Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : industrie
les industries agricoles en Algérie
7 pages - n°58 - 25 février 1949

Ainsi, notre pays puissamment soutenu par la Métropole, pourra-t-il mener à bien sa métamorphose industrielle, mais quelle puisse être la réussisse des efforts si harmonieusement déployés dans le présent, hommage doit être rendu aux premiers créateurs dont l'œuvre atteste le courage et le mérite.

mise sur site le 15 -03-2005
63 Ko / 16 s
 
retour
 

------------Par sa situation géographique, son climat, ses ressources en terres et en hommes, l'Algérie a été jusque-là un pays à économie essentiellement agricole.
------------Sa fonction primordiale était de développer son agriculture : et nous savons tous les miracles dans ce domaine contre les marécages, contre les maladies, contre la sécheresse, pour gagner à la culture un nombre d'hectares toujours plus important.
------------Ses colons, défricheurs de terres, ont été le plus souvent aussi les artisans des premières usines l'agriculture en était la base directe, la technique venait de la Métropole ou des autres pays méditerranéens, les moyens d'équipement étaient souvent rudimentaires.
------------Peu à peu cependant naquirent de véritables industries susceptibles de transformer quelques matières brutes en produits alimentaires indispensables CAVES, MINOTERIES, HUILERIES. Mais tant les minerais qui commençaient à être extraits (phosphates, fer) que les produits agricoles plus spécialement adaptés à nos climats (alfa, liège, dattes, figues et agrumes) continuaient encore récemment à être exportés à l'état brut.
------------L'évolution naturelle, hâtée par la guerre, qui a si profondément marqué cette Afrique du Nord, tend à faire passer présentement notre pays dans une phase primaire d'industrialisation, à l'instar de pays auxquels elle ressemble sous beaucoup d'aspects tels que l'Argentine, l'Australie et, à ses portes, l'Égypte.

***********

------------Le plan d'équipement de l'Algérie est maintenant en marche. Mais pour rendre justice au courage et à l'esprit d'entreprise des premiers créateurs parmi lesquels beaucoup d'entre nous sont fiers de compter leurs pères, nous nous attacherons à vous définir - très succinctement - leurs principales réalisations industrielles.

DÉLIMITATION DES INDUSTRIES AGRICOLES

------------Toutes, à très peu d'exception près, aboutissent à l'agriculture ou en dérivent : Terres qu'il a fallu remuer et nourrir ; céréales transformer en farine et semoule, puis en pain ; pâtes et biscuits, fruits et primeurs merveilleux de cette " Californie Française " qui ne subissaient d'abord qu'un léger conditionnement pour la consommation à l'état frais et qui devaient s'enrichir récemment des techniques de la conserverie ; rares cultures industrielles enfin, le tabac manufacturé dès longtemps, l'alfa dont le traitement ne s'affirmera que bientôt.

ENRICHISSEMENT DES TERRES

------------Les premiers besoins à satisfaire par l'industrie étaient bien ceux de l'agriculture. Avec le développement de l'hydraulique, ils résidaient principalement dans la recherche des engrais pour enrichir les terres et dans l'utilisation croissante du matériel agricole.
------------Démunie de potasse et d'azote, l'Algérie possède au Kouif de très importants gisements de phosphates. L'usine de stockage et, d'embarquement de Bône est à elle seule susceptible d'emmagasiner 150.000 tonnes de minerais et de les embarquer à la cadence de 600 tonnes par heure : ainsi a-t-elle pu contribuer efficacement, dès 1943, malgré les destructions causées par l'aviation ennemie, au ravitaillement en engrais des Nations Unies.
------------Pour l'Algérie elle-même, sur les 100.000 tonnes de superphosphates et d'engrais composés consommés en moyenne avant-guerre, les 2/3 étaient fabriqués par les usines de Bône, Maison-Carrée et la Sénia, le solde étant importé de la Métropole.
------------Parmi les autres produits chimiques indispensables à l'agriculture : anti-cryptogamiques, insecticides, adjuvants et produits, seul le soufre jaune et en partie le sulfate de cuivre sortent d'usines algériennes.

------------L'INDUSRIE de la MACHINE AGRICOLE, localisée à Bône et surtout à Alger, s'est plutôt attachée à la fabrication du petit matériel et spécialisée dans celle du matériel viticole et des articles de caves. Une société s'outille aujourd'hui à Oran pour le montage (les tracteurs, si nécessaires à l'agriculture, et de provenances, étrangère ou métropolitaine.

TRANSFORMATION DES CÉRÉALES

------------La production presque exclusive des céréales était anciennement l'apanage de l'Algérie : c'étaient essentiellement les blés durs qui donnaient aux indigènes la semoule, base de leur alimentation.
------------La France y a introduit le blé tendre et avec lui le goût du pain. Des usines modernes de minoterie et (le semoulerie furent installées `dès la fin du siècle dernier et se multiplièrent rapidement, à côté des nombreux moulins dits " de mouture indigène ".
------------L'ensemble de ces usines, occupant quelques 2.000 ouvriers, présente une capacité (le mouture annuelle d'un million (le tonnes environ, particulièrement importante et susceptible de faire face à tous les besoins de la population et des marchés d'exportation. Elles sont éparses dans les trois départements algériens, plus semoulières à l'Est, minotières à l'Ouest, implantées parfois aux centres des régions céréalifères, et souvent aux abords immédiats des grands ports d'Oran, d'Alger et de Bône.
------------L'activité annuelle moyenne de cette industrie se situe' à 400.000 tonnes, activité sensiblement supérieure en minoterie. Réduite depuis 1942 par suite des mauvaises récoltes et des nécessités d'importation, elle tendra cependant à augmenter au rythme de la population et avec la reprise d'un courant normal d'exportation de semoules.
------------Corollairement à la meunerie et à la semoulerie dont elles utilisent les produits, se sont développées, plus récemment, les industries de la biscuiterie, des produits de régime et des pâtes alimentaires.
------------Mais alors que la biscuiterie n'a pas encore atteint le stade d'automaticité et de finition de la grande industrie métropolitaine, dont le suréquipement engendrera sans doute encore longtemps une terrible concurrence, la fabrique de pâtes, elle, s'est heureusement intégrée dans le cadre de l'organisation professionnelle de l'Union Française et peut d'ores et déjà répondre à toutes les demandes.
------------Ses usines, groupées essentiellement dans les régions productrices de blé dur (le Bône et Constantine, à Blida, ne tournent, avec les restrictions actuelles qu'au tiers (le leur capacité, estimée à 55.000 tonnes.

LA TRANSFORMATION DU RAISIN

Le vin et ses dérivés
------------Si les céréales sont la culture traditionnelle de l'Algérie, la vigne en est la culture la plus riche elle est à l'origine de son développement économique et a très largement contribué à sa prospérité quelques chiffres en définissent l'importance : 400.000 hectares, 400.000 ouvriers consacrés à cette culture, 15 à 20 millions d'hectolitres de vin produits en année normale d'avant-guerre, un chiffre d'exportation représentant plus de 50 % de toutes les exportations algériennes.
------------L'industrie viticole s'est inspirée très tôt des méthodes scientifiques les plus avancées. La cave est devenue une véritable usine. D'importants ateliers de tonnellerie s'emploient parallèlement à la confection et à la réparation de la futaille pour faciliter la manipulation. et le transport (lu vin.

------------Cette industrie s'oriente aujourd'hui nettement vers des productions de qualité : le vin d'Algérie, utilisé antérieurement au coupage des vins métropolitains à cause de sa forte teneur alcoolique, tend à imposer ses crus de classes supérieures et suivies sur les marchés étrangers des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de la Suisse. En 1946, 206.000 hectolitres étaient ainsi exportés sur l'étranger.

------------Plus spécifiquement encore tournées vers l'exportation, se trouvent les industries de produits dé
rivés et annexes : La fabrication des mistelles et vins de liqueur, celle des alcools et eaux-de-vie, et celle
des moûts concentrés devenues très importantes au cours des dernières années.
------------La mistelle et le vin de liqueur, produits tous deux par l'adjonction d'alcool aux monts de raisin l'un avant, l'autre en cours de fermentation - servent de base le plus souvent à la fabrication des apéritifs. Cette industrie vient d'atteindre un développement extraordinaire : près de deux millions d'hectolitres (le vins lui ont été affectés en 1947.

------------La distillerie transforme en alcool l'excédent éventuel de la récolte de vin ou les quantités nécessaires à ces industries annexes.

------------La fabrication des eaux-de-vie a été très anciennement entreprise en Algérie par des vignerons charentais ou languedociens, venus de Métropole en Mitidja. Exportées pour la plus grande part avant la guerre, elles servaient souvent au coupage des Cognacs d'origine. Au cours de la guerre la nécessité de faire face à une demande accrue a incité certaines distilleries d'Algérie à se spécialiser dans ces fabrications. Mais la qualité définitive de ces productions ne pourra s'apprécier que progressivement, d'année en année, en raison même de cette action du vieillissement indispensable pour une meilleure dégustation.
------------L'industrie de la concentration des moûts mutés à l'anhydride sulfureux, ou sucre de raisin, est née pendant la guerre et a pris une rapide extension pour pallier la carence quasi totale des sucres de canne et de betterave. Une quarantaine de concentrateurs, industriels, coopératives, ou viticulteurs se 'sont équipés pour le traitement annuel d'un million d'hectolitres de moûts. En 1946, les concentrations portaient sur 5oo.ooo hectolitres assurant la fabrication de 15.000 tonnes de concentrés utilisés dans la confiturerie. la confiserie, la fabrication du pain d'épices, les -apéritifs et vins de liqueur, et pour un tiers environ à l'exportation. Mais cette industrie nouvelle - de remplacement est aujourd'hui en régression avec la reprise des courants commerciaux traditionnels.

LE TRAITEMENT DES FRUITS ET LÉGUMES
------------A l'encontre des céréales et de la vigne, pour lesquels l'Algérie était terre d'élection, l'arboriculture et les cultures maraîchères restèrent longtemps au stade familial.

------------Le palmier-dattier, le figuier et pour une grosse part l'olivier demeurent encore les cultures plus
caractéristiquement indigènes. Les dattes et les figues sèches continuent à être expédiées à l'état brut. 14.00o tonnes en sont exportées sur une production d'ensemble de l'ordre de 100.000 tonnes.
------------Jusqu'à la dernière guerre, l'Algérie exportait 8 à 10.000 tonnes d'huile d'olive de qualité secondaire et 1o à 15.000 tonnes d'huiles lampantes destinées à l'industrie, huiles qui devaient d'ailleurs être transformées, raffinées et coupées par des centres étrangers (France, États-Unis, Grande-Bretagne, Italie et Norvège) puis souvent réexportées à leur profit. Le consommateur algérien se tournait lui-même plutôt vers les huiles d'arachides ou autres graines dont on importait plus de 20.000 tonnes. La situation s'est encore aggravée au cours clés hostilités du fait (le la rétention généralisée des olives et huiles comestibles par la multitude des producteurs indigènes.

------------C'est à ces paradoxes qu'ont voulu remédier certaines vieilles usines en se modernisant, et d'importantes sociétés métropolitaines installées dès 1940, avec le meilleur équipement pour le raffinage des huiles d'olives et l'extraction des huiles de grignon. Et l'on peut prévoir pour un prochain avenir un outillage suffisant pour traiter toutes les huiles de graines d'importation (en provenance d'Afrique Occidentale Française) nécessaires aux consommateurs locaux, et pour raffiner quelque 20.000 tonnes d'huiles d'olives de qualité destinée à l'exportation.

------------Quelques savonneries - aux dimensions réduites - tendent également d'approvisionner le marché local.

------------La production d'agrumes, longtemps contrariée par les soins réservés par la Colonie au vignoble, connaît une importance croissante surtout depuis 1934.

------------Des usines, souvent coopératives, de conditionnement et d'emballage, sont installées, qui lavent, brossent, calibrent mécaniquement et emballent les agrumes, donnant ainsi au consommateur une sélection rigoureuse dans une présentation parfaite, sous le contrôle si précieux de l'O.F.A.L.A.C.

------------Bien plus, le développement des cultures, concomitant avec l'achèvement des grands barrages et l'accroissement des zones irriguées, est si prodigieux qu'au cours des dernières années s'est improvisée une industrie de la conserverie qui tend aujourd'hui- à s'organiser durablement.

------------Dans ce domaine également, quelques usines naissaient en Algérie dès après l'autre guerre, et il m'est particulièrement agréable d'en situer la plus. importante,. à Relizane, en Oranie, dont les confitures avaient déjà acquis au-delà des frontières algériennes une certaine renommée.

------------Après bien des difficultés, avec cette ingéniosité et cette persévérance qui caractérisent l'Algérien, ces industriels ont réussi à améliorer et à compléter leur matériel tout en assurant à leurs usines ces conditions d'hygiène, absolument indispensables qui manquaient parfois à certains ateliers de fortune au cours des hostilités. Leurs approvisionnements en fruits et légumes, en sucres et boîtages métalliques tendent eux-mêmes à se régulariser. L'Algérie produit et exporte même ce que précédemment elle importait : elle groupe vingt-cinq conserveries d'une capacité de fabrication journalière de 125 tonnes de confitures, 160 tonnes de pulpes, 50 de conserves de tomates et légumes.

------------Une usine moderne d'emballages métalliques fonctionne à Alger : important le fer blanc des États-Unis, elle alimente en boites et en estagnons toute la conserverie algérienne.

-------

-----------Le développement de la conserverie est assuré par celui des cultures fruitières et maraîchères. Mais la consommation locale est relativement limitée et nous ne croyons- pas à un essor très considérable de la confiturerie proprement dite pour l'exportation, cette branche étant subordonnée à un emploi massif de sucres en provenance de Métropole et se trouvant ainsi grevée de doubles frais de transports.

------------Pour la pulperie, au contraire, fabrication qui consiste à conserver sous boîtes métalliques pasteurisées à 100°C les fruits blanchis dans des appareils spéciaux ou bien simplement cuits dans leur jus, les débouchés semblent plus importants pour l'approvisionnement des confitureries françaises ou étrangères privées en hiver de fruits aux transports toujours plus onéreux.

------------Les quantités suivantes ont été fabriquées en 1947 par les conserveries
- 3.500 tonnes de confitures,
- 3.500 tonnes, de pulpes,
- 900 tonnes de concentrés ou extraits de tomates,
- 400 tonnes de conserves de légumes,
- 4.000 hectolitres de jus de fruits.
------------Cette dernière fabrication étant à son début et susceptible d'un grand avenir.

LES CULTURES INDUSTRIELLES

------------A côté de ces principales cultures alimentaires, l'Algérie compte encore dans ses forêts ou dans ses champs de riches cultures industrielles : le liège, l'alfa, le crin végétal et le tabac.
------------La forte production de liège, le sixième de la production mondiale, localisée dans les forêts échelonnées de la Kabylie à la frontière tunisienne, a. suscité vers 1929 une première industrialisation. L'Algérie s'était orientée vers deux activités la préparation du liège et la bouchonnerie en vue de l'exportation en Métropole, réservant aux marchés étrangers (Etats-Unis), pour la fabrication des agglomérés la totalité de ses lièges de trituration.

------------Il existe une douzaine de grandes bouchonneries employant chacune de 200 à 500 ouvriers, et une quarantaine d'ateliers de moindre importance. Dans une dernière phase d'industrialisation, ces usines, et d'autres entreprises en voie de création, se disposent à fabriquer des agglomérés, des laines de liège et du linoléum fortement demandés par les industries du Froid, de l'Automobile et du Bâtiment.

------------Pour l'alfa, le problème reste encore à résoudre : la France, qui manque de papier et achète à . l'extérieur sa pâte à papier, possède le monopole des peuplements d'alfa dans les Hauts-Plateaux, au sud d'Aumale, de Batna, Tébessa, Géryville. Or, par suite de conflits entre Service Agricole et Service Industriel, aucun plan n'existe pour leur exploitation rationnelle et l'alfa continue à être exporté à l'état brut, ce qui en fait entraîne un transport onéreux de 6o % de déchets, et doit compromettre pratiquement la rentabilité de l'opération de transformation après transport.

------------La solution, qui s'est avérée assez laborieuse, mais dont l'incidence économique sera considérable, semble en voie d'aboutissement : c'est l'enrichissement de l'alfa avant tout transport, sa transformation par l'industrie locale en demi-produits destinés aux industries métropolitaines et étrangères.

------------L'Algérie exporte également du crin végétal après un simple peignage auquel s'emploient de nombreux ateliers. Elle exportait avant guerre la totalité de ses racines de bruyère, sous forme débauchons elle s'engage présentement dans la fabrication des pipes et, déjà, une de ses marques a acquis une réputation mondiale.

------------Des milliers de planteurs, pour la plupart musulmans, groupés en coopératives ou tabaccops. se livrent à la culture du tabac en Kabylie, dans la région de Bône. dans la Mitidja.

------------Ce sont les tabacoops qui sélectionnent les tabacs récoltés et livrent aux utilisateurs tant français qu'étrangers des feuilles d'une bonne qualité moyenne, bien fermentées, triées et emballées. La moitié de la production est réservée à l'Algérie, l'autre moitié va principalement aux Régies française, chérifienne, tunisienne, et pour une faible partie à l'étranger.

------------La fabrication des tabacs à fumer est au premier plan de l'industrie algérienne. Quatorze manufactures, d'importances diverses mais, possédant presque toutes des machines modernes à grand rendement, emploient plusieurs milliers 'd'ouvriers.

------------Les cigarettes sont fabriquées avec des tabacs en feuilles d'Algérie et avec des tabacs en feuilles importés de l'étranger et de certains pays de l'Union française, une plus forte proportion (le tabacs exotiques étant réservée au mélanges " exportation ".

------------Les manufactures algériennes jouissent d'une ancienne et solide réputation de qualité. Elles doivent exporter, en 1948, 2.250 tonnes de tabacs vers les pays d'Union française et 50o tonnes vers les pays étrangers. Elles sont en outre l'objet de toute la sollicitude de l'Administration dont elles constituent le meilleur et le plus important collecteur d'impôt.

CONSIDERATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS

------------Après cette énumération qui ne prétend pas être un inventaire absolument complet de toutes les industries agricoles existant en Algérie dès la présente ère d'industrialisation, nous pouvons être tenté de dégager brièvement leurs quelques traits dominants, leur influence sur le facteur humain et leur rôle dans l'Algérie de demain.

------------1°) Entravées généralement par la rareté des ressources en charbon et la médiocrité de la main-d'œuvre qualifiée, ces installations ne sont pas comparables, par leurs dimensions et les capitaux mis en oeuvre, aux grandes entreprises européennes ou américaines. OEuvre d'initiatives algériennes et résultant le plus souvent du développement progressif d'entreprises artisanales, elles sont - du moins - bien adaptées aux matières et aux demandes locales.
------------Exceptions à cette règle, les trois branches de la meunerie, des vins et des tabacs, s'affirment les seules industries majeures du pays : conçues avec le concours de techniciens français ou étrangers, elles ont aussitôt - atteint le perfectionnement et l'ampleur des créations métropolitaines les plus modernes.
------------2°) C'est l'agriculture qui était tout cet édifice industriel. Mais en retour, l'industrie et la laboration doivent seules désormais guider le développement agricole : dans le choix et la hiérarchie des cultures et l'évolution des moyens matériels mis en œuvre.
------------Le problème des céréales, dont la régression de production devient critique en égard à l'importance croissante de la population, doit être résolu, non pas tant par une augmentation des superficies emblavées - les terres plus riches devant être affectées de préférence à l'arboriculture et aux cultures maraîchères -- mais par une plus grande mécanisation et une éducation plus poussée du paysan indigène, susceptible d'augmenter considérablement les rendements.
------------C'est plutôt un souci de qualité qui devra guider les viticulteurs dans- l'effort nécessaire de reconstitution et de sélection de leur vignoble, durement atteint au cours de la période des hostilités par le manque (le main-d'oeuvre, (le matériel et (le produits fertilisants, anticryptogamiques et œnologiques.
------------3°) Toutes les industries agricoles et surtout alimentaires d'Algérie, ont connu, au cours de ces dernières années, bien (les difficultés chi fait (le la pénurie en moyens de transports, en pièces de -rechange, en outillage et de la répercussion des difficultés propres à l'agriculture.
Mais en même temps qu'elle accusait les déficiences (le l'économie algérienne, la guerre stimulait l'industrie locale qui avait tôt fait d'adapter sa production au mieux des besoins nouveaux et atteignait dans certains secteurs (les développements exceptionnels.
------------Force nous est aujourd'hui, avec le retour aux conditions économiques normales, de sélectionner parmi ces activités celles susceptibles de durer en harmonie avec les ressources en matières brutes et les marchés (le produits finis ou demi-finis.
------------Il est certain par exemple qu'une industrie (le la conserverie, rationnellement dirigée, constituera le meilleur régulateur de la demande sur le marché des fruits et le complément indispensable à une conservation par le froid, normalement limitée dans le temps.
------------Il sera sans doute apporté aussi à juste titre, la meilleure attention au problème industriel de l'alfa, source de richesses spécifiquement algérienne et encore méconnue.
Ce choix sera l'oeuvre du plan d'industrialisation, dont il est sans doute opportun de rappeler qu'il ne s'attacha pas seulement à faciliter la création d'industries nouvelles, mais aussi - et nous dirons même surtout à favoriser l'extension et le perfectionnement de celles existantes les plus anciennes.
------------Il n'est pas inutile de souligner ici que la plupart de ces entreprises, au matériel usé ou désuet, sont laissées par l'administration et du fait d'une réglementation fiscale trop rigoureuse, dans 1'impossibilité (le renouveler ce matériel : des moyens financiers et des priorités d'attributions doivent être donnés pour la sauvegarde de cet important élément du patrimoine national.
------------4°) L'industrialisation de l'Algérie demeure dans l'étroite dépendance (lu problème démographique dont elle ne constitue pas néanmoins toute la solution.
------------La population augmente (le t3o.ooo âmes chaque année, et sa densité dans certaines communes de Kabylie dépasse celle de la Belgique. Mais ce serait un leurre (le croire que le marché de consommation ds produits manufacturés croit de la même façon, car sur ce terrain, l'on peut sans doute assigner aux 4 millions d'indigènes, une importance momentanément équivalente au million d'européens.
L'on peut en déduire l'intérêt primordial d'une part de promouvoir aux travaux industriels les bras sans emploi dans le bled et, d'autre part, d'accroître rapidement le marché algérien par l'éducation des masses musulmanes.
------------C'est le sens pratique à donner à l'évolution actuelle du pays, sociale et même politique, en liaison directe avec l'ébullition générale des esprits dans le monde
------------Pour le recrutement (le la main-d'oeuvre qualifiée, il faudra encore, tout en continuant à faire appel aux techniciens métropolitains et étrangers, développer l'apprentissage et les écoles professionnelles, à côté de l'Ecole nationale d'agriculture et de l'Ecole supérieure de commerce d'Alger - les si belles pépinières d'ingénieurs et de chefs d'entreprises aux mérites déjà confirmés.
------------Il conviendra enfin d'adapter les solutions rapides à cette crise du logement si préjudiciable à l'implantation près (les usines des nombreux travailleurs et (les cadres y affectés.
------------5°) En conclusion, du passé récent la France devait surtout tirer l'enseignement de tendre à faire de l'Afrique du Nord, non plus seulement un réservoir d'hommes, (le minerais et de quelques matières brutes, mais un véritable maillon complémentaire (le sa structure économique générale, susceptible de jouer un certain rôle sur le plan des échanges internationaux.
------------Le nouvel équilibre économique (le l'Algérie ne se trouvera que dans l'augmentation (le la valeur totale des productions agricoles : une rationalisation (les cultures, une industrialisation progressive et - partant - un abaissement des prix de revient, et l'accroissement (le la qualité (les produits.
------------L'Algérie, client et fournisseur traditionnel de la France, doit certes reconsidérer son commerce extérieur en fonction (le ces éléments, mais en pleine entente avec cette métropole, aujourd'hui libérée de ses anciens scrupules, et dont elle attend le concours (le l'expérience, (le la technique et des capitaux.
------------C'est la sauvegarde métropolitaine que l'Algérie revendique aussi à l'occasion de traités économiques récents : Union douanière avec l'Italie, accord commercial franco-espagnol, instruments généraux dont il ne peut être question de critiquer la portée, mais dont l'incidence brutale causerait de graves préjudices aux exportations algériennes de liège, de vin, d'agrumes, si des dispositions particulières n'étaient envisagées pour remettre l'industrie nationale à parité des conditions économiques étrangères de production et de transport, et réduire à néant toutes les mesures de dumping pratiquées par ces pays exportateurs.
------------Ainsi, notre pays puissamment soutenu par la Métropole, pourra-t-il mener à bien sa métamorphose industrielle, mais quelle puisse être la réussisse des efforts si harmonieusement déployés dans le présent, hommage doit être rendu aux premiers créateurs dont l'œuvre atteste le courage et le mérite.

René ESCLAPEZ.
Industriel
Conférence prononcée à Alger au "CONGRES DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE " le 23 avril 1948.