----------L'Apiculture
algérienne est pratiquée dans de nombreuses et vastes régions
où la flore mellifère est abondante et variée. Toutefois,
en raison d'une exploitation insuffisante et routinière, elle n'arrive
pas à satisfaire les besoins locaux ; aussi la nécessité
d'étendre et de moderniser les méthodes apicoles se manifeste
avec une telle force que l'Administration l'avant prise en considération,
pense y répondre en prenant l'initiative de procéder aux
améliorations les plus urgentes suivant un programme dont les cause,
déterminantes et les buts essentiels font l'objet de cet exposé.
POSSIBILITES APICOLES DU PAYS
----------Les trois
départements algériens sont incontestablement riches de
possibilités apicoles. L'abeille d'Algérie, très
proche de l'abeille noire d'Europe, est robuste et bien acclimatée.
Elle dispose d'une abondante flore mellifère, spontanée,
subspontanée et cultivée. A l'exception des régions
désertiques des Hauts-Plateaux et du Sud, l'apiculture est, en
Algérie, largement pratiquée dans les régions montagneuses
à population dense (Kabylie, Aurès), dans les plaines littorales
(Mitidja), dans les plaines intérieures (Mascara), dans les vallées
des grands oueds (Soummam).
----------Parmi
les très nombreuses espèces végétales qui
forment la flore spontanée algérienne, certaines se rencontrent
en peuplements importants. Ce sont, en montagne. la bruyère rose
(Erica multiflora L.), l'arbousier (Arbustus unedo L.), la lavande (Lavandula
stoechas L.), le romarin (Rosmarinus officinalis L.), de nombreuses variétés
de thym, de cistes, d'asphodèles, l'astragale (Astragalus monspessuilanus
L.), l'euphorbe (Euphorbia nicaeensis AIl.), la marrube vulgaire (Marrubium
vulgare L.), ces deux dernières particulières au massif
de l'Aurès, le thuya (Callitris articulata), etc...
----------Dans
les régions prémontagneuses de Grande et Petite Kabylie,
deux variétés de sainfoin (Hedysarum flexuosum L. et H.
coronarium L.) couvrent de grandes superficies.
----------Dans
les plaines fleurissent l'oxalis (Oxalis cernua Th.). les ravenelles (Sinapis,
diplotaxis, sisymbrium, rapistrum, raphanus, etc...), la bourrache (Borrago
officinalis), les vipérines (Echium sp.), les Melillots, les chardons
(Onopordon, Silibum), les centaurées. etc...
La flore subspontanée est principalement représentée
par l'Eucalyptus, importé d'Australie en 1863. L a floraison estivale
de cette essence, très mellifère, produit un miel d'excellente
qualité. Il en existe actuellement un très grand nombre
d'espèces plantées en bordure, notamment, des voies (le
communication, sur les berges des cours d'eau, clans les forêts
reconstituées. dans les fermes.
----------Quant
à la flore mellifère cultivée, il convient de citer
les rosacées de vergers, communes à la France et à
l'Algérie, on particulière à celle-ci, le néflier
du Tapon (Eriobotrya japonica Lindi.) par exemple, dont la floraison automnale
est précieuse, les agrumes (Cirrus divers) qui produisent un miel
renommé. les fourrages artificiels, tels que la luzerne, le trèfle
d'Alexandrie (Trifolium alexandrium L.). des plantes de grande culture,
comme la lentille (Lens esculenta L.), etc...
La diversité (le la flore algérienne et la douceur relative
(lu climat ménagent. dans certaines régions du littoral,
des miellées successives s'étendant sur l'année entière,
chaque saison se parant d'une floraison particulière.
----------Malgré
ces conditions favorables, la production algérienne en miel, de
l'ordre de 4.000 à 5.000 quintaux par an, est inférieure
aux besoins de la consommation locale, alors qu'elle devrait être
supérieure et être à l'origine d'un courant d'exportation
important.
CAUSE DE L'INSUFFISANCE ACTUELLE DE LA PRODUCTION
APICOLE ALGÉRIENNE
----------Cette
insuffisance de production procède de causes multiples. C'est,
en premier lieu, le rendement insignifiant des quelque 150.000 colonies
logées en ruches arabes. Le type de ces dernières varie
selon la matière première utilisée pour sa construction
: liège dans les montagnes du littoral, férule dans les
plaines, alfa dans les Bibans et le Sud constantinois. Elle affecte une
forme allongée, d'un mètre environ, de section carrée
pour la ruche en férule, cylindrique pour la ruche en alfa ou en
liège ; une exception est fournie par la ruche en alfa tressé
de l'Aurès, dont la forme conique est une survivance des ruches
romaines introduites dans ce massif par les vétérans de
Lambèse et de Timgad. Quel qu'en soit le type, la ruche arabe,
instrument 'd'élection de l'apiculteur musulman, ne se prête
en aucune façon à une production intensive, en raison de
sa faible capacité. Bien plus, des procédés d'exploitation
archaïques, tels que la taille, au moment de la récolte, de
la totalité des rayons, amènent, chaque hiver, la perte
de 5o% des colonies et contribuent à réduire un rendement
déjà bien faible. En fait, la moyenne de production annuelle
d'une ruche arabe est de 2 à 3 kilogs.
----------Une
seconde raison des faibles rendements de l'apiculture 'algérienne
est la cristallisation, depuis le début du siècle, de l'exploitation
par les Européens, tant au point de vue potentiel. que des méthodes.
----------En
1904, moins de1.000 apiculteurs, professionnels ou non, exploitaient 10.000
ruches à cadres, dont le rendement moyen était de 8 à
10 kilos. Ces chiffres n'ont guère varié, ainsi qu'en témoignent
des statistiques récentes.
----------Ce
petit nombre d'apiculteurs européens, comparé à celui
de leurs collègues musulmans, qui sont plusieurs, milliers, s'explique
par le fait que les agriculteurs européens, dont la plupart ont
la charge écrasante de diriger des exploitations agricoles importantes,
ne peuvent s'occuper personnellement -de travaux apicoles. Ils préfèrent
s'adresser à des spécialistes. Or, ces derniers, ou bien
font défaut, ou bien ne présentent pas des garanties de
technicité suffisantes.
----------C'est
cette absence de spécialistes qualifiés qui, jusqu'à
présent, a freiné le développement de l'apiculture
en milieu européen.
----------Quant
aux rendements des ruches à cadres, l'ignorance des méthodes
modernes appliquées aux données particulières de
l'apiculture algérienne -fait qu'ils sont nettement inférieurs
à ceux qui devraient être obtenus et que réalisent,
il faut le signaler, quelques apiculteurs, malheureusement trop peu nombreux.
Ceux-ci, en se tenant au courant de l'évolution de l'apiculture,
ont perfectionné leurs méthodes, au lieu de se cantonner
dans des procédés d'exploitation transmis, sans modification,
depuis plusieurs générations. Pratiquant le remérage
périodique de leurs ruches, utilisant judicieusement un matériel
perfectionné, les grilles à reine, par exemple, tirant parti
au maximum de la miellée par l'étude judicieuse de la flore
mellifère de leur région, se livrant à l'apiculture
pastorale, ils obtiennent des rendements supérieurs à 5o
kilos et prouvent ainsi les possibilités d'une exploitation rationnelle
de l'apiculture en Algérie.
----------Il
convient ici de préciser que, plus que partout ailleurs, le terme
rationnel appliqué à la pratique (le l'apiculture trouve
son expression exacte lorsqu'il s'agit de mettre au point des méthodes
de production intensive en Algérie.
----------Les
conditions d'exploitation doivent, en effet, tenir compte de certaines
particularités du climat algérien. La douceur relative des
hivers, la pluviométrie qui atteint généralement
son maximum entre décembre et février, provoquent, dès
le début mars, une miellée abondante qui se tarit brusquement
au. mois de mai. L'apparition de cette miellée favorise le développement
des colonies, l'essaimage bat son plein, dès le début avril
; après l'essaimage, la période nécessaire aux colonies
pour reconstituer leurs effectifs couvre et dépasse même
celle pendant laquelle la miellée subsiste encore, si bien que
les ruches, livrées à elles-mêmes, se présentent,
au moment de la récolte de printemps, riches en population, mais
vides de miel. C'est ainsi que, trop souvent, cette première récolte
est perdue et qu'il faut attendre celle suivant la floraison estivale
des Eucalyptus pour les régions où cette essence existe
en peuplements suffisants.
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- METHODES
RATIONNELLES DE PRODUCTION
----------Il
apparaît alors nettement, à l'apiculteur averti des procédés
modernes d'exploitation, que seule une technique appropriée, basée
principalement sur le nourrissement spéculatif, le blocage de ponte,
la suppression de l'essaimage naturel et, par corollaire, le remérage
périodique (les colonies, permet une récolte, au printemps,
de miels de qualité, comme le miel d'oranger, qui, sans ces dispositions,
serait inévitablement utilisé en majeure partie, sinon en
totalité, pour nourrir le couvain.
PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT
----------De
ce bref exposé sur la situation de l'apiculture algérienne
et les raisons de son insuffisance, il résulte qu'une augmentation
de la production nécessite la formation de cadres susceptibles
d'accélérer la substitution (les ruchés à
cadres aux ruches arabes, dans les milieux musulmans, d'une part, et d'améliorer
les méthodes d'exploitation en fonction des progrès réalisés
en la matière, dans les milieux européens, d'autre part.
----------Ce
rôle éducatif est confié au Service de la Protection
des Végétaux, qui, pour le jouer, crée des ruchers
de démonstration en milieu musulman, organise (les stages de moniteurs
apicoles, procède à des démonstrations, etc...
RUCHERS DE DÉMONSTRATION -- MONITEURS
APICOLES
----------Jusqu'à
présent, les ruchers de démonstration ont été
créés, sous la direction technique et le contrôle
de ce service, par les unités administratives intéressées
: Communes Mixtes, Sociétés Indigènes de Prévoyance,
Service des Eaux et Forêts. Six ruchers ont été créés
en 1947, quinze sont en cours d'installation.
----------L'éducation
professionnelle des moniteurs chargés de là;gestion de ces
ruchers et des démonstrations, est assurée au cours de stages
annuels, organisés par le même service à l'École
Nationale d'Agriculture d'Alger. Le premier a eu lieu en mars 1947, le
second en mars 1948. Soixante-huit moniteurs ont été formés,
tous volontaires recrutés parmi les préposés des
Eaux et Forêts, les agents des Sociétés Indigènes
de Prévoyance et certains agents communaux, tels que pépiniéristes
et jardiniers.
----------L'unité
d'enseignement ainsi que les directives très précises données
aux moniteurs sur la manière (le vulgariser les connaissances acquises,
assurent, dans tous les ruchers, une homogénéité
d'action indispensable.
----------Cette
formation de moniteurs apicoles sera sans doute complétée
incessamment par celle de spécialistes apicoles. Un programme d'enseignement
de l'apiculture, sanctionné par la délivrance d'un diplôme
d'apiculteur et d'une carte professionnelle, est à l'étude.
Il permettra de former un cadre de techniciens éprouvés
qui, selon les règles couramment établies de métayage
ou d'entretien à forfait, procéderont, en collaboration
avec les agriculteurs intéressés, à l'exploitation
d'un nombre important de ruchers, suivant des principes modernes adaptés
à chaque grande région.
RUCHERS D'EXPÉRIMENTATION
----------Cette
mise au point de méthodes d'exploitation particulières à
chaque région constitue également un facteur important de
l'amélioration de la production apicole. Il est procédé
dans des ruchers-pilotes appartenant à l'Administration.
----------Deux
ont déjà été installés : l'un dans
la plaine de la Mitidja, à Boufarik, l'autre dans l'Atlas tellien
à Miliana. Le premier est destiné à étudier
les procédés d'exploitation propres à permettre de
réaliser le maximum de rendement en miel d'oranger. Le second est
réservé à l'étude des possibilités
mellifères de la région de Miliana, tout en permettant de
servir d'exemple et de guide à de nombreux apiculteurs, musulmans'
pour la plupart. La création de semblables ruchers est prévue
dans tontes les régions apicoles importantes.
----------Cet
exposé du programme poursuivi par l'Administration algérienne
serait incomplet s'il n'était fait mention (les activités
consacrées à la propagande. à l'expérimentation,
à la recherche, à la lutte contre les maladies des abeilles.
etc...
PROPAGANDE
----------La
propagande utilise les moyens ordinaires tels que la diffusion de causeries
radiophoniques, la publication (le brochures et d'articles (le presse,
les conférences, etc... Les effets sont sensibles, non seulement
en Algérie. où ils donnent lieu à l'échange
d'une correspondance active, mais encore dans les pays voisins et dans
la Métropole.
RECHERCHES TECHNIQUES ET DOCUMENTATION
----------Quant
à l'étude des nombreux problèmes posés par
l'Apiculture. elle retient également l'attention du Service de
la Protection des Végétaux. C'est ainsi que l'utilisation
récente en agriculture des nouveaux insecticides organiques de
synthèse à grande puissance d'action, ont donné lieu
à une série d'essais desquels il résulte que, dans
les conditions de la pratique courante, la toxicité de ces produits,
à l'égard des abeilles, est bien moins importante que ne
le faisait supposer une nombreuse littérature publiée à
ce sujet. Sont également étudiées les possibilités
d'emploi de matériel récent (rayons d'aluminium), de nouveaux
produits (cire synthétique), etc...
----------L'étude
des ennemis des abeilles est également. entreprise dans le cadre
local. Elle a déjà permis de démontrer la nocivité
du guêpier (Merops apiaster L.), communément appelé
en Algérie "Chasseur d'Afrique", et de prendre les mesures
de protection nécessaires.
En outre, des' collections (miels, plantes mellifères) sont constituées,
une documentation importante est réunie- et la bibliothèque
apicole du Service, déjà fournie, s'augmente continuellement.
LUTTE CONTRE LES MALADIES DES ABEILLES ET CONTRÔLE
SANITAIRE
----------Enfin,
l'organisation du contrôle pathologique (les ruchers est organisée
; désormais, des visites périodiques permettront de juger
de l'état sanitaire (les installations apicoles et, avec l'aide
de l'Institut Pasteur d'Algérie, les mesures prophylactiques et
curatives pourront être prises dans le cadre de la réglementation
en vigueur aux frontières et à l'intérieur du territoire.
----------En
définitive. le programme actuellement adopté en vue (le
rénover l'apiculture algérienne, bien qu'incomplet, s'adresse
à là plupart des questions pour lesquelles l'intervention
des Services publics peut et doit être envisagée.
----------Appliqué
depuis quelques mois seulement, il a déjà fourni des résultats
appréciables, ce (lui fait très favorablement préjuger
de son efficience dans l'avenir, sous réserve. toutefois, que les
cadres indispensables à sa mise en oeuvre intégrale soient
finis à la disposition (lu Service (le la Protection des Végétaux.
----------De
plus, il est à souhaiter que les apiculteurs eux-mêmes soutiennent
les efforts de l'Administration et concourent avec elle à développer
une richesse naturelle. à laquelle revient une place importante
dans l'économie du pays.
P. FREZAL, Ch. GRIESSINGER,
Inspecteur-Chef Contrôleur
du Service de la Protection des Végétaux. du Service de
la Protection des Végétaux,
chargé de l'Apiculture.
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