-------------En
faisant l'inventaire des possibilités artisanales de l'Algérie,
le Service de l'Artisanat s'est créé pour tâche de
faire revivre toutes ces richesses et d'en assurer la plus large diffusion.
-------------Développer
un travail à domicile capable d'apporter un appoint appréciable
au budget familial, aider à élever le niveau de vie de certaines
populations, tel est le but qu'il poursuit.
-------------L'entreprise
est ardue et nécessite un travail de longue haleine échelonné
sur plusieurs années d'efforts.
C'est plus particulièrement dans le département d'Alger
que cette tâche de rénovation des richesses artisanales commence
à donner des résultats.
-------------Pour
la commodité de 1-exposé nous partageons les différentes
activités de cette circonscription en artisanat citadin qui pourrait
comprendre tous les produits traditionnels dont l'usage courant convient
tant au citadin musulman qu'à l'européen et en artisanat
rural qui grouperait tous les produits fabriqués dans les villages,
les douars ou chez les nomades à des fins domestiques ou vestimentaires.
1. - L'ARTISANAT
CITADIN
-------------Il
comprend les activités suivantes : tapis, tissages, broderies,
dentelles, vanneries fines, travail du cuir et du cuivre.
-------------1°/Le
Tapis.
-------------Si
l'on excepte les manufactures d'Alger et de Cherchell dont la production
n'a pour originalité que la copie de types orientaux ou l'exécution
de tapis modernes, le département d'Alger et le territoire de Ghardaïa
ne produisent pas de tapis traditionnel de haute laine propre à
la région.
-------------2°
Les Broderies.
--------------
Les broderies d'Alger qui ornent de médaillons de soie à
dominante bleue et rouge, ou de rinceaux délicats de soie mauve
les pièces traditionnelles ont été adaptées
à des services à thé ou à porto, à
des napperons, ravissants ensembles dont la production très lente
se limite aux ouvroirs et aux artisanes isolées d'Alger.
--------------
Les broderies de Cherchell offrent une transposition heureuse sur de l'étamine
ou de la toile de lin, des motifs décoratifs relevés sur
les poteries fines du Chenoua. Cette activité a pris une grande
extension à Cherchell pour le grand bien de nos artisanes à
domicile.
--------------
Enfin à Ghardaïa et dans le Mzab, les châles très
appréciés par les touristes sont ornés d'une broderie
de soie à dominante jaune orangé et vert qui offre une curieuse
décoration géométrique et multicolore sur un fond
noir.
-------------3°/Les
Dentelles.
-------------La
dentelle arabe très en faveur chez les musulmanes est très
appréciée des Européens. Les centres de production
sont Alger, Birkadem, Koléa, Ténès. Cherchell se
distingue particulièrement par la solidité et la délicatesse
de ses dentelles fines exécutées avec du fil d'Irlande N°
200.
Mouchoirs de linon et dentelle, bavoirs, napperons, dessous de verre,
services à porto, diffférents picots et entre-deux sont
autant de charmants ouvrages qui attirent la clientèle féminine
avertie.
-------------4°
Les Vanneries.
-------------La
Grande-Kabylie avec Tizi-Ouzou, Djemâa-Saharidj, Tizi-Hibel et Bou-Nouh
constitue l'unique centre de production des vanneries fines de raphia.
C'est une industrie familiale introduite en Algérie par les Soeurs
Missionnaires. Près de 1.500 artisanes vannières perfectionnées
dans les ouvroirs locaux, s'emploient à domicile à la confection
de corbeilles à papier, bonbonnières, dessous de plat, dessous
de bouteille, corbeilles à pain... etc .- dont le succès
va grandissant.
-------------La
décoration en est tirée des motifs relevés sur les
poteries berbères de Grande-Kabylie ou sur les tissages locaux.
-------------De
tous les ouvrages de vannerie réalisés, une sélection
s'opère. Les pièces les plus fines sont écoulées
facilement par les ouvroirs et la S.I.P.A. d'Alger ; le reste est acheté
par des collecteurs locaux pour le compte de commerçants d'Alger.
-------------5°
Le travail du cuir.
-------------De
cette activité artisanale, retenons simplement la broderie sur
cuir dont les centres de production sont : Médéa, Alger
et Laghouat. C'est là une activité dont la qualité
des produits baisse quotidiennement. Seule, Médéa possède
encore quelques artisans brodeurs de valeur qui ont su se distinguer aux
derniers concours et aux expositions algériennes.
-------------Pour
améliorer la qualité et le fini du travail du cuir brodé,
il a été envisagé d'accorder une bourse d'études
à un jeune artisan médéen pour aller suivre à
Paris les cours de l'Ecole de maroquinerie.
-------------Les
brodeurs sur cuir ou sur velours utilisent les mêmes techniques
et le même outillage. Au moyen d'un patron en papier fort découpé
en arabesques ou volutes entrelacées de fleurs, ils brodent sur
le cuir maintenu serré par les branches d'une longue pince de bois
avec du fil d'argent doré ou du cordonnet de coton enveloppé
de métal argenté.
-------------6°
Le travail du cuivre.
-------------Les
fondeurs de bronze et de cuivre ont totalement disparu d'Alger. Avec la
concurrence des produits importés, ces artisans, véritables
artistes formés dans les écoles professionnelles, ont abandonné
cette activité. Seul un artisan d'Alger grave encore sur plateaux
de cuivre rouge avec une ravissante naïveté, des légendes
algériennes qui viennent agrémenter les motifs plus sévères
et plus rigides du traditionnel turc.
-------------Laghouat
présente quelques dinanderies en cuivre patiné d'un heureux
effet.
-------------Ghardaïa
apporte au public des plateaux au décor pseudo-syrien gravé
ou incrusté.
-------------Je
ne terminerai pas cet aperçu sur l'artisanat citadin dans le département
sans dire quelques mots sur cette activité qui disparaît
: le tissage de la soie.
-------------Les
tisseurs de soie qui constituaient à Alger une corporation assez
importante d'artisans fabricant des fou-lards, des ceintures, des haïks,
ont vu leurs produits concurrencés par les articles de Lyon ou
ceux des puissantes manufactures locales.
-------------Jour
après jour, les portes de ces échopes où l'on entendait
la navette courir au sein du tissage multicolore au rythme des pédales,
se sont fermées. Et l'artisan libre, indépendant, fier de
sa compétence et de son métier, va se soumettre à
la discipline d'une entreprise industrielle quelconque.
II. - L'ARTISANAT RURAL
-------------Plus
important que le précédent et plus étendu, il constitue
l'activité plutôt secondaire d'un plus grand nombre d'artisans
et d'artisanes disséminés dans la plupart des villages du
département. Il groupe les branches artisanales suivantes : tissages,
poteries, vanneries, travail du bois, bijoux, qui seules peuvent nous
intéresser.
-------------1°
Les Tissages.
-------------Ils
constituent une activité très importante de la femme à
domicile, en Grande-Kabylie et dans le Territoire de Ghardaïa.
--------------
En Grande-Kabylie, la femme, tisseuse habile, exécute des pièces
dont elle se drape - se drapait plus exactement - avec la technique et
le décor qui lui ont été transmis par ses ancêtres.
-------------Ces
tissages de laine sont ornés de motifs géométriques
finement dessinés qui apparaissent comme rebrodés sur des
bandes transversales à fond bleu foncé, brun rouge ou foncé.
Adaptés aux besoins modernes ces tissages constituent des pièces
d'ameublement originales, riches et coloriées : tentures, couvre-divans,
coussins, jetés de table, tapis de bridge... etc.
-------------Les
principaux centres de production sont Beni-Zmenzer, les Ouadhias, Ouaghzen
et Aït-Ziri près de Miche-let dont le tissage extrêmement
fin est sans conteste, la pièce traditionnelle la plus belle de
l'Afrique du Nord.
-------------L'organisation
de ces centres pour une intensification de la production est poursuivie
méthodiquement par le Service de l'Artisanat.
--------------
Dans le Sud Algérois, les populations de Laghouat et de la région
tissent de longues pièces traditionnelles à fond rouge sur
lequel se détachent des rectangles verts relevés par une
décoration sobre de motifs blancs. Ce sont les Djerbi de Laghouat.
--------------
Les Tadjerbit de Ghardaïa, de dimensions plus réduites constituent
le vêtement de la petite fille mozabite. Composés d'une large
bande centrale blanche qui sépare les chefs du tissage divisés
en bandes étroites rouge, verte et noire, ils constituent pour
un intérieur européen un ornement original et peu coûteux.
--------------
Les tapis ras ou tapis de Beni-Isguen sont une des principales activités
artisanales du Mzab et l'objet d'un commerce florissant avec les nombreux
touristes de passage ou les négociants d'Algérie.
-------------Ce
sont des tissages épais de contexture très serrée
dont la composition décorative berbère est voisine des tissages
de Grande-Kabylie. Ces pièces plus légères, plus
pratiques que les tapis haute laine sont recherchées quand l'exécution
en est soignée et lorsque les colorants utilisés sont d'excellente
qualité.
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-------------C'est
pour améliorer précisément la qualité des
colorants employés qu'un atelier-pilote de teinturerie a été
créé à Laghouat.
-------------Le
retour aux colorants végétaux est même envisagé
actuellement.
--------------
Les tissages du Djebel-Amour sont uniquement exécutés à
Laghouat. Repris dans leur gamme de coloris authentique, ils sont par
leur exécution soignée particulièrement appréciés
des connaisseurs.
--------------
Enfin les tissages nomades tels que les flidjs décorés ou
melghouts renaissent et prennent rang parmi les activités artisanales
du Centre de Laghouat. Longues bandes tissées sur un métier
rudimentaire installé à ras-de terre, elles constituent
par la juxtaposition de deux ou trois pièces, la séparation,
sous la tente, du compartiment réservé aux femmes de celui
qu'occupent les hommes. Ces tissages rudes, solides sont ornés
de bandes longitudinales décorés de motifs géométriques
qui seraient la représentation très stylisée des
objets ou des animaux familiers.
Les dimensions traditionnelles de ces pièces ont été
abandonnées pour être reprises et adaptées aux besoins
modernes.
-------------2°
Les Poteries.
-------------C'est
en Grande-Kabylie et en particulier dans les douars de Beni-Douala, Larba-des-Ouacifs,
Bou-Nouh et au Chenoua près de Cherchell que les potières
sont les plus habiles.
-------------La
variété des formes utilitaires sur lesquelles un art original
et millénaire s'est exprimé, fait de ces poteries une production
fort intéressante. L'écoulement facile tant sur les marchés
voisins qu'à Alger grâce aux services de l'Artisanat constitue
une ressource appréciable pour ces artisanes. Les plats, les pots
à lait, les écuelles, les lampes à huiles, les amphores,
les jarres... etc, tous ces ustensiles domestiques se façonnent
entièrement à la main sur un support rudimentaire.
-------------La
décoration géométrique exécutée après
séchage et polissage des pièces est appliquée en
deux tons : ocre rouge et brun noir, à l'aide d'un pinceau constitué
par deux ou trois poils de chèvre noués en leur mi-lieu
(Chenoua) ou serrés dans une petite boule de glaise (Kabylie).
-------------La
cuisson est opérée à feu nu. Les objets encore chauds
sont alors vernissés à l'aide d'un bâtonnet ou d'une
plaquette de résine préparée de thyua ou de génevrier.
-------------3)
Les Vanneries.
-------------Cette
activité domestique utilise l'alfa ou la fibre de palmier nain
pour la confection de plats, couvercles, coupes que les nomades utilisent
en remplacement de la poterie. De production peu développée,
ces vanne-ries sont écoulées sur les marchés environnants
du Sud Algérois.
-------------4)
Le travail du bois.
-------------Le
travail du bois qui revêtait une certaine importance en Grande-Kabylie
dans la confection de coffres ou de portes sculptés, de plats tournés,
de boîtes à poudre ou d'ustensiles sculptés, a presque
disparu actuellement.
-------------Depuis
une vingtaine d'années, les procédés d'incrustation
des manches de coûteaux ou des armes ont été adaptés
aux objets modernes imités de l'artisanat de la Métropole.
-------------a)
Djemaâ-Saharidj s'est spécialisé
dans la confection de coffrets, petits tables à thé, porte-photo
en bois d'acajou sculpté de motifs géométriques dont
l'élément principal est le triangle.
-------------b)
Taourirt-Mimoun du douar des Beni-Yenni possède
quelques artisans ébénistes qui exécutent, avec un
outillage extrêmement réduit, des objets souvenirs tels que
bonbonnières, coffrets à bijoux ou à cigarettes,
cendriers, broches... etc.
-------------L'originalité
de ces articles en noyer de la région réside dans l'incrustation
d'un fil de cuivre rouge, de laiton, de maillechort ou d'argent, de losanges
ou de triangles de nacre ou d'ivoire. La décoration sobre, ferme
est faite de lignes serpentantes ou enroulées sur elles-mêmes.
-------------La
production de ces ouvrages entièrement faits à la main reste
toutefois insuffisante pour un prix de : evient fort élevé.
-------------La
réalisation toute prochaine d'un atelier pilote du bois en Kabylie,
expression d'un voeu émis par l'As-semblée algérienne,
va permettre d'aider ces artisans à passer au stade de la semi-industrialisation
en ce qui concerne l'exécution de l'ébénisterie.
L'incrustation et le finissage resteraient les phases artisanales.
-------------5)
Les Bijoux d'argent.
-------------A l'exception
des nombreuses manufactures d'Alger qui fabriquent des bijoux fantaisistes
de création récente, enlevés au balancier, les quelques
bijoutiers installés dans les villes du département d'Alger
façonnent des bracelets, des anneaux de pieds dont les motifs moulés
ou frappés au marteau n'offrent aucun intérêt spécial.
-------------L'attachement
à la tradition s'est pourtant maintenu chez les bijoutiers des
Beni-Yenni en Grande-Kabylie et dans le Sud Algérois.
-------------a)
Les bijoux kabyles : très variés,
sont constitués de planes d'argent cloisonnés de filigrane,
émaillés dans les nuances bleu foncé, vert et jaune.
Le corail est souvent serti au bijou.
-------------L'ornement
de ces bijoux remonte à un art très ancien et la composition
en est géométrique, sobre et précise.
Le matériel des bijoutiers kabyles est peu compliqué : un
soufflet primitif avec comme embout un morceau de canon de fusil pour
activer le charbon de bois, un creuset en terre pour la fonte, un moule,
un petit étau, une enclume, un seau plein d'eau pour refroidir
les pièces travaillées et quelques outils tels que marteau,
lime, pince, matoir.
-------------En
dehors des bijoux traditionnels, les artisans des Beni-Yenni fabriquent
des pièces destinées aux Européens tels que cuiller
à café, boucles de ceintures, colliers... qui connaissent
un certain succès auprès des touristes.
-------------Le
Service de l'Artisanat étudie actuellement la meilleure formule
pour moderniser cette petite industrie et lui trouver des débouchés
nouveaux.
-------------b)
Les bijoux arabes : les bijoux kabyles ne ressemblent
en rien aux produits qui sont façonnés à l'intention
des Arabes nomades dans les villes du Sud Algérois : Boghari, Laghouat,
Ghardaïa.
-------------Avec
un matériel et un outillage des plus primitifs, ces bijoutiers
confectionnent sur commande : épingles, broches, ceintures, bracelets
tirés d'un plane d'argent moulé à jours puis gravé
ou ciselé.
-------------Le
travail n'est jamais poussé, ni fini. L'ornementation est sobre
et les motifs qui la composent sont puisés aux sources de l'art
arabe.
**************
-------------L'exposé
sommaire qui précède, concernant la production artisanale
traditionnelle dans le département d'Alger et le Territoire de
Ghardaïa montre que les activités dans ce domaine sont encore
multiples, variées et vivantes.
-------------Notre
tâche consiste à leur redonner plus de vitalité et
à les développer tout en améliorant les techniques
; notre souci : aider l'artisan à revenir à une production
originale et caractéristique présentant une valeur artistique
certaine qui intéressera à juste titre une clientèle
européenne.
-------------Nos
conseils sont suivis avec intérêt. Il semble que nous soyons
sur la bonne voie.
-------------Les
nombreux prix décernés aux concours du Meilleur Artisan
Algérien, du Meilleur Ouvrier de la France d'Outre-Mer, le succès
des produits artisanaux du département d'Alger et du Territoire
de Ghardaïa aux foires et expositions tant algériennes que
métropolitaines sont le meilleur encouragement pour le Service
de l'Artisanat.
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