Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : apiculture
l'apiculture algérienne et les moyens envisagés pour son amélioration.
4 pages - n°52 - 25 septembre 1948

++++L'Apiculture algérienne est pratiquée dans de nombreuses et vastes régions où la flore mellifère est abondante et variée. Toutefois, en raison d'une exploitation insuffisante et routinière, elle n'arrive pas à satisfaire les besoins locaux ; aussi la nécessité d'étendre et de moderniser les méthodes apicoles se manifeste avec une telle force que l'Administration l'avant prise en considération, pense y répondre en prenant l'initiative de procéder aux améliorations les plus urgentes suivant un programme dont les cause, déterminantes et les buts essentiels font l'objet de cet exposé.

mise sur site le 11-03-2005
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----------L'Apiculture algérienne est pratiquée dans de nombreuses et vastes régions où la flore mellifère est abondante et variée. Toutefois, en raison d'une exploitation insuffisante et routinière, elle n'arrive pas à satisfaire les besoins locaux ; aussi la nécessité d'étendre et de moderniser les méthodes apicoles se manifeste avec une telle force que l'Administration l'avant prise en considération, pense y répondre en prenant l'initiative de procéder aux améliorations les plus urgentes suivant un programme dont les cause, déterminantes et les buts essentiels font l'objet de cet exposé.

POSSIBILITES APICOLES DU PAYS

----------Les trois départements algériens sont incontestablement riches de possibilités apicoles. L'abeille d'Algérie, très proche de l'abeille noire d'Europe, est robuste et bien acclimatée. Elle dispose d'une abondante flore mellifère, spontanée, subspontanée et cultivée. A l'exception des régions désertiques des Hauts-Plateaux et du Sud, l'apiculture est, en Algérie, largement pratiquée dans les régions montagneuses à population dense (Kabylie, Aurès), dans les plaines littorales (Mitidja), dans les plaines intérieures (Mascara), dans les vallées des grands oueds (Soummam).
----------Parmi les très nombreuses espèces végétales qui forment la flore spontanée algérienne, certaines se rencontrent en peuplements importants. Ce sont, en montagne. la bruyère rose (Erica multiflora L.), l'arbousier (Arbustus unedo L.), la lavande (Lavandula stoechas L.), le romarin (Rosmarinus officinalis L.), de nombreuses variétés de thym, de cistes, d'asphodèles, l'astragale (Astragalus monspessuilanus L.), l'euphorbe (Euphorbia nicaeensis AIl.), la marrube vulgaire (Marrubium vulgare L.), ces deux dernières particulières au massif de l'Aurès, le thuya (Callitris articulata), etc...
----------Dans les régions prémontagneuses de Grande et Petite Kabylie, deux variétés de sainfoin (Hedysarum flexuosum L. et H. coronarium L.) couvrent de grandes superficies.
----------Dans les plaines fleurissent l'oxalis (Oxalis cernua Th.). les ravenelles (Sinapis, diplotaxis, sisymbrium, rapistrum, raphanus, etc...), la bourrache (Borrago officinalis), les vipérines (Echium sp.), les Melillots, les chardons (Onopordon, Silibum), les centaurées. etc...
La flore subspontanée est principalement représentée par l'Eucalyptus, importé d'Australie en 1863. L a floraison estivale de cette essence, très mellifère, produit un miel d'excellente qualité. Il en existe actuellement un très grand nombre d'espèces plantées en bordure, notamment, des voies (le communication, sur les berges des cours d'eau, clans les forêts reconstituées. dans les fermes.
----------Quant à la flore mellifère cultivée, il convient de citer les rosacées de vergers, communes à la France et à l'Algérie, on particulière à celle-ci, le néflier du Tapon (Eriobotrya japonica Lindi.) par exemple, dont la floraison automnale est précieuse, les agrumes (Cirrus divers) qui produisent un miel renommé. les fourrages artificiels, tels que la luzerne, le trèfle d'Alexandrie (Trifolium alexandrium L.). des plantes de grande culture, comme la lentille (Lens esculenta L.), etc...
La diversité (le la flore algérienne et la douceur relative (lu climat ménagent. dans certaines régions du littoral, des miellées successives s'étendant sur l'année entière, chaque saison se parant d'une floraison particulière.
----------Malgré ces conditions favorables, la production algérienne en miel, de l'ordre de 4.000 à 5.000 quintaux par an, est inférieure aux besoins de la consommation locale, alors qu'elle devrait être supérieure et être à l'origine d'un courant d'exportation important.

CAUSE DE L'INSUFFISANCE ACTUELLE DE LA PRODUCTION APICOLE ALGÉRIENNE

----------Cette insuffisance de production procède de causes multiples. C'est, en premier lieu, le rendement insignifiant des quelque 150.000 colonies logées en ruches arabes. Le type de ces dernières varie selon la matière première utilisée pour sa construction : liège dans les montagnes du littoral, férule dans les plaines, alfa dans les Bibans et le Sud constantinois. Elle affecte une forme allongée, d'un mètre environ, de section carrée pour la ruche en férule, cylindrique pour la ruche en alfa ou en liège ; une exception est fournie par la ruche en alfa tressé de l'Aurès, dont la forme conique est une survivance des ruches romaines introduites dans ce massif par les vétérans de Lambèse et de Timgad. Quel qu'en soit le type, la ruche arabe, instrument 'd'élection de l'apiculteur musulman, ne se prête en aucune façon à une production intensive, en raison de sa faible capacité. Bien plus, des procédés d'exploitation archaïques, tels que la taille, au moment de la récolte, de la totalité des rayons, amènent, chaque hiver, la perte de 5o% des colonies et contribuent à réduire un rendement déjà bien faible. En fait, la moyenne de production annuelle d'une ruche arabe est de 2 à 3 kilogs.
----------Une seconde raison des faibles rendements de l'apiculture 'algérienne est la cristallisation, depuis le début du siècle, de l'exploitation par les Européens, tant au point de vue potentiel. que des méthodes.
----------En 1904, moins de1.000 apiculteurs, professionnels ou non, exploitaient 10.000 ruches à cadres, dont le rendement moyen était de 8 à 10 kilos. Ces chiffres n'ont guère varié, ainsi qu'en témoignent des statistiques récentes.
----------Ce petit nombre d'apiculteurs européens, comparé à celui de leurs collègues musulmans, qui sont plusieurs, milliers, s'explique par le fait que les agriculteurs européens, dont la plupart ont la charge écrasante de diriger des exploitations agricoles importantes, ne peuvent s'occuper personnellement -de travaux apicoles. Ils préfèrent s'adresser à des spécialistes. Or, ces derniers, ou bien font défaut, ou bien ne présentent pas des garanties de technicité suffisantes.
----------C'est cette absence de spécialistes qualifiés qui, jusqu'à présent, a freiné le développement de l'apiculture en milieu européen.
----------Quant aux rendements des ruches à cadres, l'ignorance des méthodes modernes appliquées aux données particulières de l'apiculture algérienne -fait qu'ils sont nettement inférieurs à ceux qui devraient être obtenus et que réalisent, il faut le signaler, quelques apiculteurs, malheureusement trop peu nombreux. Ceux-ci, en se tenant au courant de l'évolution de l'apiculture, ont perfectionné leurs méthodes, au lieu de se cantonner dans des procédés d'exploitation transmis, sans modification, depuis plusieurs générations. Pratiquant le remérage périodique de leurs ruches, utilisant judicieusement un matériel perfectionné, les grilles à reine, par exemple, tirant parti au maximum de la miellée par l'étude judicieuse de la flore mellifère de leur région, se livrant à l'apiculture pastorale, ils obtiennent des rendements supérieurs à 5o kilos et prouvent ainsi les possibilités d'une exploitation rationnelle de l'apiculture en Algérie.
----------Il convient ici de préciser que, plus que partout ailleurs, le terme rationnel appliqué à la pratique (le l'apiculture trouve son expression exacte lorsqu'il s'agit de mettre au point des méthodes de production intensive en Algérie.
----------Les conditions d'exploitation doivent, en effet, tenir compte de certaines particularités du climat algérien. La douceur relative des hivers, la pluviométrie qui atteint généralement son maximum entre décembre et février, provoquent, dès le début mars, une miellée abondante qui se tarit brusquement au. mois de mai. L'apparition de cette miellée favorise le développement des colonies, l'essaimage bat son plein, dès le début avril ; après l'essaimage, la période nécessaire aux colonies pour reconstituer leurs effectifs couvre et dépasse même celle pendant laquelle la miellée subsiste encore, si bien que les ruches, livrées à elles-mêmes, se présentent, au moment de la récolte de printemps, riches en population, mais vides de miel. C'est ainsi que, trop souvent, cette première récolte est perdue et qu'il faut attendre celle suivant la floraison estivale des Eucalyptus pour les régions où cette essence existe en peuplements suffisants.

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- METHODES RATIONNELLES DE PRODUCTION

----------Il apparaît alors nettement, à l'apiculteur averti des procédés modernes d'exploitation, que seule une technique appropriée, basée principalement sur le nourrissement spéculatif, le blocage de ponte, la suppression de l'essaimage naturel et, par corollaire, le remérage périodique (les colonies, permet une récolte, au printemps, de miels de qualité, comme le miel d'oranger, qui, sans ces dispositions, serait inévitablement utilisé en majeure partie, sinon en totalité, pour nourrir le couvain.

PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT


----------De ce bref exposé sur la situation de l'apiculture algérienne et les raisons de son insuffisance, il résulte qu'une augmentation de la production nécessite la formation de cadres susceptibles d'accélérer la substitution (les ruchés à cadres aux ruches arabes, dans les milieux musulmans, d'une part, et d'améliorer les méthodes d'exploitation en fonction des progrès réalisés en la matière, dans les milieux européens, d'autre part.
----------Ce rôle éducatif est confié au Service de la Protection des Végétaux, qui, pour le jouer, crée des ruchers de démonstration en milieu musulman, organise (les stages de moniteurs apicoles, procède à des démonstrations, etc...

RUCHERS DE DÉMONSTRATION -- MONITEURS APICOLES

----------Jusqu'à présent, les ruchers de démonstration ont été créés, sous la direction technique et le contrôle de ce service, par les unités administratives intéressées : Communes Mixtes, Sociétés Indigènes de Prévoyance, Service des Eaux et Forêts. Six ruchers ont été créés en 1947, quinze sont en cours d'installation.
----------L'éducation professionnelle des moniteurs chargés de là;gestion de ces ruchers et des démonstrations, est assurée au cours de stages annuels, organisés par le même service à l'École Nationale d'Agriculture d'Alger. Le premier a eu lieu en mars 1947, le second en mars 1948. Soixante-huit moniteurs ont été formés, tous volontaires recrutés parmi les préposés des Eaux et Forêts, les agents des Sociétés Indigènes de Prévoyance et certains agents communaux, tels que pépiniéristes et jardiniers.
----------L'unité d'enseignement ainsi que les directives très précises données aux moniteurs sur la manière (le vulgariser les connaissances acquises, assurent, dans tous les ruchers, une homogénéité d'action indispensable.
----------Cette formation de moniteurs apicoles sera sans doute complétée incessamment par celle de spécialistes apicoles. Un programme d'enseignement de l'apiculture, sanctionné par la délivrance d'un diplôme d'apiculteur et d'une carte professionnelle, est à l'étude. Il permettra de former un cadre de techniciens éprouvés qui, selon les règles couramment établies de métayage ou d'entretien à forfait, procéderont, en collaboration avec les agriculteurs intéressés, à l'exploitation d'un nombre important de ruchers, suivant des principes modernes adaptés à chaque grande région.

RUCHERS D'EXPÉRIMENTATION

----------Cette mise au point de méthodes d'exploitation particulières à chaque région constitue également un facteur important de l'amélioration de la production apicole. Il est procédé dans des ruchers-pilotes appartenant à l'Administration.
----------Deux ont déjà été installés : l'un dans la plaine de la Mitidja, à Boufarik, l'autre dans l'Atlas tellien à Miliana. Le premier est destiné à étudier les procédés d'exploitation propres à permettre de réaliser le maximum de rendement en miel d'oranger. Le second est réservé à l'étude des possibilités mellifères de la région de Miliana, tout en permettant de servir d'exemple et de guide à de nombreux apiculteurs, musulmans' pour la plupart. La création de semblables ruchers est prévue dans tontes les régions apicoles importantes.
----------Cet exposé du programme poursuivi par l'Administration algérienne serait incomplet s'il n'était fait mention (les activités consacrées à la propagande. à l'expérimentation, à la recherche, à la lutte contre les maladies des abeilles. etc...

PROPAGANDE

----------La propagande utilise les moyens ordinaires tels que la diffusion de causeries radiophoniques, la publication (le brochures et d'articles (le presse, les conférences, etc... Les effets sont sensibles, non seulement en Algérie. où ils donnent lieu à l'échange d'une correspondance active, mais encore dans les pays voisins et dans la Métropole.

RECHERCHES TECHNIQUES ET DOCUMENTATION

----------Quant à l'étude des nombreux problèmes posés par l'Apiculture. elle retient également l'attention du Service de la Protection des Végétaux. C'est ainsi que l'utilisation récente en agriculture des nouveaux insecticides organiques de synthèse à grande puissance d'action, ont donné lieu à une série d'essais desquels il résulte que, dans les conditions de la pratique courante, la toxicité de ces produits, à l'égard des abeilles, est bien moins importante que ne le faisait supposer une nombreuse littérature publiée à ce sujet. Sont également étudiées les possibilités d'emploi de matériel récent (rayons d'aluminium), de nouveaux produits (cire synthétique), etc...
----------L'étude des ennemis des abeilles est également. entreprise dans le cadre local. Elle a déjà permis de démontrer la nocivité du guêpier (Merops apiaster L.), communément appelé en Algérie "Chasseur d'Afrique", et de prendre les mesures de protection nécessaires.
En outre, des' collections (miels, plantes mellifères) sont constituées, une documentation importante est réunie- et la bibliothèque apicole du Service, déjà fournie, s'augmente continuellement.

LUTTE CONTRE LES MALADIES DES ABEILLES ET CONTRÔLE SANITAIRE

----------Enfin, l'organisation du contrôle pathologique (les ruchers est organisée ; désormais, des visites périodiques permettront de juger de l'état sanitaire (les installations apicoles et, avec l'aide de l'Institut Pasteur d'Algérie, les mesures prophylactiques et curatives pourront être prises dans le cadre de la réglementation en vigueur aux frontières et à l'intérieur du territoire.
----------En définitive. le programme actuellement adopté en vue (le rénover l'apiculture algérienne, bien qu'incomplet, s'adresse à là plupart des questions pour lesquelles l'intervention des Services publics peut et doit être envisagée.
----------Appliqué depuis quelques mois seulement, il a déjà fourni des résultats appréciables, ce (lui fait très favorablement préjuger de son efficience dans l'avenir, sous réserve. toutefois, que les cadres indispensables à sa mise en oeuvre intégrale soient finis à la disposition (lu Service (le la Protection des Végétaux.
----------De plus, il est à souhaiter que les apiculteurs eux-mêmes soutiennent les efforts de l'Administration et concourent avec elle à développer une richesse naturelle. à laquelle revient une place importante dans l'économie du pays.


P. FREZAL, Ch. GRIESSINGER,
Inspecteur-Chef Contrôleur
du Service de la Protection des Végétaux. du Service de la Protection des Végétaux,
chargé de l'Apiculture.