-------La dernière
guerre vient confirmer l'importance de la production animale dans l'économie
générale d'un pays. Les difficultés des multiples
problèmes posés au pouvoirs publics, toutes les fois que
la viande, le cuir, la laine, la matière grasse se sont même
momentanément raréfiés sur le marché, ont
contribué à donner à l'élevage et aux industries
qui s'y rattachent une place prépondérante dans l'échelle
des activités d'une Nation.
-------En
Afrique du Nord, la production, animale a pris rang aux côtés
des productions les plus lucratives et rien, de ce qui la touche de prés
out de loin ne doit plus être négligé. Or, dans tous
les ,pays d'élevage "petits ", comme le, Danemark ôü
"grands " comme la Russie, dés capitaux .immenses furent
.affectés à la construction de laboratoires spécialisés
et, notasnment,,des stations expérünentales zootechniques
(En Afrique du Sud, la station d'élevage
de Jonderstooport est devenue une ville desservie par chemin de fer spécial).
Mesure-t-on, 'en effet, ce qu'apporterait; au revenu national, l'application
d'une technique qui, ,par exemple, , augmenterait d'un litre seulement
le rendement journalier moyen d'.une vache laitière' ?
-------L'Algérie
qui tire de ses animaux une grande partie' de sa richesse, ne pouvait
rester' etrangère à l'essor de ,là recherche zootechnique
mondiale. Trouette, qui présida pendant plusieurs années
aux destinées de l'élevage algérien, l'avait, mais
en vain, maintes fois rappelé. -En 1942, les Délégations
financières,_ reprenant un voeu formulé en 1 939, admirent
le principe de la' création d'une Station expérimentale
d'élevage. Celle-ci fùt installée, le 1er octobre
1945, sur le vaste domaine dit' " du Baraouia
" situé entre le Khroubs et Constantine,
au Nord-Ouest de la-ligne-de chemin de fer et de la route nationale n°
3. Etablie :en plein centre d'élevage, elle dispose, à sa
porte, d'un marché fort important, elle est voisine d'une grande
gare, d'une grande route et d'un aérodrome (Oued- Hamimine).
D'une superficie totale de 1.500 Hectares, le -domaine -comporte 1.100
hectares de terres cultivables,120 hectares de prairies naturelles ou
irrigables, 200 hectares de terraiiis de parcours.
C'est là que s'édifient, peu à; peu, les bâtiments
du futur; centre ;des recherches consacrées à l'élevage
algérien et.à ses industries annexes',
BUTS.
-------On peut t
classer les différents problèmes qui intéressent
en Algérie la production des animaux et les industries qui s'y
rattachent de la façon suivante:
a). Problèmes scientifiques.
-------Quelles
sont les réactions de nos animaux aux différents facteurs
qui constituent le -milieu ? Comment pourquoi, dans quelles conditions
se font-elles ? Peut-on et comment hypertrophier, les unes, si elles sont
profitables, et. annuler les autres ? Quelles sont les réactions
de nos a .ni-maux à l'égard des virus et des parasites,
quels sont less moyens à mettre en uvt pour les combattre
, _Quelle série de réactiQns faut-il 'declencher pour obtenir
un meilleur rendement de- la -machine animale etc... , et c...
-------Nous
ne donnons ici qu'un -aperçu du questionnaire dont on devine l'ampleur
et on admettra aussi qu'il ne' peut être répondu à
tout. Travaillant en` liaison etroite avec tous les chercheurs spécialisés,
,et, notamment avec l'Institut Pasteur d'Algérie,-lés laboratoires
de Physiologie (Faculté des' Sciences d'Alger)., et de l'expérimentation
agricole (institut Agricole de Maison-Carrée), la- station passera
au crible des épreuves multiples toute conclusion énoncée
en raison dé l'importance du matériel de contrôle
dont elle disposera. -
b) 'problèmes economiques.
-------C'esf l'
importance et la constance du bénéfice qui incite l'eleveur
a améliorer son troupeau. Il y a donc lieu d'établir, au
regard de chaque opération zootechnique, le bilan- Financier, ce
qui implique pour chaque espèce, pour chaque production et pour
chaque mode d'exploitation, le calcul du prix de revient dont on suivra
les fluctuations en fonction des méthodes appliquées.
-------Il y a lieu aussi de rechercher, avec précision,
le juste équilibre à réaliser dans une expoitation
entre la production animale et la production végétale et
montrer les avantages et les inconvénients, lés réussites
possibles et les échecs probables' de toute entreprise orientée
vers l'élevage, que celui-ci soit du mode extensif ou du mode intensif,
familial ou industriel.
-------A l'expérimentation
zootechnique devra donc être adjointe une comptabilité détaillée,
qui établira la synthèse des renseignements-,chiffrés
obtenus et donnera aux éleveurs-la_liste des .éléments_
indispensables au calcul de leurs opérations commerciales. _
MOYENS.
-------Différentes
sections se partageront l'étude du programme ainsi posé
; ce sont :
-------1°/La
section " expérimentale, " -;
-------2°
Lâ, sëëtiôn "élevage " ;
-------3°
La section "'production agricole -"
-------4°
La section " comptable ".
La section expérimentale -
-------L'expérience
s'étendra a tous les problèmes qui touchent la production
et l'utilisation de nôs animaux domestiques ;_ hygiené, alimentation,
croissance, acclimatement , génétique animale, modes de
reproduction et modes d'exploitation (viande, lait, peau, lame, etc...).
Riche des observations déjà relevées par les producteurs
algériens, régulièrement informée des, travaux
entrepris dans le monde entier, la section expérimentale-s'attachera
à l'étude des 'problèmes plus particuliers posés
par l'exploitation des animaux en Afrique du Nord- (parasites, alimentations,
acclimatement, viande, etc...).
La section élevage.
-------Ses
efforts porteront sur la production des géniteurs réclamés
par la production -algérienne.
-------L'Algérie'
mahque, en effet, de baudets, qu'il faute lmporter a grands frais des
rares pays demeurés producteurs et l'on sait la valeur dé
nos mulets sur tous les marchés d'Afrique et d'Europe. L'industrie
mulassière serait appelée à devenir une source de
bénéfices élevés pour l'Algérie si
nous produisions, en nombre suffisant, les mulets que nous réclame
l'étranger. Encore faut-il présenter aux acheteurs des animaux
de qualité : d'où nécessité d'àccoupler
des baudets de choix et des juments qualifiées.
D'où finalemertt la nécessité de procréer
les pères de l'une, et de l'autre espèce.
Le problème de a production laitière est complexe. L'un
de ses multiples asPects touche 1 utilisation_de, taureaux d'élite,
Ces taureaux doivent appartenir, soit à la race autochtone, soit
à une race adaptée ou, adaptable au :pays, posséder
une généalogie connue et être indemnes de toute .maladie
contagieuse. Il appartient à la station de livrer aux éleveurs
ou mieux , aux Centres d'insémination artificielle de tels sujets.
Elle les produira sur son propre terrain, contrôlera leur état
sanitaire, fournira tous les elements utiles concernant leur asçendance
-------Grand pays moutonnier jadis; la France a
vu fondre, pour des causes diverses,, sa population ovine en quelques
années. Il y a vingt :ans, on,comptait encore 270.000 mérinos
dans le Chàtillonnais. Ils ne f sont plus que 2.000 aujourd'hui
et, ,malgré les efforts des-autorités françaises,
on n'enregistre aucune tendance à une augmentation sensible des
troupeaux. Par contre, l'Algérie qui, à 800 km de 'Marseille,,
se trouve à la porte des grands -marchés métropolitains,
peut se permettre d'envisager la concurrence sérieuse des pays
lointains, producteurs de moutons : Australie; Afrique du Sud, Amérique
du Sud.
-------Il
lui faut, toutefois, améliorer là qualité de ses
ovins. Aussi, partout où l'agronomie autorisee une telle conception,
devient-il rationnel de pratiquer le croisement mérinos autochtone
pour-obtenir' le metis à deux fïns viande, laine. Encore faut-il,
là encore, posséder les béliers nécessaires.
Ce sera' un des rôles essentiels de la station que de livrer aux
éleveurs les mâles de souche métropolitaine mais adaptes
au pays, ,et susceptibles de résister aux, dures, conditions qui
leur sont paxfois imposées . dans les -fermes. Nous signalerons,
dans ce même chapitre, l'ensemble des travaux à entreprendre
relatifs aux races ovines :autochtones, si riches de promesses. N 'dus
ne savons pas, en' effet, ce que- nous réserverait: la sélection
-poussée dans un troupeau richement nourri et rationnellement conduit,
comme nous ne savons rien des aptitudes de-la ou des' races bovines de
l'Atlas placées dans les, mêmes conditions.
-------Les
mêmes procédés de travail presideront à 1'obtention
des géniteurs dans les espèces caprine et galline.
-------La
section " élevage de la station s'attachera en résumé;
à procurer à l'élevage algérien non seulgment
lés producteurs de choix qu'il réclame et qu'il doit importer
à grands frais des divers pays d'Europe, mais encore à'
mettre entre les -mains des utilisateurs -tous les éléments
. contrôlables - palpables, si l'on nous permet cette imagé
qui assurent- la- réussite' en _pareille matière.
Section de la production agricole
-------On en reconnaîtra
l'importance si nous nous bornons à signaler qu'elle a la charge
de fournir tous les aliments de base nécessaires à la nourriture
du cheptell de la station. Son organisation constitue l'objectif n°1
du programme d'aménagement.'
-------Le
plan de cultures adopté comporte deux types d'assolement selon'la
qualité des terres : quadriennal, pour les terres riches, triennal,
pour les terres légères.
Section comptable
-------Administration
et comptabilité sont actuellement fusionnées.-L'organisation
de la comptabilité en section autonome, sur le plan, expérimental
ou zoo-économique, ne pourra être envisagée qu'en
dernier lieu, c'est-à-dire une fois mises en route les autres sections.
Nous avons vu plus haut quels en étaient les buts.
-------En
résumé, la Station expérimentale d'élevage
d'Algérie; véritable laboratoire de physiologie animale
appliquée, centre de recherches biologiques et épizootiques,
est appelée à constituer le guide permanent de l'élevage
nord-africain et des industries qui s'y rattachent.
-------Dès
à présent, elle est à la- disposition -des éleVeurs.
Elle est -leur maison, leur poste de pilotage, .leur uvre aussi.
Sa mise .en, place, son amépagemeut_ont demandé et demanderont_
encore de longs efforts, beaucoup de compréhension, de patience
et de ténacité. L'achèvement- d'un tel ouvrage n'est,
cependant, pas encore . prochain. " Mais bien des esprits avertis
en ont pressenti 1 importance et la-valeur. Et les encouragements n'ont
pas manqué._ Lentement, pierre par pierre, tranche par tranche,
la maison s'élève.
-------Elle
sera digne de l'élevage algérien et des sciences expérimentales
qui s'y rattachent, c'est-à-dire de la science française
en Afrique du Nord.
Dr JORE D'ARCES,
Inspecteur-chef du Service de l'élevage en Algérie.
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