Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : pêche
La pêche maritime en Algérie
8 pages, textes et tableaux- n°47 - 8 mai 1948

 

mise sur site le 3-03-2005
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----------Bien qu'elle n'ait pas trouvé en Algérie une structure physique très favorable à son essor, la pêche maritime constitue maintenant un secteur important de l'économie algérienne.
----------En effet, si le littoral algérien, se développe sur une longueur de 1.300 km., la côte est bordée presque partout d'une haute muraille de falaises, coupée de quelques plages peu hospitalières et laissant seulement place à quelques grandes baies connues par le nom du port de commerce qui y a élu domicile.
----------D'autre part, le plateau continental est étroit et souvent à quelques milles au large, la profondeur atteint plusieurs centaines de mètres. Enfin, la nier Méditerranée est, de longue date, classée dans la catégorie des mers pauvres, car si la variété et la finesse des espèces qu'elle contient est grande, leur :abondance est sensiblement inférieure à celle qui existe dans certaines autres mers. Néanmoins, les genres de pêche traditionnels sont tous pratiqués en Algérie : la pêche au chalut est centralisée principalement à Béni-Saf, Alger, Bône et Philippeville ; la pêche des espèces migratrices et la pêche aux palangres s'exercent dans tous les ports de la côte.

DEVELOPPEMENT DE LA PECHE EN ALGERIE
----------Avant 1830, la pêche était restée peu développée sur les côtes de l'Afrique du Nord. L'Administration d'alors considérait cette industrie uniquement comme source de revenu fiscal, chaque opération ou formalité autorisant la pêche donnant lieu à la perception d'une taxe. L'exigence des agents du fisc et l'insécurité résultant de la piraterie, avaient éloigné de l'activité maritime les populations locales.
----------En 1836, on comptait déjà 238 navires de pêche dans les ports algérier Trois années après on en comptait 5oo.
----------Depuis lors, la pêche s'est développée régulièrement. On compte maintenant près de 6.000 marins montant plus de 1.000 navires jaugeant 4.800 tonneaux et en 1945, les produits débarqués se sont élevés à 29.900 tonnes (voir tableaux).

LES PECHEURS DE LA COTE ALGERIENNE
----------Les nombreux essais d'implantation en Algérie de pêcheurs métropolitains, tentés au cours du .siècle dernier, ont tous abouti à une faillite : 1845 : Guyotville ; 1846 : Fouka ;-1848 : Sidi-Ferruch ; 1872 : L'Herbillion ; 189o : Philippeville, Stora ; 1893-1897 : région du cap Matifou, village de JeanBart, Surcouf et La Pérouse.
----------Tour à tour : Bretons, Languedociens, Catalans, Corses, arrivés plein d'espoir, durent être rapatriés, découragés et déçus. Mal du pays, méconnaissance complète pour les Bretons des conditions de navigation et de pêche dans les eaux algériennes telles furent les raisons invoquées pour expliquer ces échecs ; en réalité, il semble bien qu'ils ne furent qu'une conséquence de la concurrence des étrangers Espagnols en Oranie, Italiens et Maltais sur le reste du littoral.
----------En effet, dès 1830, les éléments étrangers vinrent pratiquer la pêche sur nos côtes. Ils arrivaient au moment de la belle saison avec leurs embarcations, leurs engins, le sel nécessaire à la conservation du poisson, nantis de provisions : riz, biscuits, etc...
----------" Cette population flottante, a écrit Augustin Bernard, prenait sans rien donner en échange " et rentrait dans son pays en fin de campagne avec le produit intégral de sa pêche ( Cité par le Docteur R. Dieuzède (Algérie Sahara, tome 2)

----------Petit à petit, ces -pêcheurs saisonniers s'installèrent sur la côte et ainsi furent créés de nouveaux points de peuplement.
----------Suivant son origine, chaque groupe de pêcheurs, gardant ses méthodes natales, il se créa sur les différents points de la côte, des centres de pêche essentiellement différents. Tandis que les Espagnols. très accessibles au progrès et fondus dans la masse de la population, étendaient leurs zones d'action et augmentaient le rendement des pêches sur la côte oranaise, l'élément italien, plus attaché à ses traditions, s'installait dans la région Est et se bornait à exploiter les points facilement accessibles.
----------Les musulmans, qui s'étaient pendant assez longtemps tenu à l'écart des choses de la mer, s'y intéressent maintenant d'une façon active. A Collo, à Béni-Saf, à Nemours, nombreux sont les musulmans patrons de pêche et les propriétaires de bateaux. Etant donné leur malléabilité, la fréquentation des écoles d'apprentissage maritime doit leur permettre d'acquérir les connaissances techniques nécessaires au renouvellement et à la modernisation des méthodes de pêche en ce pays.

LES ECOLES D'APPRENTISSAGE MARITIME
----------Au début de l'année 1947, quatre écoles étaient en service en Algérie : Nemours, Mers-el-Kébir, Alger, Bougie.
Elles forment en principe, en un cours de neuf mois, des mousses qui sont présentés au certificat d'aptitude professionnelle et qui peuvent embarquer à l'issue de ce stage sur les bateaux de commerce ou de pêche. En fait, chacune de ces écoles s'est spécialisée et tandis qu'Alger et Bougie se consacrent presque uniquement à la marine marchande, Mers-el-Kébir forme à la fois des marins de commerce et des pêcheurs, et Nemours n'instruit que de jeunes pêcheurs pour la plupart musulmans.
----------En 1947, sur les 52 élèves qui ont fréquenté cette dernière école, 18 ont obtenu le certificat d'aptitude professionnelle et 20 ont réuni le nombre de points suffisants pour recevoir un certificat de scolarité.
----------Le programme d'examen du certificat d'aptitude de marin pêcheur comprend une partie théorique et une partie pratique. La,première porte sur la langue française, l'arithmétique, les notions civiques, l'histoire et la géographie, la navigation, la mécanique, les pèches, l'hygiène et le sauvetage. La deuxième comprend des exercices de manoeuvre, de matelotage, de charpenterie, de travail du fer, de travail et de conservation du poisson.
----------D'une manière générale, les programmes sont conçus afin de donner à nos pêcheurs la possibilité de, s'adapter aux besoins nouveaux de la pèche en Algérrie.

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DIFFERENTS GENRES DE PECHE

Le chalutage

----------Le chalutage est une industrie actuellement très prospère, le poisson blanc trouve facilement preneur.. Aussi, a-t-on pu constater, malgré les difficultés qui entravent la construction de nouvelles unités, un accroissement sensible du nombre des chalutiers. Mais il est à craindre que cette augmentation du tonnage ne soit pas suivie d'un accroissement proportionnel des quantités mises à terre. En effet, l'étroitesse des bandes chalutables conduit à une exploitation exagérée des fonds engendrant le dépeuplement. ----------L'industrie du chalutage en Algérie, si elle veut continuer à prospérer, devra donc abandonner l'exploitation des navires de quelques tonnaux, qui, en raison de leur rayon d'action limité, pèchent trop près des côtes oet sont les principaux auteurs du dépeuplement. Par contre, des navires d'une cinquantaine de tonnaux, munis de moteurs puissants, de cales isolées et refroidies, permettent d'exploiter des fonds jusqu'ici peu fréquentés en raison de leur éloignement des ports de pêche. Des navires de ce type existent déjà. C'est vers l'accroissement de leur nombre et l'amélioration de leurs aménagements que doit s'orienter l'armement.

Les palangriers
----------Les fonds rocheux, où par conséquent les chalutiers ne peuvent draguer, échappent de ce seul fait à toute menace de destruction. Lorsqu'ils sont éloignés des centres d'habitation, ils constituent de véritables zones de repeuplement où les -poissons de roche, mérots, dentus, pagres, pageots, dorades, rougets, se développent au point' d'atteindre des proportions peu communes. Ces zones de repeuplement alimentent les zones de pêche pour le grand bien des, petits pêcheurs palangriers. Le beau poisson que débarquent ces artisans est, en raison de sa finesse, d'un écoulement facile et d'une vente particulièrement rémunératrice dans les grands ports de pêche tels qu'Oran et Alger. Dans les centres de moindre importance où la vente est moins aisée, les mareyeurs avaient été amenés, avant guerre, à rechercher des marchés susceptibles de recevoir ces poissons de choix et il existait un courant d'exportation. vers la France, en particulier sur Marseille où 'le poisson méditerranéen jouit d'une faveur toute spéciale.
----------Nul doute qu'avec l'amélioration des relations avec la Métropole, ce trafic puisse reprendre. Il est à souhaiter qu'alors, les ressources que fournit la technique actuelle du froid industriel, soient mises en oeuvre pour conserver à ce poisson de luxe toutes ses qualités d'origine.

LE POISSON BLEU
----------Les eaux algériennes sont particulièrement riches en poissons migrateurs. Ce sont : sardines, allaches, anchois, maquereaux, thons et bonites.
----------La pêche de ces poissons peut être' pratiquée par des navires de quelques tonneaux, car les bancs sont à proximité de la côte, Les clupes sont généralement capturés par les lamparos, bateaux non pontés d'une dizaine de mètres environ, Rropulsés par des moteurs de 15 à 20 CV. Celle des maquereaux et bonites est pratiquée par les lamparos et " à la traîne ". Le thon rouge est capturé au filet en Oranie par des Madragues.
----------La pêche aux poissons bleus offre de sérieuses possibilités de développement. En raison du caractère migrateur des espèces et de leur énorme fécondité, point n'est à craindre une diminution du stock. Une faible partie des quantités débarquées est, consommée en frais, la majeure partie est destinée à la conserverie : salaisons, friterie, saurissage, conserve en boîtes hermétiques.
----------Le sort de cette pêche est donc étroitement lié au développement de l'industrie de la conserve. Or, cette industrie est considérablement gênée dans son développement par l'irrégularité des apports et la mauvaise qualité du poisson débarqué. Les ateliers trop dispersés, souvent mal outillés réalisent des prix de revient trop élevés. ----------Cette situation serait sensiblement améliorée par l'utilisation généralisée de navires pontés à io tonneaux environ, tels que ceux qui sont déjà exploités dans la région de BéniSaf et de Nemours. Ces bateaux seraient susceptibles d'utiliser des filets du type " ring net " d'un rendement, tant au point de' vue qualité que quantité, bien supérieur au lamparo, engin péchant et qui écrase le poisson capturé.
----------De tels filets ont fait preuve, dans les grands centres de pêche des Etats-Unis, du Portugal, du Maroc... Jusqu'ici leur introduction en Algérie s'est heurtée à la routine des pêcheurs qui ne semblent pas réaliser que l'adoption de procédés modernes de pêche est indispensable au 'développement de leur profession. Parallèlement, il serait souhaitable de voir les ateliers de transformation se regrouper et moderniser leur outillage et leur technique afin de pouvoir absorber la production ainsi accrue. L'amélioration de la qualité des produits finis faciliterait leur écoulement dans la Métropole ou dans les pays étrangers et contribuerait ainsi à l'amélioration de la balance des comptes de l'Algérie.
----------Si donc, en raison de la situation physique des fonds, le chalutage ne peut être développé qu'avec prudence et dans certaines conditions, et, si le poisson de roche est susceptible d'une vente plus développée, mais ne peut que demeurer un produit de luxe, il semble par contre que la capture du poisson bleu puisse être considérablement accrue en même temps que seraient développées et améliorées les industries de transformation. De gros progrès sont assurément à réaliser dans ce domaine. Il est souhaitable que pêcheurs et industriels accomplissent, dès que possible, les transformations et améliorations, l'Ai'gérie pouvant, grâce à la qualité de ses huiles et à l'abondance de sa main-d'oeuvre, devenir un important exportateur de conserves de poissons. 1