Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : plan decennal
Les perspectives décennales de développement économique de l'Algérie

8 pages - n°125 - 30 septembre 1957

---------L'Algérie aura donc à faire face dans les années à venir à des problèmes politiques, sociaux, ainsi qu'à des problèmes d'aménagement du territoire dont l'étude est déjà entreprise.

---------Il est évident que l'aide de la Métropole est absolument essentielle pour assurer le développement économique de l'Algérie durant ces dix prochaines années, que cette aide est conditionnée par le maintien de liens indissolubles entre l'Algérie et la Métropole.

---------Si ces liens venaient à être modifiés, c'est l'aide, elle-même, qui serait mise en cause et, par là mê­me, le développement économique de l'Algérie.

mise sur site en août 2005
peu de correction après OCR
59 Ko / 16 s
 
retour
 
---------Les travaux de la commission Maspetiol avaient permis de dégager les perspectives générales d'évolution de l'économie algérienne pour une période de dix ans. Mais celles-ci demandaient à être précisées et détaillées pour constituer un instrument directement utilisable d'orientation de la politique économique. Un groupe de travail formé au sein du Gouvernement Général a été chargé de ces étu­des. Certains chiffres sont appelés à être révisés à la suite de vérifications actuellement en cours mais leur ordre de grandeur peut être considéré comme valable.

---------Sur la base d'un inventaire chiffré et détaillé de l'économie algérienne pour une année de référence (1954), il a été procédé à l'examen des possibilités de développement des différents secteurs d'ac­tivités. L'établissement d'un tableau retraçant la physionomie de l'économie algérienne à la fin de la période décennale envisagée, a permis de vérifier la comptabilité d'ensemble des prévisions, et de déga­ger les conséquences du développement, notamment sur l'emploi et les revenus. Ces travaux ne constituent pas encore un plan, mais ils sont néanmoins suffisamment détaillés pour en définir les gran­des orientations.

OBJECTIF ET DEVELOPPEMENT POSSIBLE

---------Le décalage actuel entre le niveau de vie moyen des populations algériennes et celui des pays occidentaux, la rapidité de l'essor (2,5 % par an — 13 millions d'habitants dans 10 ans contre 10 actuelle-'ment), ont amené à définir comme objectif prioritaire la recherche du niveau de vie le plus élevé lpossible pour l'ensemble des habitants de l'Algérie (Sahara compris) (Un ralentissement de 1'essor démographique n'aurait pas d'effet notable dans la période de 10 ans envisagée,).

---------On est amené à considérer comme possibles les résultats suivants :

----------Le développement 'envisagé permettrait de multiplier par près de 2,7 la valeur de la production nigérienne. Il entraînerait la création de 800.000 emplois supplémentaires dans le secteur non agricole.
---------- Le revenu des particuliers serait multiplié par plus de 2,3 ce qui assurerait une progression moyenne de niveau de vie de 3 à 4 % par an. Dans une première approximation, on peut estimer que si le revenu des Européens augmentait au même rythme qu'en Métropole (4 % par an), celui des Musulmans augmenterait de 7 à 8 % par an, ce qui porterait en fin de période le revenu annuel moyen par foyer musulman à environ 400.000 francs. La population du secteur évolué passerait de 3,5 millions en 1954 à 6,5 en fin de période, représentant 52 % de l'ensemble contre 37 % en 1954.

MECANISME DE DEVELOPPEMENT
EVOLUTION VERS UNE STRUCTURE INDUSTRIELLE

---------Une telle progression suppose une ti ensfe mation profonde de la structure de l'économie algé­rienne ; d'économie à base essentiellement agricole, elle devrait devenir une économie industrielle.

---------Les études auxquelles il a été procédé ont en effet montré que l'agriculture ne pouvait constituer la base principale du développement des revenus et des emplois. Malgré la réunion de moyens d'une ampleur exceptionnelle, -tant en investisse.nents ' qu'en personnel d'encadrement, l'accroissement de production agricole qu'il est pec: i:'-' a d'escompter dans les dix années à venir n'atteint pas 50 %.

---------Il faut donc que tout le surcroît de population de ces dix années puisse trouver un emploi dans le secteur non agricole. Le développement de l'emploi non agricole apparaît donc comme le facteur essentiel d'une amélioration du niveau de vie, non seulement des populations qu'il permettrait d'inté­grer au secteur moderne, mais également de celui de la population du secteur traditionnel (en majo­rité, quoique non exclusivement agricole) qui bénéficierait de leur départ.

---------L'économie algérienne serait en fin de période très différente de ce qu'elle est actuellement :

---------En 1954, la production agricole représentait 32 % de la valeur de la production totale et occu­pait 72 % de la main-d'oeuvre. En fin de période, elle ne fournirait plus que 15 % de la production et occuperait seulement 51 % de la main-d'oeuvre.

---------Une telle transformation ne peut reposer que sur une politique systématique d'industrialisation. En effet, l'amélioration du niveau de vie envisagée exige une progression de l'ensemble des secteurs d'activité. Or, cette progression d'ensemble ne se réalisera pas d'elle-même à partir d'un petit nombre de secteurs particulièrement rentables ou faciles à développer. La mise en valeur des ressources du sous-sol, et notamment des ressources en pétrole et en gaz devra, certes, être l'un des objectifs du déve­loppement en raison de l'importance qu'elles présentent pour l'ensemble de la zone franc. Elle constitue une source irremplaçable de revenus et d'emplois pour l'économie locale, mais elle ne peut à elle seule suffire à résoudre le problème économique et social algérien. Une production annuelle de 20 mil-lions de tonnes de pétrole brut, dont 4 millions seraient raffinées sur place, permettrait de distri­buer en salaires et charges de main-d'oeuvre moins de 60 milliards par ,an, et seulement dans un délai de 8 ans. Les achats effectués sur place seraient de l'ordre de 80 milliards.

---------Les travaux publics, toujours temporaires pour les individus qu'ils emploient, et les entreprises an­nexes pour lesquelles ils sont une source d'activité, même s'ils sont continus sur le plan du pays, ne peuvent non plus, à eux seuls, suffire à amorcer et entretenir durablement un processus d'expansion.

---------En fait, la constitution d'une gamme d'unités de production couvrant pratiquement la plupart des secteurs usuels constitue un moyen irremplaçable d'accroissement du niveau de vie. Mais ces unités ne seront viables que si elles atteignent une taille suffisante pour être techniquement compatibles avec des procédés de fabrication compétitifs, ce qui suppose un élargissement du marché.

---------Or, trois grandes catégories d'activités essentielles peuvent déterminer cet accroissement des débouchés et sont ainsi appelées à constituer les supports du développement :

1. — LA RECHERCHE ET L'EXPLOITATION DU PETROLE.

---------L'ensemble des activités du secteur énergie - pétrole - mines... pourrait être multiplié par 10 en fin de période par rapport à 1954, et représenter 19 % de la valeur de la production totale.

---------La main-d'oeuvre employée dans ce secteur ne serait toutefois multipliée que par 2,6 et, représen­terait seulement 2,2 % de la main-d'oeuvre employée en Algérie.

---------Dans une plus faible proportion, la sidérurgie peut jouer un rôle analogue.

2. — LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS et, à un moindre degré les travaux publics. Ces activités seraient multipliées par 4,5, et représenteraient 12,6 % de la production contre 7,4 % en 1954.

---------La main-d'oeuvre employée représenterait 12 % de l'ensemble en fin de période, contre 4,6 % en 1954.

3. — LES INDUSTRIES DE TRANSFORMATION.

---------L'industrie est en effet le meilleur client de l'industrie, et l'industrialisation est destinée à cons­tituer le facteur décisif d'élargissement du marché.

---------Ces activités seraient multipliées par près de 3, et représenteraient 16 % de la production totale contre 14,4 en 1954. L'emploi y serait multiplié par 2,3 et représenterait 10 % du total contre 6 ` en 1954.

---------Les activités de services, transports, commerces, ne peuvent avoir un rôle moteur, mais elles doi­vent suivre dans leur ensemble l'accroissement général de l'économie et contribuer au développement du secteur moderne. Elles seraient multipliées par 2,3 environ et emploieraient 17 % de la main-d'oeuvre contre 12 % en 1954.

LE FINANCEMENT

---------Les investissements à réaliser dans le secteur public comme dans le secteur privé, au cours de la période décennale, atteindraient 4.700 milliards, dont 50 % sont par nature du ressort de capitaux privés et 50 % des capitaux publics.

---------Or, les ressources correspondantes peuvent être réunies, compte tenu des données et des conditions suivantes :

---------EN MATIERE DE FINANCES PUBLIQUES :

---------a) l'application des recommandations de la Commission Maspetiol mettrait à la disposition de l'éco­nomie algérienne, sous forme de prêts et subventions, 1.300 milliards au cours de la période (95 milliards en 1958 — progression annuelle de 15 milliards pour atteindre 140 en 1961 — 150 pour 1962 et les années suivantes).

---------b) l'équilibre du budget ordinaire. — Il peut être obtenu par un accroissement modéré de la pression fiscale. Rapportée au produit national (revenus gagnés en Algérie et revenus de l'extérieur), elle passerait de 21,5 % en 1954 à 26,4 % en fin de période.

---------EN MATIERE DE CAPITAUX PRIVES :

---------a) la stabilité de la part consacrée à l'épargne dans l'ensemble des revenus et un accroissement de l'incitation à investir sur place. Ces deux hypothèses sont les plus vraisemblables, en raison de la multiplication des occasions d'investir qu'entraînera le développement et, des stimulants qui seront mis en place pour accroître la rentabilité des investissments.

---------b) la perspective d'apports de capitaux extérieurs liés à l'importance des grands projets de ren­tabilité certaine (chimie, sidérurgie et surtout pétrole) : les investissements dans la recherche et l'exploitation du pétrole s'éléveraient à eux seuls à 950 milliards.

---------En définitive, l'origine des ressources disponibles serait la suivante
----------Fonds d'origine algérienne 42 % dont capitaux publics : 9 %
---------- Fonds apportés de l'extérieur : 58 % dont capitaux publics : 60 %.

---------Les concours du Trésor Public métropolitain apparaissent donc comme le facteur décisif qui explique qu'une transformation aussi profonde de l'économie algérienne puisse être envisagée. En assurant le financement de l'infrastructure, ou en jouant à l'égard des capitaux privés le rôle de catalyseur par leurs effets indirects, ils déterminent en fait le rythme et l'ampleur de tout le développement.

---------Si cette aide n'était pas utilisée en totalité en faveur de l'oeuvre de développement ou, si une dépréciation de la monnaie venait à réduire sa valeur réelle, toutes les perspectives décrites se trou­veraient mises en cause.

LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT

---------En dehors des conditions financières, le développement implique la réunion de certaines conditions qui tiennent, soit aux données générales de l'économie algérienne, soit aux caractéristiques propres aux différentes catégories d'activité :

1. — LES CONDITIONS GENERALES.

---------Plusieurs écueils devront être évités, auxquels pourrait conduire une analyse insuffisante des carac­tères originaux de l'économie algérienne :

----------L'existence de deux secteurs très distincts, l'un traditionel, l'autre moderne, ne doit pas con­duire à limiter l'effort à l'un d'entre eux. Tout progrès de l'un de ces secteurs aura des répercus­sions sur l'autre ; le passage d'une partie de la population agricole excédentaire vers des emplois indus­triels est le premier facteur d'amélioration du niveau de vie des agriculteurs.
----------Le souci d'assurer le maximum d'emplois ne doit pas orienter systématiquement vers la. re­cherche de modes de production exigeant le plus de main-d'oeuvre en lui sacrifiant la productivité, sous peine d'ajouter un nouveau handicap à ceux dont souffrent déjà les producteurs algériens et de com­promettre ainsi l'implantation d'une industrie sur des bases saines et solides.

---------La préférence systématique donnée à la main- d'ceuvre sur la machine peut constituer, notamment dans les travaux publics ou dans certaines activités susceptibles de s'accomoder d'un contexte serai-arti­sanal, une solution temporaire et locale au problème de l'emploi. Elle ne peut constituer une solution d'ensemble en raison de la concurrence à laquelle seront inévitablement exposés les producteurs algé­riens.

----------Les difficultés que rencontrera le développement économique algérien du fait de la concurrence notamment de la part des entreprises métropolitaines, n'ont pas conduit à remettre en cause le prin­cipe de l'union douanière avec la Métropole. Des mesures d'ordre général, en particulier, en matière de finances, de crédit et de fiscalité, peuvent suffire à compenser les handicaps de l'industrie locale.

---------Pour certains produits, notamment agricoles, une organisation des marchés de l'ensemble Métro­pole-Algérie devra être mise en place.

---------La remise en cause du principe de la liberté de transferts de capitaux ne paraît pas non plus souhaitable : elle dissuaderait les capitaux privés de venir s'investir en Algérie. La tendance d'une partie de t'épargne à se placer à l'extérieur doit se trouver freinée par la multiplication des occasions d'investir sur place.

----------Enfin, l'économie algérienne présente des caractères trop originaux, notamment par rapport à l'éco­nomie métropolitaine, pour qu'il puisse être envisagé de procéder à un alignement systématique et immé­diat des deux législations. Quelques fractions de la population y trouveraient avantage, mais celui-ci serait compensé par le déficit général d'emplois et de revenus qui résulterait de l'insuffisance des moyens.

----------Notamment, la législation des salaires et la législation sociale devront viser à procurer un salaire régulier au plus grand nombre d'Algériens possible plu'4ôt que d'améliorer les conditions de ceux qui en ont déjà un.

----------De même, dans le domaine de l'aménagement du territoire, l'économie algérienne en est en­core à un stade où les meilleurs résultats pourront être obtenus en renforçant des pôles de développe-ment industriel dans les capitales régionales existant déjà plutôt que par un éparpillement des efforts à travers le territoire dans un souci de décentralisation.

----------Cependant, les économies algérienne et métropolitaine resteront trop étroitement liées pour que leur développement puisse s'opérer de façon indépendante. Une confrontation des objectifs est nécessaire dans les secteurs où la masse des réalisations envisagées en Algérie est assez importante pour ne pas représenter une fraction trop faible de l'ensemble Métropole-Algérie.

2. — LES CONDITIONS PROPRES AUX GRANDES CATEGORIES D'ACTIVITES ET LES MOYENS A METTRE EN ŒUVRE.

---------Tous les secteurs ne requièrent pas au même degré une intervention des pouvoirs publics.

---------Certains secteurs se développeront seuls et immédiatement, par exemple le pétrole, car les condi­tions de rentabilité y sont assurées. D'autres ne se développeront que lorsque l'expansion des autres secteurs leur aura créé les conditions favorables : c'est le cas notamment des commerces et des ser­vices, de certaines industries qui verront s'accroître leur clientèle.

---------Enfin, il est toute une catégorie d'activités au nombre desquelles figurent plusieurs de celles qui devront exercer un rôle moteur sur le développement où l'expansion sera amorcée et devra même être soutenue pendant un certain temps par une action des pouvoirs publics : par exemple, la cons­truction de logements pour les classes modestes, nombre d'industries de transformation et d'activités agricoles.

---------On a examiné les moyens à mettre en oeuvre dans les activités qui poseront les problèmes les plus difficiles.

---------A. — Les services publics

---------Le développement exige en premier lieu une adaptation des structures administratives au rôle d'orientation générale que vont avoir à jouer les pouvoirs publics et qui implique un alourdissement de leurs tâches.

 

---------Comme dans les pays étrangers qui ont entrepris un effort d'une ampleur comparable, il paraît nécessaire de prévoir à cet effet un organisme spécialisé susceptible de consacrer toute son activité à l'exécution de ces tâches. Celles-ci seraient au nombre de trois :
1. entreprendre les études nécessaires à la définition des programmes d'action
2. rassembler les ressources nécessaires et en orienter la mise en oeuvre
3. suivre la réalisation des programmes.

---------Dans le domaine des études, les travaux de cet organisme devraient être complétés par ceux de « Sociétés privées de développement », dont la création est à encourager.

---------L'intervention des pouvoirs publics se traduit d'autre part par la mise à la disposition de la col­lectivité d'une infrastructure de services publics (voies de communication - établissements d'ensei­gnement - hôpitaux, etc...). Il semble que les décisions d'investissements devront être fondées beau-coup plus sur l'appréciation de l'utilité économique des ouvrages que sur le souci systématique de créer du pouvoir d'achat par l'intermédiaire des travaux publics. Dans une économie sous-développée, cet effet de revenu est en effet très limité et, le rôle qu'il pourrait jouer pour amorcer un processus d'expansion est très inférieur à celui que pourront amener des investissements dans les secteurs pro­ductifs.

---------Cela ne doit cependant pas conduire à négliger ou retarder les investissements dont l'effet est à long terme ou difficilement mesurable. Les investissements destinés à agir sur le milieu humain no­tamment (scolarisation, formation professionnelle, action sanitaire) doivent au contraire être réalisés d'autant plus rapidement que leurs effets sont à longue échéance.

---------B. — Agriculture

---------Près des trois quarts de la population active tirent actuellement leur subsistance de l'agriculture, mais se partagent un revenu qui atteint seulement le tiers de celui dont dispose l'ensemble du pays ;
— l'extension possible des surfaces cultivées est très limitée
— une modification de la répartition des terres ne peut intéresser qu'une faible proportion des agriculteurs et n'aura pas, par elle-même, d'effets immédiats sur l'élévation du niveau de vie.

---------D'où la nécessité d'axer toute l'oeuvre de dév eloppement agricole sur la recherche des méthodes d'exploitation qui, procurant le revenu le plus élevé à l'hectare et exigeant la plus grande quantité d'heures de travail, permettront d'accroître au maximum les ressources de la population agricole.

---------L'amélioration des cultures traditionnelles doit certes contribuer à la réalisation de cet objectif, mais ne peut y suffire.

---------L'augmentation des rendements moyens en céréales au cours de la période décennale ne peut dépas­ser deux quintaux à l'hectare. Elle procurerait seulement un accroissement du revenu global de 7,5 % et serait pratiquement sans effet sur l'emploi.

---------Dans tous les cas où les conditions naturelles le permettent, doivent donc être encouragées les cultures riches (betterave, coton, tabac, arboriculture fruitière) en donnant à la recherche du revenu le plus fort à l'hectare la préférence sur le souci de parvenir à une autarcie alimentaire que rien n'impose. La vigne, qui fournit 1/3 de la production végétale en valeur, doit garder la place qu'elle occupe actuellement tant que ne pourront lui être substituées des cultures présentant les mêmes avan­tages comme sources de revenu et d'emploi.

---------Les cultures riches possibles en terrain sec sont cependant peu nombreuses. L'utilisation au maxi­mum de toutes les ressources hydrauliques pour l'irrigation s'impose donc. Les surfaces irriguées peuvent passer de 170.000 à 275.000 ha, en dix ans, avec des investissements de l'ordre de 185 milliards.

---------L'accroissement du revenu brut qui en résulterait serait voisin de celui qu'entraînerait une augmen­tation de rendement de 2 quintaux à l'hectare de toutes les terres cultivées en céréales.

---------Ces transformations exigeraient des investissements publics et privés de l'ordre de 600 milliards. Mais ces investissements ne se réaliseront et n'auront tous leurs effets que si est entreprise une action sur trois plans : humain, économique, et sur celui des structures administratives :
-
Sur le plan humain
- nécessité d'un encadrement du fellah par des moniteurs très proches du milieu et constituant un réseau suffisamment dense pour assurer la possibilité d'un contact direct avec les exploitants. Deux mille moniteurs seraient nécessaires.
- renforcement des services agricoles traditionnels dans les zones de cultures riches, notamment dans les zones irriguées, pour assurer une vulgari sation rapide des méthodes les plus modernes.
-
Sur le plan économique - Action sur les conditions de rentabilité des nouvelles cultures

---------a) en intensifiant la recherche et l'expérimentation pour assurer la mise au point technique de ces cultures, au besoin en faisant appel à des spécialistes étrangers ;

---------b) par l'organisation des débouchés : en favorisant le groupement des producteurs en coopératives, en améliorant les conditions du transport des produits destinés à l'exportation (navires du type ferry-boat permettant un parcours mixte terre-mer sans transbordement) enfin en mettant en place des procédures de péréquation pour régulariser les cours.

-Aide financière sous forme de crédits d'équipement à taux réduit. L'efficacité d'une telle aide doit cependant être recherchée moins dans un développement du volume des prêts que dans une meil­leure adaptation des formules appliquées. En effet la marge d'endettement supplémentaire que l'agri­culture est capable de supporter est très réduite.

-Subventions d'équipement en nature ou en espèces pour les exploitations où l'absence de rela­tions avec les circuits commerciaux exclut encore toute possibilité de remboursement.

-Sur le plan des structures administratives

---------Division du territoire agricole en un certain nombre de zones dans chacune desquelles l'ensemble des problèmes de développement seraient placés sous la responsabilité d'un agent unique qui dans le cadre des directives élaborées à l'échelon central jouerait le rôle de maître d'oeuvre pour toutes les actions à entreprendre.

---------Les structures de base ne pourront être mises en place que progressivement. Au départ, il con-viendrait de choisir un petit nombre de zones en fonction des possibilités de recrutement du person­nel. Elles constitueraient des centres pilotes où pourraient être mises au point les méthodes de déve­loppement et à partir desquelles elles seraient successivement étendues à d'autres régions.

---------C. — Industrie

---------En raison des limites naturelles du développement agricole, l'industrie doit former la base de l'expansion économique. La production industrielle serait portée à quatre fois ce qu'elle est actuelle-ment.

---------La définition d'un objectif aussi ambitieux s'explique par des nécessités d'ordre social mais elle repose également sur l'étude détaillée des possibilités de développement des différents secteurs indus­triels compte tenu des conditions techniques et de l'aide qui devra leur être accordée pour compenser entièrement les handicaps qui subsisteront pour eux.

1. — CONDITIONS TECHNIQUES.

---------Le volume des investissements pour la période atteindrait 1.500 milliards, soit 13 % environ de l'ensemble des investissements industriels à réaliser clans l'ensemble Métropole-Algérie.

---------Les résultats envisagés ne pourront être obtenus dans le cadre d'une Algérie isolée mais supposent, au contraire, que soit maintenue et même accentuée l'interdépendance économique avec la Métropole.Cette option fondamentale est imposée par le probleme des débouchés, des matières premières et des ressources humaines.

---------a) Débouchés

---------L'augmentation de la consommation des p:' ticuliers doit assurer un élargissement du marché suffi­sant pour permettre le développement des industries existantes et la création de nouvelles industries orientées vers le marché local. C'est sur le rattachement au secteur moderne de 800.000 travailleurs musulmans correspondant à 3 millions de consommateurs qu'il faut compter surtout pour élargir ce secteur moderne et sa base industrielle dans les dix années à venir (Malgré le développement des industries locales, les besoins d'importation, notamment de Métropole, à la suite del'expansion des revenus, non seulement ne diminueront pas mais se trouveront au contraire augmentés.).

---------Certaines productions ne trouveront cependant pas à s'écouler sur le marché local et toutes les possibilités d'exportation devront être utilisées non seulement par l'intermédiaire du pétrole dont le prix de vente comprendra une part de valeur ajoutée par les entreprises algériennes mais également pour d'autres produits. Ce qui exige que l'économie algérienne puisse se 'développer dans des conditions concurrentielles et exclut l'élévation des droits de douane et les contingentements générateurs de prix élevés.

---------b) Matières premières et énergie Deux facteurs nouveaux interviennent dans ce domaine :

---------Pour l'énergie : le gaz naturel dont l'utilisation est seulement subordonnée à un développement suffisant de la consommation pour amortir les pipes-lines et qui permettrait un abaissement sensible du coût de l'énergie.

---------Pour les matières premières : le pétrole qui doitfournir à l'économie algérienne la matière première de la pétrochimie (les investissements prévus dans le raffinage et la pétrochimie sont de l'ordre de 50 milliards en 10 ans).

---------Ces deux facteurs doivent permettre, beaucoup plus que les matières premières agricoles, un large développement des industries essentiellement orientées vers l'exportation utilisant les ressources locales en pétrole, (raffinerie et pétrochimie) ou en énergie (industrie chimique et éventuellement industrie de l'aluminium).

---------L'Algérie devrait également pouvoir traiter sur place une partie de son minerai de fer : la sidérurgie métropolitaine elle-même est de plus en plus tributaire de charbon importé, et surtout, des études actuellement en cours permettent d'envisager le remplacement du charbon par le gaz naturel, comme réducteur du minerai.

---------c) Ressources humaines

---------Le problème des cadres et techniciens ne pourra être résolu dans les délais nécessaires si la venue d'éléments métropolitains n'est pas favorisée.

---------La formation de la main-d'oeuvre exigera un effort massif et rapide : 500.000 salariés supplé­mentaires seront en effet nécessaires pour la période. La capacité de l'enseignement technique comme celle de la formation professionnelle devraient être quadruplées permettant de former 200.000 ouvriers qualifiés pendant la période et exigeraient 50 milliards d'investissements.

---------Compte tenu des délais nécessaires pour mettre en place cette organisation, c'est en toute priorité que doit être abordé ce problème.

2. — REGIME FINANCIER DES ENTREPRISES INDUISTRIELLES.

---------Par rapport aux entreprises métropolitaines, les principaux handicaps que supportent les entre-prises algériennes sont les suivants :

—        handicaps financiers dus aux charges d'amortissement plus lourdes liées à des installations nouvelles alors que les entreprises métropolitaines ont déjà amorti une partie de leur matériel.

—        défaut de productivité dû à la période de démarrage et à la dimension des entreprises.

---------Coût et rentabilité générale de l'aide

---------Pour compenser ces handicaps, le Groupe de travail estime que les réalisations envisagées dans la prochaine période décennale conduiraient à accorder un ensemble d'avantages de l'ordre de 100 mil-liards (soit 30 '/ du montant total des investissements industriels ou 3 % du total des investissements de toute nature).

---------La charge annuelle serait de 1 % de la prod uction intérieure et paraît très compatible avec une répartition judicieuse des crédits d'investissements. Il a pu être calculé en effet que l'attribution d'une• aide de 100 millions par an en moyenne pendant dix ans permettant la création d'une industrie ayant des investissements de 1 milliard et un chiffre d'affaires de même montant entraînerait un accrois­sement de la production intérieure de l'ordre de 1.100 millions par an. Il s'agit là d'une moyenne et d'autre part un tel effet de multiplication n'est pas automatique mais dépend de toutes les autres actions à entreprendre pour harmoniser le développement économique. Mais cet exemple permet néan­moins d'apprécier le manque à gagner de production et de niveau de vie qui se produirait en l'absence d'une politique de soutien des industries.

---------Modalités de l'aide

---------Pour s'adapter aux handicaps propres à l'industrie algérienne cette aide devrait prendre les formes :;uivantes :

---------Avantages fiscaux : exonération de l'impôt sur les bénéfices pendant 10 ans, exonération de la taxe à la production sur les investissements.

---------La base principale des avantages financiers serait une subvention égale au maximum à 50 %n des investissements et versée par moitié lors de leur réalisation, et une subvention égale au maximum à 8 % du chiffre d'affaires pendant dix ans, susceptible de varier en fonction des difficultés liées à l'évolution de la conjoncture.

---------A ces -avantages s'ajouterait : la possibilité d'émettre des emprunts avec garanti' dont le taux d'intérêt pourrait être ramené par des bonifications jusqu'à 2 %

---------Enfin, une partie des investissements pourrait être financée par l'apport !!!!!!!!!!! développement bénéficiant des mêmes avantages que les sociétés métropolitaines !!!!!!!!!!!!!!! gional et notamment d'une garantie de dividende minimum.

---------L'attribution de ces avantages dont seul le taux maximum serait fixé devrait !!!!!!!!!!!!!! dans chaque cas selon l'intérêt général des projets présentés et la structure des exploitatioar.

CONCLUSION

---------Le développement envisagé dépassera largement par ses implications et ses conséquences le domaine purement économique.

---------Il implique pour les masses musulmanes qu'elles soient mises dans une condition matérielle et morale qui leur donne conscience de participer à une oeuvre commune dont elles seront les bénéfi­ciaires. Pour les Européens, qu'ils aient la certitude de pouvoir demeurer dans le pays.

---------Il aura des conséquences sur tous les aspects de la vie algérienne : notamment la totalité de l'accroissement démographique serait reporté sur les villes et la population musulmane du secteur évolué actuellement légèrement supérieure à la population européenne serait quatre fois plus nombreuse à la fin de la période.

---------L'Algérie aura donc à faire face dans les années à venir à des problèmes politiques, sociaux, ainsi qu'à des problèmes d'aménagement du territoire dont l'étude est déjà entreprise.

---------Il est évident que l'aide de la Métropole est absolument essentielle pour assurer le développement économique de l'Algérie durant ces dix prochaines années, que cette aide est conditionnée par le maintien de liens indissolubles entre l'Algérie et la Métropole.

---------Si ces liens venaient à être modifiés, c'est l'aide, elle-même, qui serait mise en cause et, par là mê­me, le développement économique de l'Algérie.