----------Les
bruyères qui appartiennent à la famille des Ericacées
sont largement répandues dans les pays chauds où elles se
comportent quelle que soit la latitude comme des envahisseurs des sols
forestiers dégradés. Dans bien des régions leur présence
n'est que le prélude de la ruine de la forêt ou le témoignage
de sa disparition sous l'influence de la coupe de bois, des incendies
et des parcours de troupeaux. Bien que le paysage classique du peuplement
-de bruyère soit la lande, certaines espèces atteignent
la taille d'un arbuste et c'est le cas de la bruyère arborescente
qui se rencontre un peu partout dans le maquis méditerranéen
et africain.
----------En
Algérie, la bruyère fait partie du maquis dont elle est
une des espèces les plus résistantes à l'étouffement
par la forêt. ----------Le
bois des souches de la bruyère arborescente est utilisé
pour fabriquer des pipes réputées dans le monde entier.
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
DE LA BRUYÈRE ARBORESCENTE EN ALGÉRIE
----------La
bruyère arborescente qui étend son aire botanique depuis
l'Atlantique jusqu'à la Mer Noire et au Caucase occidental existe
dans les montagnes d'Abyssinie et plus au Sud sur les hauts reliefs du
Kenya (Afrique orientale anglaise). ----------En
Algérie on la trouve dans tout le Tell, sur des terrains silicieux
ou fortement décalcifiés et particulièrement dans
le département d'Alger et de Constantine où elle forme un
élément important du maquis de la forêt de chêne-liège.
Dans le département d'Oran, la bruyère ne prospère
que dans les régions les plus arrosées, spécialement
aux environs de Tlemcen. En altitude elle peut trouver place entre les
chênes Zéen et les chênes Afares jusqu'à plus
de 1.200 m. Bien qu'elle soit très abondante dans le maquis privé
d'arbre. il arrive cependant qu'on la rencontre associée au thuya,
par exemple à Dellys. et au chêne vert comme dans les forêts
de Mouzaïa et dans le Sud des Hauts-Plateaux constantinois où
se trouve une station avancée de chênes-lièges. Le
témoin le plus saharien des peuplements de bruyère a été
signalé entre Djelfa et Bon-Saàda.
----------Bien
que localisée surtout dans sa partie septentrionale, l'aire (le
la bruyère arborescente en Algérie est calquée sur
celle du chêne-liège et est estimée à environ
400.000 hectares.
CARACTERES BOTANIQUES
DE LA SOUCHE DE BRUYÈRE
----------Le
développement des peuplements de bruyère est souvent (lu
aux nombreux incendies qui dévastent trop souvent les forêts
algériennes. Ce fait qui peut paraître paradoxal s'explique
facilement car si les parties aériennes de cette espèce
sont un élément (le choix pour l'incendie, l'abondance de
son ensemencement et sa faculté de drageonner lui permettent (le
repartir vigoureusement après les sinistres, éliminant ainsi
les boisements de plus grande valeur forestière. Lorsque les incendies
se répètent trop souvent, la bruyère elle-même
fait place à une lande de cyste, ce qui marque la dernière
phase de la destruction du sol.
----------Arbuste
à tiges dressées très rameuses, la bruyère
arborescente atteint couramment 3 à 4 mètres de haut dans
les maquis d'une cinquantaine d'années. Ces tiges, divisées
en ramilles. portent de petites feuilles linéaires au couvert très
léger. En mars ou avril, les rameaux jeunes se couvrent de minuscules
fleurs blanches ou rosées, groupées vers les extrémités.
Ces inflorescences constituent une des principale sources en miel de la
forêt de chêne liège.
----------L'intérêt
de cette bruyère réside uniquement dans titre particularité
anatomique de sa tige. Celle -ci, au-dessus de l'insertion des racines
émet de façon presque constante une excroissance volumineuse
ou souche, de forme assez régulière, dont le niveau supérieur
affleure le sol . Cette excroissance
appartient au groupe des anomalies végétales appelées
loupes ou broussins, où la multiplication de nombreux bourgeons
à bois a pour résultat de former une masse compacte de bois
madré dont les éléments sont fortement soudés
entre eux mais désorientés et étroitement enchevêtrés.
LE BOIS DE LA SOUCHE
DE BRUYERE
----------Le
bois de la souche de bruyère constitue un matériau de choix
pour la fabrication des pipes. Outre qu'il possède une densité
et une résistance élevée, ce bois doit tant à
sa composition qu'à sa structure très particulière,
la qualité qui le désigne pour cet usage et grâce
à laquelle il demeure pratiquement irremplaçable. Il se
révèle, en effet, remarquablement résistant au feu
et ne dégage aucune odeur, même à haute température.
Son grain très fin lui permet de prendre un beau poli. De plus,
à la surface de l'ébauchon judicieusement taillé,
les traces des rameaux du broussin dessinent un veinage particulier. Lorsque
ce veinage est développé, on (lit que le bois est "
flammé ". La flamme est très recherchée des
connaisseurs et sa présence est susceptible de majorer de façon
appréciable le prix (le la pipe finie.
L'EXPLOITATION DES SOUCHES
DE BRUYERE
----------En
Algérie, l'exploitation des, souches (le bruyère dans les
forêts .soumises au régime forestier est concédée
par adjudications publiques. Dans les bois communaux non soumis au régime
forestier ou dans les propriétés particulières, l'extraction
des souches doit être précédée. comme toute
exploitation de bois, d'une déclaration instruite par le Service
forestier local.
----------Quelle
que soit la nature des peuplements, la pratique de l'extraction est la
même. Les ouvriers. recrutés le plus souvent parmi la population
locale, parcourent le peuplement, soit isolément, soit en chantiers
organisés et extraient de place en place les souches (lui leur
paraissent avoir atteint les dimensions convenables. Guidés par
l'expérience, ils recherchent la bruyère présentant
un, deux ou an maximum trois beaux brins, vigoureux et droits, aux insertions
rapprochées sur le collet (le la souche. Après s'être
assurés, par un dégagement sommaire, des dimensions propices
de l'excroissance, ils abattent les tiges, dégagent les racines,
puis les tranchent au moyen d'une pioche-hache au manche court.
----------Les
souches extraites sont chargées dans des camions ou débardées
par bêtes (le somme. soit vers l'usine la plus proche, soit vers
un chantier d'achat installé aux environs par l'adjudicataire.
Ait dépôt. elles sont triées par un chef de chantier,
payées à l'ouvrier, mises en tas, puis, pour éviter
les fentes de retrait que la moindre dessiccation amènerait sans
tarder, recouvertes d'herbes et (le feuilles mortes maintenues constamment
humides.
----------L'exploitation
de la souche (le bruyère arborescente ne doit pas être considéré(-
comme une opération contraire au maintien (le la plante. Les jeunes
semis sont partout en nombre très suffisant. Leur levée
et leur croissance ne peuvent être que facilitées par les
conditions favorables nées de l'éclaircie dans le sous-bois,
et du crochetage du sol que constitue l'exploitation. De plus, les racines
sectionnées. qui restent en place à la suite (le l'extraction,
conservent la faculté de drageonner.
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----------L'extraction
des souches ne compromet donc nullement l'existence de l'espèce,
ce qui rend possible une exploitation continue et soutenue, à condition
de ne pas dépasser ce qu'en matière d'aménagement
de forêt on appelle la possibilité. En revanche, tout abus
aurait pour effet de diminuer l'âge moyen des souches et de retarder
l'échéance de l'exploitation future. Une souche en effet,
n'est d'une véritable qualité qu'entre 30 et 50 ans d'âge.
Chacune pèse environ 2 kilos.
LA FABRICATION DES EBAUCHONS
DE PIPES
----------Dès
leur arrivée à l'usine, les souches sont rassemblées
en grands tas sous des hangars où elle ne peuvent toutefois être
stockées que pendant un temps limité car elles s'altèrent
superficiellement d'abord, puis progressivement en profondeur.
----------Lcs
installations de façonnage des ébauchons sont d'un type
uniforme dans tous les pays. Elles comportent un certain nombre de scies
circulaires verticales.
----------L'ouvrier
commence par fendre la souche en deux, puis il nettoie les éclats
en abattant les ,défauts dans chacun d'eux et. selon sa grosseur.
il découpe enfin un ou plusieurs ébauchons en leur donnant
une orientation et des dimensions telles que le déchet soit réduit
au minimum.
----------Pour
éviter les fentes (le retrait. les ébauchons sont portés
aussitôt après sciage dans de grandes chaudière, où
ils sont immergés dans de l'eau tiède, progressivement portée
à l'ébullition, pendant six heures, aprés quoi, on
cesse de chauffer. La chaudière se refroidit lentement et les ébauchons
sont retiré après 12 heures l' immersion lorsque l'eau est
de nouveau tiède.
----------Après
bouillage, les ébauchons sont disposés sur des claies et
séchés aussi lentement et progressivement que possible dans
de vastes locaux tempérés. Au bout d'un mois de séchage,
ils sont dits demi-sec, et peuvent être livrés à l'exportation.
Le séchage complet demande un minimum de trois mois
----------Secs
ou demi-secs, les ébauchons sont triés, classés et
mis en balles. Les pièces fendues ou présentant des défauts
sont rejetées.
----------La
balle est l'unité pratique commerciale : elle pèse environ
100 kilos et ne contient que des ébauchons de spécifications
homogènes, au nombre de 24 à 132 douzaines suivant leur
calibre. On distingue commercialement 23 types différents d'ébauchons.
----------Les
premières scieries d'ébauchons furent installées
en Algérie en 1906. L'obligation imposée par le cahier des
charges des ventes domaniales à tout adjudicataire de faire fonctionner
en Algérie même une usine de transformation des souches en
ébauchons comprenant au moins cinq scies, a contribué au
développement local de cette première phase de l'industrie
pipière. Aujourd'hui on compte en Algérie une trentaine
d'installations employant environ 200 scieurs.
----------Ces
entreprises d'importance très inégale. sont pour la plupart
groupées à Philippeville, Bougie, Collo et Bône. Il
en existe à Yusuf, l'Edough, et El-Milia, dans le Constantinois,
à Alger. Azazga, Miliana. Port-Guevdon, Marceau et Ténès
dans le département d'Alger.
INTERET ÉCONOMIQUE DE LA SOUCHE DE BRUYÈRE
EN ALGÉRIE
Les salaires et les redevances
----------Le
nombre global des personnes vivant de l'industrie de la fabrication des
ébauchons peut être évalué aux environ, de
400. D'autre part, la récolte des souches occupe de 4 à
5.ooo ouvriers pendant 110 jours par an. sans compter le personnel assurant
les transports. Le total (les salaires ainsi répartis est de l'ordre
de grandeur (le 120 millions de francs. ----------Ce
chiffre permet de situer à sa véritable place ce
menu produit souvent méconnu de la forêt algérienne.
----------Il
n'est pas tenu compte dans cette estimation des redevances pavées
par les exploitants pour la location du droit de récolter des souches
dans les terrains domaniaux, communaux ou particuliers. La concession
de ce droit dans les forêts du domaine de l'Etat. qui donnait lieu
en 1937 au profit du Trésor à une perception d'un peu moins
de 250.000 francs, a produit 980.000 francs en 1946. 3.500.000 francs
en 1946 et très près de 5 millions en 1948.
Contingents de production
----------La
production de l'Algérie en souches de bruyère peut atteindre
annuellement de 10 à l2.000 tonnes sans provoquer l'appauvrissement
des peuplements. C'est là d'ailleurs un chiffre atteint en moyenne
au cours des trente années qui ont précédé
la dernière guerre.
----------La
moyenne annuelle des productions d'ébauchons a été,
en effet, de 3.000 tonnes durant la période de 1910 à 1939.
Elle correspond à l'utilisation de 12.000 tonnes de souches, le
rendement en ébauchons étant d'environ 25 à 3o kilos
pour 100 kilos de souches.
----------En
raison de la conjoncture économique défavorable, l'extraction
(les souches est tombée à moins de 2.000 tonnes entre 1942
et 1945.
----------Remontée
à 5.500 tonnes en 1947, l'extraction a porté en 1948 sur
8.000 tonnes de souches.
Les débouchés
----------Les
ébauchons de pipes préparés en Algérie ont
trois débouchés
----------1)l'industrie
métropolitaine. localisée à Saint-Claude (Jura),
absorbait avant la dernière guerre les z; 3 des ébauchons
d'Algérie : au cours des trois années de 1946 à 1948,
elle a utilisé annuellement 900 tonnes en moyenne.
----------2)
L'exportation vers l'étranger. Elle a été, au cours
de la même période triennale, de 200 tonnes en moyenne. Les
principaux pays acheteurs sont actuellement : l'Angleterre, les Pays Scandinaves.
les Pays-Bas, l'Allemagne et les Pays d'Europe Centrale, les Etats-Unis.
----------3)
La fabrication algérienne des têtes de pipes et des pipes
finies n'est représentée en Algérie que par une seule
usine spécialisée, établie à Philippeville
; elle traite annuellement environ 130 tonnes débauchons préparés
dans ses ateliers ou achetés à d'autres entreprises ; elle
les transforme en tête de pipes pour l'exportation ou en pipes finies
pour le marché intérieur. Dans l'ensemble, les produits
serai-ouvrés valent quatre à cinq fois plus chers que les
ébauchons bruts.
----------D'après
les premières estimations et sur la base d'un prix moyen à
la tonne de 150.000 francs, la valeur des produits en bois de bruyère
d'Algérie exportés en 1949, atteindrait 300 millions de
francs, marquant une nette augmentation par rapport aux précédentes
campagnes.
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