Alger, Algérie : documents algériens
Série économique :
une étape de progrès aux Chemins de Fer Algériens
n°111- 20 octobre 1954

Dès 1947, les chemins de fer algériens mettaient en œuvre un vaste programme d'investissements qui a permis de substituer la traction électrique à la traction à vapeur sur la voie normale et de renouveler une très notable partie du matériel roulant.

mise sur site le 6-01-2005
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-------Dès 1947, les chemins de fer algériens mettaient en œuvre un vaste programme d'investissements qui a permis de substituer la traction électrique à la traction à vapeur sur la voie normale et de renouveler une très notable partie du matériel roulant.
-------La " diéselisation ", commencée en 1948, est actuellement terminée sur les lignes à voie normale et commencée sur celles à voie étroite.
-------C'est ainsi que le premier réseau comprend actuellement 77 locomotives Dieselélectriques, 4 fourgons automoteurs, 25 autorails et 41 locotracteurs de gare. Le parc locomoteur du second est formé par 10 locomotives Dieselélectriques, 91 locomotives à vapeur, 20 fourgons automoteurs et 14 locotracteurs de gare.
-------Le parcours moyen d'une locomotive Dieselélectrique pour voie normale a été en 1953 de 103.949 kilomètres, celui d'une locomotive à vapeur pour voie étroite de 20.511 km. On voit ainsi l'avantage de la diéselisation.
-------Le réseau électrifié (tout entier en voie normale) s'est également développé. Dans la dernière période quinquennale, sur la ligne minière, on a prolongé l'électrification jusqu'à Tébessa, où une nouvelle sous-station de transformation a été édifiée, et au Kouif, à 259 kilomètres du port de Bône. Le développement des voies électrifiées avec les antennes de Tarja, Ouenza et Bou-Kadra, atteint maintenant 310 km le parc existant de 31 locomotives électriques en service depuis plus de 20 ans, n'a cependant pas eu besoin d'être augmenté.
Les voyageurs ont été l'objet, ces dernières années, d'une particulière attention.
-------L'apparition des voitures Inox a fait bonne impression dès leur mise en service. Leur poids n'est que de 30 tonnes, alors que les voitures métalliques qu'elles remplacent sur les relations les plus rapides pesaient 41 tonnes. A l'heure actuelle, 60 d'entre elles roulent sur les lignes algériennes. Trente-trois autres voitures allégées, traitées dans un style également très moderne, ont été affectées aux voies étroites.
Le matériel marchandises a bénéficié de deux améliorations principales, l'une quantitative, l'autre qualitative.
-------La charge utile de tous les nouveaux véhicules s'établit autour de 20 tonnes, au lieu de 10 tonnes précédemment. On pouvait déjà dire en 1948 que la plus grosse fraction du tonnage transporté par les C.F.A. en voie normale reposait sur les châssis d'environ 1.500 wagons neufs ou en très bon état, l'ensemble de tous les autres ne constituant qu'un appoint, sans compter un parc très important de wagons miniers auto-déchargeurs.
-------Cette masse d'excellents wagons s'est accrue depuis de 1.300 unités, toutes fabriquées en Algérie par la Société Nord-africaine de matériel des chemins de fer (à l'Allelick, près de Bône).
(1) Voir Document Algérien - n° 76 - Série Économique - du 20 mars 1951 : " Les Chemins de Fer Algériens ".
-------Pour répondre à des besoins qui se font jour, les C.F.A. ont acquis et mettent à la disposition des usagers environ 250 containers de toutes capacités dont certains sont spécialisés pour le transport des liquides, et ils en attendent une centaine d'autres.
-------Bien entendu; les grands ateliers de matériel roulant de Sidi-Bel-Abbès, Perrégaux et Bône ont dû être réorganisés en vue de l'entretien et de la réparation des voitures en métal inoxydable et des wagons modernes ou modernisés ; les 314 de l'effectif du parc total, marchandises du réseau, sont munis du frein continu.
-------Les voyageurs ont pu assister, des fenêtres largement dégagées vers l'avant ou vers l'arrière des toitures et des autorails à d'autres transformations dans le domaine de la signalisation. Dès 1948, le feu vert, signal de voie libre, était généralisé ; les passages en vitesse et les croisements sans arrêts dans les gares à voie unique ont été étendus à la ligne de Sainte-Barbe-du-Tlélat à la frontière marocaine ; les curieuses cibles noires, servant de toile de fond à des feux colorés que de longues visières rendent perceptibles à distance, de jour comme de nuit, même par grand soleil, équipent toutes les entrées de gare jusqu'au delà de Sidi-Bel-Abbès et progressent de mois en mois vers Oujda. Une grande quantité de portiques légers sont destinés à la manutention des containers ; de hauts pylônes supportent des batteries de projecteurs éclairant les faisceaux de triage ; de petits véhicules sur pneus, rapides et adroits, sont utilisés à pousser des wagons ou à manipuler des gerbes de colis ; on peut remarquer également le foisonnement des embranchements industriels au voisinage de toutes les grandes villes, particulièrement d'Alger, ainsi que la multiplication des haut-parleur, dont aucune gare d'une certaine importance n'est plus dépourvue.
-------Ce que les voyageurs ne peuvent que soupçonner en constatant la douceur du roulement sur toutes les voies malgré des vitesses qui atteignent souvent le 120 à l'heure, c'est que la totalité de la grande rocade est maintenant armée en rails lourds ; que les rails de calibre moyens passent progressivement sur les lignes secondaires et les voies étroites ; que les chocs aux joints disparaissent, soit que le nombre de ceux-ci se raréfie par la généralisation de la soudure des barres en longueurs de 30 à 36 mètres et même davantage, soit que la tenue de ceux qui restent soit maintenue excellente tout au long de l'année même après de longues périodes d'intempéries, par les méthodes industrielles d'entretien telles que le soufflage mécanique.
-------On peut voir, pendant le trajet, les cantonniers manier le long des voies cette multitude de petits appareils en gris, en rouge ou en jaune, où aboutissent des câbles électriques et des conduites d'air comprimé, et grâce auxquels le dur et lent travail de bourrage de ballast à la batte a pratiquement disparu presque partout. On voit quelquefois ces énormes engins de terrassements, bulldozers, rouleaux compresseur, mélangeurs de terre, défonceuses, arroseuses, et toute la famille des niveleuses qui, avec une agilité surprenante, enjambent les voies, les fossés, les talus et remplacent sur des centaines de mètres, pendant le court intervalle qui sépare le passage de deux terrains, des voies entières avec leurs rails et leur travelage en bois par des rails plus lourds équipés de traverses en acier ou en béton armé ; à moins qu'ils ne rejettent totalement de côté la plate-forme elle-même et construisent sur le vide ainsi creusé un remblai entièrement neuf, fait en terres apportées, répandues, compactées, revêtues d'un enduit bitumeux et enfin ballasté et armé juste à temps pour laisser passer le premier train Inox.

 

--------Tous les moyens, auxquels il faut ajouter l'achèvement des circuits téléphoniques à appels sélectifs sur presque toutes les lignes et l'installation des derniers postes centraux de régulation et de commandement ainsi qu'une simplification considérable du vieux Règlement général, ont permis aux exploitants des Chemins de fer algériens de réaliser des moyennes intéressantes pour un pays aussi accidenté, tenues régulièrement avec un confort absolu pour les usagers, et qui auraient paru impossibles il y a seulement cinq ans:
-------Alger-Oran en cinq heures (420 kilomètres avec 10 arrêts).
-------Alger-Constantine en sept heures (464 kilomètres).

-------Des relations secondaires : d'Alger à Blida et à Djelfa, de Philippeville à Batna et Touggourt, d'Oran à Mostaganem et à Colomb-Béchar, et dernièrement Alger-Bougie, ont été elles aussi notablement accélérées.
-------La ligne anciennement à voie étroite de Bône à Saint-Charles vient d'être mise à voie normale. Le profit et le tracé très défectueux, qui avaient des caractéristiques de " tortillard ", ont été mis au niveau de ceux d'une grande ligne. Ils ont donné lieu à la construction d'un grand nombre d'ouvrages importants, pour la plupart en béton armé dont les plus remarquables sont : un pont de 40 mètres sur l'Oued Saf-Saf près de Saint-Charles, un viaduc courbe de 220 mètres en 15 travées sur une vallée, et surtout à Bône un grand carrefour surélevé composé de rampes en Y de 465 mètres de longueur, dont le projet a été établi par l'Administration des Ponts et Chaussées et la réalisation confiée aux Chemins de Fer; cet ouvrage supprime le nœud inextricable de routes de bifurcations et de passages à niveau qui faisait goulot pour toutes les voies de communication aboutissant à la ville et venant de l'Est du Sud et de l'Ouest; il transformera complètement et très heureusement l'entrée de la ville de Bône; cette grande voie d'accès d'où une vue admirable s'étendra sur la mer et les montagnes a déjà reçu le nom de " Route Aérienne ".
-------Rappelons enfin que le développement des chemins de fer algériens s'élève à 2.366 kilomètres pour la voie normale et 2.110 pour les voies étroites.
-------Le prix du kilomètre-voyageur est de
-------Plein tarif : 9 fr. en 1è cl. pour les grands parcours.
------- 7 fr. en 2è cl.
-------5 fr. en 3è cl.
-------Le tarif réduit dans certains trains et sur des parcours désignés est de
-------lè classe : 5,60 fr.
-------2è classe : 4,50 fr.
-------3è classe : 3,20 fr.

-------Les horaires des principales relations au départ ou à l'arrivée d'Alger sont publiés tous les jours dans les journaux quotidiens.
-------Malheureusement, il n'est pas possible d'éluder la question financière, qui se pose de façon aiguë. Le compte rendu de gestion de l'exercice 1953 révèle que, pour 11.134 millions de recettes, les dépenses d'exploitation se sont élevées à 17.785 millions, accusant un déficit de 6.651 millions. Encore n'est-il pas compté dans ces chiffres le crédit de 3.000 millions alloué aux C.F.A. sur le Fonds d'Expansion économique pour les renouvellements de voie et de matériel roulant.
-------L'Assemblée algérienne, qui finance l'insuffisance de recettes sur le budget de l'Algérie, ainsi que le Pouvoir central, se sont émus de cette situation, et ont demandé qu'il y soit remédié d'urgence, car elle est déjà ancienne et s'aggrave d'année en année.
-------L'étude nécessaire est en cours mais il apparaît d'ores et déjà que le déficit provient en majeure partie des lignes de pénétration à voie étroite : Oran, Colomb-Béchar, La Macta, Burdeau, Blida, Djelfa, Biskra, Touggourt, Ouled Rhamoun, Tébessa, Khenchela. En effet, d'une longueur presque égale à celle des voies normales, elles ont un trafic dix fois moindre, car elles desservent des régions pauvres. Et, malgré leur modernisation récente, la concurrence routière diminue encore ce trafic. Il semble impossible d'entretenir sur ces lignes à la fois une route qui existe déjà en presque totalité, et une voie ferrée parallèle. Comme il ne peut être question de supprimer la route, l'étude porte en particulier sur le point de savoir s'il ne serait pas avantageux de fermer progressivement ces voies étroites.
-------L'une des causes des difficultés financières du réseau réside également dans la politique d'amélioration des conditions de vie, suivie jusqu'ici en ce qui concerne le personnel. Celui-ci par une assimilation avec les employés de la S.N.C.F., bénéficie de primes de toutes sortes. Cette situation qui démontre une fois de plus la volonté d'assimilation des travailleurs algériens à ceux de la Métropole crée des charges qui malheureusement obèrent fortement le Budget.
-------L'Administration algérienne a pensé également à appliquer aux Chemins de Fer Algériens la politique tarifaire métropolitaine consistant à rapprocher les tarifs des prix de revient, alors qu'actuellement c'est la tarification ad valorem qui est en usage. Des comités techniques départementaux seraient chargés dans chaque département, d'assurer une coordination efficace entre le rail et la joute, aides par un service de contrôle routier et ferroviaire suffisamment étoffé qui pourrait suivre de près tous les problèmes d'horaires et de tarifs communs aux deux modes de locomotion.
-------La réorganisation administrative et financière des C.F.A. est également prévue, remplaçant le Comité de direction actuel, réduit à quatre membres, par un Conseil d'administration plus large, améliorant l'alimentation du fonds de renouvellement, et mettant à la charge de l'Algérie-une partie des dépenses d'infrastructure, tout en laissant la tutelle au Gouverneur général de l'Algérie.
-------L'ensemble de ces mesures permettra sans doute à l'Algérie de gérer plus sainement ses lignes ferroviaires et d'en améliorer la situation financière.