--------Au
fur et à mesure que l'exécution du plan 1949-1952 se déroulait,
le problème du crédit agricole et notamment du crédit
à moyen et long terme, se posait avec plus d'acuité.
L'agriculture, qui disposait d'assez larges possibilités d'auto-financement,
notamment dans les secteurs viticole et arboricole, a commencé à
souffrir d'une insuffisance de ressources longues, dès que les prix
agricoles ont marqué une tendance à la stabilité ou
à la régression, tandis que continuait la course à
la hausse des prix industriels et qu'augmentaient ainsi les frais d'exploitation.
--------Bien
que d'indéniables progrès aient été accomplis
au cours de la période 1948-1952, et qu'à l'expiration du
premier plan quadriennal l'agriculture algérienne ait retrouvé
dans tous les secteurs son potentiel d'avant guerre et que dans certains
secteurs même : légumes secs, arboriculture fruitière,
plantes industrielles, ce potentiel ait été largement dépassé,
il est certain que des résultats meilleurs auraientété
obtenus si, au cours de cette période, des crédits d'équipement
à moyen et long terme avaient pu être mis à la disposition
des agriculteurs.
--------Aussi,
pour assurer l'efficacité du second plan quadriennal 1953-1956, a-t-il
&été jugé indispensable que les exploitants agricoles,
européens ou musulmans, puissent disposer de ressources longues à
faible taux d'intérêt, leur permettant de s'équiper
en moyens individuels et collectifs.
--------Comme
en Algérie, le crédit agricole n'avait pas la possibilité
de se procurer par ses propres moyens, pour les mettre à la disposition
des organismes coopératifs ou des agriculteurs pris individuellement,
les crédits à long terme nécessaires pour la réalisation
du plan, il apparut indispensable de faire intervenir les fonds publics,
non seulement pour accorder dans certains cas, des subventions, mais aussi
pour doter les organismes de crédit agricole des fonds destinés
à la constitution des ressources longues.
--------Ce crédit
à long terme devait favoriser particulièrement la réalisation
d'améliorations foncières permanentes, telles que : nivellement
des terres dans les périmètres irrigables, travaux de défense
et de restauration des sols, drainage, etc... toutes opérations qui
prolongent l'action des Pouvoirs Publics dans la mise en valeur de certaines
régions et notamment des périmètres irrigables ou défendus.
11 devait aussi permettre d'étendre ou d'entreprendre des cultures
jugées importantes du point de vue du ravitaillement des populations.
Il devait enfin concourir à la modernisation des procédés
de conditionnement, de conservation et de transformation des produits agricoles.
--------L'origine
budgétaire des fonds mis à la disposition des organismes prêteurs
faisait obligation aux Pouvoirs Publics d'orienter les bénéficiaires
des prêts vers des productions ou des pratiques culturales jugées
utiles à l'intérêt général.
--------Ainsi,
la distribution du crédit agricole, élément fondamental
du nouveau plan d'équipement de l'Algérie, devra-t-elle permettre
d'atteindre les objectifs de ce plan. Un crédit de 1.800 millions
fut inscrit au budget extraordinaire de l'Algérie, au titre de la
modernisation et de l'équipement de l'Agriculture pour l'exercice
1953-1954. Un nouveau crédit de même importance figure au budget
1954-1955.
--------Ces
crédits permettent d'effectuer aux organismes de Crédit agricole,
relevant de la Caisse Algérienne de Crédit Agricole Mutuel
ou du Fonds Commun des Sociétés Agricoles de Prévoyance,
des avances destinées à des prêta à termes, collectifs
et individuels, dans le cadre de programmes établis.
--------Deux
sortes de programmes sont prévus : des programmes généraux
et des programmes spéciaux.
--------1.
- PROGRAMMES GÉNÉRAUX
--------Les
programmes généraux sont ceux qui, tout en concourant à
la réalisation du plan, doivent permettre la mise en valeur de l'ensemble
du sol algérien par une action directe sur les facteurs de production,
en vue d'accroître la productivité qui correspond à
chacun d'eux.
--------Ils ont
pour objet de faciliter, sur un plan général:
- les améliorations foncières ;
- les travaux de défense et de restauration des sols ;
- le reboisement ;
- les travaux de nivellement et d'aménagement dans les périmètres
irrigables ;
- l'équipement des points d'eau et les travaux hydrauliques ;
- l'assainissement des terres marécageuses ou salées;
- le remembrement et l'accession à la petite propriété
rurale ;
enfin,
- l'aménagement des exploitations en vue de l'amélioration
de la production animale ou végétale, à l'exception
toutefois de la reconstitution du vignoble.
--------Pour
les agriculteurs ressortissant du Crédit Agricole Mutuel, ces programmes
généraux sont financés par l'octroi de prêts
individuels consentis par la Caisse Algérienne, selon les modalités
habituelles d'attribution des avances à terme.
--------Pour
l'agriculture traditionnelle, en milieu musulman, ils sont financés
par le Fonds Commun des Sociétés Agricoles de Prévoyance,
et accordés par l'intermédiaire des Sociétés
adhérentes.
--------II.
- PROGRAMMES SPÉCIAUX
--------Les
programmes spéciaux, toujours établis dans le cadre des
objectifs généraux du plan agricole d'équipement
de l'Algérie, ont des buts plus précis.
--------Ils
ont essentiellement pour objet, de promouvoir
- soit une culture ou une production particulière dont le développement
présente un caractère général ;
- soit la mise en valeur et l'équipement de régions déterminées.
--------L'objet
de ces programmes spéciaux est défini au moment où
leur mise en oeuvre est décidée. Chacun de ces programmes
fait l'objet d'une décision particulière qui est notifiée
aux intéressés.
--------Les
crédits réservés au financement des programmes spéciaux
de productivité agricole, ainsi définis par les décisions
susvisées, sont mis à la disposition des établissements
centraux de crédits agricoles : Caisse Algérienne de Crédit
Agricole Mutuel et Fonds Commun des S.A.P. par convention entre l'Algérie
et ces établissements.
--------Suivant
la nature et l'objet des investissements à réaliser, les
prêts consentis sur ces crédits sont accordés, sauf
dérogation particulière, dans les conditions habituelles
d'attribution des prêts à moyen et long terme. Le taux ne
doit pas être supérieure à 4,5 %. Des dispositions
particulières plus favorables peuvent être envisagées.
Elles comportent, notamment une réduction à 3 % du taux
de l'intérêt.
--------Le
montant de ces prêts, qui sont réservés aux petits
et moyens agriculteurs ainsi qu'aux groupements agricoles, ne peut excéder
80 % des investissements tels qu'ils résultent des estimations
arrêtées par les services techniques compétents.
--------Les
demandes de prêts sont reçues par les organismes de crédits
dont relèvent les demandeurs : Caisse de Crédit Agricole
Mutuel ou Sociétés Agricoles de Prévoyance, selon
le cas, et transmises aux établissements centraux qui doivent recueillir
l'avis des services techniques intéressés.
--------Enfin,
le contrôle du bon emploi des fonds est exercé, sur le plan
financier, par les établissements prêteurs et, sur le plan
technique, par les agents des services chargés de s'assurer des
réalisations.
--------Dans
le cadre de la réglementation des programmes spéciaux, trois
décisions particulières ont déjà été
prises. -------------Elles
ont pour objet:
- l'encouragement à la culture du riz ;
- la mise en oeuvre d'un programme spécial de mise en valeur du
périmètre d'irrigation du Haut Chéliff ;
- la mise en oeuvre d'un programme spécial de travaux de défense
et de restauration des solo.
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-------
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--------1°
Encouragement à la culture du riz.
--------L'encouragement
à la culture du riz en Algérie a pour but d'implanter et
de développer cette culture, techniquement possible dans des conditions
satisfaisantes, parce qu'elle offre un intérêt agricole,
économique et social certain, notamment dans les zones salées
des périmètres irrigables de l'Oranie. Il a fait l'objet
des décisions du 18 Mars et du 4 Mai 1953.
--------La
culture du riz étant considérée comme une culture
de mise en valeur des régions incultes, palustres ou salées,
les zones rizicoles sont déterminées à l'intérieur
de chaque département.
--------A
l'intérieur de ces zones, le Préfet procède à
un agrément individuel des agriculteurs qui en font la demande.
--------Les
producteurs ainsi agréés bénéficient des encouragements
des Pouvoirs Publics à la production rizicole.
--------Ces
encouragements comportent une aide financière, une réduction
du prix de l'eau d'irrigation et, éventuellement, une aide technique
des services administratifs.
--------L'aide
financière s'effectue par l'intermédiaire des Caisses de
Crédit, sous la forme de crédits de campagne et de prêts
d'équipement à moyen et long terme, effectués dans
le cadre de la réglementation en vigueur pour les prêts de
l'espèce, sauf en ce qui concerne les conditions de fortune qui
ne sont pas opposables aux producteurs de riz.
--------Le
taux de l'intérêt de l'ensemble de l'aide financière
ci-dessus, est réduit uniformément à 3 %.
--------La
réduction du prix de l'eau d'irrigation des rizières agréées
dans les périmètres irrigables, a été obtenue
d'une part, en supprimant la taxe au litre-seconde et, d'autre part, en
fixant à la moitié du prix normal de l'eau fournie par gravitation
dans ces mêmes périmètres, celui de l'eau utilisée
à la culture du riz.
L'aide technique des différents services de l'administration, est
assurée à la riziculture dans toute la mesure des moyens
disponibles et des règlements administratifs.
--------Après
avoir fait une timide apparition à titre expérimental en
1950-1951, puis avoir occupé environ 150 hectares dans les zones
irriguées d'Algérie en 1952, le riz a été
cultivé au cours de la campagne 1953, sur environ 1.240 hectares,
dont 260 dans l'Algérois région du Mazafran) et 980 dans
les périmètres irrigables d'Oranie, notamment celui du Bas
Chélif. Pour 1954, les surfaces officiellement agréées
sont actuellement de 2.000 hectares.
--------2°
Mise en valeur du Haut Chélif.
--------Le
programme spécial de mise en valeur du périmètre
d'irrigation du Haut Chélif a fait l'objet d'une décision
du 26 Mars 1954. Il tend au développement de la production des
céréales, de la production fourragère, des plantes
sarclées et de l'élevage.
--------Il
porte sur une première tranche de 2.000 hectares situés
à l'intérieur de la zone d'environ 6.000 hectares, actuellement
équipée pour l'irrigation par les soins du Service de la
Colonisation et de l'Hydraulique.
--------Pour
permettre le financement de ce programme, la première tranche de
crédit mise à la disposition des établissements de
crédit agricole est de 130 millions, dont 100 millions pour le
Crédit Agricole Mutuel et 30 millions pour le Fonds Commun des
S.A.P.
--------Les
avances à moyen et long terme sont accordées, au taux de
3 % :
- à titre individuel, aux propriétaires exploitants, fermiers
et métayers, en vue de la construction de canaux d'amenée
ou d'évacuation des eaux, l'exécution des travaux de nivellement
des terres, la construction ou l'aménagement des bâtiments
nécessaires à la réalisation du programme ;
- à titre collectif, aux sociétés coopératives
et aux sociétés agricoles de prévoyance, en vue de
l'exécution des prestations de service permettant la réalisation
des travaux d'aménagement des terres aux fins d'irrigation, l'approvisionnement
en commun et la transformation éventuelle des produits nécessaires
à la mise en valeur, la transformation et la vente des produits
résultant de la nouvelle orientation des exploitations.
--------Enfin
la mise en uvre d'exploitations pilotes représentatives de
l'exploitation irriguée type Haut-Chélif, est prévue.
Des facilités particulières de financement, qui seront précisées
dans chaque cas, pourront leur être octroyées.
--------3°
Travaux de défense et de restauration des sols.
--------Le
programme spécial de travaux de défense et de restauration
des sols a également fait l'objet d'une décision du 26 Mars
1954. Il a pour but de permettre aux agriculteurs de financer la part
qui leur incombe, en dehors des facilités et avantages déjà
prévus par l'arrêté du 2 Mai 1952, dans les travaux
de D.R.S. entrepris sur leur demande en dehors des périmètres
classés, et d'aider les organismes coopératifs agricoles
qui participent à ces travaux.
--------Pour
permettre la réalisation de ce programme, la première tranche
de crédit mise à la disposition des établissements
centraux de crédit agricole atteint 250 millions, dont 150 pour
la Caisse algérienne de Crédit Agricole Mutuel et 100 pour
le Fonds Commun des S.A.P. Le taux d'intérêt est fixé
à 4,5 %..
--------Les
travaux à entreprendre consistent essentiellement dans la création
de banquettes, sur des sols situés en périmètres
non classés, et dans des conditions fixées par les services
techniques. Ils doivent en outre couvrir sans discontinuité une
surface correspondant à un ensemble de terres sujettes à
érosion, appartenant à l'exploitant ou à un locataire
ayant l'accord du propriétaire.
--------Quand
les surfaces constituant l'ensemble des terres à traiter n'appartiennent
pas au même propriétaire, les intéressés doivent
formuler simultanément leur demande ou, s'ils désirent déposer
une seule demande, constituer une association syndicale.
--------Ces
prêts à moyen et long terme sont consentis :
- aux particuliers, pour l'exécution des banquettes, la couverture
des frais d'entretien et de consolidation pendant une durée de
deux ans et, le cas échéant, l'exécution de plantations
arbustives;
- aux sociétés agricoles de prévoyance ou coopératives,
ayant pour objet les prestations de services nécessaires à
la mise en oeuvre du programme à l'aide du matériel leur
appartenant, loué ou mis à leur disposition.
1%
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--------Des dispositions
semblables à celles qui ont été prises par l'Administration
algérienne existent depuis longtemps dans la Métropole où
les dotations de la Caisse Nationale de Crédit Agricole sont presque
toujours assorties de règles particulières d'emploi.
--------Il
est normal en effet qu'en contrepartie de l'effort qui lui est demandé,
la collectivité ait le souci d'orienter dans toute la mesure du
possible et avec toute la souplesse qui s'impose, l'emploi des fonds mis
à la disposition des agriculteurs, vers des utilisations conformes
à l'intérêt supérieur du pays.
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