SUPERFICIES EN CULTURES
ET NOMBRE D'ARBRES
-------------Le
recensement des oliviers algériens présente de grosses difficultés.
Tout d'abord, près de la moitié des arbres sont plantés
plus ou moins isolément à une densité inférieure
à 5o sujets à l'hectare. Cet état dispersé
n'est guère favorable à un inventaire précis. D'autre
part, les 2/3 des plantations appartiennent à des paysans autochtones
dont le caractère ne se prête pas beaucoup à l'établissement
de statistiques. Aussi, ne doit-on pas rechercher dans celles-ci une exactitude
à laquelle elles ne peuvent prétendre. Elles marquent simplement
un ordre de grandeur, mais leur ensemble peut fournir, sur un certain
nombre d'années, une image assez fidèle de la tendance.
-------------Sous
ces réserves, on compte, pour l'ensemble de l'Algérie, une
superficie comprise entre 85 et 100 mille hectares renfermant environ
10 millions d'arbres, dont 8.500.000 en production.
-------------Par
rapport aux autres cultures fruitières algériennes, c'est
beaucoup. L'olivier occupe, en effet, la première place avant le
figuier (8 millions de pieds), le dattier et les agrumes (chacun 7 millions).
En superficie, il s'étend sur le 1/3 de l'espace dévolu
aux cultures fruitières arborescentes. En nombre, il compte pour
28 %, mais le tonnage des olives récoltées ne dépasse
guère le quart de notre production fruitière.
-------------Si
nos dix millions d'oliviers détiennent une large part dans notre
activité arboricole, ils pèsent bien peu dans l'oléiculture
mondiale. Par rapport à nos voisins immédiats, nous nous
trouvons sensiblement à égalité avec le Maroc, mais
nous possédons à peine la moitié des arbres qui font
la richesse de la Tunisie, pays qui est sans doute, de toute l'Afrique
du Nord, le plus petit, le plus déshérité, mais n'est
pas le moins dynamique et devant lequel les oléiculteurs du monde
entier doivent s'incliner, car il a su tirer un parti inespéré
de conditions climatiques particulièrement rudes.
-------------Malgré
la vitalité, qu'elle manifeste avec tant de bonheur dans de nombreux
autres domaines de l'activité agricole, l'Algérie n'a pas,
à l'égal des autres pays méditerranéens, tiré
de l'arbre de Minerve tous les avantages que lui conférait un climat
parfaitement adapté à ce genre de culture. L'Espagne possède
2o fois plus d'oliviers que nous, l'Italie i6 fois, la Grèce, 6
fois, le Portugal 2 fois. Nous rechercherons plus loin les causes d'une
désaffectation pour le moins surprenante.
REPARTITION DES OLIVETTES
DANS LE PAYS
-------------Un
fait ne manque pas de frapper celui qui étudie la répartition
géographique des plantations d'oliviers. A l'échelon mondial,
on peut dire que, pratiquement, toutes les plantations d'oliviers sont
groupées autour de la Méditerranée. Il existe, en
effet, dans ce foyer de vieilles civilisations, plus de 530 millions d'arbres.
Les États-Unis (qui constituent le plus gros noyau extra-méditerranéen,
ne possédant que 1.600.000 arbres) n'offrent guère d'exemple
aussi poussé d'une pareille concentration culturale.
-------------Si
l'on excepte les péninsules embrassées par la mer, l'olivier
ne s'enfonce pas à plus de 150 kilomètres à l'intérieur
des continents. Cet arbre, cependant réputé par sa rusticité
à toute épreuve, est très frileux et ne supporte
pas les "abaissements de température continentaux.
-------------Mais,
poussons l'analyse plus loin. Nous constatons, à une échelle
inférieure, que chaque pays oléicole a ses plantations concentrées
sur de faibles surfaces. -------------Que
ce soit en Espagne, où dans un groupe de quatre provinces représentant
10 % de la superficie territoriale de la nation, on trouve près
de la -moitié des oliviers ; que ce soit en Italie, ou le Sud-est
de la région des Pouilles, dans le " talon de la Botte ",
rassemble sur un territoire qui est le 1/25 de la superficie totale du
pays, plus du 1/4 des oliviers italiens ; que ce soit, enfin, en Grèce,
où les olivettes sont massées dans quelques îles et
à la pointe sud du pays, partout, on constate une concentration
très poussée des cultures.
-------------L'Algérie
elle-même n'échappe pas à cette règle. Si l'on
excepte les Territoires du Sud, avec leurs18.000 arbres seulement, on
constate que les trois arrondissements contigus qui coiffent la Kabylie,
représentant le 1/7 des départements du nord, totalisent
plus de la moitié des oliviers algériens. -------------L'arrondissement
de Bougie, à lui seul, groupe sur 2,6 % des Territoires du Nord,
le quart des olivettes d'Algérie. Le massif kabyle est le plus
grand noyau de notre production oléicole. Dans cette région,
9o % des, plantations appartiennent à une population berbère
dont l'attachement à l'arbre est devenu légendaire.
-------------Cette
zone oléicole est l'une des mieux arrosées de l'Algérie,
c'est le pays de l'olivier sauvage, qui est à la base de la plus
grande partie de la création des olivettes, soit par greffage sur
place, soit par transplantation des semis naturels.
-------------Ainsi,
la conjonction d'un milieu favorable à la végétation
et d'un facteur prédisposé, a permis l'extension de la culture
de l'olivier, mais nous pensons que la plus large part du succès
revient à l'homme. L'olivette kabyle est le fruit du labeur des
populations locales, tout comme la forêt sfaxienne représente,
dans un milieu beaucoup moins propice, une victoire de l'élément
humain sur une nature hostile.
-------------L'existence
de deux grandes tâches oléicoles secondaires, l'une à
Guelma, l'autre à Tlemcen, confirment cette coïncidence :
pluviométrie généreuse et population berbère
attachée à l'arbre.
-------------Les
propriétés européennes, assez nombreuses, qui forment
40 % des olivettes algériennes, se trouvent donc en dehors de la
Kabylie. Dans le département d'Alger, excepté l'arrondissement
kabyle de Tizi-Ouzou, on les rencontre surtout, sous forme de plantations
régulières, dans les centres de Maillot, la Mitidja, le
Chélif (olivettes européennes 38 %). Dans le Constantinois,
cette proportion s'élève de 63 à 70 %, pour les centres
importants de Philippeville, Guelma et Bône. Mais c'est en Oranie,
où la colonisation a pris le plus large développement, que
le pourcentage des olivettes européennes est le plus fort. Dans
l'arrondissement d'Oran, il atteint 90%, Mostaganem et Mascara en comptent
plus de 80 % et Sidi-Bel-Abbès 98 %.
-------------Tandis
que les plantations de l'Est algérien ont été créées
par le greffage d'oléastres, et sont, pour beaucoup, assez mal
entretenues, les oliviers oranais ont été propagé
par boutures.
-------------Les
arbres sont soigneusement cultivés, sauf en ce qui concerne la
taille, qui évide trop brutalement l'intérieur de l'arbre,
ce qui provoque de graves brûlures sur les branches de charpente.
-------------Un
aspect particulier des plantations oraniennes est à signaler :
beaucoup d'entre elles forment autour des parcelles de vignes de grands
cordons argentés, l'arbre profitant à la fois des travaux
du vignoble et de l'espace laissé libre par les chemins d'exploitation.
Malheureusement, cette formule complique quelque peu les travaux de culture.
-------------D'apres
les statistiques officielles, l'accroissement général des
surfaces mises en valeur par l'olivier en Algérie s'effectue à
un rythme assez constant. Durant les 5o dernières années,
le nombre d'arbres aurait augmenté de moitié, à raison
d'un demi-million par an. En admettant même que cette marche ascendante
ne soit pas trop optimiste, elle est encore nettement au-dessous de l'accroissement
démographique, la population ayant doublédans le dernier
demi-siècle.
VARIETES CULTIVÉES
-------------La
description des variétés d'olives cultivées en Algérie
ayant déjà fait l'objet de nombreuses études, nous
ne ferons que rappeler les noms de variétés de base des
principales régions oléicoles,
-------------a)
Variétés de Kabylie
Chemlal de Kabylie. - C'est l'une des plus estimées pour
la fabrication de l'huile. Le fruit est moyen : 2 grammes 1/2. Le Docteur
Trabut lui trouve des analogies avec Cavet de Provence. Nous pensons qu'elle
se rapprocherait plutôt d'Olivière de l'Hérault.
Azeradj ou Adjeraz. - Cette olive à deux fins pèse
environ 5 grammes. Elle est très estimée pour la conserve
en vert, mais moins recommandable pour l'huilerie.
Aberkane, est une autre olive de conserve qui s'emploie à
pleine maturité dans la région de Seddouk, mais peut également
procurer des résultats satisfaisants en huilerie.
Limli donne un fruit, de 2 grammes, pour la fabrication de l'huile.
-------------Ces
diverses variétés ont une répartition géographique
assez tranchée. Larsen l'a étudiée pour la vallée
de la Soummam, qu'il partage en quatre zones .distinctes ayant chacune
sa variété propre. Sur le littoral, on cultive Abelout,
puis, jusqu'à Sidi Aïch, à 4o kilomètres à
l'intérieur des terres, c'est Limli qui domine. De Sidi Aïch,
en remontant la vallée sur 2o kilomètres, on trouve Azeradj.
Enfin, encore plus en amont, dans les régions de Tammalt et Maillot,
c'est Chemlali qui est adoptée.
-------------On
enregistre de sérieuses baisses de rendement dès que ces
variétés quittent leur région de prédilection
pour empiéter sur le territoire de la voisine. Un exemple du même
genre nous est donné par Sévillane, qui, ainsi que l'a signalé
M. Simonneau, donne d'excellents résultats dans la région
de Relizane, mais ne procure que des mécomptes en dehors de cet
habitat.
-------------On
voit 'que cette curieuse localisation des olivettes, que nous avons constatée
à l'échelon mondial, puis local, se poursuit jusqu'à
l'intérieur des variétés, dont chacune paraît
avoir une zone de prédilection souvent très limitée.
-------------b)
Variétés du Constantinois
Rougette. - Variété à huile répandue
est appréciée pour sa rusticité et sa précocité.
Déborde jusque dans la Mitidja, où elle est la plus estimée.
Blanquette. - Tardive, tenant bien sur l'arbre, moins attaquée
que les autres par les oiseaux, elle est le complément de la précédente
pour l'huilerie.
-------------c)
Variétés d'Oranie
Sigoise est de beaucoup la plus appréciée. Variété
à deux fins, qui fournit la/majeure partie de nos olives de conserve
pour l'exportation. Elle dérive de la Picholine française.
Son aire d'adaptation s'étend sur tout le Maroc.
RENDEMENTS
-------------Si
les statistiques concernant les surfaces cultivées et le nombre
des arbres ne peuvent prétendre qu'à des approximations,
il apparaît encore plus difficile d'apporter des précisions
en ce qui concerne les rendements en olives et en huile. Le contrôle
pratiqué depuis le début des hostilités par les services
du Ravitaillement général n'a pas toujours pu s'exercer
sur les procédés d'extraction familiaux qui, par leur multitude,
échappent aux investigations. La consommation de sa propre récolte
par le producteur lui-même a toujours été difficilement
évaluable.
-------------Les
statistiques officielles accusent une production moyenne de 166.ooo hectolitres
d'huile de 1930 à 1940 - ce qui donne à l'Algérie
la 7è place avec 2 % de la production mondiale. En ce qui concerne
les olives de table, notre pays se classe 6è avec une production
moyenne de 85.000 quintaux, soit 6,5 % du tonnage mondial.
-------------Au
total, les 8.500.000 oliviers algériens, en rapport, produisent
1.300.000 quintaux d'olives, soit environ 15 kilogrammes par arbre. Le
rendement moyen des olives en huile est de 13 % et celui d'un arbre de
2 litres d'huile, chiffre très bas, mais sensiblement égal
à celui de la productivité moyenne des oliviers d'Europe.
-------------Par
rapport au nombre des habitants, cette production oléicole ne représente
guère que 2 1. 1/3 par tête et par an. A cette ration, il
faudrait ajouter la différence entre les importations d'huiles
de graines et les exportations d'huiles d'oliv'e's qui se sont montées,
pour la période considérée 1930-40 à 296.000
quintaux pour les exportations et 127.000 quintaux pour les importations,
soit une différence de 169.ooo quintaux ou 188.000 hectolitres
qui viennent parfaire la consommation intérieure. Entre 193o et
1940, l'Algérie aurait donc consommé chaque année
: 166.ooo + 188.000= 354.000 hectolitres d'huile soit 5 litres d'huile
par habitant. Ce chiffre correspond à celui fourni par les enquêtes
effectuées au Maroc par Hoffher et Morris et peut être considéré
comme vraisemblable.
-------------Si
l'on se reporte en arrière, entre 1900 et 1914, on constate qu'à
cette époque, notre production oléicole était beaucoup
plus importante qu'à présent, exactement le double, soit
330.000 hectolitres, malgré un nombre d'arbres en production nettement
inférieur. Depuis 1918, on assiste à une baisse progressive
des rendements de 5 litres à 2 litres par arbre, en même
temps qu'à un accroissement de nos importations d'huiles de graines,
qui passent insensiblement de 16o.ooo hectolitres entre 1921 et 1926,
à 333.000 hectolitres en 1936-39.
-------------Cette
baisse alarmante de la production oléicole n'est d'ailleurs pas
spéciale à l'Algérie, on la constate dans la plupart
des autres pays : les récoltes européennes qui se montaient,
au début du siècle, à 10.000.000 quintaux, enregistrent
une baisse de 20 %.
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PRODUCTION MAXIMA
'-------------De
1900 à ce jour, la production algérienne a marqué
deux pointes essentielles : la première en 1907, l'année
record, avec 550.000 hectolitres pour 6.750.000 arbres en rapport, soit
un rendement moyen de7, 400 kg d'huile ou 5o kg. d'olives par pied. La
seconde pointe concerne les années 1915 et 1916. Chose tout à
fait exceptionnelle, durant deux années successives, la production
a dépassé 5oo.ooo hectolitres, presque le double de la normale.
-------------On
pourrait penser qu'il s'agit d'une influence de la pluviométrie,
facteur considéré comme le plus limitatif de la production.
Cette hypothèse n'est cependant pas confirmée par l'examen
des documents du service météorologique. Il s'agit sans
doute de la conjonction d'un ensemble de facteurs favorables.
Situation économique
de l'oléiculture algérienne
-------------L'Algérie
pourrait développer la culture de l'olivier dans des proportions
beaucoup plus considérables qu'elle ne l'a fait. Il suffit de comparer
notre production avec celle des autres pays méditerranéens
pour s'en convaincre. -------------L'insécurité,
la mauvaise administration qui ont sévi jusqu'à l'arrivée
des Français, ne `favorisaient guère l'établissement
de richesses dont le produit nécessitait une longue attente et
qui se prêtaient mal à la dissimulation devant des impôts
par trop arbitraires.
-------------Au
moment où les planteurs purent bénéficier de la paix
française, la concurrence des huiles de graines vint freiner l'élan
donné par Bugeaud. Et l'Algérie n'a pas su trouver, comme
sa voisine de l'Est .la formule qui lui eût permis de produire économiquement,
par une combinaison ingénieuse du choix des conditions de milieu
et des méthodes de culture.
-------------Non
seulement l'Algérie n'a pas amélioré sa production,
mais la baisse des rendements qu'elle enregistre ne manque pas d'être
inquiétante : d'abord, par la' perte de richesse qu'elle provoque,
dans un pays où les ressources agricoles s'accroissent moins rapidement
que le chiffre de la population. Ensuite,'parce que le prix 'de revient
au quintal devient vite prohibitif, lorsque la production par arbre diminue
La récolte, notamment, s'avère très onéreuse
(r/2 du produit) sur des arbres peu chargés. Avec la concurrence
de l'huile de graines, notre oléiculture serait vite acculée
à une situation critique si les mesures-nécessaires n'étaient
prises rapidement. 'En Kabylie, on constate une désaffection de
plus en plus marquée envers les olivettes, tandis que les figueraies
sont encore régulièrement cultivées.
-------------M.
Renaud, ingénieur des services agricoles à Constantine,
indique dans une étude pertinente, les :causes 'qui' lui paraissent
responsables de cette situation en Kabylie, principale région de
production.
-------------1)
L'olivette kabyle est atteinte de sénilité précoce.
Certes, la longévité de l'olivier peut être considérée
comme pratiquement indéfinie, mais, après un siècle,
les récoltes lie peuvent -plus payer de frais d'entretien normaux.
-------------A
plus forte raison, on ne peut espérer grand-chose d'arbres vieillis
prématurément, qui ne reçoivent que des - soins culturaux
'médiocres, pas de façons aratoires, pas de fumures, pas
de taille, -qui sont placés dans des conditions de sol souvent
médiocres et se trouvent très rapprochés les uns
des autres, à une 'densité de beaucoup très Supérieure
aux possibilités du milieu.
-------------Dans
de nombreuses régions de Kabylie, l'olive tend à devenir
plutôt un " produit de cueillette " -qu'une denrée
culturale.
-------------On
pouvait espérer que la rareté des corps gras et les cours
très alléchants auraient une action "favorable sur
notre production oléicole. Malheureusement, par suite des 'difficultés
de transport, nées de la guerre et des mauvaises récoltes,
les Kabyles -se sont vus contraints à produire à tout prix
les céréales dont ils avaient besoin. Aussi, à la
concurrence que se font les oliviers entre eux est venue s'ajouter celle
des cultures sous-jacentes, et les chutes de fruits ont pris une "ampleur
accrue.
-------------2°)
Abandon de la culture par les meilleurs 'éléments ouvriers.
= L'histoire de la création des olivettes kabyles va nous fournir
une explication de cette inquiétante évolution. C'est par
une sorte de vocation forcée que le pays s'est transformé
en une grande olivette. Réfugiés -dans leurs montagnes,
comme dans une forteresse naturelle, se refusant à toute soumission
aux,-conquérants, le peuple kabyle s'est trouvé dans l'obligation
de vivre en autarcie et de "tirer d'un sol ingrat le seul ,parti
possible : la culture d'arbres fruitiers rustiques, capables de s'accrocher
à des pentes abruptes.
-------------Aucune
autre espèce végétale, en dehors des deux arbres
kabyles : figuier et olivier, ne pouvait, dans des conditions dé
terrain aussi précaire, procurer régulièrement une
somme d'unités nutritives -aussi grande. Ce sont donc des raisons
de sécurité qui ont présidé à la création
des olivettes -kabyles. Aujourd'hui, ces raisons ont disparu, mais -les
arbres demeurent. Les nouvelles :générations, attirées
par les salaires élevés qu'on leur offre un peu partout,
délaissent un travail pénible et qui paye d'autant moins
que le perfectionnement des moyens de communication facilite davantage
la pénétration des produits concurrents.
-------------Toutes
les parcelles de culture difficile, à rendements réduits,
sont abandonnées car leur rentabilité n'est plus en rapport
avec le niveau de vie actuel.
-------------Ce
qui se passe en Kabylie est sans doute moins prononcé dans les
autres régions, niais, là aussi, on constate une évolution
inquiétante.
-------------Il
n'est pas douteux que lorsque les courants commerciaux habituels reprendront,
la baisse de valeur de l'huile risquera de porter un coup sérieux
à nos olivettes dont la productivité ne correspondra plus
au nouveau standard de vie.
-------------Et
c'est ainsi que se pose une très grave question pour l'économie
algérienne.
HUILE D'OLIVE OU HUILE DE
GRAINES
-------------Ce
n'est pas la simple comparaison des prix qui peut permettre de résoudre
le problème. Il ne suffit pas, en effet, de vouloir acheter, encore
faut-il disposer de moyens de paiement. Or, le souci de l'équilibre
de la balance du commerce extérieur de notre pays va nous amener
à faire un choix parmi les produits importés. Il est évident
que nous ferons passer en priorité ceux dont nous ne pouvons pas
nous passer et qu'il n'est pas possible d'obtenir sur place.
Si nous descendons jusqu'à l'échelon individu, nous constatons
que de nombreux habitants de l'Algérie ne disposent pas de moyens
de paiement qui leur permettraient d'acheter clans le commerce.
-------------Si
l'on ne peut acheter, il ne reste qu'une solution pour vivre : produire.
-------------L'Algérie
et les Algériens ne disposent pas de ressources assez variées
et étendues pour pouvoir se passer de leur production d'huile d'olive.
Bien mieux, un accroissement démographique accéléré
les engage à étendre leurs plantations, car il entraînerait
rapidement une diminution du niveau de vie auquel deux remèdes
peuvent être opposés : l'expatriation ou l'augmentation des
ressources vivrières locales. On sait combien le premier de ces
remèdes est de réalisation délicate, aussi est-il
sage de ne pas négliger le second.
AVENIR DE LA CULTURE DE L'OLIVIER
EN ALGERIE
-------------L'extension
clé la culture de l'olivier, pour si souhaitable qu'elle soit,
ne peut pas être envisagée sans certaines précautions.
S'il paraît chimérique d'entamer une lutte directe avec l'huile
de graines, du moins devons-nous chercher à limiter l'écart
qui sépare les prix de revient. En outre, l'olivier doit s'ajouter
à nos richesses agricoles existantes, et non se substituerà
elles, même si cela paraissait " à priori ", c'est-à-dire
d'un point de vue étroitement financier, avantageux. Nous devons
chercher à tirer parti de la rusticité (le l'arbre, de sa
faculté d'adaptation aux climats secs, pour lui faire occuper des
terrains où les plantes annuelles ne donneraient que des résultats
médiocres. Sur un sol rendu trop exigu par l'accroissement des
populations, nous devons, après avoir exploité à
fond toutes les bonnes terres avec nos cultures les plus exigeantes, mettre
en valeur par l'arbre les parcelles qui ne conviennent qu'à cette
spéculation. Cela ne veut pas dire que l'olivier peut être
installé sur des sols quelconques. Pour s'assurer des rendements
acceptables tout en réduisant les frais de culture, il faudra choisir
les terrains plats, légers et profonds, qui facilitent les travaux
tout en permettant l'emmagasinement et la conservation de l'eau.
-------------La
Tunisie a pu ainsi constituer une magnifique forêt d'oliviers sans
empiéter sur ses terres à céréales et procurer
à sa population une ration d'huile sensiblement double de la consommation
algérienne et entièrement tirée de son propre sol.
C'est là un résultat des plus heureux pour l'économie
nationale, sans parler des exportations qui permettent au pays de mener
un train de vie analogue à celui des nations que la Nature a comblées.
-------------Il
n'est pas douteux que l'Algérie aurait intérêt à
suivre cet exemple.
Conclusions
-------------L'oléiculture,
première richesse arboricole de l'Algérie, doit être
maintenue à ce rang dans le cadre d'une sage et prévoyante
politique d'accroissement des ressources vivrières du pays. La
politique oléicole de l'Algérie doit s'inspirer des considérations
suivantes :
-------------1)
L'huile est un produit de luxe qu'un pays, à
niveau de vie réduit, a intérêt à échanger
contre des corps gras d'un prix de revient inférieur. Il faut donc
favoriser les exportations, notamment par une production de qualité
ainsi que cela est prévu au plan Monnet. L'accroissement de nos
ventes à l'extérieur, constaté avant 1939, est un
sérieux encouragement à persévérer dans cette
voie.
-------------2)
Il n'y a aucun avantage à conseiller l'oléiculture,
lorsqu'il est possible de lui substituer des productions susceptibles
d'un placement plus facile sur les marchés mondiaux.
-------------3)
L'oléiculture doit être encouragée dans toutes
les régions où il est impossible de tirer d'autres produits
du sol et où il y a intérêt à fixer des populations
déshéritées qui ne trouveraient pas d'autre emploi.
-------------L'application d'un programme d'extension
de la production oléicole nécessite diverses mesures à
prendre concurremment .
-------------1°)
Importer par priorité les produits industriels complémentaires
de notre économie, plutôt que des denrées agricoles
concurrentes ;
-------------2°)
Choisir soigneusement, en tenant compte à la fois des nécessités
techniques, économiques, et de la répartition générale
des productions, les terrains sur lesquels pourraient être installés
les nouvelles olivettes
-------------3°)
Améliorer notablement les soins d'entretien dont devraient bénéficier
les plantations.
-------------Sous
ces réserves, nous pensons qu'on ne sortirait pas des limites du
raisonnable en prévoyant, dans un plan de 25 ans, la création
d'olivettes comprenant 1o millions d'arbres à huile, ce qui doublerait
le nombre actuel d'oliviers, mais pourrait procurer un potentiel de production
beaucoup plus élevé. De plus, on peut escompter que 3 millions
d'oliviers pour fruits de conserves pourraient être plantés
sans risques de désorganisation du marché.
-------------Ce
chiffre est basé sur la nécessité de nous libérer
de nos importations d'huile, et de maintenir une ration convenable malgré
l'accroissement démographique. Une production annuelle de 330.000
hectolitres compenserait les importations tandis que les 200.000 naissances
qui viennent en excédent chaque année exigeraient, après
25 ans, 250.000 hectos en supplément.
-------------En
admettant une production de 4 kilogrammes d'huile par pied (moyenne tunisienne)
nos 10 millions d'oliviers nouveaux nous procureraient 400.000 hectolitres.
Il resterait à trouver 180.000 hectolitres qui pourraient être
fournis en partie par une meilleure conception des méthodes culturales
appliquéesà celles de nos olivettes existantes, qui en valent
la peine.
-------------Grâce
à l'olivier, l'Algérie pourra donc résoudre pour
le secteur corps gras, le grave problème que pose pour elle un
accroissement démographique dont nous devons à la fois nous
réjouir et nous inquiéter.
H. REBOUR,
Chef du Service de l'Arboriculture.
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