Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : industrie
la station expérimentale de recherches et essais frigorifiques
Institut Louis Morard
12 pages - n°71 - 20 mai 1950

 
mise sur site le 28 -03-2005
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-----------Parmi le nombreuses réalisations qui matérialisent aujourd'hui les résultats de dix années de travail intense de l'Office Algérien du Froid, la Station de Recherches Frigorifiques nous apparaît comme la plus importante, la plus indispensable de toutes, parce qu'elle constitue en quelque sorte la clef du succès de la " CHAÎNE DU FROID ".
-----------Cet Etablissement de Recherches technico-scientifiques, qui a pour mission l'étude, en vue de leur solution pratique, de toutes les questions intéressant l'utilisation du " Froid " dans l'entreposage, le transport et la conservation de toutes les matières dites " périssables " quelles qu'elles soient, n'est-il pas, par définition, la source de lumière indispensable à l'exercice rationnel et profitable de ces diverses opérations
-----------Nous devons à la vérité de dire que malgré vingt années de propagande par la plume, le discours direct ou diffusé ; malgré l'exemple aveuglant des pays étrangers dont certains sont pour nous de redoutables concurrents ; malgré la campagne active menée depuis 1941 par l'Office Algérien du Froid en faveur de la généralisation de l'emploi du " Froid " dans l'exportation de nos produits et denrées de nature périssable, agricoles et industriels, trop de gens sont encore aujourd'hui enclins à considérer d'une part, le recours à la protection frigorifique comme une opération de luxe dont beaucoup de ces produits, même parmi les plus délicats, pourraient sans , inconvénient majeur, se dispenser ; et d'autre part, le " Froid " lui-même comme un élément banal, facteur naturel de qualité et conservateur universel, dans toutes les conditions de toutes les denrées périssables ou délicates quelles qu'elles soient, qui sont soumises à son action.
-----------Cette notion aussi simpliste, des services à attendre du " Froid ", est à la base même des innombrables échecs qui ont servi à le discréditer auprès des utilisateurs éventuels, tandis qu'elle continue à créer dans le grand public un état d'esprit qui ne contribue pas peu au retard de l'évolution vers son adoption générale.
-----------Cependant, malgré les détracteurs impénitents, malgré les réactions très vives de certaines catégories de producteurs, voire d'exportateurs attardés dans les méthodes révolues, malgré tout, et sous l'impulsion des besoins sociaux et économiques nouveaux, le progrès suit sa marche inexorable en avant, qui se traduit par une extension accélérée, d'abord dans le cadre domestique, puis dans le cadre commercial et industriel, des installations frigorifiques toujours mieux conditionnées ou équipées.
-----------Déjà les grands centres de production et d'exportation de denrées périssables (fruits et légumes, primeurs, carcasses d'animaux de boucherie, d'œufs, gibier, poisson, conserves, jus de fruits, etc...), Alger, Maison-Carrée, Hussein-Dey, Birmandreïs, Boufarik, Orléansville, Relizane, Perrégaux, Oran, Tiaret, Bougie, Bône, Philippeville, etc., etc..., sont pourvus d'installations nombreuses, collectives et privées, qui fonctionnent avec plus ou moins de succès et qui constituent dans l'ensemble, un régulateur précieux, bien qu'encore incomplet, tantôt .des expéditions vers les marchés lointains, tantôt simplement de l'approvisionnement des marchés locaux.
-----------Ce n'est là, naturellement, qu'un commencement d'organisation, encore peu important en soi, quand on considère la niasse énorme autant que la variété infinie des denrées d'ores et déjà justiciables du transport lointain, de l'entreposage ou de la conservation prolongée, mais qui fait augurer d'une évolution désormais rapide du monde algérien des producteurs, négociants et exportateurs, vers la notion de l'indispensabilité de l'équipement frigorifique moderne. intégral, digne d'un pars comme celui-ci qui vit de l'exportation des produits de son Agriculture.

-----------Malheureusement, et quelque complète que puisse être l'organisation matérielle de la fameuse chaîne d'installations frigorifiques, fixes ou mobiles ; quelque assurée que soit l'intégralité du circuit sous température dirigée, la conservation dans le temps et dans l'espace, des denrées placées sous l'action du " Froid " ne saurait être assurée sans une connaissance parfaite de la physiologie de ces dernières dans ses rapports avec les conditions de milieu conservateur qu'on prétend lui imposer.
-----------Il ne suffit pas, en effet, d'enfermer des fruits, des légumes. (le la viande ou du gibier, des crustacés, des jus de fruits, etc..., dans des locaux ou des récipients plus ou moins réfrigérés, pour en assurer la conservation en bon état, rendant un temps déterminé. Chacun de ces produits exige des conditions particulières adaptées à sa propre constitution bio-physico-chimique.
-----------Ces produits sont tantôt vivants comme les fruits et les légumes et leur conservation dans le temps est entièrement subordonnée à leur maintien intégral dans l'état (le survie, qui suit naturellement leur récolte et précède leur déchéance . organique ; tantôt morts, comme la viande, et son entretien en bon état de comestibilité est fonction du métabolisme qui s'opère dans leur substance, ou de l'envahissement de celle-ci par le, micro-organismes destructeurs. Ils sont de toute façon, le siège de phénomènes complexes dont l'occurrence conditionne l'existence même (le la matière en tant que denrée comestible et dont la connaissance scientifique est par conséquent indispensable à priori.
-----------Quel est le degré optimum de froid, d'humidité et de confinement du milieu conservateur qui convienne le mieux à chacun de ces produits pour lui assurer au préalable la meilleure conservation de ses qualités physiques et commerciales. organoleptiques et d'autres encore en attendant le moment plus ou moins lointain de son utilisation
-----------Voilà, parmi les innombrables problèmes qui se poseront quotidiennement aux utilisateurs des installations le plus modernes de la " Chaîne du Froid ". en voie de réalisation, un des plus s;mples apparemment, des plus ordinaires, mais dont les données varient à l'infini et dont la solution exige la précision scientifique sans laquelle l'usage du " froid dans la conservation des produits de nature périssable reste un jeu de hasard plus dangereux qu'utile.
-----------Si donc on réfléchit un instant à la diversité infinie (les matières périssables produites par ce pays-ci, qui sont susceptibles (le tirer un bénéfice de l'application du " Froid ". on se rend compte de l'immensité du travail technico-scientifique à réaliser et partant, de l'indispensabilité de placer dans le circuit, cet organisme scientifique qui, sous le nom de STATION DE RECHERCHES FRIGORIFIQUES et sous l'égide (le la Région Economique d'Algérie, sera chargé de solutionner les problèmes nombreux et difficiles qu'immanquablement soulèvera la généralisation si désirable de l'usage du " Froid " :t l'échelle commerciale et industrielle.
-----------La nécessité impérieuse de la création (l'un tel Etablissement, d'ailleurs si souvent signalée à l'attention (les pouvoirs publics par les techniciens qui, depuis 1925, s'occupaient à divers titres (les questions du " Froid " au service de nos exportations, s'inscrivit à l'ordre du jour des premières séances (le l'Office Algérien du Froid qui suivirent la fondation de cet organisme (1941). L'exemple des pays étrangers et de leur organisation scientifique : Angleterre (Cambridge), Italie (Verona). Allemagne (Karlsruhe), etc.... était là, qui criait notre retard à réaliser, au préalable, la pièce maîtresse (lu complexe technico-économique à mettre au service de nos pr oductions agricoles.
-----------C'est ainsi que le 30 décembre 1941, la Section Scientifique et Industrielle de l'Office ci-dessus demandait la création d'une Station Expérimentale de Recherches et d'Essais Frigorifiques, capable de remplir la même mission et rendre les mêmes services à l'Algérie que ceux rendus par les Etablissements susmentionnés à leur pays respectif.

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-----------Le principe de cette création fut homologué par la Région Economique d'Algérie le 7 mars 1942 et reçut peu après, le 7 avril 1942, l'accord de M. le Gouverneur Général de l'Algérie.
-----------La Station Expérimentale (le Recherches Frigorifiques existait désormais, tout au moins virtuellement. Il ne restait plus qu'à la situer, l'édifier, l'équiper et l'organiser, au milieu (les difficultés administratives et financières sans nombre, qui surgissaient tous les jours à la faveur des circonstances politiques, économiques et monétaires extraordinaires de la dernière décade.
-----------Cependant, et grâce à l'activité créatrice de l'éminent et regretté Président Louis Morard, tous les obstacles à l'avancement des projets furent l'un après l'autre éliminés et le signal de la construction enfin donné.
-----------Il avait paru naturel tout d'abord, d'installer cette Station sur le territoire de l'Institut Agricole d'Algérie, à Maison-Carrée, où elle aurait pris place dans le groupe merveilleux des laboratoires des Sciences diverses appliquées à l'Agriculture, qu'elle aurait avantageusement complété. Mais pour de nombreuses raisons parmi lesquelles l'éloignement (lu centre (les relations commerciales et industrielles autant que (lu trafic des marchandises justifiables de l'application du " Froid " en enfin du port d'Alger et de ses installation, frigorifiques. ce projet fut abandonné.
-----------Finalement, et après avoir vainement fait appel à l'hospitalité de certains terrains domaniaux situés dan, les faubourgs de la capitale, hospitalité à laquelle notre Etablissement de Recherches Scientifiques et de Vulgarisation pouvait, mieux que bien d'autres, prétendre, il fut décidé que la Station en projet serait édifiée à Birmandreis, sur un terrain cédé à cet effet à la Région Economique d'Algérie, dans des conditions exceptionnelles par Mme Rigollet, mère de son distingué Vice-Président, M. Léon Rigollet, et a son instigation.
-----------L'édifice est aujourd'hui en voie d'achèvement. Son existence, en tant qu'Etablissenlent de Recherches Scientifiques, a été consacrée par la visite officielle que lui ont faite les membres de la Région Économique et (le l'Office Algérien du Froid, le 3 mars 1950, sous la conduite de leur distingué Président M. L. Schiaffino, au cours de laquelle il a été d'ailleurs décidé que le nouveau Centre d'études technologiques s'appellerait STATION DE RECHERCHES ET ESSAIS FRIGORIFIQUES " LOUIS MORARD", en hommage au souvenir de l'éminent économiste auquel l'Algérie sera redevable de sa réalisation.
-----------Ainsi située. au centre (le la coquette agglomération de Birmandreïs, dans un cadre sympathique de verdure arborescente, en bordure de la grande route qui relie Alger aux centres les plus importants de production de denrées d'exportation ; placée, d'autre part, à proximité des Etablissements scientifiques universitaires avec lesquels elle doit entretenir d'étroites relations ; à la portée (les organisations agricoles, commerciales et industrielles spéciales, au profit desquelles s'exercera son activité et (lu port d'Alger dont elle supervisera la technique (les expéditions confiée, à la " Chaîne du Froid ". la Station Expérimentale pourra, dans une aisance parfaite, poursuivre l'oeuvre (le progrès économique et social que l'Algérie attend d'elle.
-----------Naturellement, l'organisation matérielle et le fonctionnement de cet Etablissement, l'équipement de ses divers laboratoires, 1e recrutement de techniciens spécialisés dans les questions se rattachant aux applications du " Froid " n'iront pas sans créer quelques charges permanentes pour la collectivité, mais (les charges qui, contrairement à ce que pensent nombre (le sceptiques, se traduiront rapidement par des bénéfices généraux et particuliers, à résulter (le l'emploi rationnel et ordonné (le la réfrigération
-----------Le grand public. voire une forte majorité (le gens appartenant au monde des producteurs, des négociants, des exportateurs, (les consommateurs de denrées périssables, ignorent encore en effet, le tribut énorme, se chiffrant par centaines de millions annuellement, qu'ils payent au titre (lu déchet par accident pathologique ou physiologique, freinte (le route, perte (le qualité, etc..., sur les denrées alimentaires mortes : viandes, poissons, laiterie, gibiers, etc.... ou vivantes : fruits et légumes, primeurs ou (le saison. etc.... conservées ou entreposées dans les conditions ordinaires, ou abandonnées au hasard des transports sous température libre ; ou (lui est sacrifié, sans profit pour personne, au gaspillage (les récoltes pléthoriques dont la maturation, précipitée par les circonstances climatiques, interdit l'utilisation à temps.
-----------Il n'y a pas longtemps encore que, nous basant sur le tonnage global annuel moyen (le quelques-uns des fruits et légumes couramment exportés sur le; marchés de la Métropole : artichauts, petits pois, haricots verts, tomates, courgettes, fèves fraîches. prunes, abricots, nous avions, tenant compte (les prix pavés à la consommation, évalué à plus de six cents millions par an, le chiffre (les pertes subies par la collectivité (lu fait (le l'expédition (le ce, diverses denrées. dans les conditions ordinaire,, hors la protection (lu " Froid ".
-----------Aussi énorme qu'il puisse paraître, ce chiffre correspond à la vérité. Il a d'ailleurs été confirmé par les résultats des essais effectués en mars 1938, sous le contrôle des Services (le l'OFALAC, en collaboration avec ceux de la S.T.E.F.. Cependant, étant donné le petit nombre d'articles d'exportation sur lequel ces essais ont porté, il est loin de représenter le montant global des préjudices infligés au monde (le nos producteurs, négociants et consommateurs nationaux.
-----------En effet, et si nous considérons, d'une part, l'ensemble (le nos exportations de produits périssables s'effectuant encore, soit à température libre. soit dans de mauvaises conditions de réfrigération : si, d'autre part, nous tenons compte des échecs désastreux qui accompagnent les tentatives fréquentes (le conservation de produits quelconques, sous des conditions également quelconques de milieu réfrigérant ; si enfin, nous prenons en considération le temps considérable dépensé inutilement en tâtonnements divaguants et mises au point empiriques, (le formules incertaines de conservation de denrées alimentaires diverses, brutes ou manufacturées, par des praticiens ou des amateurs insuffisamment avertis et les déconfitures qui s'ensuivent fatalement, on arrive à établir que c'est par 2 ou par 3 qu'il faudrait vraisemblablement multiplier le chiffre avancé et confirmé comme ci-dessus, pour être d'accord avec la réalité des choses.
-----------Devant ce chiffre fabuleux, les sommes affectées à l'édification de la Station Expérimentale du " Froid " " Louis Morard ", avec celles encore nécessaires à son équipement et son fonctionnement apparaissent comme minuscules, voire méprisables.
-----------Quoiqu'il en soit, l'Etablissement tant attendu d'Essais et de Recherches, guide officiel de demain de l'Industrie frigorifique algérienne tout entière, y compris la " Chaîne du Froid ", est désormais un fait accompli. Son entrée en fonction est prévue pour le début de 1951.
-----------Son avènement met un terme à une période qui a malheureusement trop duré de renoncement aux méthodes rationnelles et modernes de travail. Horace, s'il vivait, le marquerait certainement de sa fameuse pierre blanche, " Albo lapillo "...

J.BRICHET.
Ancien Professeur,
Conseiller technique de l'Office du Froid.