-----------C'est
un lieu commun de noter, en Algérie comme en Métropole d'ailleurs
la pauvreté, le dénuement extrêmes des laboratoires
scolaires. Les exigences du baccalauréat scientifique, les' progrès
de la pédagogie moderne et ses impératifs dans l'ordre expérimental,
tout commandait cependant d'équiper ces laboratoires et de procéder,
dans l'enseignement des sciences, selon la seule méthode aujourd'hui
valable.
-----------C'est
pour y tendre qu'à la suggestion de M. BRUNOLD, Inspecteur Général
des Sciences Physiques, .aujourd'hui- Directeur Général
de l'Enseignement du Second degré, l'Académie d'Alger a
décidé d'ouvrir une voie nouvelle et de donner par ses propres
moyens, à tous les laboratoires de ses trois vastes
-----------Dès
mars 1949 une commission a été constituée en vue
d'étudier et de réaliser l'équipement scientifique
des établissements du second degré. Destinée d'abord
à travailler dans le cadre restreint du département d'Alger
avec des commissions analogues a Oran et à Constantine, elle a
étendu bientôt son action à l'Académie entière.
Les moyens de travail sont rassemblés à Alger. Un chef-lieu
d'Académie dispose normalement de ressources ailleurs inexistantes.
Il fallait en effet une collaboration, des liaisons quasi quotidiennes
avec l'enseignement technique, avec les services administratifs et financiers,
avec les milieux industriels et commerciaux. En pareille matière,
l'unité d'action, la vue claire des problèmes à résoudre,
la rapidité de la décision sont éléments d'enthousiasme
poux ceux qui élaborent de confiance pour ceux qui attendent.
-----------Aussi
bien la commission, a-telle été nécessairement composée
de fonctionnaires qui exercent et résident dans l'agglomération
algéroise. Sous la vice-présidence du Proviseur du
Lycée Bugeaud, agrégé des Sciences Physiques
et qui a été la cheville ouvrière de cet effort,
la Commission comporte l'Inspecteur principal de l'enseignement technique,
les deuxDirecteurs et les chefs d'ateliers des deux grands établissements
d'enseignement techniques`d' Alger et de Maison-Carrée, tous techniciens
remarquables, et neuf professeurs des Lycées et Collèges
d'Alger. En bref, une équipe de fonctionnaires éprouvés,
issus des divers ordres d'enseignement capables d'établir une liaison
amicale et féconde entre renseignement du second degré et
l'enseignement technique
-----------Il
faut dire ici une fois pour toutes que cette heureuse entente, sans préjugés
d'aucune sorte, où chacun n'a songé qu'à donner le
meilleur de lui-même, a déterminé le succès,
en même temps qu'elle préfigure l'union désirable
dans le pays entier de toutes les collectivités enseignantes. -----------Nul
n'en saurait mesurer par, avance tous les bienfaits dans l'ordre pédagogique
et non moins dans la vie sociale.
DEFINITION D'UN PROGRAMME.
-----------Dès
la première réunion, présidée par M. BRUNOLD
lui-même, un programme d'ensemble a été fixé
-----------1°)
Acquérir du matériel neuf ;
-----------2°)
Réparer le matériel existant ;
-----------3°)
Construire des appareils robustes pour les manipulations et pour le cours
;
-----------4°)
Etablir des échanges d'un établissement à l'autre,
selon ce qu'ils possèdent:
-----------Pour
préciser davantage, nous avons projeté d'équiper
en quatre ou ;cinq ans la totalité de nos laboratoires en appareils
et matériel qui permettent de réaliser toutes les expériences
classiques et les manipulations par séries ; de douze ou, à
tout le moins, de six, identiques.
-----------Au
terme de cet effort on pourra voir partout un " fonds " de laboratoire
standard qui, sans dommage pour la personnalité de chacun de nos
professeurs, mettra quelque uniformité de base dans l'enseignement
des Sciences physiques.
-----------La
présidence de la Commission, confiée à un administrateur,
est un gage de liaison et de continuité dans l'exécution
du plan. La compétence technique de ses membres est une garantie
de la qualité des appareils choisis ou fabriqués ; de leur
utilité, de leur polyvalence, de leur parfaite adaptation. Nous
évitons de surcroît les inconvénients d'une fragmentation
des crédits entre un certain nombre d'établissements dont
les jeunes professeurs de passage sont inexpérimentés, inégalement
intéressés par les progrès de leur laboratoire -et
souvent exposés à des achats imparfaits ou inutiles. Enfin
les conditions du marché sont sensiblement-meilleures pour des
quantités importantes.
Nous insistons sur un point. Il a été précisé
que l'effort de l'académie et de la Commission ne dispense pas
nos jeunes physiciens d'initiatives personnelles. Il leur est conseillé
au contraire de tendre à perfectionner eux-mêmes leur matériel
et d'accroître leur collection.
-----------Il
a été précisé aussi qu'il ne s'agissait point
d'imposer une méthode particulière d'enseignement ni un
nombre limité d'expériences définies, maïs seulement
de répartir un matériel qui a fait ses preuves: et sans
lequel l'enseignement ne saurait être expérimental.
MOYENS FINANCIERS ET
MÉTHODES DE TRAVAIL.
-----------Un
crédit de douze millions cinq cent mille francs a été
mis, par le Budget algérien, à la disposition de la Commission
pour l'année 1950-51. Cette somme a été inscrite
au budget du lycée Bugeaud, en un chapitre spécial. C'est
une disposition ingénieuse qui a permis que le Chef d'établissement,
Vice-Président de la Commission, devint ordonnateur du Crédit
d'Equipement. Les écritures comptables et l'administration en sont
facilitées.
-----------Ce
crédit est rigoureusement destiné
-----------1)
à l'achat de matériel neuf ;
-----------2)
à l'achat de pièces détachées ;
-----------3)
à l'achat de matières premières ;
-----------4)
à la rétribution de main-d'oeuvre ;
-----------5)
aux menus frais de fonctionnement de la Commission (correspondance, papeterie,
circulaire, etc...). -----------Est-il
besoin de dire au passage qu'aucun membre de la Commission, sous quelque
forme que ce soit, ne perçoit d'honoraires. Et ce désintéressement
n'est pas le moindre mérite de ces fonctionnaires, si l'on songe
aux préoccupations, aux heures sans nombre qu'ils ont consacrées
et ne cessent de consacrer à notre expérience. Un hommage
particulier leur est dû.
-----------Cinq
sous-commissions ont été formées selon les préférences
et la compétence particulière des professeurs : mécanique,
optique, électricité, mouvements vibratoires,' chimie.
-----------Chacune
des sous-commissions est chargée d'étudier des problèmes
particuliers, de rassembler une documentation, de proposer le choix de
matériel neuf ou de présenter des prototypes. Elle rapporte
en séance plénière les questions livrées à
son étude. La commission donne son avis. Après quoi, sur
la proposition du vice-président, une décision est prise.
Un membre ou deux de la commission suivent la fabrication en série
et apportent les perfectionnements désirables. Cette énumération,
nécessairement schématique, ne doit pas faire illusion.
L'élaboration d'un prototype suppose des réunions, des retouches
multiples, une mise au point délicate. Là le travail d'équipe
prend tout son sens.
-----------Il
convient de dire également que chacun ne se renferme pas dans le
cadre étroit qui lui est assigné au sein de la commission,
mais collabore peu ou prou à l'ensemble des problèmes.
BILAN DES BESOINS.
-----------Une
fois défini dans ses grandes lignes le fonctionnement général
de la Commission, une première question s'est posée, celle
des besoins de nos divers établissements, lycées, collèges,
écoles normales de l'Académie. Une enquête a été
ainsi conduite :
-----------Une
circulaire a été adressée à tous les établissements
de l'Académie, avec la liste du matériel type que doit posséder
tout laboratoire d'enseignement : celle-là même qu'a publiée
le " Bulletin de l'Union des Physiciens " en juillet
.1937. Tous les professeurs de physique ont été priés,
se référant à cette liste, de dresser le bilan de
leur laboratoire et de faire connaître leurs besoins, en proportion
des effectifs et du nombre des classes où l'enseignement des Sciences
physiques est donné. Les 'réponses, rassemblées et
dépouillées, ont permis d'établir un état
général conforme aux lignes directrices ci-dessus exposées.
Nous avons admis qu'un établissement moyen (de 300 à 600
élèves) doit posséder 12 potences avec ressorts,
plateaux pour étalonnage et mesure de poids, 12 plans inclines,
12 bancs d'optique complets, 12 appareils pour étude de la statique,
12 prismes, 12 cubes de verre, etc..., cependant qu'un établissement
important, pourvu de cinq ou six classes de seconde ou de première,
de plusieurs classes de mathématiques, sciences expérimentales
et philosophie, doit disposer de deux ou même trois de chacune des
séries précédentes. Il faut que les professeurs chargés
de classes parallèles ne soient pas gênés dans la
progression de leur enseignement.
-----------Au
reste, nos intentions ont été précisées au
cours des journées pédagogiques de physique organisées
à Alger en février 1950. Là, en présence de
M. le Directeur général Monod et de M. `Inspecteur;général
Brunold, ont été réunis pendant trois jours tous
les professeurs de physique de l'Académie et une bon ne partie
des chefs d'établissement. -----------Des
prototypes d'appareils y ont été montrés, des démonstrations
ont été faites, couronnées de leçons et de
conférences magistrales. De surcroît l'Objet de notre action
a été clairement exposé, les buts à atteindre
définis, en même temps qu'était précisée
la méthode de répartition : tous les établissements
seraient servis, mais nous ferions dès l'abord pour les plus pauvres
un effort privilégié.
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...ET PREMIERE RÉPARTITION.
-----------Le
bilan de nos laboratoires -. il est naturel de s'y attendre - a révélé
que les besoins étaient grands, la tâche à entreprendre
immense. Il ne fallait rien moins que passer, pour certains collèges,
anciennes écoles primaires supérieures, du dénuement
total à un équipement raisonnable. -----------Quant
aux établissements importants, rares étaient ceux qui possédaient
une collection moyenne, voire quelques appareils modernes.
-----------D'après
le plan esquissé, l'ensemble de l'Académie exige environ
2.500 à 3.000 supports universels, 600 bancs d'optique, 600 appareils
pour étude des forces, un même nombre de prismes, d'ampèremètres,
de voltmètres de manipulations, 300 palmers, 400 pieds à
'coulisses, 500 balances de Roberval; une soixantaine au moins de lanternes
de projection, de la verrerie, des appareils de chauffage, etc...
-----------Il
a été nécessaire de faire un choix pour une première
dotation celle de l'année 1950. Elle a satisfait environ le 1/5
des besoins totaux.
-----------Il
importait qu'une seule personne dressât le plan annuel de répartition,
après avoir réuni et dépouillé l'ensemble
des demandes. Ainsi pouvait-on distribuer en fonction de l'urgence et
en tenant compte d'un maximum. Important et délicat travail de
secrétariat qui s'est ajouté à l'autre et qui a permis
de procéder à une répartition équitable, après
avis de la commission plénière.
MODALITES D'EXÉCUTION
DU PLAN 1950.
-----------La
dotation de 1950 a pu être réalisée par des achats
de matériel neuf, des fabrications locales et par le montage d'appareils
de mesure (assemblage de pièces détachées).
-----------Achat de matériel.
-----------Les
achats de matériel ont été faits sous la forme administrative
ordinaire, après appels d'offres, présentation de matériel,
enquête sur la qualité de chacun des appareils. -
-----------Quant
aux livraisons, elles se sont effectuées ou s'effectuent normalement.
Les prix sont avantageux, toujours inférieurs à ceux du
catalogue, étant donné la quantité demandée.
-----------Fabrications locales
et montage d'appareils.
-----------Pour
les fabrications locales; l'aide des établissements d'enseignement
technique a donné au double point de vue technique et financier
d'incomparables résultats : un premier essai a été
fait en introduisant la fabrication de pièces détachées,
eu même d'appareils, dans la progression des ateliers d'élèves
de l'Institut Industriel d'Algérie et du Collège Technique
d'Alger. Des succès notables ont été enregistrés.
Cependant l'expérience montre qu'il n'est pas possible, dans des.
établissements de ce niveau, d'astreindre chaque année les
élèves aux mêmes travaux. En revanche il peut y avoir
collaboration de ces établissements et des Cours complémentaires
d'Enseignement Professionnel (premier degré) auxquels est confiée
la fabrication de certaines pièces simples (tiges, noix, pinces
en bois, etc...) - qui sont. produites en quantités appréciables
et abaissent le prix de revient.
-----------A
titre d'exemple nous citerons les supports universels, composés
d'un socle triangulaire, de deux tiges filetées, deux noix de serrage,
deux plateaux et deux pinces. Le Collège Technique coule 50 socles
par mois, l'industrie locale nous en fournit également une importante
proportion, cependant qu'un certain nombre de cours complémentaires
d'enseignement professionnel des trois départements (onze) fabriquent
tiges, noix, plateaux, et que des maîtres ouvriers, disposés
à travailles tiers de leurs- heures d'enseignement, exécutent
les pinces. La coordination est assurée par l'Inspection principale
de l'enseignement technique qui distribue questionnaires, dessins et instructions
détaillées. Sur ces bases un vaste programme est en cours
et s'exécute, qui porte sur 3.090 socles, 6.000 noix, 6.000 plateaux
avec tiges, 6.000 pinces. Chaque support complet entraîne une dépense
d'environ mille francs, alors que le prix commercial serait certainement
sept à huit fois supérieur. Sensible économie, due
à la combinaison du travail de l'enseignement technique et de la
fabrication industrielle.
-----------Autre
formule : nous employons des maîtres-ouvriers de l'enseignement
technique guidés par les directeurs ou ingénieurs des établissements,
auxquels ils appartiennent, ou encore par des professeurs du second degré.
Certains maîtres-ouvriers se sont intéressés à
leur tâche au point de suggérer des modifications judicieuses
ou de trouver certaines solutions à de. petits problèmes
de mécanique. C'est ainsi que l'un de nos distingués professeurs
avec le concours de deux professeurs techniques adjoints, a pu mettre
au point le prototype, puis la fabrication de 60 lanternes à lampes
avec condenseur, une série de diaphragmes, une fente réglable,
etc..., dont les premiers exemplaires viennent d'être livrés,
et qui ne le cèdent en rien, du moins nous le pensons, aux meilleures
lanternes offertes par le commerce. Elles permettent la quasi totalité
des expériences faites jusqu'ici avec l'arc électrique.
Son prix de revient est de l'ordre de douze mille francs.
-----------Toujours
au Collège
Technique d'Alger, 180 balances de démonstration sont
en voie d'achèvement, d'après un modèle créé
et réalisé au lycée Bugeaud. Le réglage définitif
est affecté par le professeur de chaque établissement, auquel
est adressée une notice d'emploi et de mise en place.
-----------A
l'institut industriel de Maison-Carrée, cent bancs d'optique ont
été fabriqués. Les autres suivent - et suivront jusqu'à
concurrence de six cents.
-----------Les
appareils d'étude de la statique méritent une mention spéciale.
Nous les appelons " Appareils MAXE " : c'est en effet le Directeur
de l'Institut Industriel qui les a conçus, en a fait exécuter
le modèle et l'a présenté aux Journées Pédagogiques
de Physique de l'Académie d'Alger. Une centaine de ces appareils
est déjà distribuée aux différents établissements.
-----------Le
même établissement a mis en chantier 150 appareils de manipulations
pour la vérification de la loi de Mariotte et 100 coffrets pour
les microscopes Nachet que nous avons achetés. Le prix de revient
de chacun des coffrets est de 500 fr, sept à huit fois moindre
qù'il n'est ordinaire dans le commerce.
-----------Par
ailleurs un professeur du lycée Bugeaud a mené à
bien la construction de 10 émetteurs à ondes courtes avec
accessoires, de deux oscilloscopes. Le prix de revient de chacun des émetteurs
avec accessoires n'excède pas 5.000 fr. Enfin, l'ouvrier mécanicien
de physique du même lycée a pu construire : 200 potences
avec ressorts et plateaux, 200 plans inclinés 'avec ressorts et
cylindres, 100 ponts à fil, etc...
-----------Le
prix de la matière première et la rétribution des
heures de travail au tarif syndical entraîne une dépense,
par unité, de 500 fr pour les potences avec les accessoires et
de 600 fr pour les plans inclinés.
-----------Ces
différentes formules montrent à quel point la Commission
d'Alger a sollicité tous les concours possibles dans le dessein
d'aller vite, d'exploiter au mieux les crédits accordés,
sans préjudice d'une certaine perfection dans le choix ou la fabrication
des appareils.
-----------Expédition
du matériel.
-----------Il
reste à dire que ce matériel, fabriqué ou acheté,
est réuni au lycée Bugeaud où il est classé,
loti et mis en caisse pour être expédié. Dernières
opérations qui ne sont pas à négliger et qui ont
posé, achats de caisses, emballages et envois), de petits problèmes
dont la solution a d'abord retardé l'acheminement vers les établissements
destinataires.
CONCLUSION.
-----------En
conclusion, la commission d'Alger a tenté de faire oeuvre originale.
Outre l'intérêt immédiat d'équiper les laboratoires
de ce pays dont l'essor en tous domaines force l'admiration, elle a pressenti,
sans fausse vanité, que son succès pourrait faire école
et qu'il convenait de l'assurer à tout prix.
-----------De
là son effort méthodique et ardent pour mettre en oeuvre
concurremment toutes les formules possibles, pourvu qu'elles fussent efficaces
et économiques, depuis la plus élémentaire, celle
des achats commerciaux conclus sous la forme de marchés en gros,
jusqu'à la fabrication, selon nos nos prototypes, par nos propres
établissements, avec nos ingénieurs et nos professeurs,
nos maîtres-ouvriers et nos élèves.
-----------C'est
un merveilleux concours de bonnes volontés qui a seul permis de
réussir vite et bien. On daube volontiers sur le sort inégal
des expériences scolaires de nos physiciens. Nous attestons que
celle-là n'a pas manqué son but.
-----------Cet
exposé scrupuleux et naïf se réfère à
la première année d'efforts, l'année 1950. Celle
qui a suivi et qui s'achèvera au 31 mars 1952, en même temps
que l'exercice budgétaire, a été plus riche encore,
comme il est naturel après le bénéfice d'une mise
au point minutieuse.
Le Vice-Recteur
Président de la Commission
EVESQUE.
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