----------S'il
constitue l'acte gouvernemental le plus important et s'il doit traduire
fidèlement les aspirations du pays, exprimées par ses représentants
élus, le budget de l'Algérie n'est évidemment ni une
fin en soi, ni un document isolé.
----------Le
budget n'est ici, comme dans les autres pays du monde, que le reflet de
la vie de la nation et, résultante de tous ceux qui l'ont précédé,
il ne se conçoit que dans la mesure où il prépare ceux
de l'Avenir.
LE BILAN BUDGÉTAIRE
ALGÉRIEN
----------Le volume
du budget général de l'Algérie, qui a été
de 2.400 millions pour la moyenne des deux années 1938-1939, s'élève
aujourd'hui à 37 milliards, mais cette augmentation, si elle est
dans son ensemble légèrement inférieure à
celle du niveau général des prix est loin d'être uniforme
entre les divers postes et notamment entre les deux grandes divisions
fondamentales du budget général : le budget ordinaire
et le budget extraordinaire .
----------Les
différences relevées dans la part qui a été
réservée au cours de ces dernières années
à chacun de ces cieux budgets marquent, mieux qu'un long commentaire,
quelle a été la politique des Délégations
Financières, puis de l'Assemblée Financière : le
budget ordinaire, en effet, avec 23 milliards, n'est pas encore au coefficient
13, grâce à une sage politique d'équilibre et de sévérité,
tandis que le budget extraordinaire, voisin de 14 milliards, a été
porté au coefficient 22 pour intensifier l'effort d'équipement
de l'Algérie.
LE BUDGET ORDINAIRE. - LA POLITIQUE D'ÉQUILIBRE
ET LA CAISSE. DE RÉSERVE
----------Si
l'on met à part la période de crise de 1932 à 1936,
les Assemblées qui se sont succédées ont toujours
mis leur point d'honneur à assurer l'équilibre réel
du budget ordinaire et cette politique de sagesse permet aujourd'hui de
dresser de la situation budgétaire un bilan éminemment favorable,
matérialisé par l'importance des excédents versés
à la Caisse de réserve.
----------Les
causes des résultats bénéficiaires des exercices
de guerre de 1940 à 1945 inclus, budgets réglés par
l'Administration seule ou avec le concours des Délégations
Financières réinstallées en 1943, sont multiples
; les unes sont en quelque sorte négatives : économies sévères
rejetant toute dépense qui ne concourait pas directement à
l'effort de guerre, stabilisation relative des émoluments des fonctionnaires.
allégement des charges de la dette, annulations de crédits
nombreuses, surtout dans les chapitres de matériel et de travaux
que l'absence de matières premières empêchait de réaliser
au rythme cependant déjà réduit qui avait été
prévu.
----------Tandis
que ces restrictions agissaient sur les dépenses, il apparaissait
dans le même temps indispensable d'éponger par la voie de
l'impôt une part, la plus grande possible, des quelques 20 milliards
de disponibilité que l'inflation, due au financement de la guerre,
injectait dans le circuit économique ; et c'est volontairement
que, pendant cette même période de guerre, une fiscalité
sévère a été instituée, moins pour
couvrir les besoins financiers proprement dits que pour agir sur l'économie
en jugulant l'inflation.
----------Cette
double action conjuguée sur les dépenses et les recettes
a eu comme conséquence une suite d'excédents réguliers
et confortables
----------1940
: 409 millions
----------1941
: 1.002 millions
----------1942
: 344 millions
----------1943
: 811 millions
----------1944
: 1.590 millions
----------1945
: 1.760 millions
chiffres qui ne prennent leur signification que si on les rapproche de
la masse totale des budgets de l'époque comprise entre 2 milliards
et 6.800 millions.
----------Lorsque
l'Assemblée Financière a succédé aux Délégations,
la guerre venait de s'achever dans la victoire et la politique financière
devait changer d'orientation : pour assurer la reprise de l'économie
algérienne, les prélèvements fiscaux ont été
réduits et les contraintes économiques relâchées.
La fiscalité de guerre a été supprimée dès
la fin de 1941, les taux des impôts ont été réduits
et l'Algérie a abandonné des ressources fiscales très
importantes aux collectivités locales. départements et communes.
----------Cette
sage politique a porté ses fruits : la reprise économique
a été vigoureuse en Algérie dès le début
de 1946 et si un ralentissement a pu être observé ensuite
dans certains secteurs, et même un fléchissement général
au début de cette année, l'activité reste grande
dans l'ensemble, favorisée par la hausse des prix. D'autre part,
la démobilisation d u personnel a permis de reprendre l'exercice
du contrôle fiscal pratiquement interrompu depuis 1942 ; les résultats
obtenus par le dévouement (les Régies Financières
sont remarquables et ils expliquent en grande partie les plus values de
ces dernières années qui paraissent devoir être de
l'ordre de 1.200 millions pour l'exercice 1946 et 1.300 millions pour
1947.
----------Du
côté des dépenses, les vacances très nombreuses
qui existent dans le personnel, le retard (les approvisionnements réels
sur les crédits demandés, l'impossibilité pratique
d'emprunter les sommes prévues dans le plan. enfin la récente
réforme de la comptabilité publique réalisée
par le décret du 31 décembre 1946 ont concouru à
augmenter les annulations de crédits et à les porter à
700 millions net en 1946 et à près (le 1.200 millions en
1947.
----------Ces
résultats ne sont encore que provisoires et ils sont susceptibles
d'assez larges variations : lorsque la comptabilité en aura été
arrêtée, ils viendront renforcer la Caisse de réserve.
Quoi qu'il en soit, et sans anticiper sur l'avenir. il faut noter, pour
clore ce rapide bilan du budget ordinaire, que depuis le début
des hostilités jusqu'en 1947 la Caisse de réserve a reçu
effectivement 6 milliards d'excédents ceux-ci ont d'ailleurs été
d'ores et déjà utilisés à concurrence de 5.850
millions à la couverture du budget extraordinaire tant il est vrai.
et il convient (le le souligner avec une particulière netteté,
que l'équilibre (lu budget ordinaire. prudemment assuré
par les Assemblées de l'Algérie, a seul rendu possible,
sans un alourdissement excessif de la dette publique. la politique d'expansion
économique et d'investissement exprimée par le budget extraordinaire.
LE BUDGET. EXTRAORDINAIRE. - LA POLITIQUE D'INVESTISSEMENT
ET LA DETTE DE L'ALGÉRIE-=.
----------Limité.
en raison même des circonstances, a un chiffre moyen inférieur
à 900 millions pendant les années (le guerre, le budget
extraordinaire (le l'Algérie a été porté à
4.400 millions en 1946. .
----------1946
qui, un peu partout dans le monde a été l'année de
la reconversion, a été pour l'Algérie une année
(le démarrage et (le transition et c'est en fait, en 1947 seulement,
que sesitue la première année d'exécution d'un plan
complet d'équipement économique et social. Avec ses 10 milliards
de crédits en 1947 et ses 13.500 millions en 1948, ce plan rappelle
par son ampleur, sinon dans sa répartition interne, le programme
de grands travaux conçu et mis en uvre au lendemain (le la
précédente guerre mondiale par les Délégations
Financières.
----------A
cette époque, où les Charges administratives et la fiscalité
étaient moins lourdes, les Délégations ont pu financer
la quasi totalité de ce " programme de 1920 " sur les
excédents budgétaires et sans recourir, pendant près
de 10 ans, à l'emprunt. Sans doute n'est-il plus possible aujourd'hui
d'en faire autant. mais du moins les conditions de financement (lu plan
se présentent-elles. dans l'absolu d'une manière particulièrement
favorable grâce à l'allégement des charges de la dette.
----------Alors
qu'en 1939 le capital de la dette amortissable atteignait 5.569 millions
après de 3 fois le volume du budget ordinaire de l'époque)
et que les annuités, avec leurs 510 millions, absorbaient 27 %
des crédits, au 1er janvier 1948 le capital restant dû ne
représente même plus 40 % du budget ordinaire (8.355 m.)
et la charge des annuités ne figure plus que pour 40% des dépenses
(1.049 millions). C'est évidemment là une situation particulièrement
favorable pour la poursuite d'un plan d'investissement.
----------Cet
allégement a été obtenu principalement entre 1940
et 1945, d'une part, grâce aux conversions réalisées
en 1942 et 1944 et qui ont permis de rembourser les emprunts particulièrement
onéreux contractés entre 1936 et 1938 et aussi parce que,
systématiquement, l'Algérie s'est abstenue d'emprunter pour
son compte afin de laisser le marché des capitaux à la disposition
du seul Gouvernement Provisoire de la République siégeant
à Alger pour la poursuite (le l'effort de guerre. Les excédents
de la Caisse de réserve ont alors financé la totalité
des budgets extraordinaires, ou leur majeure partie, et à la fin
de 1945, c'est-à-dire au début de l'année (le démarrage
du plan. la situation était digne de remarque puisque avec un découvert
(le trésorerie minime (700 millions environ) l'Algérie n'était
alors endettée que (le 6.700 millions environ.
----------I1
ne faut pas se dissimuler toutefois que si depuis cette époque
l'endettement de l'Algérie ne s'est pas accru davantage. c'est
moins le fruit d'une politique concertée que la conséquence
d'une conjoncture générale dont la persistance pourrait
devenir inquiétante.
----------En
effet, malgré les excédents de la Caisse de réserve
dont il a été signalé plus haut l'emploi quasi total
et bien que ces excédents aient concouru pour 2 milliards 1/2 au
financement des travaux de 1948, l'emprunt demeure. et de loin, la principale
ressource (lu budget extraordinaire.
----------ll
eut fallu emprunter 3 milliards 1/2 en 1946.1.700 en 1947 et le budget
de 1948 prévoit une tranche nouvelle (le 7.200 millions.
----------Or.
la situation du marché est telle qu'au 31 décembre 1947
seul un emprunt de 2 milliards avait pu être émis 20 mois
plus tôt. A cette date, la majeure partie des grands travaux avait
été financée sur les disponibilités générales
de la Trésorerie et les découverts du 'trésor algérien.
substitués aux emprunts qui n'avaient pu être placés.
s'élevaient à 8.600 millions.
----------Le
financement provisoire a donc dû être assuré par le
Trésor algérien dont la création en 1943 a parfait
l'oeuvre du législateur (le 1900 en donnant à l'Algérie
la libre disposition de ses ressources locales. La Métropole a
montré alors sa confiance dans la maturité financière
de l'Algérie car si l'existence d'une Trésorerie autonome
donne des facilités passagères. elle peut être aussi
la source de difficultés à long terme et périodiquement
l'objet de sérieuses préoccupations. Tel est d'ailleurs
le cas de la situation actuelle du Trésor algérien : elle
est aisée en apparence puisque l'actif disponible atteint près
de 20milliards, permettait; ainsi d'assurer. sauf imprévu, l'exécution
sans coup (lu budget de 1948. même en l'absence de toute consolidation.
En fait, elle mérite d'être suivie avec la plus grande attention
car les exigibilités à vue dépassent 8 milliards
1/2, réduisant ainsi en fait la masse de manuvreà
un peu plus de 1 milliards et ne laissant qu'une faible marge de sécurité.
----------Image
de la situation économique et financière du moment, la trésorerie
de l'Algérie est aussi vulnérable qu'elle et c'est pourquoi,
afin d'expliquer cette conclusion nuancée d'un bilan des finances
publiques, au demeurant très favorable, il convient d'examiner
comment se présente actuellement là conjoncture financièreet
monétaire de l'A1gérie.
LA CONJONCTURE MONÉTAIRE
ET FINANCIÈRE
----------Des
disponibilités excessives coexistant avec ses besoins plus considérables
encore et insatisfaits, voilà sans doute comment on peut, en une
phrase, définir la conjoncture actuelle : comment en pourrait-il
être autrement après les années (le bouleversement
que le monde vient (le vivre, après la guerre étrangère
et la défaite momentanée, au milieu de l'évolution
accélérée des institutions nationales et dans le
trouble (les esprits et des coeurs qui a jusqu'ici empêché
la France d'y voir clair et d'avoir le courage, sans doute difficile de
remettre vraiment en ordre ses finances et son économie.
----------L'équilibre
des besoins et (les ressources se rencontre plus souvent dans les traités
d'économie politique que dans la réalité des faits
et ne se conçoit qu'après une longue période de paix
extérieure et intérieure et si la guerre pour son financement,
puis la hausse désordonnée des prix et (les salaires ont
créé puis entretenu une abondance sans précédent
des disponibilités, la reconstruction et la mise en route (le l'économie
puis le sentiment d'insécurité engendré par l'instabilité
économique ont fait naître puis multiplié les difficultés
actuelles du crédit.
L'ABONDANCE DES DISPONIBILITÉS. - ATTÉNUATION
PROGRESSIVE DE L'INFLATION
----------Le
volume des disponibilités totales, et l'on désigne sous
ce terme, en sus des billets de banque en circulation, les C /C. à
vue ou à très court terme des établissements de crédit
qui constituent la monnaie scripturale, c'est-à-dire des billets
de banque en puissance, ainsi que les Bons du Trésor et les Livrets
de Caisse, d'Epargne, eux-mêmes facilement mobilisables, le volume
de ces disponibilités n'a à aucun moment cessé de
croître depuis 1939. Au risque d'alourdir cet exposé, quelques
chiffres sont ici nécessaires pour marquer les étapes d'une
progression qui, partant de 1o milliards en septembre 1939 et de 26 milliards
en novembre 1942, s'est stabilisée quelque temps entre 56 milliards
en septembre 1944 et 61 milliards en septembre 1945, pour atteindre 73
milliards en septembre 1946, 86 milliards en septembre 1947 et plafonner
enfin à 95 milliards au 31 décembre 1947 et à 97
milliards au 31 mars 1948, dernière situation connue exactement
|
1-9-39
|
1-1-43
|
30-9-45
|
30-9-46
|
30-9-47
|
31-3-48
|
Circulation
|
3.200
|
11.6oo
|
25.570
|
26.990
|
33.939
|
33.6o4
|
Dépôts: Banques
|
4.000
|
9.649
|
18.562
|
27.053
|
30.497
|
37.772
|
Dépôts: C/C. Postaux
|
275
|
1.202
|
3.024
|
4.097
|
4.377
|
5.760
|
Crédit Agricole
|
6oo
|
1.913
|
2.827
|
4.229
|
5.047
|
6.132
|
Bons du Trésor
|
925
|
2.775
|
6.012
|
3.054
|
4.675
|
6.o18
|
Caisse d'Epargne
|
1.000
|
1.845
|
5.790
|
6.632
|
7.218
|
7.856
|
TOTAL
|
10.000
|
28.994
|
61.785
|
72.055
|
85.753
|
97.142
|
INDICE
|
100
|
290
|
618
|
720
|
858
|
971
|
---------Ce chiffre total
est sans doute élevé, mais on peut tout de suite affirmer
qu'il ne doit pas être considéré comme inquiétant
car l'indice des disponibilités totales n'est en définitive
que de 970 par rapport au 1er septembre 1939 alors que celui des prix
est voisin de 1.500. C'est là un fait majeur et qui permet de penser
qu'en Algérie la situation monétaire n'est pas inquiétante
et que loin d'être en elle-même un élément perturbateur,
elle dépend en définitive,, pour son évolution future,
de la plus ou moins grande fermeté de l'action gouvernementale
pour le maintien et la stabilisation des prix et des salaires et, disons-le
aussi, du sens plus ou moins aigu avec lequel, dans les mois ou même
les semaines qui viennent, chacun saura faire passer l'intérêt
supérieur de la collectivité avant les intérêts
professionnels.
|
-------
|
- --------11
n'y a pas, il n'y a plus en Algérie de problème proprement
monétaire ou financier, mais une question d'équilibre et
de sagesse économique et il faut appuyer cette démonstration
sur l'examen rapide des phases de gonflement monétaire et de la
situation des divers facteurs qui composent les disponibilités
totales.
---------Si de novembre 1942 à septembre
1944 le financement de la guerre par le jeu des avances de la Banque de
l'Algérie a été la cause unique d'une inflation pure
et simple, cette cause a brusquement pris fin à la libération
de Paris avec la relève de notre Institut d'émission par
la Banque de France et, de fait, le volume des disponibilités a
immédiatement cessé d'augmenter et la situation financière
de l'Algérie a présenté pendant 18 mois une stabilité
quasi absolue ; elle a tendu vers un nouvel équilibre aussi longtemps
que cette inflation de guerre n'a pas été en quelque sorte
digérée par l'économie et que les indices des prix
n'ont pas rejoint et dépassé les indices monétaires.
---------L'inflation d'Etat n'a pas reparu
depuis septembre 1944
---------En effet, et il convient d'insister
sur ce point, les dépenses engagées de l'Algérie
n'interviennent en rien dans le développement ultérieur
des disponibilités monétaires ; grâce à la
politique de sagesse des Assemblées, les budgets, ainsi que nous
l'avons signalé au début de cet exposé, se sont jusqu'ici
soldés par des excédents et les billets que la Banque de
l'Algérie émet sont l'image des faits économiques
et non un voile jeté sur des déficits budgétaires.
---------Sans doute peut-on faire remarquer
qu'il serait plus exact de tenir compte des dépenses effectuées
par le budget métropolitain en Algérie, dépenses
qui atteignent, notamment pour l'entretien de l'Armée, une quinzaine
de milliards par an et qui, n'ayant pas leur contrepartie dans des impôts
prélevés sur le territoire, agissent sur la monnaie comme
le ferait un déficit budgétaire. Mais en fait cet élément
intervient surtout dans la balance des comptes de l'Algérie, c'est-à-dire
dans l'équilibre de ses règlements extérieurs avec
les autres territoires, français ou étrangers.
---------Or, depuis bientôt 3 ans,
cette balance est à peu de chose près en équilibre
et si, en 1945 et au début de 194&, elle a subi une profonde
dépression due à la fois au rapatriement des capitaux métropolitains
réfugiés en Algérie depuis 1939 à l'exode
de capitaux algériens vers le Maroc dont certains espéraient
que le franc n'aurait pas les faiblesses du franc métropolitain
et au règlement d'importations massives de blé, au début
de 1947, les exportations de vin et d'autres produits du sol sur la Métropole
avaient rétabli le solde créditeur antérieur.
---------Depuis lors, la balance des comptes
de l'Algérie présente d'une maison à l'autre de larges
fluctuations, mais ces oscillations se produisent autour d'un nouveau
moyen qui ne s'élève que lentement les dépenses de
la Métropole sur ce territoire sont un des éléments
positifs les plus importants et le crédit dont dispose ainsi l'Algérie
lui permet de compenser l'insuffisance de son commerce extérieur
avec l'étranger, où les importations l'emportent de plus
de 6oo millions chaque mois sur les exportations, et aussi de pallier
les sorties de capitaux vers le Maroc, conséquence de mouvements
spéculatifs qui ont revêtu au début de cette année,
comme en 1946, une certaine ampleur, mais qui sont suivis de brusques
-repentirs et de retours progressifs.
---------Quoi qu'il en soit, devant cette
stabilité des facteurs budgétaires ou extérieurs,
c'est bien dans la seule évolution de la conjoncture économique
générale et dans les variations des prix et salaires qu'il
faut rechercher les origines de l'accroissement continu depuis deux ans
du volume total des disponibilités, abandonnant les chiffres globaux
pour pénétrer dans le détail des composantes ; l'examen
renforce encore ces conclusions.
---------La circulation monétaire,
c'est-à-dire le montant des billets émis par la Banque de
l'Algérie, est sans doute l'élément le plus spectaculaire
et aussi celui qui traduit le mieux les résultats de l'action économique
et financière des pouvoirs publics. Stable depuis septembre 1944
jusqu'en juillet 1946 aux environs de 25 milliards, la circulation s'enfle
à la suite de la néfaste conférence du Palais Royal
et avec la montée en flèche des salaires et des prix agricoles
et industriels qui en fut le plus clair résultat : en décembre
1946, elle atteint 30 milliards ; l'expérience Blum stoppe cette
hausse pendant six mois, hais en août 1947 les événements
de 1946 se répètent, le nouveau bond en avant des salaires
et (les prix agricoles, notamment le prix du blé, porte la circulation
de 30 milliards en juillet à 37 en décembre. Le plan Mayer
agit à son tour - par résonance du moins en Algérie
- et l'échange des billets de 5.ooo dans la Métropole provoque
une chute de 3.500 millions en février et mars, mais les billets
rentrés ressortent peu à peu des caisses de la Banque pour
le paiement des nouveaux salaires et la circulation s'établit actuellement
aux environs de 35 milliards.
---------Les dépôts dans les
Banques et en chèques postaux ont suivi avec le moindre à-coup
la même courbe générale : moins sensible que la circulation
elle-même au volume des salaires proprement dits et aux hausses
brusques de prix, leur augmentation dépend pour une large part
du fonds de roulement nécessaire des industriels et elle traduit
la haussé globale des prix : elle est particulièrement sensible
depuis 8 mois (43 milliards 1/2 au 3f mars contre 33 milliards au 31 juillet
1947).
---------Quant aux dépôts dans
les Caisses de crédit agricole, il va de soi que leur montant se
calque sur celui (les récoltes commerciales et il est rassurant
de constater qu'il passe de 3 milliards en mai 1946 à milliards
en décembre et de 4.400 en juin 1947 à 6.300 en février
1948.
---------Notons enfin, comme indice réconfortant,
qu'après des variations bien aberrantes les 3 éléments
dont nous venons de parler - Circulation, C/C bancaires, C/C agricoles
- tendent à revenir entre eux à un équilibre relatif
très voisin de celui qui existait en 1939. On serait alors assez
tenté de penser que les efforts du Gouvernement vers une harmonisation
et une stabilisation relative des salaires, des prix agricoles et des
prix industriels pourraient bien être couronnés de succès
avec la rentrée des récoltes encourageantes de cette année
et à condition qu'aucune faute ne soit commise en matière
(le prix ou (le salaires : la situation monétaire permet en tout
cas d'y croire.
---------Elle présente cependant une
certaine ombre : si les éléments énumérés
ci-dessus sont par rapport à 1939 à un indice légèrement
supérieur à 1.000, par contre les disponibilités
les plus stables (bons du Trésor détenus par les particuliers
et livrets de Caisse d'Epargne) ne sont guère qu'au coefficient
7 et, sur l'ensemble, elles ne représentent plus que 14 % au lieu
de 19 %.
---------Ce fait regrettable, car il dénote
bien la précarité de la situation actuelle, est sans doute
la manifestation de l'incertitude du public et de son défaut de
confiance dans la monnaie ; il révèle aussi les difficultés
majeures qui subsistent dans le domaine du crédit malgré
l'abondance des signes monétaires.
LES DIFFICULTES DU CRÉDIT
---------En effet, autant les disponibilités
sont grandes, autant les besoins sont élevé; dans une période
où d'une part les destructions de la guerre, ou simplement le défaut
de façons culturales on d'entretien, exigent la reconstruction
ou une remise en état (le toute une partie (le l'appareil économique
et où, d'autre part. la hausse constante des prix entraîne
pour le simple maintien des fonds (le roulement, pour le remplacement
des stocks et des matériels, des dépenses supérieures
aux recettes. Dans une telle période. au surplus, les disponibilités
sont niai réparties et il est rare que ',es détenteurs de
liquidités importantes soient précisément ceux-là
mêmes qui ont le plus d'investissements à réaliser.
---------Et c'est pourquoi les engagements
commerciaux des Banques, après avoir stagné à moins
de 7 milliards jusqu'en 1943 et les prêts du crédit agricole
à moins d'un Milliard 200 jusqu'en juillet 1946 se sont brutalement
accrus et. d'une manière continue, au point de tripler et d'atteindre
respectivement 21 milliards et et 3 milliards 1/2 en décembre 1946.
Ilest alors apparu au Gouvernement, car le même processus se développait
en France, que les établissements (le crédit. faute d'avoir
pris peut-être toutes les garanties préalable risquaient
(le se trouver, un jour, dangereusement immobilisés : en effet,
en Algérie, les prêts et engagements ont atteint dès
ce moment 70 % des dépôts (au lieu des 35% en 1945) sans
que la liquidité des opérations soit véritablement
certaine. Si l'on ajoute à cela que le portefeuille de bons du
Trésor détenu par les établissements de crédit
a subi une diminution corrélative, on comprendra mieux les restrictions
et les mesures (le contrôle édictées au début
de 1947 par le Conseil national du Crédit. Ces directives ont été
suivies en Algérie, avec quelques assouplissements toutefois, pour
tenir compte, de la situation particulière de ce territoire dont
on a pu dire justement que sa prospérité avait été
fondée sur un crédit libéralement dispensé.
---------Depuis cette époque. les
crédits d'achats, valeurs et refuges ou de stockages sont particulièrement
contrôlés et toutes les fiches importantes doivent faire
l'objet d'un examen préalable par l'institut d'émission.
Les appels n'ont ont pas moins continué à être pressants
et actuellement le même rapport, vraiment considérable de
70% subsiste entre les dépôts et les prêts qui atteignent
4 milliards 500 millions de francs au crédit agricole et 27 milliards
500 millions (le francs dans les banques. En outre, devant les difficultés
plus grandes du recours au crédit normal, l'Algérie a dû
intervenir pour faciliter la trésorerie des entreprises essentielles
à l'activité du pays.
---------Les papiers de crédit qui
circulent sous la garantie de l'Algérie. à peu près
inexistants en 1945 (134 millions), atteignent aujourd'hui près
de 4.900 millions, chiffre sur lequel il convient de s'arrêter un
instant.
---------En effet, dans ce montant. les véritables
opérations à court terme matérialisées pain
les lettres d'agrément et certains prêts au Fonds commun
des S.I.P. n'atteignent pas 1.200 millions. Pour le surplus, il s'agit
de mécanismes que l'Administration algérienne a dû
mettre au point pour suppléer à la carence des prêteurs
à long terme et éviter que faute de pouvoir emprunter les
fonds nécessaires auprès des épargnants individuels
ou groupes dans les établissements traditionnels (Crédit
Foncier de France. Caisse des Dépôts) les grands travaux
effectués par les collectivités publiques ne soient stoppés
et l'industrialisation de l'Algérie compromise.
---------Car c'est dans ce domaine du long
terme que se marque le plus la crise de confiance que traverse actuellement
le marché financier. Cette crise se traduit tout d'abord par une
tension du taux de l'intérêt et une baisse du cours de bourse
des obligations et autres valeurs de revenus fixes, notamment des emprunts
d'Etat ; le taux moyen de capitalisation des emprunts algériens
atteint maintenant le même niveau qu'en 1930, soit 5.2 % alors qu'il
s'était abaissé en dessous de 3,40 % en 1943. évolution
strictement parallèle à celle du 3 % perpétuel en
France et qui entraîne fatalement la hausse générale
du loyer de l'argent à long terme.
---------Mais comme la baisse entraîne
la baisse, l'épargne refuse de s'investir, l'insuccès des
émissions d'obligations. voire même des augmentations de
capital et, par voie de conséquence, la faiblesse des réalisations
effectives est le fait le plus saillant des années 1947 et 1948.
Alors que les facultés d'épargne de la Métropole
étaient évaluées à près de 250 milliards
par an, il est difficile actuellement d'émettre à Paris
plus de 2 à 3 milliards de titres par mois.
---------En Algérie, il en va de même
et la comparaison des résultats obtenus en 1947 avec ceux des années
précédentes est fâcheusement éloquente:
|
1943
|
1944/45
|
1946
|
1947
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Placements publics
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2.612
|
3.488
|
2.430
|
28
|
Placements privés
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105
|
71
|
63
|
120
|
Total
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2717
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3550
|
2493
|
148
|
---------Elle fait d'ailleurs
ressortir que la désaffection du public ne s'adresse pas seulement
aux emprunts d'État. mais aux investissements mobiliers de quelque
nature qu'ils soient.
---------Cette situation est lourde de conséquences
sur lesquelles il n'est pas besoin d'insister tant elles sont évidentes
: la bonne exécution (lu budget extraordinaire risque d'être
entravée. Le plan des investissements du secteur prioritaire qui
englobe les besoins impérieux des collectivités locales
(Chambres de Commerce, Départements, Communes), des entreprises
nationalisées (Électricité, Houillères), ceux
de l'Agriculture (prêts à long et moyen terme du crédit
agricole), ceux enfin des industries agréées dans le plan
d'industrialisation : ce plan général de crédit,
tel qu'il a été agréé par M. le Ministre des
Finances, s'élève pour la seule année 1948 à
une vingtaine de milliards : c'est dire l'importance de l'enjeu.
---------Devant l'urgence et la nécessité
de solutions au moins partielles, des formules nouvelles plus attrayantes
pour l'épargne, ont été recherchées. L'Algérie
vient de faire l'épreuve d'un emprunt à moyen ternie à
intérêt payé d'avance et mobilisable comme un bon
du Trésor : le succès en a d'ailleurs été
complet. La tranche vient dêtre close après avoir dépassé
1.200 millions. alors que la première avait atteint le milliard.
---------Compte tenu des capacités
de placement de l'Algérie, c'est une franche réussite qui
permet de mieux augurer de l'avenir et notamment des possibilités
qui s'ouvriront en octobre, après la rentrée des récoltes.
C'est en tout cas une marque de renaissance de la confiance des Algériens
dans les destinées de leur monnaie et un indice encourageant.
---------Il n'est pas douteux cependant que
la situation du marché financier demeurera précaire aussi
longtemps que subsisteront les incertitudes politiques et que ne sera
pas réalisée une stabilisation des facteurs économiques
sans laquelle les budgets perdent tout véritable sens.
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