Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : commerce
Le commerce algérien

12 pages - n°122 - 15 avril 1957

-------Que la balance commerciale soit en déficit croissant sans que l'économie algérienne en souffre, cela prouve de façon concrète que l'Algérie livrée à ses seules ressources ne pourrait ni s'équiper ni se développer puisque l'équilibre n'est rétabli que grâce au concours toujours accru de la Métropole.

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LE COMMERCE EXTERIEUR

-------Le voyageur qui, venant de la Métropole, arrive pour la première fois en Algérie, ne laisse pas d'être surpris lorsqu'il découvre l'existence d'un contrôle douanier exercé à l'entrée et à la sortie de tout objet en provenance ou à destination de la Métropole. A s'en tenir à l'apparence, c'est là une situation paradoxale qui contredit la définition constitutionnelle de l'Algérie, ensemble de « dépar­tements français ».

-------Il importe de dissiper d'abord cette équivoque par une brève analyse du cadre juridique et admi­nistratif dans lequel s'efectuent les échanges commerciaux entre l'Algérie et la Métropole.

-------L'union douanière :

-------L'Algérie constitue avec la Métropole ce qu'il est convenu d'appeler une Union douanière.
-------Notons déjà que le terme "union" paraît impropre dans la mesure où, entendu au sens d'association », il suppose l'existence d'au moins deux éléments associés. Ce qui peut donner à penser que l'union douanière concerne deux unités territoriales distinctes. mais assemblées. Tout au contraire, ia Métropole et l'Algérie forment — avec d'autres territoires d'ailleurs — une seule et même unité territoriale au regard de la législation douanière.

-------C'est du reste ce qui ressort explicitement du Code général des douane qui déclare en son article 1": « Le territoire douanier comprend le territoire de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, ceux des déptmrtements français d'Outre-Mer, et de l'Algérie, ainsi que leurs eaux territoriales. »

-------La première conséquence directe de ce principe est énoncée à l'article 2 du même code : « Dans toutes les parties du territoire douanier, on doit se conformer aux mêmes lois et règlements douaniers ».

-------La Métropole et l'Algérie font partie du même territoire douanier et sont soumises à la même législation et la même réglementation douanière, à l'exception d'une nomenclature spéciale d'articles, dont le nombre est actuellement limité à 9 et qui meuvent faire l'objet d'une taxation distincte, appro­priée à l'Algérie.

-------Autre conséquence, l'absence de toute barrière douanière entre les deux rives de la Méditetranée. En effet, l'existence d'un seul droit de douane dans les échanges commerciaux entre la Métropole et l'Algérie interdirait de parler d'"union douanière "et a fortiori d'"unité territoriale".

-------Dualité des régimes fiscaux :

-------Il en va autrement sur le plan purement fiscal : l'Algérie, on le sait, possède son propre budget, distinct de celui de la Métropole et alimenté par une fiscalité interne comportant notamment lee., impôts de consommation c mn-am ra Métropole mais perçu au seul profit du budget algérien.

-------Ainsi, un produit d'origine métropolitaine importé en Algérie se trouva libéré des taxes qui frapperaient sa consommation en Métropole, mais, par contre, tombe à son arrivée sous le coup de la législation fiscale interne, au Même titre que toute autre marchandise de mérite nature produite en Algérie. Ainsi, bien que l'Algérie et la Métropole ne soient pas séparées, par des barrières doua­nières, mais seulement par des régimes fiscaux différents, l'Administration des Douanes, en raison de son implantation territoriale et de son organisation matérielle, a paru toute désignée pour assurer l'application de cette législation ; c'est à ce titre seulement et donc Pour des raisons de pure commodité, qu'elle intervient dans le circuit commercial entre la Métropole et l'Algérie, en marge de son activité nor­male ; en confiant cette • tâche aux Douanes`, on a voulu simplement éyiter de doubler inutilement les ser­vices de contrôle à l'entrée des départements algériens.

-------Cette situation n'est pas sans précédent et l'on peut citer, `entre autres, le sas de la zone franche y du Pays de Gex où, depuis 1832, les douaniers français sont chargés de la perception des droits inté­rieurs -français sur le territoire de la zone.

-------Telle est donc l'origine d'une équivoque qui peut laisser croire à l'existence de barrières douanières entre "1a Métropole et l'Algérie.

-------Il est enfin à peine nécessaire de rappeler que les droits de douane qui sont perçus à l'Occasion des échangés commerciaux entre l'Algérie et l'étranger sont, sauf les rares exceptions déjà mention nées, rigoureusement identiques aux droits perçus sur le territoire de la Métropole.

-------Quant aux règles qui président eux importations algériennes - régime des changes, licences d'importations, etc... -- rien qui paraisse mériter d'être signalé, puisqu'ici-encore, il y a unité de législation entre la Métropole et l'Algérie et qu'à ce titre, tous les accords commerciaux conclus par la France avec d'au-tres pays étrangers, s'appliquent de plano à l'Algérie.

-------Les principaux aspects du commerce extérieur algérien

-------L'évolution du commerce extérieur de l'Algérie a suivi, depuis 1949, une progression sensiblement constante, qui nous est révélée, par la comparaison des indices du volume du commerce annuel, la base de 100 de 1949, abstraction faite des fluctuations de prix. ,

Voici quels ont été ces indices de 1949 à 1955

 

1949

1950

1951

1952

1953

.1954.

1955

1956 {1)

Importations    

100

111,3

129,4

129,3'

'120,8 

125,7

144,8

161

Exportations

100

128,6-.

130,5

14I,6

138,8 .

153,4

171,4;

159,6

-------(1) chiffres provisoires--
-------Le volume global de ces mouvements atteignait 358 milliards en 1954 et 405 milliards de francs en 1955. La progression révélée par les indices est donc importante puisqu'elle concerne des volumes réels d'échanges non négligeables:

-------Déséquilibre de la balance commerciale

-------Le commerce extérieur de l'Algérie doit être étudié sous deux aspects : échanges avec la zone franc et échanges avec l'étranger dont les résultats de 1954 â 1956 ont été les suivants:
-------Ceci apparaît dans le tableau comparatif suivant, établi sur la base indiciaire 100 de 1949 :

 
IMPORTATIONS
 
1953
1954
1955
    Energie
142,6
156,3
183,9
Matières premières et demi-produits
     
 pour l'industrie
98,4
114
128,9
pour l'agriculture  
133,6
141,9
148,2
Moyens d'équipement  
87,8
84
82,3
Produits de consommation
     
durables    
125
141,6
202
non durables   
152
146,2
158,6
Ensemble      
120,8
128,7
144,8
 
EXPORTATIONS
 
1953
1954
1955
Produits de consommation
     
pour l'alimentation humaine
121
137,5
154
autres
170,9
169,5
223,1
Matières premières et demi-produits    
212,2
228,1
241,9
Autres  produits
112,7
78,7
66,4
Ensemble     
154,2
153,4
171,4

-------Biens d'équipement et objets de confort ou produits alimentaires de choix, qui constituent une part importante des importations algériennes, sont des marchandises de prix élevés. Par contre, les exporta­tions de l'Algérie portent de façon constante sur des groupes de ressources agricoles où les variations de détail qui peuvent intervenir, ne changent guère la structure de l'ensemble. En outre, l'évolution des prix a joué au préjudice de l'Algérie : à poids égal, la valeur des marchandises exportées a augmenté moins vite que celle des marchandises importées.

-------Les mesures en faveur de l'exportation :

-------Aussi à l'Algérie plus encore qu'à la Métropole s'impose la nécessité de surmonter les difficultés croissantes que suscite pour elle l'écoulement de la production de façon à améliorer ses courants d'échange.

-------L'existence en Algérie et en Métropole de situations parallèles a eu pour conséquence l'institution de mesures de remboursement des charges supportées par les entreprises exportatrices algériennes, mesu­res inspirées de celles qui ont été prises en faveur des exportateurs métropolitains.

-------Les résultats des trois premières années d'application font ressortir une amélioration très nette de la situation des produits soutenus, alors que les marchandises non bénéficiaires de l'aide à l'exportation sont en régression sensible de 1955 à 1956.

-------Cette évolution favorable porte notamment sur les poissons salés, les huiles d'olive, les consel ves de poissons et de légumes, les vins, les superphosphates, l'essence de géranium, les tapis, le matériel de vinification.

-------Enfin, la libération des échanges qui a été le fait saillant de l'année 1954 et qui s'est poursuivie jusqu'en 1956, est naturellement appliquée de plein droit à l'Algérie. On sait, en effet, que la France, fidèle à ses engagements internationaux, a repris et accéléré depuis 1953 sa politique de libération des échanges par des mesures successives dont les plus importantes ont été prises au cours de l'année 1955. Le taux de libération a en effet atteint 73 %en janvier 1955, 75 % en avril.

-------De l'étude des incidences de ces mesures sur l'é conomie algérienne, il ressort qu'elles n'ont pas con-duit, jusqu'à présent, à une augmentation sensible des importations de produits étrangers, et cela en grande partie du fait de l'institution de la taxe de compensation. Elles ne semblent pas non plus avoir gêné jusqu'ici l'écoulement des produits algériens dans la Métropole. Quoi qu'il en soit, une certaine vigilance s'impose et en particulier la préparation de chaque nouvelle tranche de libération exige une attention constante de la part de l'Administration.

-------La balance commerciale dans la conjoncture exceptionnelle que traverse l'Algérie depuis 1954 :

-------Les chiffres statistiques sur lesquels est fondée cette étude s'entendent jusqu'à l'année 1955 incluse. Il apparaît, en effet, que l'activité économique de l'Algérie n'a été en aucune façon influencée par l'apparition en 1954 de l'action séditieuse et qu'elle a poursuivi de façon constante son évolution favo­rable.

-------Mais à juger par les premiers chiffres provisoires qui ont pu être réunis, c'est en 1956 que les troubles ont commencé à influencer de façon diverse certains secteurs de l'activité économique du pays. Si la structure d'ensemble ne semble pas affectée de façon notable par le climat d'insécurité, l'apparition de besoins exceptionnels peut avoir sa part dans le déséquilibre de la balance commer­ciale. Tandis que les exportations se sont trouvées sensiblement stabilisées au niveau de 1955, les impor­tations se sont au contraire considérablement accrues et ne sont plus couvertes qu'à concurrence de 55 ',"o environ par les exportations. Ainsi, la balance commerciale semble devoir accuser en 1956 un défi­cit de l'ordre de 122 milliards.

-------Il serait encore prématuré de vouloir tenter une analyse approfondie de cette situation nouvelle. On peut cependant affirmer que ce phénomène est avant tout conséquence d'un accroissement des besoins intérieurs en produits de consommation, accroissement encore plus sensible peut-être qu'au cours des années précédentes, et souligné par la stabilisation des exportations.

-------Les caractéristiques de l'économie algérienne d'après-guerre se reflètent donc dans son commerce extérieur : effort considérable d'équipement, amélioration du niveau de vie. Ces deux faits suffisent à expliquer_ le déficit commercial.

-------Sans doute, l'avenir dira si l'Algérie ne doit pas trouver dans son sous-sol sa meilleure chance de parvenir à inverser le sens du déséquilibre de son commerce extérieur.

-------Mais pour le moment et pour un temps difficile à déterminer, la balance commerciale de l'Algérie demeurera caractérisée par un déficit qui (aussi paradoxal que cela puisse paraître) traduit sa volonté de progrès.

-------Toutefois, si elle veut que le « doping » provisoirement nécessaire à sa modernisation n'exerce que des effets salutaires, l'Algérie devra en régler soigneusement l'usage et travailler à le réduire pro­gressivement au rythme de l'expansion du pays.

-------Enfin, l'Algérie a le plus grand intérêt à poursuivre une politique d'échanges orientée vers le commerce avec la Métropole, principalement en lui réservant son marché d'importation. Mais cette dis­cipline qu'elle doit s'imposer — et qu'elle s'impose — exige en retour que le placement de la production algérienne sur le marché métropolitain soit protégé comme production nationale.

(en millions de francs)

IMPORTATIONS

EXPORTATIONS

1954

1955

1956

1954

1955

1956 (1)

Métropole       

172.727

199.680

215.852

101.980

118.775

114.280

Union Française

20.500

16.339

18.404

12.160

11.347

10.522

Etranger          

25.172

27.832

38.365

26.047

31.061

25.327

Total

218.399

243.851

272.621

140.187

161.183

150.129

-------Il faut souligner d'abord que la comparaison de ces valeurs réelles ne met pas assez en lumière la progression effective des échanges, du fait que les prix de certains grands produits d'exportation n'ont pas toujours bénéficié d'une hausse comparable à celle que subissaient les prix des produits importés et qu'ils ont parfois même baissé de façon sensible.

-------La balance commerciale de l'Algérie, qui a é- t. excédentaire de 1937 à 1942, ert régulièrement déficitaire depuis 1946. Ce déficit qui atteignait 63,8 milliards en 1953 et 78,2 milliards en 1954, s'élevait à 83 milliards en 1955.

-------Les causes de ce déficit :

-------Le déficit de la balance commerciale va donc croissant d'année en année : les importations ne couvrent que 66 '/ des exportations en 1955, contre 65 % en 1954. Mais ici, trois ordres d'observations s'impo­sent :

-------En premier lieu, le déficit qui pourrait apparaître comme l'indice d'une conjoncture inquiétante, n'est en grande partie dans le cas présent, que la conséquence logique d'un effort massif d'équipement. En effet, la même situation se retrouve chaque fois qu'un pays insuffisamment développé réalise un effort d'expansion.

-------L'Algérie étant tenue, en effet, de se procurer à l'extérieur le matériel et les biens nécessaires à son équipement, la courbe de ses importations doit inévitablement, au moins dans un premier temps, pré­senter une pente plus rapidement ascendante que celle de ses exportations puisque celles-ci sont tribu­taires d'une augmentation de la production et par conséquent, d'un développement de l'équipement en moyens de production.

-------Ce déséquilibre est encore accentué par le fait que les investissements — et notamment les impor­tations de matériel — ne concernent pas exclusivement l'équipement économique, mais aussi l'équipe-ment social qui, au moins d'un point de vue purement comptable, est improductif. C'est là une cause de déséquilibre de grande importance, si l'on songe qu'un tiers des investissements est consacré à l'équi­pement social contre un peu moins de deux tiers à l'équipement économique.

-------Second facteur de déséquilibre, l'essor démographique, qui entraîne lui aussi une double conséquen­ce en ce qui concerne la balance commerciale : la population s'accroît numériquement d'année en année dans les proportions que l'on sait, en même temps que son niveau de vie s'améliore de façon continue et sensible.

-------De là, une augmentation constante des besoins intérieurs en produits de consommation :

-------1) Essentiellement en produits alimentaires pour faire face à l'accroissement démographique.
-------2) Plus généralement, en produits durables ou non durables, du fait de l'élévation du niveau de vie.

-------Ainsi, tandis que les importations augmentent, pour faire face à la demande intérieure (produits lai-tiers, sucre, thé, café, blé) un débouché de plus en plus important se trouve fourni sur place aux productions algériennes habituellement excédendaires et qui font ou faisaient l'objet d'un fort courant d'exporta­tion (blé, dattes, figues, etc...) par un marché intérieur de consommation en développement constant : les volumes exportés s'en trouvent réduits d'autant ; d'où la nécessité de rechercher de nouvelles pro­ductions de remplacement.

-------Enfin, dernière observation et non des moindres : la quasi totalité du déficit de la balance com­merciale de l'Algérie apparaît en général dans son commerce avec la zone franc alors qu'inversement, sa balance commerciale avec l'étranger est le plus souvent bénéficiaire ( La balance commerciale de l'Algérie avec l'étranger n'a pas toujours été positive. Déficitaire en 1951, 1952, 1953, elle a occupé un solde excédentaire en 1954 et 55, pour, en 1956, marquer un déficit important..)

-------Il ressort d'un tel bilan que le problème des devises ne se pose pas avec gravité à l'Algérie, au contraire des autres pays fortement importateurs.

-------Pays clients et fournisseurs de l'Algérie :

-------Comme en 1938, l'Algérie commerce pour 75 ou 80 % avec la Métropole. Mais tandis qu'en 1938 elle vendait à la Métropole plus qu'elle ne lui achetait, la situation s'est aujourd'hui renversée et ses achats en Métropole augmentent sans cesse : en 1954, 23,8 milliards de plus qu'en 1953 et en 1955 26,9 milliards de plus qu'en 1954. L'Algérie exporte en Métropole la majeure partie de ses vins, primeurs et agrumes, des semoules et des tabacs ; elle y achète entre autres des produits laitiers, phar­maceutiques. chimiques, des céréales, du sucre, des bois, des tissus, des machines, des automobiles.

-------Ses achats aux pays de l'Union Française continuent à augmenter. L'Algérie y trouve du café, du thé, des huiles végétales, des bananes, tandis que ses ventes (vins, tabacs) diminuent insensiblement.

-------Dans les échanges avec les pays étrangers, en 1954 apparaît un excédent de 900 millions de francs et de 3.229 milliards en 1955, le déficit avec la zone dollar étant largement compensé par les excédents du compte de la zone sterling. C'est, en effet, la Grande-Bretagne qui est, parmi les pays étrangers, le meilleur client de l'Algérie, par ses importations d'alfa et de minerai de fer. Viennent ensuite, l'Alle­magne, l'Italie (où l'Algérie exporte des fruits et légumes, des orges, des minerais de fer et des phosphates), les Pays-Bas et enfin les Etats-Unis d'Amérique (minerai de fer, liège, huile).

-------Viennent en tête de ses fournisseurs étrangers les Etats-Unis (houille, machines et tracteurs) suivis de la Grande-Bretagne.

-------Enfin, si l'Algérie trouve en la Métropole son premier client et son premier fournisseur, elle ..st aussi le premier client de la Métropole (avec 11,8 % des exportations métropolitaines totales) et son troisième fournisseur (avec 7,8 % des importationstotales). Ainsi, dans le commerce extérieur de la France métropolitaine, les importations d'Algérie se placent immédiatement après celles des U.S.A. (9,7 ', ) et de l'Allemagne occidentale (9,1 %).

-------Evolution du commerce extérieur de l'Algérie au cours des dernières années :

-------L'analyse de l'évolution des différents groupements d'utilisation entre les années 1953 et 1955 révèle tout d'abord que les importations d'énergie. de matières premières pour l'industrie, l'agriculture, et de produits de consommation ont augmenté, alors que les importations de moyens d'équipement semblent avoir atteint un palier et commencent nie-ne à diminuer en raison d'une certaine saturation du marché.

-------Au lendemain de la guerre, le tourisme algérien déjà fort réduit dans le passé, était pratiquement inexistant et ne disposait pas d'une organisation capable de relancer un mouvement touristique.

-------Or, la variété des sites, le climat, toutes les richesses folkloriques, les vestiges historiques, tout con-court à faire de l'Algérie un grand centre touristique pour peu qu'elle soit pourvue de l'équipement indispensable et que soit menée à l'extérieur une propagande destinée à la faire mieux connaître.

-------Cette politique fut entreprise par ies Pouvoirs publics dès les années 1948-1950 avec prudence d'abord de façon à maintenir un équilibre entre tous les secteurs qui interviennent dans l'activité tou­ristique. L'activité touristique, en effet, ne s'improvise pas et pour atteindre le niveau élevé auquel elle est parvenue, par exemple, en Métropole, elle doit posséder une organisation forgée jour après jour, au prix de longs et patients efforts. Un programme fut donc établi qui comportait des objectifs mo­destes, mais intéressait tous les secteurs à la fois.

-------Des crédit spéciaux, régulièrement croissants, furent affectés chaque année et à la remise en état des hôtels existants et à l'extension de l'équipement hôtelier ; les parcs automobiles furent recons­titués, les transports routiers et ferroviaires rénovés, la navigation aérienne développée.

-------Parallèlement à cet effort de rééquipement, l'action de propagande s'intensifiait attirant des touristes de plus en plus nombreux. Dans les grandes villes se tinrent Ors congrès de plus en plus rappro­chés, des navires en croisière firent escale dans les grands ports ; des circuits réguliers furent organi­sés par des entreprises privées avec l'aide des Pouvoirs Publics ; enfin, ce fut l'apparition de villages de toile qui, se multipliant rapidement, accueillirent sur les côtes algériennes, durant les mois d'été, de nombreux touristes métropolitains.

-------Si, en 1954, le mouvement touristique était encore loin d'atteindre lampleur du tourisme métropo­litain, des résultats sensibles avaient pu être obtenus.

-------L'intérêt grandissant pour l'Algérie qu'on était parvenu à susciter avait fait augmenter le nom­bre de touristes étrangers. Les chiffres d'entrée pour l'ensemble de l'Algérie sont difficiles à déga­ger, mais on peut indiquer que pour les seuls port et aéroport d'Alger, il s'élevait à 12.608 en 1954 ; 5 grands circuits touristiques étaient assurés pendant toute l'année, qui parcouraient le Nord comme le Sud de l'Algérie ; en 1954, il n'existait qu'un centre de vacances et 2 villages de toile en 1955, le tourisme populaire d'été disposait des centres de vacances ou des villages de toile suivants Herbillon, Les Afbis, Tichy, Cap-Aokas, Cap-Matifou, Zéralda, Francis-Garnier, Cherchell et les Andalouses.

-------Ainsi, voit-on que le mouvement touristique cannaissait en Algérie un essor considérable et nul doute qu'il aurait encore progressé si l'insécurité survenue depuis n'avait pas détérioré progressivement les résultats acquis. Certes, de nombreuses régions sont restées ou auraient pu rester ouvertes au tou­risme, mais les mouvements de touristes, essentiellement fluctuants, ne pouvaient pas manquer de se détourner très vite de l'Algérie.

-------Ainsi l'action séditieuse a détruit pour longtemps l'effet de plusieurs années d'efforts qui avaient abouti à créer de toutes pièces un « tourisme algérien

-------L'artisanat :

-------Il existe en Algérie un artisanat original de traditions très anciennes et d'une valeur artistique incontestable. Tapis, tissages, broderies, cuivres ciselés, bijoux, poteries en sont les produits les plus connus et les plus estimés.

-------Cependant, exposé à la concurrence des productions industrielles, affecté par l'évolution de la socié­té musulmane, cet artisanat se trouvait menacé et donnait des signes d'une décadence qui risquait de priver de leurs ressources la plupart des petits artisans. Pour y remédier a été créé un service de l'artisanat qui se propose de guider l'artisan, de le ramener . vers les sources traditionnelles de sen inspiration, de l'aider enfin à placer sa production.

-------Des résultats tangibles ont pu être ainsi obtenus : l'artisan a compris qu'en suivant les conseils et les directives qui lui sont donnés, qu'en modifiant ses méthodes de travail et ses techniques archaï­ques il parvient à améliorer ses productions et, par suite, à en assurer plus facilement l'écoulement.

-------L'aide qui lui est apportée se manifeste d'abord par la fourniture de matières premières de choix, laines en particulier, qui lui sont livrées, filées au calibre voulu et teintes selon une gamme de nuances étudiées au laboratoire. Elle se manifeste encore par la création de centres de perfectionnement artisanal dans les localités où l'artisanat est particulièrement développé. Ces centres où l'artisan trouve conseils et assistance, sont répartis sur tout le territoire : Aflou, Tlemcen, Mascara, Timimoun, Cherchell, La­ghouat, Tébessa, Philippeville, Khenchela, El-Oued, Sétif, Biskra, Grande-Kabylie, Bône.

-------D'autre part, l'artisan à domicile dont les moyens financiers sont insuffisants peut recevoir des avances de matières premières et des prêts de matériel et d'équipement. Une importante masse de prêts, plus de 90 millions, est répartie par l'intermédiaire de la société de prévoyance artisanale d'Al­ger et par les sociétés agricoles de prévoyance, notamment par celles qui sont dotées d'une section artisanale.

-------Qu'il s'agisse de tissages, de broderies, de dentelles, de vanneries, de poteries, de bijoux, de dinan­derie, de sellerie, l'aide à l'artisan se complète par une organisation commerciale avec contrôle de la fabrication, exposition des produits finis et estampillage en vue d'une commercialisation rationnelle et rémunératrice.

-------Au cours de l'année 1956, ont été soumis à la formalité de l'estampillage 52.874 tapis représentant une superficie totale de 118.320 mètres carrés et 412.349 kilogrammes.

-------Ainsi, l'activité des services artisanaux prend les formes les plus variées. Il est utile de mentionner les efforts qui sont déployés pour permettre l'écoulement des produits de bonne qualité et en consé­quence, procurer à l'artisan, et surtout à l'artisane, un salaire d'appoint appréciable. Le chiffre des ven­tes réalisées par la société de prévoyance artisanale d'Alger, chargée de la commercialisation de la pro­duction artisanale pour l'ensemble de l'Algérie, a doublé de 1955 à 1956, preuve que l'action engagée en Algérie en faveur des artisans est vraiment efficace.

-------Conclusion

-------L'activité et l'évolution du commerce intérieur restent difficiles à estimer, étant donnée la rareté des indices chiffrés. Les seuls renseignements précis concernent le nombre de créations, mutations et radiations du registre du commerce.

-------Ils manifestent une certaine stabilisation de la propriété commerciale, conséquence d'une part, pour quelques secteurs, de la présence d'effectifs militaires consommateurs et d'autre part, des mesures pri­ses pour protéger le commerçant mobilisé.

-------En ce qui concerne l'évolution du commerce extérieur au contraire, les statistiques douanières per-mettent de définir avec précision la situation de la balance commerciale, qui est caractérisée essentiel­lement par un déficit croissant.

-------Ce déséquilibre, conséquence de l'effort d'industrialisation entrepris en Algérie depuis plusieurs années, naît, paradoxalement, de la recherche d'un nouvel équilibre économique. En effet, l'économie algérienne, exclusivement agricole jusqu'à une date récente, s'ouvre progressivement à la vocation industrielle, puisque la part du secteur industriel dans le revenu global intérieur brut de l'Algérie qui est actuellement de 32 % environ pourra s'établir prochainement aux environs de 40 %.

-------D'autre part, l'élévation du niveau de vie que révèlent l'augmentation de certains postes à l'impor­tation (biens de consommation) et la diminution des mêmes postes à l'exportation, contribue à accroître le déséquilibre.

-------Comment est compensé ce déficit ? Par un apport extérieur de capitaux et de revenus publics et privés .

LE COMMERCE INTERIEUR

-------Les centres commerciaux :

-------Le commerce intérieur est surtout actif dans les grandes villes : les plus peuplées, Alger, Oran, Bône viennent en tête, d'autant qu'elles sont le lieu d'un important trafic maritime. Dans l'intérieur, Cons-tantine et Tlemcen sont des places actives. De nouveaux centres comme Colomb-Béchar et d'autres ag­glomération du Sud ont vu leur commerce se développer en fonction de l'extension des exploitations existantes.

-------Les marchés hebdomadaires des petites villes et villages de l'intérieur sont plus pittoresques qu'importants. Cependant, dans certaines régions d'élevage ou certains centres agricoles, les transactions prennent parfois une ampleur non négligeable (Souk-Ahras, Kroubs, Maison-Carrée, Boufarik, Tiaret).

-------L'action des Chambres de Commerce :

-------La vie commerciale est suivie par huit chambres de commerce — Alger, Oran, Bône, Constantine, Bougie, Mostaganem, Mascara, Philippeville — dont le nombre pourrait être accru prochainement en fonction de la réorganisation territoriale de l'Algérie. Ces assemblées consulaires sont habilitées à donner leur avis aux Pouvoirs publics sur toutes les questions économiques : règlements relatifs aux usages commerciaux et aux créations commerciales nouvelles. Elles ont la gestion des concessions d'outillages portuaires publics.

-------Leur action est coordonnée depuis 1935 par la « Région économique d'Algérie » dont la compé­tence s'étend à l'ensemble des problèmes concernant la production, la circulation et la consommation de toutes les denrées et matières commercialisables. L'action des Chambres de Commerce sur le plan de leur circonscription, et celle de la Région Economique sur le plan général, sont le plus souvent communes en raison de leur étroite collaboration.

-------Les Chambres de Commerce ont fondé un enseignement spécial destiné aux futurs chefs d'entre-prises, commerçants et employés de commerce. La Chambre d'Alger a créé, en outre, une « Ecole supérieure de Commerce » (actuellement gérée par la Région Economique) et le « Centre Algérien de la Gestion des Entreprises ». D'autre part, la Région Economique d'Algérie s'est attachée, dans le domaine de la recherche scientifique, à l'étude de la mise en valeur des produits algériens. Créée en 1951, lla « Station Expérimentale de Recherches et d'Essais Frigorifiques Louis Morard » examine notamment les problèmes de l'utilisation du « Froid » dans l'entreposage, des transports et de la con­servation de toutes les denrées périssables que l'Algérie, pays chaud, produit en quantités importantes.

-------Importance de l'activité commerciale :

-------Les circuits d'échanges intérieurs manifestent, comme les autres domaines, que l'organisation éco­nomique de l'Algérie est celle d'un pays en pleine évolution.

-------Deux types d'activités s'y côtoient, en effet, dont l'importance et les méthodes de travail diffèrent profondément : d'une part, un circuit commercial évolué qui participe à l'ensemble économique moder­ne, particulièrement actif, comportant une infinité d'échanges et réunissant aussi bien des Musulmans que des Européens ; d'autre part, un petit commerce de caractère artisanal qui fait vivre une impor­tante population d'origine autochtone et demeure rudimentaire et réduit.

-------Puisque déjà, le nombre de commerçants en activité ne peut être établi que de façon très approxi­mative, il n'est guère possible d'évaluer précisément l'importance numérique respective de ces deux groupes économiques. Trop de commerçants, en effet, négligent complètement l'immatriculation au registre du commerce. Ne comprenant pas l'intérêt d'une telle institution, un grand nombre de bouti­quiers omettent de déclarer leur activité, voire de requérir — eux ou leurs héritiers — leur radia­tion quand ils se retirent des affaires. D'autres encore, n'ont que des activités intermittentes, ou insta­bles qui ne se prêtent guère au recensement. Ainsi, toutes les créations de commerce seraient-elles régulièrement immatriculées qu'il faudrait encore procéder à une discrimination difficile.

-------Toutefois, compte tenu de ces réserves, on peut indiquer qu'en 1954, il existait un total de 309.964 immatriculations aux 17 greffes de l'ensemble du territoire algérien.

-------En 1938, on enregistrait 1.904 créations de fonds de commerce et 737 faillites ou liquidations judi­ciaires. Tandis qu'en 1946, on avait respectivement 42.814 et 37, chiffres exceptionnels dus à la brusque reprise des activités économiques au lendemain de la guerre ; entre 1947 et 1952 on assistait à une normalisation progressive du commerce intérieur (22.000 nouveaux commerces en 1949, 15.532 en 1950, 12.967 en 1951 et 8.550 en 1952) puis à une stabilisation au niveau moyen annuel de 3.400 créations pour 1953 et 1954. Par contre, l'année 1955 a été marquée par une reprise assez sensible avec 4.008 créations nouvelles et 96 liquidations ou faillites seulement, contre 125 l'année précédente.

-------Par ailleurs, le montant total des disponibilités monétaires en Algérie peut fournir une indi­cation valable : il atteignait au 31 décembre 1952 191 milliards, au 31 décembre 1954, 272 milliards et au 31 décembre 1955, 326,5 milliards.

-------Il ressort de cette analyse que l'activité commerciale de l'Algérie suit une nette progression, parallèlement au mouvement d'expansion économique du pays, qui a pu être observée au cours de ces dernières années.

-------Toutefois, le niveau de l'activité commerciale, comme celui du développement économique en général, reste bas et il n'est, pour s'en convaincre, que de se reporter aux chiffres correspondants de la Métropole où le montant des disponibilités monétaires atteignait en 1952 — pour ne prendre que cet exemple — 4.157 milliards, soit près de 22 fois plus pour une population 5 fois plus nombreuse seulement. Encore faut-il considérer que la vitesse de la circulation de la monnaie est plus grande en France qu'en Algérie, où l'usage des chèques et de la lettre de change est beaucoup moins répandu que dans les pays plus évolués.

-------Le commerce intérieur dans la conjoncture exceptionnelle présente :

-------Les éléments statistiques fournis pour l'année 1955, permettent également de constater que l'activité commerciale de l'Algérie n'a pas été affectée par la conjoncture politique de l'année 1955, quoique plusieurs zones d'insécurité aient connu un certain marasme. Il convient, au reste, de souligner qu'un programme d'action comportant des dispositions bienveillantes à l'égard des débiteurs de bonne foi, des prorogations d'échéances ou des concours financiers nouveaux a été appliqué en faveur des com­merçants victimes des événements.

-------Au demeurant, la tendance à la stabilité des prix qui s'était manifestée de 1952 à 1954 s'est main-tenue pendant l'année 1955 avec les mouvements saisonniers habituels, et a permis une forte progres­sion des chiffres d'affaires commerciaux.

-------Cependant, un examen approfondi permet de constater deux tendances qui pourraient aller en s'ac­centuant au cours de l'année 1956.

— L'une, paralysante, a exercé son influence sur les domaines et dans les régions atteintes par la rébellion, à savoir essentiellement les transports routiers, le tourisme, les biens d'équipement agricole et les investissements privés.

— L'autre, stimulante, résultant de la présence des forces de l'ordre, s'est exercée principalement dans les secteurs des produits alimentaires et de la restauration, et plus faiblement, de l'hôtellerie et des spectacles.

-------Le tourisme :

-------Le tourisme en Algérie mérite une mention toute spéciale ; il a, en effet, connu un développe-ment remarquable au cours des dernières années à la suite des efforts persévérants qui visaient à en faire l'un des facteurs de l'expansion économique du pays.

1) Des revenus privés à savoir les envois de fonds effectués par les travailleurs, algériens en Métro-pole.

2) Des revenus publics versés sous forme de traitements, salaires et pensions.

3) Des capitaux privés qui s'investissent en Algérie.

4) Des capitaux publics, tels les investissements de l'administration métropolitaine, les emprunts du Trésor Algérien, etc...

-------Parmi ces apports extérieurs les transferts de salaires et les investissements de l'administration mé­tropolitaine sont quantitativement les plus importants.

-------De plus, l'ensemble de ces apports joue un rôle essentiel en élevant, dans l'immédiat ou à long terme, le pouvoir d'achat de la population.

-------Que la balance commerciale soit en déficit croissant sans que l'économie algérienne en souffre, cela prouve de façon concrète que l'Algérie livrée à ses seules ressources ne pourrait ni s'équiper ni se développer puisque l'équilibre n'est rétabli que grâce au concours toujours accru de la Métropole.