-----------La présente
étude traite de l'installation d'un miroir parabolique de 50 m2
de surface réfléchissante utile et du programme de recherches
sur l'utilisation de l'énergie solaire qu'il concentre à
son foyer ; celle-ci correspond à une puissance de 50 KW environ
lorsque la nébulosité du ciel est nulle.
-----------Ce
miroir est un prototype construit par les Etablissements Sautter-Harle
à Paris ; il est installé dans l'enceinte de
l'Observatoire
de la Bouzaréah, qui appartient à l'Université
d'Alger.
-----------Dans
le cadre de l'action menée par le Conseil Supérieur de la
Recherche Scientifique appliquée en Algérie, ce miroir est
principalement destiné à la synthèse, par voie thermique,
de l'oxyde azotique, mais d'autres utilisations sont également
prévues.
-----------L'appareil
ne comporte qu'une seule réflexion sur des éléments
en aluminium poli électrolytiquement. Le rayonnement solaire se
concentre au foyer et permet d'atteindre des températures de l'ordre
de 3.000" centigrades. Le rayonnement ultra-violet solaire est conservé.
-----------L'Afrique
du Nord Française et, en premier lieu, les trois départements
Français d'Algérie avec leur prolongement saharien, offrent
de vastes espaces qui sont très fortement et très longuement
ensoleillés dans l'année et n'ont pas de vocation agricole
ou industrielle bien définie pour le moment. Ceci explique les
efforts faits par l'Administration Algérienne en faveur de l'expérimentation
précitée.
o O o
- GENERALITES SUR L'ENERGIE
SOLAIRE ET SA CAPTATION.
-----------En l'absence
d'atmosphère, on recevrait sur une surface de 1 cm2 placée
normalement aux rayons du soleil une quantité de chaleur dont la
valeur moyenne est de 1, 94 petite calorie par minute soit, 1,35 KW par
m2.
-----------L'atmosphère
diminue fortement, par absorption et par réflexion diffuse, cette
quantité d'énergie qui est appelé " constante
solaire ".
-----------On
appelle " radiation solaire directe " en un lieu et à
un instant donné, la quantité d'énergie réellement
perçue sur une surface de 1 cm2 normale aux rayons solaires.
-----------Ses
valeurs, résultant d'observations journalières sur cinq
années consécutives, évoluent dans les stations météorologiques
ci-après choisies, entre des minimum et maximum annuels moyens
qui sont :
STATIONS
|
COORDONNEES
|
PETITE CALORIE/cm2/MINUTE
|
Latitude
|
Longitude
|
Altitude
|
ALGER
|
36° 46' N
|
3"3'E
|
59 m.
|
Minimum 1,39 en
Décembre
Maximum 1,47 en Avril
|
CASABLANCA
|
33° 36' N
|
7" 37' 0
|
35
|
Minimum 1,44 en
Janvier
Maximum 1,53 en Avril
|
IFRANE (Moyen Atlas Maroc
|
33°31'N
|
5° 7'°W
|
1.635
|
Minimum 1,60 en
Janvier)
Maximum 1,70 en Mai
|
ARIANA
TUNIS
|
36°49'N
|
10°17'E
|
10
|
Minimum 1,51 en
Décembre
Maximum 1,70 en Octobre?
|
NICE
|
43° 42' N
|
7°16'E
|
0
|
Minimum 1,35 en
Décembre
Maximum 1,46 en Avril
|
PARIS
|
48°49'N
|
2° 29' E
|
50
|
Minimum 1,05 en
Décembre
Maximum 1,37 en Avril
|
-----------L'ensoleillement
sur le littoral nord-africain excède 3.000 h par an alors qu'il
tombe à 2.500-3.000 sur le littoral français de la Méditerranée,
à moins de 2.000 dans le centre de la France, à moins de
1.800 dans la région parisienne et à moins de 1.900 sur
le littoral de la Manche.
-----------Dans
les régions situées au sud de l'Atlas Saharien, l'ensoleillement
moyen pourrait atteindre 4.500 heures par an.
-----------On dispose
donc sur le littoral nord-africain de 3.000 KW-H environ d'énergie
calorifique par m2 et par an. La transformation de cette énergie
calorifique en énergie mécanique ne peut, ave les moyens
actuels de la technique, se faire avec de bons rendements. Aussi paraît-il
préférable d'utiliser cette énergie sous la forme
calorifique mais en la portant à un haut potentiel énergique
par concentration au moyen de miroirs.
-----------Aussi
bien les remarquables travaux qui se poursuivent en France métropolitaine
sous l'égide du Professeur Félix Trombe, directeur du laboratoire
de l'énergie solaire du Centre National de la Recherche Scientifique
sont-ils orientés maintenant vers toute les utilisations des hautes
températures : cuis-son de pièces céramiques, traitement
et purification de matières ultra-réfractaires, etc.
-----------Au
laboratoire de Mont-Louis, dans les Pyrénées, situé
à 1.600 m d'altitude, fonctionne le four solaire le plus grand
du monde actuellement. Il se compose
------------
d'un miroir plan de 135 m2 réalisé par la juxtaposition
de glaces planes, qui est orienté continûment sur le soleil
par une lunette actionnant des cellules photoélectriques commandant
elles-mêmes deux vérins à l'aide d'un circuit d'huile
sous pressicn ;
------------
d'un réflecteur parabolique fixe de 90 cm2 constitué de
glaces élémentaires en verre argenté sur la face
arrière ;
------------
de creusets jouant au foyer le rôle de corps noir.
-----------Le
four solaire dont la description fait l'objet du présent rapport
répond à une conception quel-que peu différente.
Sa puissance le classe actuellement aussitôt après celui
de Mont-Louis.
-----------Un
échange systématique de renseignements scientifiques entre
les chercheurs d'Algérie et ceux du Centre National s'est instauré
dès 1949.
o O o
II. - CONCEPTION ET
REALISATION DU MIROIR D'ALGER.
-----------On a
décidé de construire un appareil d'expérimentation
qui permette la mise en oeuvre ultérieure d'une exploitation à
l'échelle industrielle. Il fallait donc réunir le maximum
des possibilités permises par une réalisation de ce genre
dans le domaine des températures et de leur utilisation.
-----------On
a cherché à conserver au maximum, dans le rayonnement concentré,
les constituants du rayonnement incident. En particulier, on a voulu éviter
les pertes dans l'ultra-violet et écarter de ce fait l'emploi du
verre et de l'argent.
-----------Enfin,
l'appareil a pour but principal les recherches sur la fixation de l'azote
de l'air, par synthèse thermique de l'oxyde azotique.
-----------Les
objectifs ci-dessus ont conduit à adopter les principes suivants
qui ont eux-mêmes condition-né l'exécution de l'ensemble
miroir-four solaire.
------------
Les surfaces réfléchissantes sont en aluminium, qui conserve
un pouvoir réflecteur acceptable dans toute l'étendue du
spectre solaire.
------------
L'appareil ne comporte qu'une seule réflexion en vue de supprimer
tôut miroir intermédiaire.
------------
La réflexion unique oblige à orienter constamment l'axe
de l'appareil dans la direction du soleil et impose un double mouvement
à la partie active du réflecteur, autour de l'axe du monde
et surtout de l'axe de déclinaison perpendiculaire au précédent.
Il en résulte un montage analogue à celui des appareils
astronomiques. Les difficultés d'équilibrage,l'augmentation
de poids, la précision du réglage, la nécessité
de résister aux efforts du vent, variables Suivant la position
de l'axe du réflecteur, ont été acceptées
en compensation des avantages procurés par la réflexion
simple.
|
|
------------ La
recherche de la précision pour l'obtention d'une concentration
réelle élevée a entraîné une étude
spéciale des déformations en service et l'adoption de dispositions
constructives susceptibles de les réduire (précontrainte
des charpentes).
------------
Le choix de l'aluminium poli pour l'exécution des surfaces réfléchissantes
de dimens'on relativement importantes donnant une précision suffisante
par rapport au profil théorique, a posé des problèmes
de fabrication assez délicats qui ont été résolus.
------------Les
éléments réfléchissants ont pu être
obtenue avec le concours des spécialistes de l'Aluminium français,
par emboutissage unique et protection de surfaces actives par le dépôt
d'un film de matière plastique synthétique. Le polissage
a été obtenu par voie électrolytique. La précision
exigée des formes a nécessité un usinage très
soigné de l'outillage d'emboutissage. La rigidité des éléments
en aluminium et la conservation des formes ont été obtenues
par un dessin judicieux des contours et la mise au point d'une technique
spéciale d'emboutissage. Les résultats sont satisfaisants.
La précision optique obtenue, par rapport aux formes théoriques,
varie entre 1,5 millième dans la partie centrale et 4 millièmes
au bord des éléments, quel que soit le rayon de courbure
moyen. Le pouvoir réflecteur global est de l'ordre de 82 %. On
a étudié les mesures à prendre pour sa conservation
en exploitation.
-----------La
charpente du réflecteur est réalisée par des formes
méridiennes assemblées sur un mât conique central
et mise en tension préalable au moyen de fils d'acier. L'étude
expérimentale des efforts et des déformations résultant
de l'action du vent et de la pesanteur a été faite en soufflerie
sur modèle ré-duit.
-----------Les
mouvements sont réalisés, tant pour l'axe horaire que pour
l'axe de déclinaison, par des réducteurs de précision
attaqués par des moteurs électriques. La précision
angulaire obtenue est inférieure à 0.04 millième.
Des commandes pour la manoeuvre rapide ont été prévues
à des étages intermédiaires des chaînes de
démultiplication. Le réglage fin sur l'image solaire est
obtenu par un système photo-électrique.
La charpente du réfecteur
-----------Le
porte-four est fixé directement au caisson central de la charpente
du réflecteur et a été établi pour obtenir
les plus faibles déformations dans toutes les positions de fonctionnement,
sans réaction sur la surface réfléchissante. Les
formes du support ont été conçues pour perdre le
moins possible du rayonnement dans la zone concentrée. Le porte-four
est en communication avec des sources extérieures électriques
et à air comprimé.
-----------Un
occulteur réglable permet de faire varier la puissance absorbée
par le four solaire. Un dispositif automatique de fermeture à action
rapide assure la sécurité dans la zone de concentration.
-----------L'appareil
a été prévu pour résister de lui-même
à l'action d'un vent de 200 km à l'heure. Il est amené
automatiquement dans sa position de moindre résistance au vent
dès que la vitesse de ce der-nier atteint 40 km-heure. En outre,
un hangar mobile vient protéger l'appareil contre les intempéries
et permet les travaux d'entretien.
-----------Les
dimensions principales de l'appareil sont les suivantes :
-- Partie active du réflecteur, diamètre extérieur
: 8,40 m
--Partie active du réflecteur, diamètre intérieur
1,83 m
--Distance focale 3,14 m
--Surface offerte au rayonnement solaire (brute) 55 m2 environ
--- Surface offerte au rayonnement solaire (nette) 50 m2 environ
--Nombre de couronnes d'éléments réflecteurs : 5
--Nombre d'éléments 1 '° couronne : 16
-- Nombre d'éléments 2'iii' couronne : 24
--Nombre d'éléments 3,lle couronne : 28
--Nombre d'éléments 4"ie couronne : 36
-- Nombre d'éléments 5itii' couronne : 40
-- Nombre total d'éléments : 144
--Vitesse maxima admise pour le vent sur l'appareil en travail : 40 km-heure
-- Pression maximum admissible hors service : 245 kg-m2
-- Poids total de l'appareil : 40 tonnes environ
III. - CONCLUSIONS.
-----------Le four
solaire de la Bouzaréah et l'équipe de techniciens qui y
est attachée constituent un puissant moyen d'investigation scientifique
offert d'ailleurs à tous les chercheurs qu'intéresse la
captation et l'utilisation de l'énergie solaire et tout particulièrement
aux savants qui, en France, ont fait progresser substantiellement cette
nouvelle science appliquée.
-----------Les trois
départements français d'Algérie présentent
des possibilités d'ensoleillement remarquables et. cette raison
s'est jointe à la précarité actuelle des moyens énergiques
du pays pour convaincre le Gouvernement Général de l'Algérie
et son Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique Appliquée
de progresser dans cette voie.
-----------Leur
superficie totale est de 2.200.000 km2 dont 209.000 seulement pour les
régions littorales et sublittorales à forte densité
de population et à productions vivrières normales. Sur ce
vaste territoire vit une population en perpétuel accroissement
: près de 9.000.000 d'habitants à l'heure actuelle.
-----------Les ressources
énergétiques de base ne comprennent, pour le moment, qu'une
exploitation houillère située à 600 km de la côte,
exploitée au rythme actuel de 300.000 T./an et une production hydroélectrique
très variable en fonction de l'hydraulicité. Sa production
en année humide a été évaluée à
330 mil-lions de KW-H dont 180 proviennent d'un important ouvrage de production
hydroélectrique régularisée, qui a été
mis en service récemment.
-----------Dans
quelques années, cet ensemble hydroélectrique sera complété
par un deuxième ouvrage régularisé capable de plus
de 320 millions de KW-H annuels. A ce moment, la satisfaction des besoins
en énergie électrique du pays évaluée à
près du milliard de KW-H sera satisfaite pour les 2/3 sensiblement
par de l'énergie hydroélectrique mais pour un peu moins
de 50 % par de l'énergie hydroélectrique régularisée.
-----------Par ailleurs et bien que les recherches
de pétrole brut aient été systématiquement
lancées sur plus de 600.000 km2 de permis, l'Algérie ne
dispose actuellement que d'un petit gite d'excellent brut dont
la réserve exploitable ne dépasserait pas 1.000.000 de tonnes.
-----------On
conçoit donc qu'il faille activement se préoccuper de sources
autonomes d'énergie pour éviter un déséquilibre
croissant entre la demande et les possibilités énergétiques
d'une région effectivement liée à la Métropole
par de multiples liens mais isolée géographiquement.
-----------Tout
particulièrement dans le domaine des engrais, l'agriculture algérienne
est étroitement dépendante des importations. La naissance
d'une industrie des dérivés synthétiques de l'azote
par l'emploi de l'énergie solaire est maintenant concevable et
hautement souhaitable.
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