----------------Le
Crédit Agricole Mutuel est né en Algérie, comme d'ailleurs
dans la Métropole, des difficultés que la petite et moyenne
agriculture ont éprouvées à une certaine époque
à trouver auprès des établissements bancaires, les
capitaux nécessaires à l'exploitation, l'équipement
et la mise en valeur de leurs propriétés.
----------------C'est
un fait que les banques privées, dont il n'est d'ailleurs pas question
de méconnaître les éminents services rendus à
l'Algérie, ont hésité à soutenir les petites
et moyennes exploitations ne pré-sentant pas toute la surface désirable
et plus exposées que les grandes aux aléas d'ordre naturel
ou économique qui pèsent sur la production agricole.
Aussi bien, vers la fin du siècle dernier les pouvoirs publics,
sollicités de façon pressante de venir en aide aux petits
et moyens agriculteurs songèrent-ils en 1897 et en 1899 à
demander à la Ban-que de l'Algérie, à l'occasion
du renouvellement du privilège de l'émission, le versement
d'une redevance destinée à faciliter l'organisation du crédit
à la petite et moyenne agriculture.
----------------De
longues discussions eurent lieu à l'époque sur le point
de savoir si l'on devait recourir au système du crédit dit
" par en haut " c'est-à-dire par l'intermédiaire
d'une banque centrale de crédit agricole ou au système de
crédit dit " par en bas ", c'est-à-dire avec comme
organe essentiel de distribution des organismes au contact des utilisateurs.
----------------C'est
ce dernier système qui prévalut en définitive, motif
pris de ce que pour être accessible à tous, le crédit
agricole doit pouvoir prendre en considération non seulement les
garanties matérielles offertes par les emprunteurs et qui, par
hypothèse, n'étaient pas toujours suffisantes, mais aussi
les qualités professionnelles et la valeur morale. Seuls des organismes
en contact permanent avec la clientèle pouvaient faire utilement
les appréciations et discriminations nécessaires.
----------------Aussi
bien les premières Caisses auxquelles fut confiée la gestion
de la redevance exigée de la Banque de l'Algérie, furent-elles
des Caisses " locales ", groupant les agriculteurs d'une même
localité, désireux de faire appel au crédit et qui
devaient au préalable souscrire une part de capital de la Société.
L'assemblée générale des membres élisait un
certain nombre de ces derniers pour administrer la Caisse et notamment
assurer la distribution des prêts.
----------------Le
caractère de crédit mutuel résulte du fait que les
parts de capital restent engagées pour une certaine durée,
généralement de cinq ans, à la couverture des pertes
éventuelles et aussi, d'autre part, de ce que les emprunteurs étaient
appelés à se donner mutuellement une seconde signature.
----------------Tel
fut l'origine du crédit agricole mutuel algérien.
----------------Après
quelques années d'expérience, les pouvoirs publics furent
amenés à constater que l'organisation ainsi mise sur pied
présentait quelques imperfections.
----------------Les
agriculteurs désignés comme administrateurs et chargés,
à ce titre, d'accorder les prêts étaient la plupart
du temps eux-mêmes emprunteurs ; en toute hypothèse, des
liens de voisinage ou d'amitié les unissaient aux demandeurs ;
d'où une certaine gêne pour assurer une saine distribution.
----------------De
là résultaient parfois des pertes absorbant le capital,
c'est-à-dire le montant des parts souscrites, ce qui faisait, subir
aux sociétaires les plus diligents des sacrifices particulièrement
lourds.
----------------A
un autre point de vue, les Caisses locales de3 régions pauvres
parvenaient difficilement à équilibrer leurs opérations
tandis que celles des régions riches faisaient apparaître
des excédents.
----------------D'où
l'idée, en 1901, de la création de Caisses " régionales
" appelées à fédérer les Caisses locales
d'une même région, à en contrôler les opérations
et à jouer à leur égard le rôle de Caisse de
compensation en faisant bénéficier les Caisses locales des
régions pauvres des excédents de ressources provenant des
Caisses locales des régions riches.
Cette première réorganisation donna une belle impulsion
au crédit agricole mutuel qui parvint à soutenir efficacement
la petite et la moyenne agriculture aussi bien dans son activité
individuelle que dans son activité collective. C'est l'époque
des premières réalisations coopératives qui n'ont
pu voir le jour et prospérer qu'avec l'appui du crédit agricole
mutuel.
Interrompu par la première guerre mondiale, le développement
du crédit agricole mutuel reprit de plus belle quelques années
après la fin des hostilités, à la faveur de l'extension
à l'Algérie des mesures de réorganisation intervenue
dans la Métropole et dont les principales caractéristiques
sont l'institution en 1923 d'un fonds de dotation du crédit agricole
alimenté par des avances et redevances de la Banque de l'Algérie,
le nouveau statut des Caisses régionales et locales, les règles
d'octroi des prêts à court, moyen et long terme, qui ont
fait l'objet de l'important décret du 26 novembre 1925 et de l'arrêté
gouvernemental d'application du 5 décembre suivant.
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----------------Il
faut citer aussi la création en 1927 d'une Caisse Foncière
Agricole d'Algérie chargée de con-sentir aux Caisses régionales
et locales les avances nécessaires à l'octroi de prêts
à moyen et à long terme. De 1925 à 1935 les opérations
des Caisses de crédit agricole prirent un développement
considérable : le portefeuille représentatif des crédits
de campagne accusait fin 1935 un total de l'ordre de 600 millions de francs
; les avances à moyen et à long terme totalisaient 200 millions.
Le capital versé par les sociétaires atteignait 78 millions,
les réserves constituées sur les excédents bénéficiaires
s'élevaient au même chiffre. Enfin, jouissant de la confiance
unanime des agriculteurs, les Caisses régionales s'étaient
vu confier près de 400 millions de dépôts.
----------------Mais
à l'occasion de la crise qui, après bien d'autres pays,
atteignit l'Algérie à partir de 1932, on s'aperçut
que le fonctionnement des Caisses régionales appelaient à
peu près les mêmes remarques qu'autrefois celui des Caisses
locales : une distribution du crédit insuffisamment dégagée
des contingences locales ; manque d'expérience d'un certai n nombre
de Conseils d'Administration dépassés par l'importance des
opérations ; contraste trop frappant entre les Caisses régionales
des régions riches et celles des régions déshéritées.
----------------Aussi
bien se décida-t-on en 1935 à compléter l'organisation
algérienne à l'image de l'organisation métropolitaine,
en créant sous le nom de " Caisse algérienne de crédit
agricole mutuel ", une Caisse centrale à qui ont été
confiées les attributions de soutien financier et de contrôle
qu'exerçait depuis 1920 dans la Métropole la Caisse nationale
de crédit agricole.
----------------Depuis
cette date, l'organisation du crédit agricole mutuel se présente
en Algérie comme en France sous la forme classique de la pyramide
: à la base les Caisses locales, au milieu les Caisses régionales,
au sommet la Caisse Algérienne de crédit agricole mutuel.
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----------------Dès
sa création et en parfait accord avec les Caisses régionales
et locales, la Caisse Algérienne s'est assigné pour but
de mettre à la disposition des ressortissants du crédit
agricole mutuel tous es crédits nécessaires non seulement
à l'exploitation rationnelle des propriétés"
mais aussi au rééquipement, aux améliorations foncières,
aux reconstitutions ou créations de cultures, à l'acquisition
de a petite propriété rurale, au soutien des prix agricoles,
en un mot à tout ce qui peut aider l'eeuvre difficile de la production
agricole, la développer, la soutenir au triple point de vue technique,
économique, social.
----------------Cette
mission suppose d'importantes ressources.
----------------Celles
du crédit agricole mutuel comprennent : les ressources propres
des Caisses (capital social et réserve) : des dotations de l'Etat
; enfin, les plus importantes, des capitaux d'emprunt, savoir : les dépôts
de fonds confiés aux Caisses régionales et les fonds provenant
du réescompte en banque.
----------------Certes
ce tableau fait apparaître des chiffres nettement supérieurs
dans la Métropole qu'en Algérie. Si l'on tient compte toutefois
de ce que le nombre de caisses régionales algériennes représente
seulement le quart du nombre de Caisses métropolitaines, on constatera
qu'en importance relative, les pourcentages en lesquels s'exprime l'activité
du crédit agricole mutuel algérien ne sont pas inférieurs
dans l'ensemble à ceux de la Métropole.
----------------Il
n'en est autrement que dans le compartiment des prêts à terme,
mais cela tient au fait que les prêts de cette catégorie
sont accordés sur des ressources spéciales et que les avances
faites à ce titre par l'Etat dans la Métropole (106 milliards
en chiffres ronds au 31 décembre 1952) sont bien supérieures
à celles accordées en Algérie aux organismes de crédit
agricole mutuel (2.355 millions à la même date).
----------------Quoi
qu'il en soit, si l'on considère que le crédit agricole
mutuel groupe 50.000 adhérents provenant à parties égales
des deux éléments ethniques de la population (soit à
peu près toute la petite et la moyenne agriculture européenne
et la plupart des agriculteurs musulmans produisant pour l'échange)
que, d'autre part, il est le soutien du mouvement coopératif et
qu'enfin ses opérations accusent une régulière et
importante progression (près de 64 milliards en 1952 contre 49
milliards en 1951) on peut conclure que cette institution qui compte maintenant
un demi-siècle d'existence constitue un des axes essentiels de
l'économie algérienne.
M. LEBEAU
Directeur de la Caisse algérienne
de crédit agricole mutuel
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