--------Les
" colonies agricoles " de 1848 sont nées de la conjonction
de deux crises, d'origine différente : La crise métropolitaine
et la crise algérienne.
--------La première est suffisamment
connue pour qu'il soit utile d'y revenir. Soulignons seulement ses grandes
lignes : Budget des " 45 centimes ", élections modérées,
échec des Ateliers nationaux, journées de juin. La répression
de l'émeute a peut-être résolu le problème
sur le plan politique. Sur le plan social rien n'est changé. Une
armée de chômeurs encombre Paris, ce qui inquiète
les gouvernants.
L'ALGÉRIE EN
1848
--------La crise algérienne
mérite qu'on l'examine plus en détail. A première
vue il semblerait que 1848 doive marquer l'épanouissement de la
Colonie : la paix règne enfin. Abd-el-Kader s'est soumis. Seules
quelques opérations sans importance autour de la Kabylie encore
indépendante ont les honneurs du communiqué. Et pourtant
jamais le découragement n'a été plus grand. En effet,
le pays se débat dans un crise économique qui parait sans
issue. A la base, le manque de crédit. Les capitaux métropolitains
ont regagné la France pour être investis dans les chemins
de fer - plus rentables - ou simplement pour se mettre à l'abri,
car le malaise est général.
--------De toutes façons, l'Algérie
n'a rien qui puisse attirer les capitalistes. Les ordonnances d'Octobre
1844 et de juillet 1846, qui tentaient de mettre de l'ordre dans le régime
de propriété européen et indigent, par l'examen sérieux
des titres, laissent peser une menace constante d'éviction sur
les possédants, fussent-ils de bonne foi. De nombreux colons hésitent
dans ces conditions à engager les frais d'installation ; d'autant
plus que l'argent ne se prête qu'à taux usuraire par suite
de l'absence d'établissement de crédit , hypothécaire.
Les exploitations en rapport voient d'autre part leurs produits grevés
de droits de douane, au même titre que les produits étrangers.
--------La courbe démographique concrétise
éloquemment la situation. Pour la première fois depuis 1830,
la population civile européenne diminue :100.000 individus en janvier
1848 contre 114.000 l'année précédente.
--------Les Algériens cependant se
refusent à désespérer de l'avenir. D'innombrables
projets de réforme surgissent. Malheureusement l'administration
militaire, qui gère le pays, semble se désintéresser
de_ la question. Diverses démarches effectuées auprès
du roi Louis-Philippe ou de -ses ministres se sont heurtées au
veto des bureaux du Ministère de la Guerre. L'antagonisme entre
l'élément civil et l'élément militaire ne
fait que croître. Aucune amélioration, dit-on, n'est à
espérer tant que l'Algérie sera aux mains des militaires.
Et pour rejeter cette tutelle honnie, l'opinion demande l'assimilation
à la Métropole qui est présentée comme la
panacée universelle.
--------Aussi, lorsque la nouvelle dé
la Révolution de Février parvient à Alger, beaucoup
voient là l'occasion inespérée de secouer le joug
des généraux. De fait, un accord s'établit rapidement
entre l'Algérie et la seconde République. Celle-ci prend
en faveur des Algériens trois mesures " assimilatrices "
--------L'Algérie est déclarée
partie intégrante du territoire français., Elle est divisée
en départements. Elle bénéficie de quatre représentants
à l'Assemblée Nationale.
--------Cette dernière décision
est d'une application immédiate puisque les élections ont
lieu en Avril. Mais elle entraîne aussitôt le désenchantement
: la majorité se désintéresse des efforts des députés
algériens ; les généraux d'Afrique occupent dans
[e nouveau régime les postes ales plus importants.
--------Dans ces conditions, il est inutile
d'aborder de front la question politique. On se rabat sur la colonisation.
L'accroissement de la population européenne rendra malaisé
le maintien du régime militaire. Enfin, la crise de main-d'uvre
et peut-être celle des capitaux seront-elles ainsi momentanément
résolues.
LES PROJETS DE COLONISATION
OUVRIÈRE
--------Sur ces entrefaites,
la fermeture des Ateliers Nationaux et les journées de juin secouent
violemment la classe ouvrière de Paris. Elle se regroupe partiellement
autour des anciens cadres des Ateliers. créant ainsi une sorte
d'association assez importante.
--------Les Algériens de Paris, de
leur côté, se réunissent depuis longtemps au sein
de la " Société Algérienne " où
un comité de colonisation a été fondé. Les
dirigeants des deux groupements prennent contact dans un but précis
Favoriser l'installation, en Algérie, des chômeurs. Le projet
n'est pas neuf. On le trouve dans les colonnes de "l'Akhbar
" dès le 8 Avril. A leur départ, les ouvriers
ne mettent qu'une condition les exploitations seront de type socialiste.
Les Algériens, qui jugent leur échec probable, acceptent
cependant : On trouvera toujours à utiliser cette main-d'uvre.
L'étude du projet est poussée assez loin et Ferdinand Barrot,
député d'Algérie, promet de demander à la
Chambre les crédits nécessaires.
--------Mais le Gouvernement n'est pas resté
inactif. Le 15 Septembre, Lamoricière, ministre de la Guerre, obtient
priorité de discussion pour son propre projet basé également
sur le transfert des chômeurs en Algérie. Seulement les modalités
d'application diffèrent du tout au tout. Et d'abord c'est l'Administration
Militaire qui prend en charge l'installation (les émigrants. Ensuite
il n'est plus question de travail en commun. Les lots de culture seront
répartis individuellement, Les députés algériens
Didier et de Rancé. soutenus seulement par l'extrême gauche,
voient leurs amendements repoussés. La loi du 19 Septembre est
votée. L'arrêté du 27 complète les dispositions
prises. Voici quelles étaient les principales :
--------L'Enta accorde aux colons une maison
individuelle et une concession agricole variant de 2 à 10 hectares,
selon les charges de famille de l'intéressé et la richesse
du sol. Pendant trois ans, il prend en charge les émigrants et
leur famille, auxquels sont attribuées des rations alimentaires
journalières. Il fournit également le cheptel, les instruments
agricoles, les semences nécessaires à l'exploitation.
--------De leur côté, les colons,
dans un délai semblable, doivent mettre en valeur leur concession,
faute de quoi ils pourront être évincés. Les titres
définitifs de propriété ne seront délivrés
qu'une fois cette obligation remplie.
--------Enfin, clause qui fit couler beaucoup
d'encre, les colonies agricoles pouvaient, au bout, d'un an, bénéficier
du régime municipal des territoires civils, c'est-à-dire
échapper au contrôle des militaires.
--------Un crédit de 5o millions,
échelonné sur trois ans (5, 10, 35) devait permettre de
financer chaque année la création de nouveaux centres. Comme
1848 était sur le point de s'achever, il ne fut prévu que
12.000 départs, sur 100.000 escomptés, avant le 31 Décembre.
LE TRANSPORT DES COLONS
--------En somme, les conditions
faites aux colons par l'Etat étaient fort libérales et tout
laissait prévoir le succès. ----------------L'enthousiasme
des ouvriers en fut la preuve. Les demandes affluèrent.
--------La commission parlementaire, appelée
commission Trelat du nom de' son président, chargée de veiller
à l'exécution de la loi, devait procéder à
l'examen des candidatures et exclure, en principe, vieillards et femmes.
En réalité, le contrôle fut illusoire. Aucun des états
nominatifs, faits dans la confusion, ne s"avéra exact ; d'où
d'innombrables difficultés d'ordre administratif à l'arrivée
en Algérie. L'Etat s'était chargédu transport des
colons et de leur mobilier. Le voyage devait s'effectuer par voie d'eau,
seul moyen permettant à l'époque, de déplacer économiquement
une telle masse de gens.
--------De Paris à Châlons devaient
être utilisées des péniches hâlées à
main d'homme, de Châlons à Arles des vapeurs fluviaux, d'Arles
à Marseille le chemin de fer, une nouveauté.
--------Le départ du premier convoi,
destiné à Saint-Cloud, eut lieu le 8 Octobre, quai de Bercy.
Lamoricière remit aux colons un drapeau qui fut béni par
le clergé. Les fanfares militaires répondirent au discours
de Trélat et aux vivats de la foule.
--------Du 8 Octobre au 10 Décembre,
seize convois devaient quitter Paris avec un cérémonial
analogue.
--------En général, le trajet
de Paris à Châlons, malgré l'inconfort des péniches
(ni lits, ni hamacs ni cloisons- de séparation) laissa de bons
souvenirs. La lenteur (lu voyage (12 jours) permettait de fréquentes
haltes et l'entreprise chargée du transport nourrissait fort convenablement
les colons. De Châlons à Arles, la vitesse des vapeurs suscita
des craintes, ainsi que les tunnels du chemin de fer qui les conduisit
à Marseille. La plupart des colons gardèrent un mauvais
souvenir des villes i,Lyon, Arles, Marseille) qui les hébergèrent
sans enthousiasme, les traitant en individus dangereux plutôt qu'en
émigrants. Peut-être faut-il voir là l'origine de
la légende des " Déportés de 1848 " -
--------Après un séjour assez
bref à Marseille, les colons s'embarquèrent pour l'Algérie.
L'ORGANISATION DES COLONIES
AGRICOLES
--------Que devaient-ils
trouver en arrivant
--------Le nouveau Gouverneur Général
Charon avait pris à cur le succès des colonies. Les
instructions émanant de lui en témoignent. Mais le délai
accordé devait s'avérer ridicule en regard de la tâche
assumée. Dans un pays dépourvu de routes, au cadastre incertain,
il fallait faire surgir de terre 42 villages, alors que l'Algérie
française ne comptait que 8o agglomérations.
--------La première besogne consistaità
trouver les terres nécessaires à la constitution des périmètres
de colonisation, dans des régions salubres, sûres et possédant
(les points d'eau. Heureusement les travaux des commissions d'enquête
créées en 1846 avaient jeté quelque clarté
sur la question des terres domaniales. Ils furent d'un précieux
secours et ce n'est que rarement qu'il fallut recourir à des expropriations
légales.
--------Dans chaque subdivision d'autres
commissions statuèrent sur l'emplacement des futurs centres.
--------L'esprit militaire qui les animait
sacrifia souvent la salubrité à la sécurité.
Sous l'influence (le Lamoricière, ancien divisionnaire d'Oran,
cette province eut la part du lion : Aboukir, Rivoli, Aïn-Nouissy,
Tourin. Karouba, Aïn-Tédelès, Souk-el-Mitou, Saint-Leu,
Damesme, Arzew, Mulet'-Magoun, Kléber, Mefessour, Saint-Cloud,
Fleurus, Assi-Ameur, Assi-ben-Ferrah, Saint-Louis, Assi-ben-Okha, Assi-bou-Nif,
Mangin.
-------L'Algérois
reçut 12 villages, échelonnés le long des routes
Blida-Cherchell (El-Affroun, Bou-Roumi, Marengo. Zurich, Novi) ou Koléa-Cherchell
(Castiglione-Tefeschoun), tandis que les agglomérations excentriques
de Médéa, Orléansville et Ténès se
voyaient respectivement renforcées de Lodi, Damiette, la Ferme,
Ponteha, Montenotte.
--------Dans le Constantinois, peu peuplé,
la région de Guelma. avec Héliopolis, Guelma, Millesimo,
Petit ; le Cercle de Philippeville avec Jemmapes, Gastouville. Robertville
la plaine de la Seybouse avec Mondovi et Barrai, se partagèrent
9 colonies.
--------Les travaux d'installation commencèrent
aussitôt. Pressée par le temps, l'Administration renonça
aux maisons individuelles et fit élever des baraquements de 6o
mètres de long. Encore étaient-ils ',-à l'état
de projet dans beaucoup de centres lors de l'arrivée des colons.
--------Il n'était pas non plus question
d'attribuer d'emblée les lots de culture, encore non délimités.
L'armée fut chargée de défricher quelques hectares
par village afin de permettre aux émigrants. de. semer (dès
la première année. Dans certains centres, les directeurs
s'abouchèrent avec les Bureaux. Arabes qui mirent à leur
disposition des Khamnlès (métayers musulmans) pour préparer
une partie du sol.
--------Les routes qui devaient joindre les
colonies aux villes voisines restèrent dans le domaine de l'imagination
ainsi que les " travaux d'hydraulique ", entendez le captage
des sources.
--------Sur le plan administratif s'étaient
posés deux grands problèmes : l'administration des centres
e la distribution (les fournitures et rations promises.
--------Le premier fut réglé
de façon fort économique. Les bureaux des subdivisions s'en
chargèrent. La chose fut d'ailleurs facilitée par l'étendue
des pouvoirs accordés aux Directeurs des colonies. Ceux-ci choisis
parmi les officiers volontaires cumulaient à la fois l'exécutif,
le judiciaire et le législatif. Par malheur, à part quelques
brillantes exceptions, tels Lapassel ou de Malgaive, ils se montrèrent
souvent au-dessous de leur tâche, pour ne pas dire plus. Certains,
spontanément, cherchèrent à tempérer leur
propre omnipotence en créant des conseils de familles ou conseils
des colons, composés de représentants élus de leurs
administrés. Les centres les plus important, reçurent les
Directeurs adjoints. Tous, à d'origine, devaient posséder
des " Moniteurs de culture ". Mais Lamoricière, sous
prétexte d'économie le supprima, ce qui fut une lourde faute.
En réalité, il semble bien qu'il ait voulu ainsi préserver
la toute puissance des Officiers-Directeur
--------Le second problème reçut
une double solution. Les fourniture agricoles incombèrent à
l'administration militaire, ce qui entraîna des retards catastrophiques
car cille refusa de tenir compte. de la situation particulière
de chaque centre, Le ravitaillement lut confié à des adjudicataires
dont le manque de conscience devint proverbial.
FONCTIONNEMENT DES COLONIES
AGRICOLES
--------L'accueil que l'Algérie
réserva aux colons fut réconfortant. Bon peuple et officiels
reçurent les Paris siens avec une cordialité souvent fastueuse.
Seuls les milieux de droite boudèrent un peu. Mais les plu, mécontents
devaient être les colons eux-mêmes lorsqu'ils furent enfin
rendus à pied d'oeuvre. Tout était à faire. Les interventions
pressantes de Lamoricière n'avaient souvent fait qu accroître
la confusion et retarder les travaux. Ainsi, afin de pouvoir présenter
à Paris des états conformes aux exigences ministérielles,
certains villages changèrent plusieurs fois de nom pour les besoins
de la cause. Mais la réalité ne varia pas.
--------Les colons devaient porter leurs
efforts sur trois points défricher. ensemencer, bâtir les
maisons. Les inconvénients du système administratif adopté
se révélèrent d'emblée.Un exemple entre cent
: dans l'Algérois, boeufs et charrues restèrent longtemps
sans être utilisés car on avait omis de fournir les jougs
en temps voulu.
--------La fin de 1848 et les premiers mois
de 1849 furent perdu, pour le travail des champs par suite du mauvais
temps et du manque d'instruments agricoles. L'édification des maisons,
en revanche, démarra. l'ingéniosité des ouvriers
parisien pouvant s'exercer plus facilement dans ce domaine.
--------Il était permis d'espérer
un essor définitif pour la belle saison. Le contraire se produisit.
La majorité des villages avaient été situé
en terrains impaludés (il n'en existait guère d'autres)
les fièvres éprouvèrent sérieusement les habitants
et abaissèrent leur moral. On enregistra alors les premiers départs.
Quelques mois plus tard, la terrible épidémie de choléra
de 1849 fondait sur cette population déjà affaiblie par
le paludisme et de mauvaises conditions matérielles. Les colons
touchèrent le fond de la misère humaine. Des familles entières
disparurent. Le nombre des décès atteignit près du
tiers de l'effectif total. Pour comble de malchance l'année t849
connut la sécheresse. La récolte de blé, la seule,
fut pitoyable. Dans certains centres l'état sanitaire des colons
laissait tellement désirer qu'il fallut avoir recours à
la main-d'oeuvre indigène pour la moisson.
--------Sur le plan moral,, les choses allaient
aussi mal. Le désenchantement des débuts s'accrut de la
différence de tempérament existant entre Directeurs et colons.
Les premiers se plaignaient de l'indiscipline des seconds et de leur inaptitude
à la vie agricole.Ces dernier criti quaient la dictature des officiers.
Les lenteurs de la mise en train, le mauvais ravitaillement , les erreurs
administratives que de bons esprits transformaient en brimades volontaires
augmentèrent l'animosité réciproque.
--------Les élections législatives
de 1849 reflétèrent cet état d'esprit. Malgré
les pressions exercées, les colonies agricoles votèrent
socialiste. L`affaire. des " Evictions"porta à la connaissance
du Parlement ce malaise général. En effet, beaucoup de Directeurs.
afin d'avoir leurs administrésbien en main avaient expulsé
de leur propre autorité les éléments jugés
indésirables. Les colons se plaignirent de ne plus pouvoir être
surs du lendemain et d'oeuvrer pour autrui. L'émotion suscitée
par cette affaire fut caractéristique.
ABANDON DE LA COLONISATION
OUVRIERE
--------Aussi, dès
le printemps, l'Assemblée Nationale. avant de procéder à
la création des colonies de 1849, avait voulu examiner de près
le fonctionnement des centres précédemment créés.
Mais sa majoritéavait changé. Les conservateurs revenus
au pouvoir voyaient d'un mauvais oeil cette création des "
Montagnards " en 1848 et suscitaient une campagne de presse fort
déplaisante contre les colons.. Il est à remarquer que les
journaux algériens ne s'y associèrent pas.
--------Au renouvellement de la commission
des colonies agricoles, Trélat fut remplacé par Reybaud.
Ce dernier et ses collègues furent hués lors de leur débarquement
à Alger. Ils menèrent cependant leur enquête avec
objectivité et lavèrent les colons des calomnies dont ils
étaient l'objet, sans pour cela prendre leur défense. En
revanche, ils s'alarmèrent de la toute puissance des directeurs
et par 4 voix contre 3 demandèrent, ainsi qu'il était prévu,
la remise des colonies à l'autorité civile. La commission
préconisa enfin l'abandon de la colonisation ouvrière et
conseilla de compléter l'effectif des concessionnaires avec des
cultivateurs confirmés ou d'anciens militaires, recrutement qui
fut adopté pour les douze centres créés en 1849 (Ameur-el-Aïn,
Bourkika, Aïn-Benian, Bou-Medfa, Aïn-Sultan, Sidi-Nassar, Bled-Touria,
Aïn-Sidi-Chérif, Aïn-Boudinar, Pont-du-Chérif,
Bou-Tlélis, Ahmed-ben-Ali). En somme, Reybaud proposait la liquidation
définitive de l'expérience. Son point de vue fut adopté,
sauf en ce qui concerne le régime administratif des villages, qui
restèrent sous la coupe des militaires.
--------Cette dernière mesure fut
très sensible aux colons. Nombreux furent ceux qui abandonnèrent
alors la partie et regagnèrent Marseille. Là, laissés
sans ressources, la santé ébranlée, ils disparurent
la plupart dans la horde des miséreux.
--------En 1851, l'effectif des colons de
1848 ne représentait plus que le tiers de l'effectif initial. Les
colonies, bien que renforcées d'éléments étrangers
(cultivateurs, militaires), ne prospérèrent pas pour autant.
--------A cela, deux causes : La sécheresse
persistante qui ne prit fin qu'en 1853 et la mauvaise organisation agricole,
conséquence de théories économiques critiquables.
En effet sur ces concessions exiguës, l'administration poussa les
colons à cultiver le blé. La vigne, culture riche maisnon
" nourricière " fut sévèrement réglementée.
--------Aussi en juillet 1852, date à
laquelle elles furent remises à l'autorité civile qui les
accepta sans enthousiasme, les colonies agricoles végétaient
encore. Cependant leur esprit avait changé, comme en témoigna
le plébiscite de 1851 où elles votèrent en faveur
du futur Napoléon III.
* * *
--------Comment conclure
--------Peut-on dire que les colonies agricoles
se soient soldées par un échec ? Non, si l'on songe aux
villages d'aujourd'hui, aux cultures qui remplacent la broussaille ou
le marais. aux populations tant européennes que musulmanes que
nourrissent ces régions jadis déshéritées.
--------Oui, si l'on compare les souffrances
des pionniers aux résultats immédiats qu'ils obtinrent.
--------Dans l'esprit des promoteurs, cette
colonisation ouvrière devait résoudre, pour la Métropole,
le problème du paupérisme et infuser à l'Algérie
un sang nouveau. Là, l'insuccès fut total, puisque sur 100.000
émigrants prévus, 14.000 seulement vinrent en Algérie,
sur lesquels 3.000, en tout et pour tout. réussirent.
P. BOYER
Archiviste en chef du département d'Alger.
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