------------Bien qu'à beaucoup d'égards, il soit préférable d'attendre avec les chiffres des derniers mois les résultats complets de l'année 1948 avant d'entreprendre une étude détaillée de l'évolution de la conjoncture économique de l'Algérie, il est déjà possible de retenir de l'examen des résultats connus les quelques remarques suivantes

DEMOGRAPHIE

------------Les résultats provisoires (lu dernier recensement ont été publiés dans le Bulletin de Statistique Générale : ils montrent que la population totale s'établit aux environs de 8.65o.ooo. Il y'aurait donc une augmentation du nombre des habitants de l'ordre de 1.450.000 depuis 1936, augmentation qui correspondrait à un taux moyen annuel d'accroissement de 1,5 %. Ce taux est considérable, puisque la population algérienne, si elle le conservait, doublerait en un peu moins (le cinquante ans.
------------Les résultats du mouvement naturel de la population ne sont pas encore connus, mais il est d'ores et déjà possible de les estimer à l'aide des observations recueillies dans les villes répondant à l'enquête mensuelle. La précision de ces estimations est très grande pour l'élément européen, médiocre pour l'élément musulman dont 13 % seulement est touché par l'enquête.
------------D'une façon générale, l'année 1948 ne semble pas avoir apporté de changements notables aux divers facteurs du mouvement naturel. Il faut cependant noter aussi bien pour les européens que pour les musulmans une certaine diminution du taux de mortalité générale et le maintien de la natalité à un niveau très élevé pour l'élément, musulman.
------------Le bilan approximatif (le l'année se présente ainsi

------------Il est évident que les nombres ci-dessus ne doivent être considérés que comme des ordres de grandeur et que pour la population musulmane en particulier, les nombres définitifs risquent d'être assez sensiblement différents.
------------La mortalité infantile qui constitue un indice très sensible de l'état sanitaire de la population est en baisse par rapport à l'année 1947 pour les deux éléments de la population comme le montrent les nombres suivants .

------------Du point de vue démographique, l'année 1948 est donc une année favorable mais il ne faut pas perdre de vue que l'accroissement de la population nécessite un développement parallèle des activités économiques faute de quoi, il entraînerait une baisse générale des niveaux de vie.

PRODUCTION AGRICOLE

------------La campagne agricole 1947-1948 a été la meilleure que l'Algérie ait connu depuis de-nombreuses années. Les conditions favorables du début de la campagne laissaient espérer au début du mois de mai une récolte de céréales largement supérieure à la moyenne d'avant-guerre. Mais les orages de la fin mai et du début juin qui accentuèrent le développement des rouilles, ainsi que les siroccos de la deuxième quinzaine de juin ont entraîné une réduction sensible des résultats escomptés. La récolte des quatre principales céréales s'est en définitive élevée à près (le 18.ooo.ooo quintaux, résultat équivalent à la moyenne 1930-1939, comme le montre le tableau suivant :

------------On peut constater que l'orge seul a bénéficié d'un accroissement de production important.
------------Malgré l'importance de la récolte, la commercialisation semble relativement difficile. Elle s'est sensiblement ralentie depuis trois mois. Le total des quantités commercialisées s'élevait au 31 Décembre à 6.911.000 quintaux.
------------Les autres secteurs de la production agricole présentent également (les résultats satisfaisants. Il faut toutefois mentionner les lentilles dont la production insignifiante avant la guerre connaît un essor remarquable. Il est d'ailleurs vraisemblable que les cours élevés qui ont entraîné cette progression ne se maintiendront pas si ce produit ne trouve pas de débouchés extérieurs.

------------Quant aux vins, dont on connaît l'importance dans l'économie algérienne, les résultats définitifs de la récolte 1948 sont maintenant connus. Le total s'élève à 12.054.000 hectolitres.
------------Les quantités récoltées s'élevaient à 8.303.000 hl en 1947 pour une superficie en rapport inférieure de 3.000 ha. environ et, en moyenne à 17 millions d'hectolitres avant la guerre.
------------La diminution par rapport à l'avant-guerre est due non seulement à la régression (les surfaces, mais encore à la baisse du rendement moyen ainsi (lue le montre le tableau suivant :

------------La situation du cheptel est satisfaisante, sauf en ce qui concerne le cheptel ovin qui est loin d'être reconstitué. On note une forte augmentation du nombre (le porcins par rapport à l'avant-guerre.
------------Dans le domaine (les moyens de production, il faut signaler l'amélioration très sensible du parc tracteurs à roues. ------------L'agriculture algérienne a en effet reçu pendant l'année 1948, 287 tracteurs à chenilles et 1.310 tracteurs à roues. Les quantités correspondantes pour l'année 1947 étaient respectivement de 174 et 521. Il est évident qu'il faut s'attendre à une augmentation rapide (le la consommation (le carburants si les arrivages se poursuivent à ce rythme.

PRODUCTION MINIÈRE ET INDUSTRIELLE
------------L'année 1948 marque un nouveau progrès dans le développement de la production d'énergie puis(lue l'extraction de la houille comme la production d'énergie électrique s'établissent à des niveaux record.

------------La consommation en produits pétroliers a augmenté d'environ 10 % par rapport à l'année 1947 et c'est le secteur des transports (route et fer) qui a le plus bénéficié de l'augmentation des quantités disponibles.
------------L'extraction du minerai de fer, malgré les grèves qui ont affecté la production des derniers mois, dépassera sensiblement le ,niveau atteint en 1947, mais les trois millions de tonnes d'avant-guerre constituent encore un objectif lointain.
------------En revanche, les chiffres de production des phosphates, pyrites de fer, sulfate de baryte, seront assez sensiblement inférieurs à eux de 1947.
------------Les insuffisances. et les lacunes de la documentation statistique ne permettent pas d'avoir une idée très précise de l'activité industrielle au cours de l'année écoulée, cependant il faut signaler les progrès réalisés clans le secteur (les matériaux de construction et des industries chimiques.

COMMERCE EXTÉRIEUR

------------Le volume des échanges extérieurs est en nette progression par rapport à l'année 1947, surtout en ce qui concerne les exportations qui passent de 3.800 à 4.900 milliers de tonnes.
------------Bien que les chiffres définitifs ne soient pas encore connus (les résultats du mois de décembre manquent), on petit d'ores et déjà prévoir que la balance commerciale présentera un déficit de l'ordre de 15 milliards de francs se répartissant comme suit

------------Ainsi la métropole a conservé en 1948 sa place traditionnelle de premier fournisseur et de premier client de l'Algérie participant pour 72 % à ses importations et absorbant 85 % d ses exportations. Les U.S.A. viennent au deuxième rang comme fournisseur et la Grande-Bretagne comme client.
------------Les exportations qui couvraient 113 % des importations en 1938 et 90 % en 1947, n'en ont couvert que 83 % en 1948, le déficit étant particulièrement élevé pour les échanges avec les pays étrangers. Les mesures prises par le gouvernement (le change stabilisé depuis le 26 décembre 1945 a été modifié deux fois au cours (le l'année) pour stimuler les exportations sur l'étranger fortement compromises au début de l'année, n'ont donc eu qu'un effet limité par suite (le la hausse constante des prix extérieurs.

------------Toutefois, le déficit constaté ne présente pas un caractère inquiétant car l'Algérie en voie d'industrialisation, doit importer les biens nécessaires à son équipement. En 1948, ces importations qui constituent un investissement, se sont élevées aux environs de 17 milliards de francs.
------------L'Algérie doit donc pouvoir équilibrer dans un avenir très proche sa balance commerciale mais elle a un gros effort à fournir pour développer au maximum ses exportations sur l'étranger afin de financer elle-même clans la plus large mesure possible ses importations en provenance de la zone dollar.

MONNAIE ET PRIX
------------Malgré les facteurs favorables que nous venons d'examiner, les prix n'ont cessé de monter à un rythme aussi rapide que les années précédentes.
------------Le niveau général des prix de détail à Alger se situe en décembre 1948, 6o % environ au-dessus du niveau de décembre 1947.
------------Voici les indices, base 100 en 1939, de quelques articles en décembre 1947 et décembre 1948

------------Il faut remarquer la dispersion considérable des coefficient de hausse qui s'échelonnent entre 12 % pour les pommes de terre et 258 % pour le vin. La comparaison avec le Maroc et la Métropole est des plus instructives puisque à Rabat et à Paris, le niveau général des prix de détail s'est élevé entre les mêmes époques respectivement de 31 % et de 42 %. Alger est donc parmi ces trois villes, celle où la hausse des prix a été la plus forte au cours de l'année dernière.
------------Il convient toutefois de souligner que la hausse des prix réels a certainement été inférieure à celle mise en évidence par les indices officiels par suite des mesures de relèvement ou de mise en liberté (le certains prix officiels qui ont entraîné la disparition presque complète du marché noir.
------------Les causes qui ont entraîné cette hausse générale sont évidemment nombreuses et complexes: Il ne semble pas que l'inflation soit la cause essentielle puisque la circulation fiduciaire algérienne n'a progressé entre octobre 1947 et octobre 1948 que de 26 % et l'ensemble des disponibilités monétaires de 43
------------En revanche, la solidarité des économies algérienne et métropolitaine (nous avons vu la part de la Métropole dans les échanges extérieurs de l'Algérie) a certainement joué dans le sens de la hausse, l'augmentation des prix (les produits importés ayant une influence directe sur le niveau des prix intérieurs et les prix des produits d'exportation ayant tendance à s'aligner sur les prix métropolitains.
------------Il faut aussi signaler le gonflement de l'appareil de distribution qui a certainement contribué à l'élévation des prix. Les immatriculations nouvelles aux registres du commerce se sont maintenues à niveau mensuel très élevé, bien sensiblement inférieur à celui de l'année 1947.

------------Il est d'ailleurs vraisemblable que, si la stabilisation qui se dessine dans la Métropole, se confirme, une crise d'adaptation est à peu près inévitable, la structure commerciale actuelle correspondant à une économie de prix ascendants.
Jusqu'à présent, bien que des signes certains de malaise aient été enregistrés dans quelques secteurs, ces difficultés n'ont pas encore eu d'effet sensible sur le nombre des faillites.

------------En conclusion, l'année 1948 n'a pas apporté de changements notables aux tendances constatées en 1947. Le mouvement ascensionnel des prix s'est poursuivi malgré l'accroissement de la production agricole et industrielle, et le problème " prix salaires " est toujours d'actualité. Il semble, toutefois. que l'on puisse prévoir un mouvement de détente et de retour à l'équilibre, l'écart entre les besoins et les biens disponibles pour les satisfaire ayant tendance à se résorber par suite de l'augmentation de la production.

SERVICE DES STATISTIQUES
GOUVERNEMENT GÊNERAI DE L'ALGÉRIE