-----------Parmi
le nombreuses réalisations qui matérialisent aujourd'hui
les résultats de dix années de travail intense de l'Office
Algérien du Froid, la Station de Recherches Frigorifiques nous
apparaît comme la plus importante, la plus indispensable de toutes,
parce qu'elle constitue en quelque sorte la clef du succès de la
" CHAÎNE DU FROID ".
-----------Cet
Etablissement de Recherches technico-scientifiques, qui a pour mission
l'étude, en vue de leur solution pratique, de toutes les questions
intéressant l'utilisation du " Froid " dans l'entreposage,
le transport et la conservation de toutes les matières dites "
périssables " quelles qu'elles soient, n'est-il pas, par définition,
la source de lumière indispensable à l'exercice rationnel
et profitable de ces diverses opérations
-----------Nous
devons à la vérité de dire que malgré vingt
années de propagande par la plume, le discours direct ou diffusé
; malgré l'exemple aveuglant des pays étrangers dont certains
sont pour nous de redoutables concurrents ; malgré la campagne
active menée depuis 1941 par l'Office Algérien du Froid
en faveur de la généralisation de l'emploi du " Froid
" dans l'exportation de nos produits et denrées de nature
périssable, agricoles et industriels, trop de gens sont encore
aujourd'hui enclins à considérer d'une part, le recours
à la protection frigorifique comme une opération de luxe
dont beaucoup de ces produits, même parmi les plus délicats,
pourraient sans , inconvénient majeur, se dispenser ; et d'autre
part, le " Froid " lui-même comme un élément
banal, facteur naturel de qualité et conservateur universel, dans
toutes les conditions de toutes les denrées périssables
ou délicates quelles qu'elles soient, qui sont soumises à
son action.
-----------Cette
notion aussi simpliste, des services à attendre du " Froid
", est à la base même des innombrables échecs
qui ont servi à le discréditer auprès des utilisateurs
éventuels, tandis qu'elle continue à créer dans le
grand public un état d'esprit qui ne contribue pas peu au retard
de l'évolution vers son adoption générale.
-----------Cependant,
malgré les détracteurs impénitents, malgré
les réactions très vives de certaines catégories
de producteurs, voire d'exportateurs attardés dans les méthodes
révolues, malgré tout, et sous l'impulsion des besoins sociaux
et économiques nouveaux, le progrès suit sa marche inexorable
en avant, qui se traduit par une extension accélérée,
d'abord dans le cadre domestique, puis dans le cadre commercial et industriel,
des installations frigorifiques toujours mieux conditionnées ou
équipées.
-----------Déjà
les grands centres de production et d'exportation de denrées périssables
(fruits et légumes, primeurs, carcasses d'animaux de boucherie,
d'ufs, gibier, poisson, conserves, jus de fruits, etc...), Alger,
Maison-Carrée,
Hussein-Dey, Birmandreïs, Boufarik,
Orléansville, Relizane, Perrégaux, Oran, Tiaret, Bougie,
Bône, Philippeville, etc., etc..., sont pourvus d'installations
nombreuses, collectives et privées, qui fonctionnent avec plus
ou moins de succès et qui constituent dans l'ensemble, un régulateur
précieux, bien qu'encore incomplet, tantôt .des expéditions
vers les marchés lointains, tantôt simplement de l'approvisionnement
des marchés locaux.
-----------Ce
n'est là, naturellement, qu'un commencement d'organisation, encore
peu important en soi, quand on considère la niasse énorme
autant que la variété infinie des denrées d'ores
et déjà justiciables du transport lointain, de l'entreposage
ou de la conservation prolongée, mais qui fait augurer d'une évolution
désormais rapide du monde algérien des producteurs, négociants
et exportateurs, vers la notion de l'indispensabilité de l'équipement
frigorifique moderne. intégral, digne d'un pars comme celui-ci
qui vit de l'exportation des produits de son Agriculture.
-----------Malheureusement,
et quelque complète que puisse être l'organisation matérielle
de la fameuse chaîne d'installations frigorifiques, fixes ou mobiles
; quelque assurée que soit l'intégralité du circuit
sous température dirigée, la conservation dans le temps
et dans l'espace, des denrées placées sous l'action du "
Froid " ne saurait être assurée sans une connaissance
parfaite de la physiologie de ces dernières dans ses rapports avec
les conditions de milieu conservateur qu'on prétend lui imposer.
-----------Il
ne suffit pas, en effet, d'enfermer des fruits, des légumes. (le
la viande ou du gibier, des crustacés, des jus de fruits, etc...,
dans des locaux ou des récipients plus ou moins réfrigérés,
pour en assurer la conservation en bon état, rendant un temps déterminé.
Chacun de ces produits exige des conditions particulières adaptées
à sa propre constitution bio-physico-chimique.
-----------Ces
produits sont tantôt vivants comme les fruits et les légumes
et leur conservation dans le temps est entièrement subordonnée
à leur maintien intégral dans l'état (le survie,
qui suit naturellement leur récolte et précède leur
déchéance . organique ; tantôt morts, comme la viande,
et son entretien en bon état de comestibilité est fonction
du métabolisme qui s'opère dans leur substance, ou de l'envahissement
de celle-ci par le, micro-organismes destructeurs. Ils sont de toute façon,
le siège de phénomènes complexes dont l'occurrence
conditionne l'existence même (le la matière en tant que denrée
comestible et dont la connaissance scientifique est par conséquent
indispensable à priori.
-----------Quel
est le degré optimum de froid, d'humidité et de confinement
du milieu conservateur qui convienne le mieux à chacun de ces produits
pour lui assurer au préalable la meilleure conservation de ses
qualités physiques et commerciales. organoleptiques et d'autres
encore en attendant le moment plus ou moins lointain de son utilisation
-----------Voilà,
parmi les innombrables problèmes qui se poseront quotidiennement
aux utilisateurs des installations le plus modernes de la " Chaîne
du Froid ". en voie de réalisation, un des plus s;mples apparemment,
des plus ordinaires, mais dont les données varient à l'infini
et dont la solution exige la précision scientifique sans laquelle
l'usage du " froid dans la conservation des produits de nature périssable
reste un jeu de hasard plus dangereux qu'utile.
-----------Si
donc on réfléchit un instant à la diversité
infinie (les matières périssables produites par ce pays-ci,
qui sont susceptibles (le tirer un bénéfice de l'application
du " Froid ". on se rend compte de l'immensité du travail
technico-scientifique à réaliser et partant, de l'indispensabilité
de placer dans le circuit, cet organisme scientifique qui, sous le nom
de STATION DE RECHERCHES FRIGORIFIQUES et sous l'égide (le la Région
Economique d'Algérie, sera chargé de solutionner les problèmes
nombreux et difficiles qu'immanquablement soulèvera la généralisation
si désirable de l'usage du " Froid " :t l'échelle
commerciale et industrielle.
-----------La
nécessité impérieuse de la création (l'un
tel Etablissement, d'ailleurs si souvent signalée à l'attention
(les pouvoirs publics par les techniciens qui, depuis 1925, s'occupaient
à divers titres (les questions du " Froid " au service
de nos exportations, s'inscrivit à l'ordre du jour des premières
séances (le l'Office Algérien du Froid qui suivirent la
fondation de cet organisme (1941). L'exemple des pays étrangers
et de leur organisation scientifique : Angleterre (Cambridge), Italie
(Verona). Allemagne (Karlsruhe), etc.... était là, qui criait
notre retard à réaliser, au préalable, la pièce
maîtresse (lu complexe technico-économique à mettre
au service de nos pr oductions agricoles.
-----------C'est
ainsi que le 30 décembre 1941, la Section Scientifique et Industrielle
de l'Office ci-dessus demandait la création d'une Station Expérimentale
de Recherches et d'Essais Frigorifiques, capable de remplir la même
mission et rendre les mêmes services à l'Algérie que
ceux rendus par les Etablissements susmentionnés à leur
pays respectif.
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-----------Le
principe de cette création fut homologué par la Région
Economique d'Algérie le 7 mars 1942 et reçut peu après,
le 7 avril 1942, l'accord de M. le Gouverneur Général de
l'Algérie.
-----------La
Station Expérimentale (le Recherches Frigorifiques existait désormais,
tout au moins virtuellement. Il ne restait plus qu'à la situer,
l'édifier, l'équiper et l'organiser, au milieu (les difficultés
administratives et financières sans nombre, qui surgissaient tous
les jours à la faveur des circonstances politiques, économiques
et monétaires extraordinaires de la dernière décade.
-----------Cependant,
et grâce à l'activité créatrice de l'éminent
et regretté Président Louis Morard, tous les obstacles à
l'avancement des projets furent l'un après l'autre éliminés
et le signal de la construction enfin donné.
-----------Il
avait paru naturel tout d'abord, d'installer cette Station sur le territoire
de l'Institut Agricole d'Algérie, à Maison-Carrée,
où elle aurait pris place dans le groupe merveilleux des laboratoires
des Sciences diverses appliquées à l'Agriculture, qu'elle
aurait avantageusement complété. Mais pour de nombreuses
raisons parmi lesquelles l'éloignement (lu centre (les relations
commerciales et industrielles autant que (lu trafic des marchandises justifiables
de l'application du " Froid " en enfin du port d'Alger et de
ses installation, frigorifiques. ce projet fut abandonné.
-----------Finalement,
et après avoir vainement fait appel à l'hospitalité
de certains terrains domaniaux situés dan, les faubourgs de la
capitale, hospitalité à laquelle notre Etablissement de
Recherches Scientifiques et de Vulgarisation pouvait, mieux que bien d'autres,
prétendre, il fut décidé que la Station en projet
serait édifiée à Birmandreis, sur un terrain cédé
à cet effet à la Région Economique d'Algérie,
dans des conditions exceptionnelles par Mme Rigollet, mère de son
distingué Vice-Président, M. Léon Rigollet, et a
son instigation.
-----------L'édifice
est aujourd'hui en voie d'achèvement. Son existence, en tant qu'Etablissenlent
de Recherches Scientifiques, a été consacrée par
la visite officielle que lui ont faite les membres de la Région
Économique et (le l'Office Algérien du Froid, le 3 mars
1950, sous la conduite de leur distingué Président M. L.
Schiaffino, au cours de laquelle il a été d'ailleurs décidé
que le nouveau Centre d'études technologiques s'appellerait STATION
DE RECHERCHES ET ESSAIS FRIGORIFIQUES " LOUIS MORARD", en hommage
au souvenir de l'éminent économiste auquel l'Algérie
sera redevable de sa réalisation.
-----------Ainsi
située. au centre (le la coquette agglomération de Birmandreïs,
dans un cadre sympathique de verdure arborescente, en bordure de la grande
route qui relie Alger aux centres les plus importants de production de
denrées d'exportation ; placée, d'autre part, à proximité
des Etablissements scientifiques universitaires avec lesquels elle doit
entretenir d'étroites relations ; à la portée (les
organisations agricoles, commerciales et industrielles spéciales,
au profit desquelles s'exercera son activité et (lu port d'Alger
dont elle supervisera la technique (les expéditions confiée,
à la " Chaîne du Froid ". la Station Expérimentale
pourra, dans une aisance parfaite, poursuivre l'oeuvre (le progrès
économique et social que l'Algérie attend d'elle.
-----------Naturellement,
l'organisation matérielle et le fonctionnement de cet Etablissement,
l'équipement de ses divers laboratoires, 1e recrutement de techniciens
spécialisés dans les questions se rattachant aux applications
du " Froid " n'iront pas sans créer quelques charges
permanentes pour la collectivité, mais (les charges qui, contrairement
à ce que pensent nombre (le sceptiques, se traduiront rapidement
par des bénéfices généraux et particuliers,
à résulter (le l'emploi rationnel et ordonné (le
la réfrigération
-----------Le
grand public. voire une forte majorité (le gens appartenant au
monde des producteurs, des négociants, des exportateurs, (les consommateurs
de denrées périssables, ignorent encore en effet, le tribut
énorme, se chiffrant par centaines de millions annuellement, qu'ils
payent au titre (lu déchet par accident pathologique ou physiologique,
freinte (le route, perte (le qualité, etc..., sur les denrées
alimentaires mortes : viandes, poissons, laiterie, gibiers, etc.... ou
vivantes : fruits et légumes, primeurs ou (le saison. etc.... conservées
ou entreposées dans les conditions ordinaires, ou abandonnées
au hasard des transports sous température libre ; ou (lui est sacrifié,
sans profit pour personne, au gaspillage (les récoltes pléthoriques
dont la maturation, précipitée par les circonstances climatiques,
interdit l'utilisation à temps.
-----------Il
n'y a pas longtemps encore que, nous basant sur
le tonnage global annuel moyen (le quelques-uns des fruits et légumes
couramment exportés sur le; marchés de la Métropole
: artichauts, petits pois, haricots verts, tomates, courgettes, fèves
fraîches. prunes, abricots, nous avions, tenant compte (les prix
pavés à la consommation, évalué à plus
de six cents millions par an, le chiffre (les pertes subies par la collectivité
(lu fait (le l'expédition (le ce, diverses denrées. dans
les conditions ordinaire,, hors la protection (lu " Froid ".
-----------Aussi
énorme qu'il puisse paraître, ce chiffre correspond à
la vérité. Il a d'ailleurs été confirmé
par les résultats des essais effectués en mars 1938, sous
le contrôle des Services (le l'OFALAC, en collaboration avec ceux
de la S.T.E.F.. Cependant, étant donné le petit nombre d'articles
d'exportation sur lequel ces essais ont porté, il est loin de représenter
le montant global des préjudices infligés au monde (le nos
producteurs, négociants et consommateurs nationaux.
-----------En
effet, et si nous considérons, d'une part, l'ensemble (le nos exportations
de produits périssables s'effectuant encore, soit à température
libre. soit dans de mauvaises conditions de réfrigération
: si, d'autre part, nous tenons compte des échecs désastreux
qui accompagnent les tentatives fréquentes (le conservation de
produits quelconques, sous des conditions également quelconques
de milieu réfrigérant ; si enfin, nous prenons en considération
le temps considérable dépensé inutilement en tâtonnements
divaguants et mises au point empiriques, (le formules incertaines de conservation
de denrées alimentaires diverses, brutes ou manufacturées,
par des praticiens ou des amateurs insuffisamment avertis et les déconfitures
qui s'ensuivent fatalement, on arrive à établir que c'est
par 2 ou par 3 qu'il faudrait vraisemblablement multiplier le chiffre
avancé et confirmé comme ci-dessus, pour être d'accord
avec la réalité des choses.
-----------Devant
ce chiffre fabuleux, les sommes affectées à l'édification
de la Station Expérimentale du " Froid " " Louis
Morard ", avec celles encore nécessaires à son équipement
et son fonctionnement apparaissent comme minuscules, voire méprisables.
-----------Quoiqu'il
en soit, l'Etablissement tant attendu d'Essais et de Recherches, guide
officiel de demain de l'Industrie frigorifique algérienne tout
entière, y compris la " Chaîne du Froid ", est
désormais un fait accompli. Son entrée en fonction est prévue
pour le début de 1951.
-----------Son
avènement met un terme à une période qui a malheureusement
trop duré de renoncement aux méthodes rationnelles et modernes
de travail. Horace, s'il vivait, le marquerait certainement de sa fameuse
pierre blanche, " Albo lapillo "...
J.BRICHET.
Ancien Professeur,
Conseiller technique de l'Office du Froid.
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