaux du câble téléphonique
nord-africain proprement dit ne sera plus que de
-----------
1/3 pour les câbles souterrains.
-----------
1/2 pour les liaisons hertziennes.
----------Il en
résultera un étalement dans le temps de l'exécution
de travaux dont l'urgence a cependant été maintes fois reconnue.
----------Le
câble téléphonique souterrain nord-africain, dont
les travaux avaient été arrêtés par la guerre,
c_st maintenant terminé. Cette liaison de 2.300 kms, une des plus
longues du monde, témoigne ici de la sûreté de la
technique française de Télécommunications, plus particulièrement
remarquée ces dernières an-nées dans le domaine de
la transmission téléphonique. Cette technique n'a pu être
utilisée que grâce à la collaboration totale qui s'est
établie entre la France, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie
au sein d'un organisme qui vient de faire ses preuves mais dont le rôle
n'est pas achevé : Le Comité des Télécommunications
Nord-Africaines.
----------Il
faut voir dans cette oeuvre l'exemple le plus net et le plus convaincant
de l'effort bien compris et harmonieux qui doit permettre à l'Afrique
du Nord, aidée par la France, de connaître le développement
normal de toutes ses ressources et de toutes ses richesses.
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