------------Par
sa situation géographique, son climat, ses ressources en terres
et en hommes, l'Algérie a été jusque-là un
pays à économie essentiellement agricole.
------------Sa
fonction primordiale était de développer son agriculture
: et nous savons tous les miracles dans ce domaine contre les marécages,
contre les maladies, contre la sécheresse, pour gagner à
la culture un nombre d'hectares toujours plus important.
------------Ses
colons, défricheurs de terres, ont été le plus souvent
aussi les artisans des premières usines l'agriculture en était
la base directe, la technique venait de la Métropole ou des autres
pays méditerranéens, les moyens d'équipement étaient
souvent rudimentaires.
------------Peu
à peu cependant naquirent de véritables industries susceptibles
de transformer quelques matières brutes en produits alimentaires
indispensables CAVES, MINOTERIES, HUILERIES. Mais tant les minerais qui
commençaient à être extraits (phosphates, fer) que
les produits agricoles plus spécialement adaptés à
nos climats (alfa, liège, dattes, figues et agrumes) continuaient
encore récemment à être exportés à l'état
brut.
------------L'évolution
naturelle, hâtée par la guerre, qui a si profondément
marqué cette Afrique du Nord, tend à faire passer présentement
notre pays dans une phase primaire d'industrialisation, à l'instar
de pays auxquels elle ressemble sous beaucoup d'aspects tels que l'Argentine,
l'Australie et, à ses portes, l'Égypte.
***********
------------Le
plan d'équipement de l'Algérie est maintenant en marche.
Mais pour rendre justice au courage et à l'esprit d'entreprise
des premiers créateurs parmi lesquels beaucoup d'entre nous sont
fiers de compter leurs pères, nous nous attacherons à vous
définir - très succinctement - leurs principales réalisations
industrielles.
DÉLIMITATION DES
INDUSTRIES AGRICOLES
------------Toutes,
à très peu d'exception près, aboutissent à
l'agriculture ou en dérivent : Terres qu'il a fallu remuer et nourrir
; céréales transformer en farine et semoule, puis en pain
; pâtes et biscuits, fruits et primeurs merveilleux de cette "
Californie Française " qui ne subissaient d'abord qu'un léger
conditionnement pour la consommation à l'état frais et qui
devaient s'enrichir récemment des techniques de la conserverie
; rares cultures industrielles enfin, le tabac manufacturé dès
longtemps, l'alfa dont le traitement ne s'affirmera que bientôt.
ENRICHISSEMENT DES TERRES
------------Les
premiers besoins à satisfaire par l'industrie étaient bien
ceux de l'agriculture. Avec le développement de l'hydraulique,
ils résidaient principalement dans la recherche des engrais pour
enrichir les terres et dans l'utilisation croissante du matériel
agricole.
------------Démunie
de potasse et d'azote, l'Algérie possède au Kouif de très
importants gisements de phosphates. L'usine de stockage et, d'embarquement
de Bône est à elle seule susceptible d'emmagasiner 150.000
tonnes de minerais et de les embarquer à la cadence de 600 tonnes
par heure : ainsi a-t-elle pu contribuer efficacement, dès 1943,
malgré les destructions causées par l'aviation ennemie,
au ravitaillement en engrais des Nations Unies.
------------Pour
l'Algérie elle-même, sur les 100.000 tonnes de superphosphates
et d'engrais composés consommés en moyenne avant-guerre,
les 2/3 étaient fabriqués par les usines de Bône,
Maison-Carrée et la Sénia, le solde étant importé
de la Métropole.
------------Parmi
les autres produits chimiques indispensables à l'agriculture :
anti-cryptogamiques, insecticides, adjuvants et produits, seul le soufre
jaune et en partie le sulfate de cuivre sortent d'usines algériennes.
------------L'INDUSRIE
de la MACHINE AGRICOLE, localisée à
Bône et surtout à Alger, s'est plutôt attachée
à la fabrication du petit matériel et spécialisée
dans celle du matériel viticole et des articles de caves. Une société
s'outille aujourd'hui à Oran pour le montage (les tracteurs, si
nécessaires à l'agriculture, et de provenances, étrangère
ou métropolitaine.
TRANSFORMATION DES CÉRÉALES
------------La
production presque exclusive des céréales était anciennement
l'apanage de l'Algérie : c'étaient essentiellement les blés
durs qui donnaient aux indigènes la semoule, base de leur alimentation.
------------La
France y a introduit le blé tendre et avec lui le goût du
pain. Des usines modernes de minoterie et (le semoulerie furent installées
`dès la fin du siècle dernier et se multiplièrent
rapidement, à côté des nombreux moulins dits "
de mouture indigène ".
------------L'ensemble
de ces usines, occupant quelques 2.000 ouvriers, présente une capacité
(le mouture annuelle d'un million (le tonnes environ, particulièrement
importante et susceptible de faire face à tous les besoins de la
population et des marchés d'exportation. Elles sont éparses
dans les trois départements algériens, plus semoulières
à l'Est, minotières à l'Ouest, implantées
parfois aux centres des régions céréalifères,
et souvent aux abords immédiats des grands ports d'Oran, d'Alger
et de Bône.
------------L'activité
annuelle moyenne de cette industrie se situe' à 400.000 tonnes,
activité sensiblement supérieure en minoterie. Réduite
depuis 1942 par suite des mauvaises récoltes et des nécessités
d'importation, elle tendra cependant à augmenter au rythme de la
population et avec la reprise d'un courant normal d'exportation de semoules.
------------Corollairement
à la meunerie et à la semoulerie dont elles utilisent les
produits, se sont développées, plus récemment, les
industries de la biscuiterie, des produits de régime et des pâtes
alimentaires.
------------Mais
alors que la biscuiterie n'a pas encore atteint le stade d'automaticité
et de finition de la grande industrie métropolitaine, dont le suréquipement
engendrera sans doute encore longtemps une terrible concurrence, la fabrique
de pâtes, elle, s'est heureusement intégrée dans le
cadre de l'organisation professionnelle de l'Union Française et
peut d'ores et déjà répondre à toutes les
demandes.
------------Ses
usines, groupées essentiellement dans les régions productrices
de blé dur (le Bône et Constantine, à Blida, ne tournent,
avec les restrictions actuelles qu'au tiers (le leur capacité,
estimée à 55.000 tonnes.
LA TRANSFORMATION DU RAISIN
Le vin et ses dérivés
------------Si
les céréales sont la culture traditionnelle de l'Algérie,
la vigne en est la culture la plus riche elle est à l'origine de
son développement économique et a très largement
contribué à sa prospérité quelques chiffres
en définissent l'importance : 400.000 hectares, 400.000 ouvriers
consacrés à cette culture, 15 à 20 millions d'hectolitres
de vin produits en année normale d'avant-guerre, un chiffre d'exportation
représentant plus de 50 % de toutes les exportations algériennes.
------------L'industrie
viticole s'est inspirée très tôt des méthodes
scientifiques les plus avancées. La cave est devenue une véritable
usine. D'importants ateliers de tonnellerie s'emploient parallèlement
à la confection et à la réparation de la futaille
pour faciliter la manipulation. et le transport (lu vin.
------------Cette
industrie s'oriente aujourd'hui nettement vers des productions de qualité
: le vin d'Algérie, utilisé antérieurement au coupage
des vins métropolitains à cause de sa forte teneur alcoolique,
tend à imposer ses crus de classes supérieures et suivies
sur les marchés étrangers des États-Unis, de la Grande-Bretagne,
du Canada, de la Suisse. En 1946, 206.000 hectolitres étaient ainsi
exportés sur l'étranger.
------------Plus
spécifiquement encore tournées vers l'exportation, se trouvent
les industries de produits dé
rivés et annexes : La fabrication des mistelles et vins de liqueur,
celle des alcools et eaux-de-vie, et celle
des moûts concentrés devenues très importantes
au cours des dernières années.
------------La
mistelle et le vin de liqueur, produits tous deux par l'adjonction d'alcool
aux monts de raisin l'un avant, l'autre en cours de fermentation - servent
de base le plus souvent à la fabrication des apéritifs.
Cette industrie vient d'atteindre un développement extraordinaire
: près de deux millions d'hectolitres (le vins lui ont été
affectés en 1947.
------------La
distillerie transforme en alcool l'excédent éventuel de
la récolte de vin ou les quantités nécessaires à
ces industries annexes.
------------La
fabrication des eaux-de-vie a été très anciennement
entreprise en Algérie par des vignerons charentais ou languedociens,
venus de Métropole en Mitidja. Exportées pour la plus grande
part avant la guerre, elles servaient souvent au coupage des Cognacs d'origine.
Au cours de la guerre la nécessité de faire face à
une demande accrue a incité certaines distilleries d'Algérie
à se spécialiser dans ces fabrications. Mais la qualité
définitive de ces productions ne pourra s'apprécier que
progressivement, d'année en année, en raison même
de cette action du vieillissement indispensable pour une meilleure dégustation.
------------L'industrie
de la concentration des moûts mutés à l'anhydride
sulfureux, ou sucre de raisin, est née pendant la guerre et a pris
une rapide extension pour pallier la carence quasi totale des sucres de
canne et de betterave. Une quarantaine de concentrateurs, industriels,
coopératives, ou viticulteurs se 'sont équipés pour
le traitement annuel d'un million d'hectolitres de moûts. En 1946,
les concentrations portaient sur 5oo.ooo hectolitres assurant la fabrication
de 15.000 tonnes de concentrés utilisés dans la confiturerie.
la confiserie, la fabrication du pain d'épices, les -apéritifs
et vins de liqueur, et pour un tiers environ à l'exportation. Mais
cette industrie nouvelle - de remplacement est aujourd'hui en régression
avec la reprise des courants commerciaux traditionnels.
LE TRAITEMENT DES FRUITS ET LÉGUMES
------------A
l'encontre des céréales et de la vigne, pour lesquels l'Algérie
était terre d'élection, l'arboriculture et les cultures
maraîchères restèrent longtemps au stade familial.
------------Le
palmier-dattier, le figuier et pour une grosse part l'olivier
demeurent encore les cultures plus
caractéristiquement indigènes. Les dattes et les figues
sèches continuent à être expédiées à
l'état brut. 14.00o tonnes en sont exportées sur une production
d'ensemble de l'ordre de 100.000 tonnes.
------------Jusqu'à
la dernière guerre, l'Algérie exportait 8 à 10.000
tonnes d'huile d'olive de qualité secondaire et 1o à 15.000
tonnes d'huiles lampantes destinées à l'industrie, huiles
qui devaient d'ailleurs être transformées, raffinées
et coupées par des centres étrangers (France, États-Unis,
Grande-Bretagne, Italie et Norvège) puis souvent réexportées
à leur profit. Le consommateur algérien se tournait lui-même
plutôt vers les huiles d'arachides ou autres graines dont on importait
plus de 20.000 tonnes. La situation s'est encore aggravée au cours
clés hostilités du fait (le la rétention généralisée
des olives et huiles comestibles par la multitude des producteurs indigènes.
------------C'est
à ces paradoxes qu'ont voulu remédier certaines vieilles
usines en se modernisant, et d'importantes sociétés métropolitaines
installées dès 1940, avec le meilleur équipement
pour le raffinage des huiles d'olives et l'extraction des huiles de grignon.
Et l'on peut prévoir pour un prochain avenir un outillage suffisant
pour traiter toutes les huiles de graines d'importation (en provenance
d'Afrique Occidentale Française) nécessaires aux consommateurs
locaux, et pour raffiner quelque 20.000 tonnes d'huiles d'olives de qualité
destinée à l'exportation.
------------Quelques
savonneries - aux dimensions réduites - tendent également
d'approvisionner le marché local.
------------La
production d'agrumes, longtemps contrariée par les soins
réservés par la Colonie au vignoble, connaît une importance
croissante surtout depuis 1934.
------------Des
usines, souvent coopératives, de conditionnement et d'emballage,
sont installées, qui lavent, brossent, calibrent mécaniquement
et emballent les agrumes, donnant ainsi au consommateur une sélection
rigoureuse dans une présentation parfaite, sous le contrôle
si précieux de l'O.F.A.L.A.C.
------------Bien
plus, le développement des cultures, concomitant avec l'achèvement
des grands barrages et l'accroissement des zones irriguées, est
si prodigieux qu'au cours des dernières années s'est improvisée
une industrie de la conserverie qui tend aujourd'hui- à s'organiser
durablement.
------------Dans
ce domaine également, quelques usines naissaient en Algérie
dès après l'autre guerre, et il m'est particulièrement
agréable d'en situer la plus. importante,. à Relizane, en
Oranie, dont les confitures avaient déjà acquis au-delà
des frontières algériennes une certaine renommée.
------------Après
bien des difficultés, avec cette ingéniosité et cette
persévérance qui caractérisent l'Algérien,
ces industriels ont réussi à améliorer et à
compléter leur matériel tout en assurant à leurs
usines ces conditions d'hygiène, absolument indispensables qui
manquaient parfois à certains ateliers de fortune au cours des
hostilités. Leurs approvisionnements en fruits et légumes,
en sucres et boîtages métalliques tendent eux-mêmes
à se régulariser. L'Algérie produit et exporte même
ce que précédemment elle importait : elle groupe vingt-cinq
conserveries d'une capacité de fabrication journalière de
125 tonnes de confitures, 160 tonnes de pulpes, 50 de conserves de tomates
et légumes.
------------Une
usine moderne d'emballages métalliques fonctionne à Alger
: important le fer blanc des États-Unis, elle alimente en boites
et en estagnons toute la conserverie algérienne.
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-----------Le
développement de la conserverie est assuré par celui des
cultures fruitières et maraîchères. Mais la consommation
locale est relativement limitée et nous ne croyons- pas à
un essor très considérable de la confiturerie proprement
dite pour l'exportation, cette branche étant subordonnée
à un emploi massif de sucres en provenance de Métropole
et se trouvant ainsi grevée de doubles frais de transports.
------------Pour
la pulperie, au contraire, fabrication qui consiste à conserver
sous boîtes métalliques pasteurisées à 100°C
les fruits blanchis dans des appareils spéciaux ou bien simplement
cuits dans leur jus, les débouchés semblent plus importants
pour l'approvisionnement des confitureries françaises ou étrangères
privées en hiver de fruits aux transports toujours plus onéreux.
------------Les
quantités suivantes ont été fabriquées en
1947 par les conserveries
- 3.500 tonnes de confitures,
- 3.500 tonnes, de pulpes,
- 900 tonnes de concentrés ou extraits de tomates,
- 400 tonnes de conserves de légumes,
- 4.000 hectolitres de jus de fruits.
------------Cette
dernière fabrication étant à son début et
susceptible d'un grand avenir.
LES CULTURES INDUSTRIELLES
------------A
côté de ces principales cultures alimentaires, l'Algérie
compte encore dans ses forêts ou dans ses champs de riches cultures
industrielles : le liège, l'alfa, le crin végétal
et le tabac.
------------La
forte production de liège, le sixième de la production
mondiale, localisée dans les forêts échelonnées
de la Kabylie à la frontière tunisienne, a. suscité
vers 1929 une première industrialisation. L'Algérie s'était
orientée vers deux activités la préparation du liège
et la bouchonnerie en vue de l'exportation en Métropole, réservant
aux marchés étrangers (Etats-Unis), pour la fabrication
des agglomérés la totalité de ses lièges de
trituration.
------------Il
existe une douzaine de grandes bouchonneries employant chacune
de 200 à 500 ouvriers, et une quarantaine d'ateliers de moindre
importance. Dans une dernière phase d'industrialisation, ces usines,
et d'autres entreprises en voie de création, se disposent à
fabriquer des agglomérés, des laines de liège et
du linoléum fortement demandés par les industries du Froid,
de l'Automobile et du Bâtiment.
------------Pour
l'alfa, le problème reste encore à résoudre :
la France, qui manque de papier et achète à . l'extérieur
sa pâte à papier, possède le monopole des peuplements
d'alfa dans les Hauts-Plateaux, au sud d'Aumale, de Batna, Tébessa,
Géryville. Or, par suite de conflits entre Service Agricole et
Service Industriel, aucun plan n'existe pour leur exploitation rationnelle
et l'alfa continue à être exporté à l'état
brut, ce qui en fait entraîne un transport onéreux de 6o
% de déchets, et doit compromettre pratiquement la rentabilité
de l'opération de transformation après transport.
------------La
solution, qui s'est avérée assez laborieuse, mais dont l'incidence
économique sera considérable, semble en voie d'aboutissement
: c'est l'enrichissement de l'alfa avant tout transport, sa transformation
par l'industrie locale en demi-produits destinés aux industries
métropolitaines et étrangères.
------------L'Algérie
exporte également du crin végétal après
un simple peignage auquel s'emploient de nombreux ateliers. Elle exportait
avant guerre la totalité de ses racines de bruyère, sous
forme débauchons elle s'engage présentement dans la fabrication
des pipes et, déjà, une de ses marques a acquis une réputation
mondiale.
------------Des
milliers de planteurs, pour la plupart musulmans, groupés en coopératives
ou tabaccops. se livrent à la culture du tabac en Kabylie, dans
la région de Bône. dans la Mitidja.
------------Ce
sont les tabacoops qui sélectionnent les tabacs récoltés
et livrent aux utilisateurs tant français qu'étrangers des
feuilles d'une bonne qualité moyenne, bien fermentées, triées
et emballées. La moitié de la production est réservée
à l'Algérie, l'autre moitié va principalement aux
Régies française, chérifienne, tunisienne, et pour
une faible partie à l'étranger.
------------La
fabrication des tabacs à fumer est au premier plan de l'industrie
algérienne. Quatorze manufactures, d'importances diverses mais,
possédant presque toutes des machines modernes à grand rendement,
emploient plusieurs milliers 'd'ouvriers.
------------Les
cigarettes sont fabriquées avec des tabacs en feuilles d'Algérie
et avec des tabacs en feuilles importés de l'étranger et
de certains pays de l'Union française, une plus forte proportion
(le tabacs exotiques étant réservée au mélanges
" exportation ".
------------Les
manufactures algériennes jouissent d'une ancienne et solide réputation
de qualité. Elles doivent exporter, en 1948, 2.250 tonnes de tabacs
vers les pays d'Union française et 50o tonnes vers les pays étrangers.
Elles sont en outre l'objet de toute la sollicitude de l'Administration
dont elles constituent le meilleur et le plus important collecteur d'impôt.
CONSIDERATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS
------------Après
cette énumération qui ne prétend pas être un
inventaire absolument complet de toutes les industries agricoles existant
en Algérie dès la présente ère d'industrialisation,
nous pouvons être tenté de dégager brièvement
leurs quelques traits dominants, leur influence sur le facteur humain
et leur rôle dans l'Algérie de demain.
------------1°)
Entravées généralement par
la rareté des ressources en charbon et la médiocrité
de la main-d'uvre qualifiée, ces installations ne sont pas
comparables, par leurs dimensions et les capitaux mis en oeuvre, aux grandes
entreprises européennes ou américaines. OEuvre d'initiatives
algériennes et résultant le plus souvent du développement
progressif d'entreprises artisanales, elles sont - du moins - bien adaptées
aux matières et aux demandes locales.
------------Exceptions
à cette règle, les trois branches de la meunerie, des vins
et des tabacs, s'affirment les seules industries majeures du pays : conçues
avec le concours de techniciens français ou étrangers, elles
ont aussitôt - atteint le perfectionnement et l'ampleur des créations
métropolitaines les plus modernes.
------------2°)
C'est l'agriculture qui était tout cet édifice
industriel. Mais en retour, l'industrie et la laboration doivent seules
désormais guider le développement agricole : dans le choix
et la hiérarchie des cultures et l'évolution des moyens
matériels mis en uvre.
------------Le
problème des céréales, dont la régression
de production devient critique en égard à l'importance croissante
de la population, doit être résolu, non pas tant par une
augmentation des superficies emblavées - les terres plus riches
devant être affectées de préférence à
l'arboriculture et aux cultures maraîchères -- mais par une
plus grande mécanisation et une éducation plus poussée
du paysan indigène, susceptible d'augmenter considérablement
les rendements.
------------C'est
plutôt un souci de qualité qui devra guider les viticulteurs
dans- l'effort nécessaire de reconstitution et de sélection
de leur vignoble, durement atteint au cours de la période des hostilités
par le manque (le main-d'oeuvre, (le matériel et (le produits fertilisants,
anticryptogamiques et nologiques.
------------3°)
Toutes les industries agricoles et surtout alimentaires
d'Algérie, ont connu, au cours de ces dernières années,
bien (les difficultés chi fait (le la pénurie en moyens
de transports, en pièces de -rechange, en outillage et de la répercussion
des difficultés propres à l'agriculture.
Mais en même temps qu'elle accusait les déficiences (le l'économie
algérienne, la guerre stimulait l'industrie locale qui avait tôt
fait d'adapter sa production au mieux des besoins nouveaux et atteignait
dans certains secteurs (les développements exceptionnels.
------------Force
nous est aujourd'hui, avec le retour aux conditions économiques
normales, de sélectionner parmi ces activités celles susceptibles
de durer en harmonie avec les ressources en matières brutes et
les marchés (le produits finis ou demi-finis.
------------Il
est certain par exemple qu'une industrie (le la conserverie, rationnellement
dirigée, constituera le meilleur régulateur de la demande
sur le marché des fruits et le complément indispensable
à une conservation par le froid, normalement limitée dans
le temps.
------------Il
sera sans doute apporté aussi à juste titre, la meilleure
attention au problème industriel de l'alfa, source de richesses
spécifiquement algérienne et encore méconnue.
Ce choix sera l'oeuvre du plan d'industrialisation, dont il est sans doute
opportun de rappeler qu'il ne s'attacha pas seulement à faciliter
la création d'industries nouvelles, mais aussi - et nous dirons
même surtout à favoriser l'extension et le perfectionnement
de celles existantes les plus anciennes.
------------Il
n'est pas inutile de souligner ici que la plupart de ces entreprises,
au matériel usé ou désuet, sont laissées par
l'administration et du fait d'une réglementation fiscale trop rigoureuse,
dans 1'impossibilité (le renouveler ce matériel : des moyens
financiers et des priorités d'attributions doivent être donnés
pour la sauvegarde de cet important élément du patrimoine
national.
------------4°)
L'industrialisation de l'Algérie demeure
dans l'étroite dépendance (lu problème démographique
dont elle ne constitue pas néanmoins toute la solution.
------------La
population augmente (le t3o.ooo âmes chaque année, et sa
densité dans certaines communes de Kabylie dépasse celle
de la Belgique. Mais ce serait un leurre (le croire que le marché
de consommation ds produits manufacturés croit de la même
façon, car sur ce terrain, l'on peut sans doute assigner aux 4
millions d'indigènes, une importance momentanément équivalente
au million d'européens.
L'on peut en déduire l'intérêt primordial d'une part
de promouvoir aux travaux industriels les bras sans emploi dans le bled
et, d'autre part, d'accroître rapidement le marché algérien
par l'éducation des masses musulmanes.
------------C'est
le sens pratique à donner à l'évolution actuelle
du pays, sociale et même politique, en liaison directe avec l'ébullition
générale des esprits dans le monde
------------Pour
le recrutement (le la main-d'oeuvre qualifiée, il faudra encore,
tout en continuant à faire appel aux techniciens métropolitains
et étrangers, développer l'apprentissage et les écoles
professionnelles, à côté de l'Ecole nationale d'agriculture
et de l'Ecole supérieure de commerce d'Alger - les si belles pépinières
d'ingénieurs et de chefs d'entreprises aux mérites déjà
confirmés.
------------Il
conviendra enfin d'adapter les solutions rapides à cette crise
du logement si préjudiciable à l'implantation près
(les usines des nombreux travailleurs et (les cadres y affectés.
------------5°)
En conclusion, du passé récent la
France devait surtout tirer l'enseignement de tendre à faire de
l'Afrique du Nord, non plus seulement un réservoir d'hommes, (le
minerais et de quelques matières brutes, mais un véritable
maillon complémentaire (le sa structure économique générale,
susceptible de jouer un certain rôle sur le plan des échanges
internationaux.
------------Le
nouvel équilibre économique (le l'Algérie ne se trouvera
que dans l'augmentation (le la valeur totale des productions agricoles
: une rationalisation (les cultures, une industrialisation progressive
et - partant - un abaissement des prix de revient, et l'accroissement
(le la qualité (les produits.
------------L'Algérie,
client et fournisseur traditionnel de la France, doit certes reconsidérer
son commerce extérieur en fonction (le ces éléments,
mais en pleine entente avec cette métropole, aujourd'hui libérée
de ses anciens scrupules, et dont elle attend le concours (le l'expérience,
(le la technique et des capitaux.
------------C'est
la sauvegarde métropolitaine que l'Algérie revendique aussi
à l'occasion de traités économiques récents
: Union douanière avec l'Italie, accord commercial franco-espagnol,
instruments généraux dont il ne peut être question
de critiquer la portée, mais dont l'incidence brutale causerait
de graves préjudices aux exportations algériennes de liège,
de vin, d'agrumes, si des dispositions particulières n'étaient
envisagées pour remettre l'industrie nationale à parité
des conditions économiques étrangères de production
et de transport, et réduire à néant toutes les mesures
de dumping pratiquées par ces pays exportateurs.
------------Ainsi,
notre pays puissamment soutenu par la Métropole, pourra-t-il mener
à bien sa métamorphose industrielle, mais quelle puisse
être la réussisse des efforts si harmonieusement déployés
dans le présent, hommage doit être rendu aux premiers créateurs
dont l'uvre atteste le courage et le mérite.
René ESCLAPEZ.
Industriel
Conférence prononcée à Alger au "CONGRES DE
L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE " le 23 avril 1948.
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