-----------La
presse a publié cet été une nouvelle qui, abstraction
faite du tragique de l'événement, a dû faire sursauter
les membres de l'Association Guillaume Budé : il y était
question d'un car que les fellagha avaient attaqué entre Stéphane-Gsell
et Masqueray. C'est que la toponymie moderne de l'Algérie
honore les grands hommes qui l'ont illustrée, et non seulement
ses soldats comme Lamoricière, ses gouverneurs comme Jonnart, ses
peintres comme Chassériau, mais aussi ses historiens. Dès
le siècle dernier, l'épigraphiste Léon Renier avait
eu son centre de colonisation. Masqueray - non pas l'helléniste
Paul, mais le berbérisant Emile, auteur d'une thèse latine
De Aurasio monte (" Sur l'Aurès ") et fondateur,
en 1880, de l'Ecole, plus tard Faculté des Lettres d'Alger - trouva
le sien sur la route de Berrouaghia à Aumale, près des ruines
de Rapidum, où William Seston et plus récemment Marcel Leglay
ont fouillé un camp du limes de Maurétanie césarienne.
Quant à Gsell, à la fin d'une vie dont quarante ans de labeur
opiniâtre avaient été consacrés à la
résurrection de l'Algérie antique, il aimait à dire
en plaisantant : " Si je travaille bien,
on donnera peut-être mon nom à un village (
L'idée fut lancée, à la mort de STEPHANE GSELL, par
M. CARCOPINO dans le Journal des Débats du 5 janvier 1932, et son
article a été reproduit par le Bull. de l'Ass. G. Budé
d'avril 1932, n° 35, p. 5 sq.). " Ce fut à Souaghi,
à 16 km à l'ouest de Masqueray, où l'on a trouvé
un milliaire au nom de Caracalla attestant que cette route statégique
avait été refaite en 215.
-----------L'admirable
auteur de l'Histoire ancienne de l'Afrique du Nord avait en effet bien
travaillé, et avec lui, comme avant et après lui, l'archéologie
française a accompli en Algérie une oeuvre dont la grandeur
n'est contestée par personne et à laquelle, dans le malheur
et l'injustice des temps, il est réconfortant de penser. Elle.
a été plusieurs fois retracée, entre autres par deux
Directeurs des Antiquités de l'Algérie, Eugène Albertini
et Louis Leschi, dans d'excellentes mises au point (E.
ALBERTINI, L'Algérie antique, dans Histoire et ristoriens de l'Algérie,
ouvrage publié par la Revue historique dans la Collection du Centenaire,
1931 ; L, LESCHI, La recherche archéologique en Algérie,
Documents algériens, série culturelle, ms 2, 1946.)
où tout est dit, sauf, naturellement, ce qui s'est fait depuis,
qu'ils avaient préparé, et qui n'est pas moins considérable.
Tous deux ont défini les conditions exceptionnelles dans lesquelles
l'Algérie, après 1830, s'ouvrit à la recherche historique;
elle était restée jusqu'alors pratiquement exclue de la
longue enquête épigraphique et archéologique qui,
en Europe, depuis le XVI' siècle, tendait à suppléer
à l'insuffisance des documents littéraires; c'est à
peine si le naturaliste marseillais Peyssonnel en 1724-1725, ou le Dr
Shaw, " chapelain de la factorerie anglaise à Alger "
de 1720 à 1732, avaient pu, dans leurs voyages " en Barbarie
", copier quelques inscriptions ou d cssiner quelques monuments.
C'était un terrain presque vierge qui s'offrait tout à coup
à l'étude :
" La conquête française, écrit
Albertini, eut dans le domaine des sciences historiques les mêmes
conséquences que dans le domaine économique : elle fit rentrer
l'Algérie dans le concert des nations civilisées, dans le
système de l'activité générale. "
-----------Et
justement deux circonstances particulièrement favorables devaient
assurer le succès d'une con-quête qui commença sans
tarder. C'est d'abord que les monuments antiques de l'Algérie se
présentaient dans un état de conservation auquel on n'était
guère habitué dans les autres parties du monde romain :
ils n'avaient eu à subir, en général, que les injures
du temps. Tandis qu'en Italie, en France, en Rhénanie, la vie médiévale
et moderne s'était poursuivie aux lieu et place de la vie ancienne,
dont elle avait recouvert, défiguré et souvent effacé
les vestiges,
-----------"
...en Algérie une population en grande partie paysanne, et souvent
nomade, restée ou redevenue étrangère à la
civilisation romaine, [avait] vécu à côté des
monuments antiques sans s'y intéresser et, en bien des endroits,
sans s'y installer; dans bien des cas, elle n'a pas été
amenée à les modifier. "
-----------En second
lieu, la découverte de l'Algérie se produisait pour nos
savants au moment où le XIX' siècle créait les disciplines
critiques qui allaient renouveler l'histoire de l'antiquité, et
les instruments de travail qui leur permettraient d'en tirer le meilleur
parti.
-----------A quoi
il faut ajouter sans doute, parmi les raisons qui imprimeraient à
l'archéologie algérienne un élan enthousiaste et
fécond, qu'elle ne pouvait qu'être portée, malgré
toutes sortes de difficultés quotidiennes, par la profonde conformité
.d'idéal qui reliait, par delà les " siècles
obscurs du Maghreb ", les pionniers de la colonisation française
et leurs lointains devanciers de l'Afrique romaine, dont l'oeuvre créatrice,
à bien des égards semblable à celle qu'ils entreprenaient,
revivait sous leurs pas comme un exemple et un stimulant. Ce qui ne veut
pas dire que l'orientalisme, qui enchantait les Delacroix et les Fromentin,
fût sans prestige sur les savants, et que les antiquités
musulmanes fussent entièrement négligées. La conquête
éveilla tout de suite aussi de nombreuses vocations d'arabisants
( Témoin cet abbé
Barges, dont William et Georges MARÇAIS évoquent la figure
au début de leur livre sur Les monuments arabes de Tlemcen (Paris,
1903, p. 1) et qui, s'étant épris pour cette ville, au lendemain
de l'entrée de nos troupes (1846), " d'un véritable
amour ", lui consacra, dès 1852 et 1859, deux précieux
ouvrages.). On ne s'étonnera pas pourtant que la voix du
passé romain fût, pour les Français d'Algérie
vers 1850, infiniment plus convaincante, et assurât aux archéologues
le soutien d'une multiple collaboration bénévole : à
leur suite, médecins, fonctionnaires, ecclésiastiques, ingénieurs,
officiers surtout s'employaient à noter des inscriptions et à
dessiner des ruines. " C'est mon propre
rêve que tu me racontes ", dit Glaucon à
Socrate. Comment n'eussent-ils pas reconnu leur propre rêve dans
cet effort énergique pour mettre en valeur la même terre
à la fois magnifique et difficile, pour l'assainir, l'irriguer"
pour y construire des routes (II
va sans dire que le souvenir du Christianisme africain, et la recherche
des lieux vénérables de la chrétienté, à
Hippone par exemple, fut un puissant stimulant de l'archéologie.
Le cardinal Lavigerie intervint en faveur des fouilles).
-----------Pour
prendre un seul exemple, on imagine assez les sentiments d'admiration,
d'attendrissement t d'émulation de ceux qui déchiffraient
des textes épigraphiques aussi actuels que telle merveilleuse inscription
de Lambèse, lorsque, au mois d'octobre 1866, elle fut trouvée
dans sa ferme par un colon du nom de Médan. Elle avait été
gravée, sous Antonin le Pieux, en l'honneur de Nonius Datus, qui
appartenait aux services du Génie de la III' Légion Auguste.
A la demande du procurateur de Maurétanie césarienne, il
avait été envoyé à Saldae (Bougie), pour y
établir le tracé d'un aqueduc. C'était un travail
considérable, qui exigeait le percement c'une montagne. Mais, malade,
il avait dû regagner ses quartiers sans pouvoir surveiller l'exécution.
Il fut rappelé d'urgence à Bougie en 152 : " Je partis
; en route je tombai sur des bandits ; dépouillé et isissé
pour mort, je m'échappai avec les miens ; j'arrivai à Saldae
; j'allai trouver le procurateur Clemens, qui me conduisit à la
montagne : on avait commis une erreur déplorable en forant le tunnel,
et l'on était sur le point d'abandonner ". C'est que les deux
équipes, qui avaient commencé à creuser la montagne
chacune à un bout, avaient, malgré le piquetage, dévié
chacune vers la droite, si bien qu'elles avaient cheminé parallèlement
et ne s'étaient pas rencontrées. Nonius Datus avait tout
remis en ordre, et l'aqueduc avait été inauguré solennellement
quelque temps après (C.
I. L., VIII, 2728 et 18 122 = Dess. 5795 : Profectus sum et inter uias
latrones sum passus ; nudus saucius euasi cum meis ; Saldas ueni ; Clementem
procuratorem conueni. Ad montem me perduxit, ubi cuniculum dubii operis
flebant : quasi reliquendus habebatur, ideo quod perforatio operis cuniculi
longior erat effecta quam montis spatium. Apparuit fossuras a rigore sic
errasse, adeo ut superior fossura dextram peteret ad meridiem uersus,
inferior similiter dextram suam peteret ad septentrionem; duae ergo partes
relicto rigore errabant. Rigor auteur depalatu.s erat supra montem ab
oriente in accidentent. Ne quis tamen legenti error fiat de fossuris,
quod est scriptum " superior " et " inferior ", sic
intellegamus : superior est pars, qua cuniculr.rs aquem recipit, inferior,
qua emittit. Cum opusadsignareen, ut seirent, quis quem madum suum pertorationis
baberet, certamen operis inter classicos milites et gaesetes dedi et sic
ad concpertusionem montis c' nuenerunt. Ergo ego, qui primus libram feceram,
d?icturn adsijnaueranc, field institueront secundum forrze'n guam Petronio
Celeri procuratori dederam... (lacune). Opus effectam, aqua missa, dedicauit
Varius Cleens procurator. Nous avons complété quelques abréviations
et corrigé quelques fautes de graphie.
-----------Or,
l'aqueduc de Bougie est bien connu (7 St.
GSELL, Les monuments antiques de l'Algérie, Paris, 1901, I, p.
249 sq.) : il amenait jusqu'aux citernes de la ville, après
un parcours de 21 km., l'eau des sources de Toudja. En plusieurs points,
il dressait au-dessus du sol ses arcades de pierres de taille. Mais, à
l'est du village d'El-Abel, il passait à 86 m. au-dessous du col
qui sépare les vallées de l'oued Srir et de l'oued Ghir,
affluents de la Soummame : ce 'eunnel avait 428 m. de long. C'est vraisemblablement
celui qu'avait conçu et rectifié Nonius Datus, d'après
ce que nous apprend l'inscription de Lambèse : "
Cette inscription, ajoute Gsell, a
été donnée récemment à la municipalité
de Bougie, qui, à l'exemple des Romains, a fait construire un aqueduc
pour amener l'eau de Toudja. On l'a placée sur une fontaine, face
à la mairie. "
-----------Tel est
la vision de l'antiquité, un peu particulière sans doute
mais exaltante pour des hommes d'action, qui s'imposait à l'Algérie
du XIX" siècle, dans le même temps qu'elle conquérait
la Mitidja sur les fièvres (E.
F. GAUTIER, Un siècle de colonisation, Paris, 1930, notamment le
chapitre : " Le phénomène colonial de 1830 à
1930 au village de Boufarik ") et rendait au roulage des routes
qui pendant douze siècles étaient restées le domaine
du bât ( P. SALAMA,
Les voies romaines de l'Afrique du Nord, Alger, 1951, p. 31 ; et, sur
l'état des routes en Algérie au moment de la conquête,
M. Emerit, L'Algérie à l'époque d'Abd-el-Kader, Paris,
1951, p. 195 sq. : " Quelques voitures pouvaient circuler sur les
grandes routes. " Par exemple : " On a vu sur la route de Tunis
à Constantine une petite voiture escortée par six ou huit
chaouchs armés et montés sur des mules. Cette voiture contenait
deux femmes que le bey de Tunis envoyait au bey Ahmet. ").
C'était, avec sa grandeur et ses limites, la civilisation de l'Empire
romain, spécialement pendant les deux siècles des Flaviens,
des Anton'ns et des Sévères, celle dont le livre X des Lettres
de Pline le Jeune est l'expression littéraire la plus juste : pas
de grands poètes, guère plus de philosophes, quoique le
vivace souvenir de Virgile (
St. GSELL, Virgile et les Africains, dans le vol'nne du Cingeantenaire
de la Faculté des Lettres d'Alger, Alger, 1931.), la renommée
du philosophicus Platonicus, Apulée de Madaure, et la prospérité
des écoles de rhétorique attestent une situation enviable
de la culture ; mais surtout des architectes et des administrateurs, les
uns édifiant ces merveilles de l'urbanisme antique, auxquelles
leurs ordonnance harmonieuse et noble, en même temps çue
la patine dont le temps a recouvert leurs murs en bel appareil, a mérité
le nom de " villes d'or " ; - les autres organisant les bienfaits
de la sécurité, de cette paix romaine rui n'était
certes pas un vain mot, et dont une récente étude (
M° H. CAMPS-FABMen, L'olivier et l'huile dans l'Afrique romaine, Alger,
1953, en particulier, p. 16.) suggère une définition
nouvelles : à l'origine, les dix ans de tranquillité nécessaires
pour qu'un olivier commence à rapporter, et par suite, ru'un nomade
accepte de devenir sédentaire.
-----------On commença,
avons-nous dit, tout de suite. En 1837, le gouvernement de Louis-Philippe
créait une commission ayant pour mission de " rechercher et
réunir tout ce qui pouvait intéresser les sciences et les
arts ", et des architectes, des officiers, ces professeurs partirent
à l'aventure. Dès' 1846, l'architecte Ravoisié ramenait
de ses voyages un beau volume intitulé Beaux Arts, architecture
et sculpture, dans la collection " Exploration scientifique de l'Algérie
". Le capitaine d'artillerie Delamare visitait à plusieurs
reprises le Constantinois, de 1840 à 1845, puis en 1850-1851, et
y exécutait près de 350 dessins de monuments ; seul un premier
album, contenant 193 planches, a paru en 1850, sans texte : Gsell devait
en composer, en 1912, le commentaire explicatif ("
Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années
1840-1845. Archéologie ". Texte explicatif des planches de
Ad. H. Al. Delamare..., par St. GSELL, Paris, 1912.). Léon
Renier, chargé un peu plus tard de recueillir les Inscriptions
romaines de l'Algérie, en publiait plus de 4.400 de 1855 à
1858. En 1838, Berbrugger avait fondé la Bibliothèque Nationale
et le Musée d'Alger. Partout se formaient des Sociétés
savantes : la doyenne est la " Société archéologique,
historique et géographique de Cons-tantine ", qui remonte
à 1852 ; la " Société historique algérienne
" date de 1856 ; 1"Académie d'Hippone " de 1863.
Ces sociétés, qui publiaient des revues ou des bulletins,
firent d'excellent travail.
-----------Tout
cela appartient encore à un âge héroïque et à
une phase préparatoire, que devait suivre, à partir de 1880,
la période des réalisations. C'est dans ce second temps,
lorsque les premières prospections et les premiers inventaires
furent achevés, lorsque la récolte épigraphique eut
été réunie dans
deux volumes du Corpus Inscriptionum Latinarum (La
guerre de 1870 avait empêché Léon RENIER de rédiger,
selon les accords qui avaient été conclus, tome VIII du
Corpus, consacré à l'Afrique ; les deux premiers volumes
ont été préparés par l'éaigraphiste
allemand WILMANNS, et publiés par MOMMSEN en 1831 R. CAGNAT a collaboré,
à partir de 1891, à la rédaction de trois volumes
de Suppléments.), que l'archéologie algérienne,
pourvue d'ailleurs de crédits plus solides, donna sa pleine mesure.
C'est alors que fut inauguré le cycle des grandes fouilles méthodiques.
-----------En
1880 s'ouvrait le chantier de Timgad, qui devint peu après permanent,
et qui, après plus de cinquante ans d'une exploration ininterrompue,
s'est encore révélé, depuis la guerre, riche de surprises
et d'avenir. Des fouilles ont commencé à Lambèse
en 1883, à Cherèhel en 1886, à Tébessa en
1888, à Tipasa en 1891, à Khamissa en 1900, à Announa
en 1903, à Mdaourouch en 1905, à Djemila en 1909. Et Louis
Leschi pouvait écrire en 1946: " Sauf Announa et Madaure,
tous ces chantiers sont encore actifs ".
Plusieurs de ces " villes d'or " ont acquis depuis une réputation
mondiale, et deux au moins d'entre elles, Timgad et Djemila, sont aussi
connues que Pompéi (On
a compté 10.583 visiteurs à Timgad en '9-4 -- Cn consultera
Chr. COURTOIS, Timgad, anti-Thamugadi, Alger, 1951 ; M"" ALLAIS,
Djemila, Paris, 1938 ; L. LESCHI, Djemila, antique Cuicul, Al-1949.),
dont elles offrent, par l'ampleur et le bel état de leurs ruines,
des répliques aussi expressives - quoique dans un climat, moral
et physique, bien différent de celui qui régnait dans la
petite cité de plaisance campanienne. Toutes deux à l'origine
colonies militaires, fondées à peu près en même
temps, vers l'an 100 de notre ère, dans un horizon pareillement
dénudé, pour garder l'une, les contreforts nord de l'Aurès,
l'autre, un carrefour de routes contre les montagnards mal soumis des
Babors, Thamugadi et Cuicul se sont épanouis pourtant, dans la
paix de plus en plus assurée des II" et III, siècles,
au point de déborder largement leurs enceintes primitives, allant
jusqu'à couvrir, à Timgad, une cinquantaine d'hectares autour
des 12 ha., intégrale-ment dégagés, dans lesquels
s'enfermait la ville de Trajan. Et il est inutile de rappeler le plan
régulier comme une épure de cette première Timgad,
où l'égalité du terrain permit aux arpenteurs de
réaliser leur idéal d'une urbs justa, et de dérouler
sans bavures le quadrillage de leurs decumani et de leurs cardines, -
tandis qu'à Djemila, juchée sur un éperon entre deux
ravins, leur besoin de symétrie avait à compter avec un
relief tourmenté. Ici et là pourtant les mêmes forêts
de légères colonnes dominées par les arcs de triomphe,
les mêmes larges places bien dallées autour des temples,
les mêmes théâtres aux beaux demi-cercles de gradins,
les fontaines et les thermes, et tous ces édifices, témoins
de la civilisation matérielle et spirituelle, le marché
de Cosinius à Djemila, la bibliothèque de Rogatianus à
Timgad, dont de généreux citoyens avaient voulu doter leur
ville natale. Si les sculptures qu'on y a trouvées ne dépassent
pas, en général, le niveau de ce qu'on est convenu d'appeler
l'art provincial romain, la mosaïque, " art particulièrement
africain ", répand partout sur les pavements des tapis colorés
dont la valeur apparaît, et apparaîtra, de plus en plus.
-----------Timgad
et Djemila sont les deux sites archéologiques les plus célèbres
de l'Algérie. Mais non moins importantes,
non moins instructives étaient encore les trois villes numides,
Khamissa, Mdaourouch et Announa qui, fouillées au début
du siècle par l'architecte Ch. A. Joly, ont fait l'objet, en 1914,
1918 et 1922, d'une grande publication de Stéphane Gsell. Mdaourouch
(Madaure) était fameuse dans l'histoire des lettres : vivant foyer
de culture latine, où était née Apulée, où
le jeune Augustin avait appris la littérature et l'éloquence
; Gsell en décrit le forum, le théâtre, les thermes,
les églises et la forteresse byzantine ; on a, en outre, dégagé
depuis, en parfait état, une huilerie à deux pressoirs qui
nous ramène, comme partout dans l'archéologie algérienne,
sur le plan de la vie économique. Mais Announa (Thibilis) et surtout
Khamissa (Thubursicu Numidarum) présentent une autre sorte d'intérêt,
qui vaut qu'on s'y arrête un moment. C'est que Timgad et Djemila
étaient des créations ex nihilo de la colonisation romaine
; leur population, bien que des éléments indigènes
y fussent venus s'y agréger, était fondamentalement romaine.
Madaure aussi, centre numide qui existait dès le III" siècle
av. J.-C., a été entièrement transformée par
la fondation d'une eclonie de vétérans sous les Flaviens.
Mais Announa, bien que fière de se dire romaine, révèle
de nombreuses survivances de son passé romain, et Khamissa, Thubursicu
Numidarum, offre l'exemple significatif, parmi d'autres, d'un bourg indigène
attaché au nom de la tribu dont il était antérieurement
le chef-lieu, où persistent les civilisations et les langues libyque
et punique, et qui, pourtant, sans afflux c' e sang nouveau, par l'assimilation
sans réticence des
Numides qui l'habitaient, devient une grande cité romaine, et sans
doute, quoique l'histoire n'en fasse pas mention (A
moins que dans TAC., Ann., IV, 24, 1, on ne corrige le nom du Thubuscum
oppidum assiégé par Tacfarinas.), une des plus considérables
de l'Algérie antique. C'est pour des Berbères romanisés
que fut construit ce théâtre, le plus beau et le mieux conservé
de l'Afrique du Nord. Ce sont des Berbères romanisés qui
applaudissaient cet Eunuque dont un claveau décoré d'un
masque porte l'inscription et dont le succès, même si ce
n'était qu'une pantomime inspirée de fort loin de la comédie
de Térence, n'en prouve pas moins chez les spectateurs une participation
totale à la culture latine de l'Empire. A Khamissa était
né le grammairien Nonius Marcellus, qui se proclamait " le
péripatéticien de Thubursicu ", comme Apulée
avait été " le platonicien de Madaure ". Dans
un site comme celui-là, la question qui se pose avec insistance,
c'est de savoir comment, avec une telle économie de moyens, Rome
a su convertir la Berbérie à ses moeurs.
-----------On nous
excusera de passer si vite, dans cette évocation des chantiers
classiques de l'Algérie, sans même donner un regard à
la basilique chrétienne de Tébessa (SEREE
DE ROCH, Tébessa, antique Théveste, Alger, 1952..),
ni au praetorium de Lambèse, ni aux collections d'art grec réunies
par Juba II dans sa résidence de Cherchel. Il est plus nécessaire
de rappeler que toutes ces fouilles s'accompagnaient de la publication
de quelques grands ouvrages sur lesquels repose encore aujourd'hui notre
connaissance de l'Algérie antique : en même temps qu'il publiait,
avec E. Boeswillwald et A. Ballu, les résultats des fouilles de
Timgad (1891-1905), René Cagnat donnait, en 1892, la première
édition de son Armée romaine d'Afrique, qui retrace toute
l'histoire militaire du pays dans l'antiquité. Pallu de Lessert,
d'autre part, oen reconstituait l'histoire administrative dans ses Fastes
des provinces africaines (1896-1901) . Dans Les Africains (1894), Paul
Monceaux étudiait la littérature latine de l'Afrique païenne,
avant d'entreprendre sa monumentale Histoire littéraire de l'Afrique
chrétienne (1901-1923). Charles Diehl consacrait à l'Afrique
byzantine (1896) l'un de ses premiers grands livres. Mais il faudrait
surtout citer ici toute la bibliographie de Gsell et particulière-ment,
parmi les 209 titres qui la composent et dor t 200 intéressent
l'Algérie, trois ouvrages qui sont à la base de toute recherche
ultérieure, les Monumer ts antiques de l'Algérie (1901),
l'Atlas archéologique de l'Algérie (1902-1911), où
sont reportés en rouge, sur des cartes au 200 millième,
avec notices, tous les vestiges pré-romains ou romains connus alors,
et dont il avait personnellement revu la plupart, enfin l'Histoire ancienne
de l'Afrique du Nord en huit volumes (1913-1928) qui, ayant traité
des origines de Carthage et des royaumes indigènes, s'arrêtent
malheureusement " au seuil de la terre promise ", c'est-à-dire
de l'Empire, des murs aux join ts parfaits et des inscriptions en bonnes
lettres. Enfin, autour de ces oeuvres magistrales, paraissaient quantité
d'études de détail qui, à propos d'une découverte
ou d'un inédit, faisaient revivre les aspects multiples de la civilisation
de l'Algérie romaine. Beaucoup d'entre elles étaient dues
à des membres, ou à d'anciens membres, de l'Ecole Française
de Rome, que la tradition s'établit alors d'associer à l'exploitation
des chantiers de l'Afrique du Nord. Et certains de ces mémoires
ont fait date : tel celui que M. Jérôme Carcopino publia
,en 1906 sur une inscription qu'il avait trouvée dans la vallée
de la Medjerda, en Tunisie, mais dont le témoignage s'étendait
à l'Algérie, en ce qui concerne l'organisation des saltus
impériaux oet le statut du fermage : c'était un grand pas
en avant dans l'histoire, sur le plan économique et juridique,
de la colonisation romaine. L'inscription d'Ain-el-Djeniala (.
J. CARCOPINO, L'inscription d'Aïn-el-Djemala, Mél. de l'Ec.
fr. de Rome, XXVI, 1906, p. 365 sq) n'était d'ailleurs que
l'un des premiers travaux parmi tous ceux que M. Carcopino, qui succéda
à Gsell en 1912 à la Faculté des Lettres d'Alger
et à l'Inspection des Antiquités de l'Algérie, devait
consacrer à l'Afrique du Nord (
Il faut mentionner aussi la publication des Musées et Collections
archéologiques de l'Algérie (et de la Tunisie) : I, Alger,
par DOUBLET (1890) ; II, Constantine, par DOUBLET et GAUCKLER (1893) ;
III, Oran, par LA BLANCHERE (1893) ; IV, Cherchel, par GAUCKLER (1895)
; V, Lambèse, par CAGNAT (1895) ; VI, Philippeville, par GSELL
(1896) ; IX, Coll. Farges à Constantine, par BESNIER et BLANCHET
(1900) ; X, Tébessa, par GSELL (1902) ; XII, Timgad, par BALLU
et CAGNAT (1903) ; XIV, Paris, par HERON DE VILLEFOSSE (1906) ; VI, Guelma,
par DE PACHTERE (1909), etc.).
-----------Une troisième
période commence alors - qui est encore la nôtre, et, malgré
la modestie avec laquelle les contemporains jugent d'habitude l'oeuvre
qu'ils voient s'accomplir sous leurs yeux, la vérité oblige
à dire que cette période n'aura pas été, quoique
diversement, moins féconde que la précédente C'est
que le sol de l'Algérie est, à cet égard, inépuisable
; c'est aussi que le bon travail antérieurement
accompli ne pouvait que produire une fructification plus abondante.
L'une des causes du succès doit être encore cherchée
dans l'importante réforme administrative qui, créant à
Alger, en 1923, une Direction des Antiquités, laissa désormais
à l'archéologue qui en était chargé les plus
larges initiatives ( Sur
la création de la Direction des Antiquités, voir l'article
nécrologique consacré par L. LESCHI à Eugène
ALBERTINI, dans la Rev. Air., 1941, p. 148 sq.). Le mérite
en revient surtout à la science, au dévouement et à
la ténacité des deux hommes qui se sont succédé
à cette direction, Eugène Albertini (1923-1932) et Louis
Leschi (1932-1954). Et il est juste de dire qu'ils ont été
aidés. A la tête d'un service dont Albertini soulignait en
plaisantant qu'il se composait de sa seule personne, alors que les responsabilités
croissaient démesurément, ils ont réussi à
se constituer à travers l'Algérie un réseau d'excellents
collaborateurs, aussi actifs que compétents, cependant que leur
bonne entente avec les architectes en chef des Monuments historiques (Ce
fut, à partir de 1927, Marcel CHRISTOFLE, à qui son las
a succédé dans le même poste.
.) se resserrait sans cesse et que leur autorité auprès
du Gouvernement Général et l'intérêt qu'ils
savaient y éveiller pour leurs travaux se traduisaient dans la
pratique par un soutien de jour en jour accru.
-----------Pour
Albertini et Leschi, il s'agissait, d'abord, de continuer l'effort de
leurs prédécesseurs : il fallait achever, ou tenter d'achever,
les dégagements de villes antiques en cours depuis un demi-siècle.
Pour donner une idée de la vigueur avec laquelle cette première
partie du programme a été menée, et de la valeur
des résultats obtenus, il suffira de dire quelques mots des nouvelles
fouilles à Timgad et à Tipasa.
-----------On
connaissait de tout temps le fort byzantin de Timgad, le plus beau et
le mieux conservé de l'Afrique du Nord, dressant, à 300
m. environ au sud de la ville, sa puissante enceinte rectangulaire, flanquée
de tours carrées, qu'avait élevée en 539 le patrice
Solomon. Le déblaiement des ruines qui s'accumulaient à
l'intérieur, entrepris en '1939 en prévision du Congrès
des Etudes Byzantines qui devait se tenir à Alger, révéla,
sous les constructions du VI" siècle - les casernements, les
thermes du commandant de la forteresse, la chapelle de la garnison - des
édifices antérieurs, remontant au début du III siècle,
et qui leur avaient servi de fondations : ce sont ces édifices
que les fouilles, pendant la guerre et au cours des années qui
ont suivi, ont presque entièrement dégagés (
L. LESCHI, Aqua Septimiana Felix, Comptes Rendus de l'Acad. des Inscr.
et Belles Lettres, 1947, p. 87, sq).
-----------Il
s'agit d'un lieu de culte qui s'était développé autour
d'une source salutaire, à laquelle Septime Sévère
et Caracalla durent peut-être leur guérison lors du séjour
qu'ils firent à Timgad en 203, et qui porta en tout cas le nom
d'Aqua Septimiana Felix. Au fond s'adossaient trois sanctuaires dont celui
du milieu, le plus grand, était sans doute dédié
à la Dea patria (l'Afrique), et celui de droite, plus hypothétiquement,
à Sérapis, s'il faut choisir parmi les nouveaux fragments
d'inscriptions et de sculptures qui y ont été retrouvés.
Ces petits temples dominaient, du haut d'une terrasse, une longue piscine
de 27 m. sur 7, entièrement revêtue de marbre, entourée
d'une balustrade de bronze, et bordée de part et d'autre par des
portiques sur les murs desquels des peintures en trompe-l'ceil imitaient
des jardins: d'où le nom de viridarium sous lequel ils sont désignés
dans une inscription qui analyse cet ensemble et permet de le dater de
la fin de 213. Il se prolongeaient, même en dehors du fort byzantin,
par une vaste place dallée s'étendant en direction des thermes
de la ville.
-----------Ces
fouilles, outre la chapelle du patrice Solomon et le viridarium de Caracalla
qu'elles ont mis au jour, ont produit une abondante récolte épigraphique
( H. DOISY, Inscriptions
latines de Timgad, Mer. a, l'Ec. )r. de Rome, LXV, 1953, p. 99 sq. Mentionnons
aussi la très belle étude, faite par LESCHI à l'aide
d'un fragment nouveau, de l'important album municipal de Timgad (Rev.
Et. Anc., 1948, p. 71 sq.), entre autres à cause du remploi
qu'on avait fait de pierres inscrites dans la construction byzantine.
Elles constituent une belle réussite technique, dont L. Leschi
attribuait justement le mérite à Ch. Godet, Directeur des
fouilles. Ch. Godet, pendant plus de trente ans, s'était voué
à Timgad. Son fils René Godet, quand il mourut, lui succéda.
Mais Timgad, qui avait été fondée pour contenir au
Nord les Berbères de l'Aurès, fut une des premières
menacées par l'insurrection de 1954. Le 12 juillet suivant, René
Godet se tuait dans un accident d'hélicoptère ; "
il avait voulu mettre à la disposition des officiers qui cherchaient
à prendre- contact avec le pays sa connaissance des routes et des
vallées (
J. LASSUS, Libyca, III, 1955, p. 207.)
".
-----------Quiconque,
visitant aujourd'hui Tipasa, voudra mesurer le travail accompli depuis
trente ans, n'aura qu'à relire les délicieuses Promenades
archéologiques aux environs d'Alger, publiées par
Gsell, aux éditions " Les Belles Lettres ", en 1926.
Et pourtant quoi de plus connu, semblait-il, que la petite ville, allongeant
dans une mer de Grèce, contre la masse sombre du Chenoua, ses trois
promontoires jonchés de fleurs et de ruines ? "
J'avais toujours su, écrit Albert
Camus qui lui a dédié les plus lyriques de ses essais,
que les ruines de Tipasa étaient plus jeunes que nos chantiers
ou nos décombres. " Le mot " jeunes "
peut être pris en plus d'un sens.
-----------On
retrouve aisément, certes, les grandes lignes de la structure générale
- la colline des temples païens entre les deux collines chrétiennes
de l'est et de l'ouest -, telles que les avaient définies, en 1894,
Stéphane Gsell dans sa thèse latine (De
Tipasa Mauretanice Ccesariensis urbe, Alger, 1894 ; en français
dans les Mél. de l'Ec. fr. de Rome, XIV, 1894, p. 291 sq.).
Mais d'abord la vaste propriété de 11 ha. sur lesquels s'étendaient
la plupart des ruines des collines du centre et de l'ouest a été
généreusement léguée à l'Etat par les
héritiers du vénérable M. Trémaux, que Gsell,
en 1893, félicitait du soin avec lequel il veillait à leur
conservation (GSELL, Rech.
arch. en Algérie, Paris, 1893, p. 5.) : avec des terrains
rachetés d'autre part, elle constitue depuis 1949 un parc national
- maintenant pourvu d'un Musée di gne de Tipasa - où les
fouilles, sous la direction du colonel Baradez, ont pris une extension
considérable (J.
BARADEZ. Tipasa, ville antique de Maurétanie, Alger, 1952.).
Beaucoup des monuments de la colonie de Claude sortent peu à peu
de la végétation luxuriante où ils demeuraient enfouis.
Dès la fin de la guerre, un charmant théâtre avait
été dégagé (E.
FREZOULS, Le théâtre romain de Tipasa, Mél. de l'Ec.
fr. de Rome, LXIV, 1952, p. 111.). Depuis, le long du decumanus,
dont le dallage a été nettoyé en direction de la
porte monumentale de Caesarea (Cherchel) à l'ouest, on a remis
au jour, en face du temple que l'on attribuait traditionnellement à
Hercule et que l'on désigne à présent de l'appellation
plus prudente de " temple anonyme ", un " nouveau temple
", non moins anonyme et semblablement précédé
d'une cour à portique, et, derrière le premier, une grande
partie de l'amphithéâtre.
-----------Mais
c'est la colline de l'est qui réservait les découvertes
les plus sensationnelles. Elles ont commencé lorsque, en 1930,
M. Jean Lassus, aujourd'hui Directeur des Antiquités de l'Algérie,
alors membre de l'Ecole Française de Rome, ayant reçu mission
d'explorer les abords de la Basilique de Sainte-Salsa, élevée
sur la tombe de la jeune martyre tipasienne, exhuma les premiers sarcophages
d'une immense nécropole (
J. LASSUS, Autour des basiliques chrétiennes de Tipasa, Mél.
de l'Ec. fr. de Rome, XLVII, 1930, p. 234 sq.) qui en comptait,
on l'a vu depuis, plusieurs milliers et qui, déroulant jusqu'au
bord de la falaise la blancheur presque intacte de ses cuves et de ses
couvercles, parfois recouverts de tables d'agapes, ne composait pas seulement
le plus pittoresque des " cimetières marins ", mais,
par le nombre et la diversité des pèlerins qui, d'Afrique,
d'Italie et même d'Asie Mineure, étaient venus se serrer
autour de leur sainte, un des échantillons les plus significatifs
de la profondeur et de la diffusion du culte des martyrs (E.
ALBERTINI et L. LESCHI, Le cimetière de Sainte Salsa, Comptes Rendus
de l'Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, 1932, p. 77 sq.). Et maintenant
ce n'est pas seulement autour de la Basilique de Sainte-Salsa que revit
la piété de la ville chrétienne, - ni non plus, sur
la colline de l'ouest, autour de la Basilique de l'Evêque Alexandre,
- mais, sur la colline orientale encore, on a découvert en 1950,
à côté d'un enclos également pavé de
tombes, une chapelle dé diée aux bienheureux martyrs Pierre
et Paul.
-----------Non
loin de là, à quelques centaines de mètres, c'est
la Tipasa punique qui sort peu à peu de l'ombre. On ne peut pas
dire que l'archéologie punique eût été négligée
jusqu'alors : Gsell n'avait-il pas donné l'exemple en fouillant
lui-même en 1903 la nécropole punique de Gouraya à
l'ouest de Cherchel (St.
GSELL, Fouilles de Gouraya. Sépultures puniques de la côte
algérienne, Paris, 1903 ; et, après lui, F. MISSONNIER,
Fouilles dans la nécropole punique de Gouraya, Mél. de l'Ec.
fr. de Borne, L, 1933, p. 87 sq : cf M. ASTRUC, Supplément aux
fouilles de Gouraya, Libyca, II, 1, 1954, p. 9 sq.) ? On n'avait
jamais cessé de rechercher, dans la Constantinois et ailleurs,
les survivantes, dans la religion romaine, des traditions carthaginoises,
d'étudier les stèles à Saturne (
M. M. LEGLAY, qui prépare une thèse sur le culte de Saturne
en Afrique a étudié Les Stèles à Saturne de
Djemila-Cuicul, Libyca, I, 1953, p. 37 sq.) et le rite caractéristique
du molchomor (
J. CARCOPINO, Rome et les immolations d'enfants, dans Aspects mystiques
de la Rome païenne, Paris, 1942, p. 39 sq.). Et rien n'avait
plus comblé d'aise Louis Leschi, en 1940, que de déchiffrer,
sur des monnaies à légende phénicienne fortuitement
découvertes à Alger, le nom de la ville, I K S M, transcrit
par les Romains en Icosium (
J. CANTINEAU et L. LESCHI, Monnaies puni lues d'Alger, Comptes Rendus
de l'Acad. des Inscr. et Belles Lettres, 1941, p. 263 sq.). Mais,
depuis la guerre, surtout grâce à l'impulsion de M. Pierre
Cintas qui, en Tunisie, avait mis au point la technique particulière
de la fouille punique, et magistralement posé les principes selon
lesquels les Carthaginois, tous les 35 ou 40 km. le long de la côte
africaine, avaient fondé leurs échelles (P,
CINTAS, Fouilles puniques à Tipasa, .Rev. AJr., XLII, 1943, p.
263 sq.), de nombreux chantiers se sont ouverts, en Oranie notamment,
aux Andalouses (G. VUILLEMOT,
Vestiges puniques des Andalouses, Bull. de la Soc. géogr. et archéol.
d'Oran, LXXIV, 1951 ; P. CINTAS, Découvertes ibéro-pniques
d'Afrique du Nord, Comptes Rendus de l'Acad. des Inscr. et Belles Lettres,
1953, p. 52 sq.) , à Mersa 1Vladah (363G.
G. VUILLEMOT, Fouilles puniques à Mersa Madakh, Libyca, II, 2,
1954, p. 209 sq.), à l'île de Rachgoun (
Id., La nécropole punique de Pile Rachgoun, Libyca, III, 1, 1955,
p. 7 sq.). A Tipasa (
P. CINTAS, voir n. 35), M. Cintas, reprenant, en 1943, l'étude
de la nécropole punique, a réussi à la localiser
avec précision et à en suivre le développement en
partant du plus ancien monument qu'elle avait laissé - le mausolée
du VI'-V" siècle couché dans le port - et en remontant
ensuite vers l'est, à travers des tombes de plus en plus superficielles
qui s'échelonnent jusqu'au II' siècle avant notre ère
; aux dernières nouvelles, l'une d'elles, plus récente encore
(époque d'Auguste !) a livré les instruments sacrificiels
d'un prêtre de Tanit.
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-----------Entre
les deux, dans le temps et dans l'espace, entre la nécropole punique
et la nécropole chrétien-ne, le front est de l'enceinte
coupait en deux le cimetière païen, et cette enceinte, qui
avait fait l'objet d'une récente et remarquable étude de
M. Paul-Marie Duval ( P.
M. DUVAL, Cherchel et Tipasa. Recherches sur deux villes fortes de l'Afrique
romaine, Paris, 1946.), posait encore un problème de chronologie.
Le colonel Baradez, de 1949 à 1951, le fit mettre complètement
à nu jusqu'au rocher sous-jacent sur les 200 m. de sa partie nord
(J. BARADEZ, Les nouvelles
fouilles de Tipasa et les opérations d'Antonin le Pieux en Maurétanie,
Libyca, II, 1, 1954, p. 89 sq). Et il eut le bonheur non seulement
de restituer ainsi, sur toute sa hauteur conservée, un admirable
morceau d'architecture militaire, avec certains détails inconnus
jusque-là, comme un ouvrage en pierre taillée destiné
à permettre le passage d'un oued à travers la base de la
muraille, mais surtout de rencontrer là les deux documents, numismatique
et épigraphique, qui avaient manqué à ses devanciers
pour une datation sûre de l'enceinte : un trésor, caché
postérieurement à la construction de celle-ci, et dont les
83 deniers d'argent s'arrêtent à Antonin le Pieux ; des fragments
d'inscriptions qui, complétant un autre fragment remployé
dans la Basilique de Sainte-Salsa et qu'avait publié Albertini,
en offraient la véritable interprétation : c'était
l'inscription dédicatoire de l'une des portes et de toute l'enceinte,
gravée très précisément entre le 10 décembre
146 et le 9 décembre 147. Il apparaît clairement, en outre,
que la création de ce puissant système de défense,
qui ne devait succomber, trois siècles plus tard, qu'aux coups
des Vandales, était lié à la guerre qu'Antonin soutenait
alors, de l'Aurès au Maroc, contre les Maures ; et justement des
stèles de cavaliers de l'armée de Pannonie, découvertes
au même moment dans les ruines de l'amphithéâtre, indiquaient
les renforts auxquels l'Afrique-menacée avait alors fait appel.
-----------Ce ne
sont là que deux exemples des possibilités infinies de renouvellement
qu'offrent en Algérie des fouilles cinquantenaires. Et l'on pourrait
en trouver la confirmation aussi bien à Djemila (
Y. ALLAIS, Les fouilles de 1950-1952 dans le quartier Est de Djemila,
Libyca, II, 2, 1954, p. 343 sq ; J. CARCOPINO, Deux dédicaces religieuses
de Djemila, ibid. p. 419 sq.), à Lambèse (Sur
le nouveau camp de Titus à Lambèse, L. LESCHI, Libyca, I,
1953, p. 189 sq sur l'amphithéâtre, ID, ibid, II, 2 p. 171
sq. ; sur le mithrceum, M. LEGLAY, Comptes Rendus de l'Acad. des Inscr.
et Belles Lettres, 1954, p. 269 sq.
43.), à Tigzirt (Où
des membres de l'Ecole Française de Rome, MM. DEROCHE, FREZOULS,
HUS, EUZENNAT, LANSEL ont, depuis 1949, repris les fouilles ; sur l'identifi
ration de Tigzirt avec l'antique Rusuccuru, E. FRE?
ZOULS et A. HUS, Mél. de l'Ec. fr. de Rome, LXVI, 1954, p. 147
sq. ; M. EUZENNAT, L'histoire municipale de Tigzirt, ibid, LXVII, 1955,
p. 127 sq.; S. LANSEL, Architecture et décoration de la grande
basiltoue de Tigzirt, ibid, LXVIII, 1956.). Mais, non contente
de poursuivre et de développer l'exploration de villes déjà
connues, l'archéologie algérienne a ouvert de nouveaux chantiers,
à Masqueray (Rapidum) (W.
SESTON, Le secteur de Rapidum sur le limes de Maurétanie césarienne
après les fouilles de 1927, ibid., XLV, 1928, p. 150 sq. ; M. LEGLAY,
Reliefs, inscriptions et stèles de Rapidum, ibid., LXIII, 1951,
p. 53 sq.) , à Zana (Diana Veteranorum) (
Fouilles de P. et J. ALQUIu.R, puis de Ch. GODET.) , à Saint-Leu
(Portus Magnus) (4646.
Fouilles de M""' VINCENT depuis 1935 ; cf. Portus Magnus, Rev.
Afr. LXXIX, 1935, p. 35 sq. M. J. LASSUS a communiqué à
l'Acad. des Inscr. et Bleles Lettres, le 6 juillet 1956, le résultat
des dernières fouilles.) , etc... Nous devrons nous borner
ici à évoquer deux d'entre eux, l'un dans un site obscur
de la Numidie de Cirta, Tiddis, l'autre dans une des plus illustres métropoles
du christianisme antique, Hippone.
-----------En
1941, M. André Berthier, archiviste départemental et directeur
du Musée Gustave-Mercier à Constantine, utilisant comme
main-d'oeuvre des travailleurs démobilisés - qui formaient
en réalité une compagnie camouflée - s'attaqua, à
une vingtaine de kilomètres au nord de Constantine, à l'acropole
de Tiddis (Castellum Tidditanorum), sur un plateau au pied duquel le Rummel
taille des gorges pro-fondes (A.
BERTHIER, Tiddis, antique Castellum Tiddi tanorum, Alger, 1951).
C'était, dans la langue des indigènes, Ksantina el-Kdima,
" le vieux Constantine " ; et Tiddis en effet, par sa position
même, par l'escarpement de son cardo qui gravit en lacets et de
terrasse en terrasse une colline où les maisons s'enfoncent souterrainement
comme des grottes, représente assez bien ce que pouvait être
dans l'antiquité Cirta, la capitale numide dont Tiddis dépendait.
Mais ces difficultés n'avaient pas rebuté les architectes
romains, depuis la porte monumentale érigée par l'édile
Q. Memmius Rogatus au bas de la montée jusqu'a château d'eau
et aux thermes qui couronnent la ville, et que M. Cocecius Anicius Faustus
fit construire en 251, " en faisant enlever au nom du peuple les
décombres qui avaient alentour recouvert les lieux et tailler,
pour y constituer une surface plane, la montagne qui s'y dressait, préalablement
mise à nu " (
Id., Trois inscriptions de Tiddis, Rev. Afr. XV, 1945, p. 5 sq. ; egestis
per populum quæ uicina super auerant ruderibus ccesoque ad planitiem
qui nudatus extiterat monte.) : travail gigantesque que, comme
le prouve la similitude des formules, les Tidditains ne craignaient pas
de comparer aux excavations de Trajan au flanc du Quirinal pour l'aménagement
de son forum. Le site de Tiddis, riche d'inscriptions précieuses
pour l'histoire administrative de la Numidie romaine, intéresse
aussi, par ses nombreux et souvent mystérieux sanctuaires, son
histoire religieuse : mithraeum avec grotte et peut-être installation
pour tauroboles, vaste sanctuaire dédié aux Cereres, sanctuaire
de Saturne au sommet, etc..., sans compter une chapelle et un baptistère
chrétiens.
-----------Quant
à Hippone (Hippo Regius) , il est inexact de dire qu'il s'y soit
ouvert un nouveau chantier. Depuis sa fondation en 1863, l'Académie
d'Hippone veillait jalousement sur les moindres vestiges qui émergeaient
de ce sol auguste, ou que des sondages limités révélaient.
Mais l'amiral Marec, aujourd'hui directeur des fouilles, dénonçait
avec raison, en 1925, " la grande pitié d'Hippone la Royale
(Bull. de l'Acad. d'Hippone,
no 35, 1925.), et en 1936, l'Asociation Guillaume Budé,
y clôturant son voyage en Algérie par une manifestation au
théâtre, ne manqua pas d'émettre le voeu " que
les pouvoirs publics, les autorités municipales ou autres, les
organisations particulières, toutes les bonnes volontés
individuelles s'unissent pour faire exécuter dans le plus bref
délai et sur un large plan les fouilles et les travaux nécessaires
à la résurrection d'Hippone " (Bul.
de l'Ass. G. Budé de juillet 1956, no 52, p. 11. On trouve dans
ce Bulletin une conférence de L. LESCHI sur Hippone.).
-----------Ce
voeu est maintenant accompli, ou en voie d'accomplissement : l'opiniâtreté
de Louis Leschi, l'ardeur infatigable de M. Erwan Marec ont réussi
enfin à réaliser le projet d'expropriation établi
par Gsell et Albertini : aujourd'hui, plus de 25 ha, sur les 60 que couvrait
approximativement la ville antique, sont la propriété du
Gouvernement Général ; les fouilles ont commencé
aussitôt, et, en cinq ans, les résultats étaient bien
faits pour confondre d'admiration les membres du Congrès Augustinien,
qui ont visité Hippone en octobre 1954 (5151.
E. MAREC, Hippone la Royale, antique Hippo Regius, éd., Alger,
1950 ; 2°,e éd., considérablement augmentée,
1954.).
-----------Ici encore,
malgré l'attrait majeur peut-être qu'exercent les souvenirs
chrétiens, c'est tout le passé d'Hippone que l'on s'efforce
de ressaisir - d'Hippone comptoir punique, résidence des rois de
Numidie (d'où son nom d'Hippo Regius), municipe romain d'où
s'embarquaient vers Rome les récoltes dont ses horrea sacra étaient
pleins, enfin évêché où, de 396 à 430,
retentit contre les donatistes et les pélagiens, pour l'édification
du monde chrétien, la voix du grand Docteur. Mais naturellement
ce sont surtout les deux dernières périodes qui reparaissent
au jour.
-----------Le forum,
soupçonné par Leschi à proximité du théâtre,
a été découvert là où il l'avait cherché,
et a été entièrement déblayé en trois
énergiques campagnes (1947-1949) qui ont fait connaître une
area dallée de 76 sur 43 m. entourée de portiques (5252.
E. MAREC, Les fouilles d'Hippone, Comptes Rendus de l'Acad. des Inscr.
et Belles Lettres, 1948, p. 558 sq. ; Le forum d'Hippone, Libyca, II,
2, 1954, p. 363.). C'est le plus vaste forum de l'Algérie,
et par surcroît le plus ancien : car, déjà, une dédicace
en lettres monumentales, qui barre le pavement dans toute sa largeur,
porte le nom de C. Paccius Africanus, proconsul d'Afrique sous Vespasien
- et justement une tête colossale de cet Empereur figure parmi les
plus beaux morceaux de sculpture découverts au forum d'Hippone.
Mais le forum des Flaviens n'était sans doute pas le forum primitif
: une dédicade de 42 à l'Empereur Claude, une tête
d'Auguste, enfin et surtout un trophée de bronze d'époque
césarienne et qui semble avoir commémoré la victoire
du dictateur à Thapsus en 46 av. J.-C. (G.
PICARD, Les monuments triomphaux romains en Afrique, Comptes Rendus de
l'Acad. des Inscr. et Belles Lettres, 1948, p. 421 sq.), permettent
d'assigner au forum d'Hippone une date très ancienne, remontant
à l'annexion de la ville à la province romaine. Et certes,
sa décoration a beaucoup souffert des destructions et des pillages
; mais la moisson épigraphique a été en revanche
très riche : qu'il suffise de mentionner une dédicace inattendue
à l'historien Suétone, dont elle précise la carrière
dans les bureaux de la chancellerie impériale (E.
MAREC et H. G. PELAUM, Nouvelle inscriptidn sur la carrière de
Suétone l'historien, ibid., 1952, p.76 sq. ; cf. encore, des mêmes,
Deux carrières équestres à Hippone, Libyca, I, 1953,
p. 207.).
-----------Un autre
secteur, exploré concurremment, l'emporte encore en intérêt.
Au nord de la colline du Gharf el-Artran, on distingue, rassemblés
à peu de distance les uns des autres, des monuments qui rappellent
toutes les phases de l'histoire d'Hippone. D'abord d'énormes murs,
formés de gros blocs de granit ou de pierres de taille atteignant
parfois 4 m. de long, appartiennent vraisemblablement aux soubassements
de l'emporium punique ; tout contre se développa, du Ier au Ve
siècle de l'époque romaine, un quartier de villas donnant
sur le front de mer - dont le tracé suivait alors le cours de la
Seybouse - et dont les splendides mosaïques - d'Amphitrite, de la
Chasse, de la Pêche - sont l'orgueil d'un nouveau Musée.
Non loin de là, vers l'ouest, s'étend la ville chrétienne.
-----------Elle
comprenait de nombreux édifices, tapissés la plupart du
temps d'un beau pavement polychrome, dont la destination n'est pas encore
toujours claire : une première basilique à cinq nefs avec
abside carrés ; une chapelle tréflée précédée
de salles comme elle mosaïquées et entourée de ce qui
paraît être des cellules. Mais surtout, entre les deux, une
grande basilique à trois nefs (42 m. sur 20), pourvue également
de mosaïques dans lesquelles se creusent des tombes à épitaphes,
et se terminant par une abside semi-circulaire avec au fond l'emplacement
de la chaire épiscopale. Sur le collatéral de droite s'ouvrait
la chapelle du consignatorium et le baptistère. D'ailleurs ces
annexes de la basilique avaient été construites sur une
ancienne villa dont les thermes privés, l'atrium à portique,
et deux salles à mosaïques païennes, remontant au IIe
siècle (mosaïque des neuf Muses, mosaïque des Amours
vendangeurs) subsistent immédiatement au nord-est de la Basilique
( E. MAREC, Deux mosaïques
d'Hippone, Libyca, 1953, p. 95.).
-----------Les
textes signalent à Hippone, sans compter celles qui s'élevaient
dans la banlieue, plusieurs basiliques, la Basilique de Leontius, évêque
et martyr, la Basilique ad octo martyres, et la Basilique de la Paix,
Basilica Maior, l'église cathédrale de Saint-Augustin. Or,
de sérieux arguments, présentés avec prudence par
l'amiral Marec, suggèrent que la Basilique retrouvée est
bien cette Basilique de la Paix. Saint Augustin ne mentionne-t-il pas
à proximité immédiate la chapelle de saint Etienne,
qui serait la chapelle tréflée, avec la demeure de l'évêque
et les bâtiments du monastère qui abritait les prêtres
et les diacres. Il y a plus : un jeune sénateur d'Hippone, clarissimus
et egregius iuuenis Iulianus, possédait dans cette ville, jouxtant
la cathédrale (quae nostris adhaeret parietibus), une riche demeure
que saint Augustin désirait acquérir et dont en fin de compte
il hérita. N'est-ce pas la villa mitoyenne, avec ses mosaïques
profanes, dont les Muses et les Vendant es, symboliquement comprises,
n'avaient rien qui pût choquer les yeux des fidèles ? La
question est encore pendante, mais l'hypothèse plus que vraisemblable.
En sorte que les premiers coups de pioche auraient restitué à
Hippone, avec le forum de César, l'un des plus vénérables
sanctuaires de la chrétienté.
-----------Il
reste à parler d'une série de découvertes dont l'archéologie
algérienne est redevable à ce mode de prospection moderne
qu'est la photographie aérier ne. Louis Leschi avait tout de suite
compris l'intérêt qu'il y aurait à appliquer en Afrique
du Nord les r éthodes qui avaient fait le succès des travaux
de M. Crawford sur le Mur d'Hadrien, et du Père Poidebard sur le
limes de Syrie ( R. P.
POIDEBARD, La trace de Rome dans le désert de Syrie ; le N limes
D, de Trajan à la con-quête arabe, Paris, 1934.
). Dès 1935, il obtenait la collaboration du Commandement
de l'Air en Algérie, qui faisait exécuter à sa demande
plus de cent clichés concernant les forts de la frontière
romaine, les installations hydrauliques originales, les grands ensembles
urbains ( L. LESCHI, Recherches
aériennes sur le " limes romain de Numidie, Comptes Rendus
de l'Acad. des Inscr. et Belles Lettres, 1937, p. 256 sq.
.). Il accompagnait souvent, sur son avion de tourisme, un jeune
colon de ses amis, M. Pierre Averseng, dont il avait stimulé l'enthousiasme
pour les vols de reconnaissance archéologique. C'est la photographie
aérienne qui, en 1938, av ait guidé M. Julien Guey dans
ses recherches au sud de Biskra (J.
GUEY, Note sur le " limes " romain de Numidie et le Sahara au
IV"- siècle, Mél. de l'Ee. fr. de Rome, LVI, 1939,
p. 178 sq.). C'est grâce à un document photographique
particulièrement net, dû au commandant Landau, que Leschi,
à la Noël 1940, put procéder à l'identification
fulgurante, au sud-est du Chott-el-Hodna, du castellum de Mdoukal : "
La porte fut facilement repérée. Moins de deux heures après
le début des fouilles, venait au jour une belle inscription, absolument
intacte ", qui ne laissait rien ignorer du nom, Centenarium quod
Aqua Viva appellatur, ni des circonstances de la construction, en 303,
de cet important point d'appui du limes d'Afrique (L.
LESCHI, Centenarium quod Aqua, Viva appellatur..., Comptes Rendus de l'Acad.
des Inscr. et Belles Lettres, 1941, p. 163 sq.). Il fallut pourtant
l'heureuse rencontre, en 1946, de Louis Les-chi et du colonel aviateur
Jean Baradez pour que cet effort commençât à porter
tous ses fruits (Id., Nouvelles
recherches aériennes sur le " limes " d'Afrique, ibid,
1947, p. 512 sq).
-----------On
connaît maintenant, grâce au beau livre publié par
celui-ci en 1949, Fossatum Africae (J.
BARADEZ, Fossatum Africce, Alger, 1949.), les résultats
obtenus en trois années d'observations en plein ciel et de travail
en chambre. Fossatum, le mot n'apparaît que dans une constitution
de 409 insérée au Code Théodosien, où, accompagné
du terme limes, il définissait la ligne de défense fortifiée
qu'une population d'agriculteurs sédentaires était chargée
d'entretenir et de garder contre les rezzous des Nomades. Dès 1903
( St. GSELL, Le fossé
des frontières romaines dans l'Afrique du Nord, Mél. Boissier,
1903, p. 227 sq.), Gsell avait su en découvrir un secteur
de 60 km. dans ce qui passait jusqu'alors pour un canal d'irrigation aséché
entre Biskra et Touggourt, la Seguia Bent-el-Krass, dont M. Julien Guey
devait reprendre l'étude en 1938, en même temps que M. Gilbert
Picard explorait, à 200 km plus à l'ouest, à Messad,
Castellum Dimmidi, un des " châteaux " que M. Carcopino
avait antérieurement signalés sur le tracé de son
limes de Numidie ( J. CARCOPINO,
Les inscriptions de Doucen et l'occupation romaine dans le Sud algérien,
Rev. Et. Ane., 1923, p. 33 sq ; Sur l'extension de la domination romaine
dans le Sahara de Numidie, Rev. arch., 1924, 2, p. 316 sq ; Le limes de
Numidie et sa garde syrienne d'après des inscriptions récemment
découvertes, Syria, VI, 1925, p. 30 sq. et 118 sq. ; Note complémentaire
sur les Numeri syriens de la Numidie Romaine, ibid., XIV, 1934, p. 23
sq. ; cf. encore Hommes et Mondes, oct. 1948, p. 272.) ,, mais
que sa garnison palmyrénienne avait abandonné en 238. Du
fossatum, le colonel Baradez a découvert quelque 200 km. en trois
nouveaux tronçons, au nord du Hodna dans la région de Bou
Taleb, de Tobna à El-Outaya - et ici trouve sa place la Seguia-Bent-el-Krass
- enfin de Négrine (Ad Maiores) à Metlaoui en Tunisie. Le
retranchement, souvent à peine plus visible au sol que " le
sillage d'un bateau dans la mer ", se réduisait à un
fossé bordé de talus ou d'un mur en grosses pierres, et
son tracé incroyablement irrégulier, plein de saillies en
flèche et de rentrants profonds, s'explique par la nature tourmentée
du relief, la nécessité d'organiser la défense en
profondeur, et le souci d'englober dans la zone protégée
les terres suffisamment pourvues d'eau pour être cultivables. Derrière
le fossatum, se succédaient des forts ou fortins que desservait
un réseau de pén trantes et de rocades : l'un d'eux, le
camp de Gemellae au nord de la Seguia-Bent-el-Krass, a été
fouillé, et, à la grande surprise des historiens, une des
premières inscriptions découvertes a montré que l'occupation
en remontait au règne d'Hadrien.
-----------Tout
le monde a rendu hommage à l'importance de cet ouvrage, qui fera
époque comme l'Armée romaine d'Afrique de René Cagnat
en 1892. Beaucoup ont marqué aussi qu'en renouvelant le problème,
apportait, plus que des résultats définitifs, des hypothèses
d'attente (Sur l'accueil
qui a été fait à cet ouvrage, voir les comptes rendus
de J. CARCOPINO, Journ. des Sav., 1940, p. 133 sq ; W. SESTON, Rev. Et.
Ane., LI, 1949, p. 368 ; G. Ch. PICARD, Rev. arch., XXXVIII, 1951, p.
96 sq.). C'est que la photographie aérienne ne peut évidemment
fournir une chronologie des monuments dont elle n'enregistre sur ses clichés
que le dernier état ; elle met tout sur le même plan, comme
si le système défensif qu'elle compose avait été
implanté une fois pour toutes ne varietur. Mais entre le camp de
Gemellae, de 126, et le Centenarium quod Aqua Viva appellatur, de 303,
que d'événements en ont pu modifier le tracé .et
les raisons d'être ! Et que penser de ces postes sahariens, lancés,
comme Castelum Dimmidi, en plein pays barbare ? M. Gilbert Picard voit
dans son abandon en 238 la preuve d'un rétrécissement du
limes. Seule la continuation des recherches, les fouilles, les témoignages
épigraphiques pourront tirer les choses au clair.
-----------Mais
le Fossatum Africae du colonel Baradez ne vaut pas d'être cité
ici seulement comme un bel exemple de ce que l'histoire est en droit d'attendre
de la photographie aérienne. " Partie d'un chapitre d'histoire
militaire, l'enquête, dit très bien Louis Leschi dans sa
préface, aboutit à une étude de civilisation ".
La troisième partie est intitulée en effet : " Les
travaux d'hydraulique, la colonisation et la zone agricole du limes ".
Comment expliquer que les régions en deçà du fossatum,
rendues depuis treize siècles au désert, aient été,
sous l'Empire, sans que le climat ait sensiblement changé, habitées
par des populations sédentaires, dont la prospérité
est attestée, entre autres, par les monuments, amphi-théâtre
et temples, du municipe qui s'était développé autour
du camp de Gemellae ? Il est extrêmement pénible aujourd'hui
même d'y fouiller quelques semaines de suite, à cause du
vent de sable qui recouvre perpétuellement les ruines à
peine désensevelies : c'est que des plantations de tamaris en interceptaient
la violence. Le colonel Baradez a retrouvé, derrière la
Seguia Bent-el-Krass, les traces encore très lisibles de travaux
hydrauliques perfectionnés, qui visaient à ne rien perdre
des eaux utilisables : séries de murs échelonnés
pour empêcher iLérosion des terres, réservoirs pour
retenir les eaux locales, barrages dans le lit des oueds et canaux d'adduction
et de distribution de l'eau courante, compartimentage multiple des zones
à irriguer. C'est cette " politique d'aménagement de
la steppe " qui per-mettait des cultures forestières (olivier)
et des cultures de céréales (blé, orge, sorgho) :
elles ont laissé sur place les restes significatifs de leurs pressoirs
et de leurs moulins. Quant au palmier-dattier, qui ne demande, pour tout
soin, qu'un peu d'eau et de fumure, il ne devait apparaître que
là où l'on ne pouvait planter rien d'autre. Tel était
le pays qui, même en bordure du Sahara, fut chanté par les
chroniqueurs des invasions arabes comme " une suite continue d'ombrages
" (G. MARÇAIS,
La Berbérie Musulmane et l'Orient au Moyen .4ge. Paris, 1946, p.
23.). L'imagination orientale exagérait peut-être,
et il ne faut pas se représenter, à la place des espaces
désertiques d'aujourd'hui, des étendues ininterrompues de
cultures, mais plutôt un chapelet très serré d'oasis,
avec des oliveraies et des champs, sans les ravinements profonds qui ravagent
le paysage actuel, et partout, au contraire, les murettes, les rigoles
et les bassins par lesquels le génie de Rome avait créé
la fertilité et la vie.
-----------Nous
nous sommes arrêté quelque peu à ce livre : beaucoup
d'autres méritaient de nous retenir. Dans le bilan des travaux
d'archéologie et d'histoire accomplis depuis une génération
en Algérie, les publications ne comptent guère moins que
les fouilles. Dans le domaine de l'épigraphie, cette période
s'ouvre, en 1922, par la mise en train d'un nouveau Corpus, présentant,
dans un cadre géographique limité, mais sous une forme commode,
complète et révisée, les Inscriptions latines de
l'Algérie : le premier tome, comprenant les inscriptions de la
Proconsulaire, était dû à Stéphane Gsell ;
un second tome est sous presse, qu'il avait préparé, auquel
E. Albertini et M. J. Zeiller ont travaillé, et que M. H. G. Pflaum
a considérablement enrichi et enfin réalisé ; il
comprendra la Numidie de Cirta. En annexe à cette entreprise, Gsell
avait demandé à l'abbé J. B. Chabot de composer un
Recueil d'Inscriptions libyques, destiné à mettre à
la disposition des berbérisants, avec toutes les garanties d'exactitude
scientifique, une collection de plus de 1.100 textes, dont 350 seulement
avaient été publiés, et de façon insuffisante,
au XIX' siècle ; et ce travail, en deux fascicules, a vu le jour
en 1940 et 1947.
-----------Nous
avons déjà eu l'occasion de citer Cherchel et Tipasa, Recherches
sur deux villes de l'Afrique romaine, de P.M. Duval (1946), Castellum
Dimmidi, de G. Ch. Picard (1947) et les Voies romaines de l'Afrique du
Nord, de P. Salama (1951). D'autre part, la Direction de l'Intérieur
et des Beaux-Arts au Gouvernement Général a fondé
une nouvelle collection, aux éditions " Arts et Métiers
graphiques ", qui asure à des ouvrages intéressant
l'archéologie de l'Algérie une présentation luxueuse
et une illustration parfaite. Inaugurée par le Fossatum Africae
du colonel Baradez, elle comprend aujourd'hui neuf volumes, qui vont de
la préhistoire (Préhistoire de l'Afrique du Nord, de L.
Balout, 1955) à l'Islam (L'Architecture musulmane d'Occident, de
G. Març ais, 1954). Nous concernent plus particulièrement,
dans cette série, les Monuments funéraires préislarni
ques de l'Afrique du Nord, de M. Reygasse (1950), le Sanctuaire punique
d'El Hofra à Constantine (1955), où A. Berthier et l'abbé
R. Charlier ont publié un demi-millier de stèles, la plupart
inscrites et figurées et remontant au III" siècle av.
J.-C., qui venaient d'être découvertes en 1950 ; le Corpus
Nummorum Numidiae Mauretaniaeque, de J. Mazard (1955) ; le Tombeau de
la Chrétienne (1951), où Marcel Christofle, architecte en
chef honoraire des Monuments historiques, a retracé son expérience
de près de quarante ans de fouilles et de restaurations dans le
mystérieux et imposant mausolée pyramidal que Juba II, sans
doute, s'était fait bâtir sur les hauteurs qui dominent le
littoral entre Alger et Tipasa. Tous ces ouvrages traitent, on le voit,
de l'Algérie pré-romaine : seul le Fossatum Africae du colonel
Baradez (1949) est consacré à la belle époque de
la colonisation romaine. Mais c'est l'extrême fin de l'Empire qui
fait le sujet de deux publications considérables : Les Vandales
et l'Afrique (1955), où le regretté Chr. Courtois a raconté
l'invasion qui, au début du V" siècle, porta à
l'Afrique romaine un coup fatal, en même temps qu'il étudie
les caractères de l'Etat vandale qui en a résulté
et s'interroge sur les faiblesses secrètes de la romanisation ;
et les Tablettes Albertini (1952), 45 tablettes de bois trouvées
en 1928 dans la région de Tébessa, et portant, écrits
à l'encre, des actes de vente datés de 493-496 et qui jettent
un jour inespéré sur l'organisation de la propriété,
les formes de l'agriculture, la condition de; hommes et des biens à
cette époque tardive et dans ce canton reculé : E. Albertina
le premier les avait déchiffrées, et c'est à bon
droit qu'on a donné son nom à ces documents d'une rareté
insigne, que Ch. Perrat, Louis Leschi, J.P. Miniconi, Ch. Saumagne et
Chr. Courtois ont examinés du point de vue de la paléographie,
de la langue, du droit et de l'arrière-plan historique.
-----------Ajoutons
que le Service des Antiquités de l'Algérie possède
depuis 1953 son bulletin, la revue Libyca, qui publie chaque année
quatre fascicules, dont deux sont réservés à la préhistoire,
deux à l'archéologie et à l'épigraphie, et
n'oublions pas la charmante suite de plaquettes, un Cherchel de Gsell,
un Djemila de Leschi, Tiddis par A. Berthier, Hippone par E. Marec, Tipasa
par J. Baradez, Timgad par Chr. Courtois, qui fournissent pour les principales
ville d'or des guides bien illustrés et bien documentés.
On a réimprimé, à côté d'elles, les
excellentes confsirences que E. Albertini avait faites en son temps pour
les officiers des Affaires Indigènes et qui, suppléant dans
une petite mesure à l'inachèvement de l'Histoire de Gsell,
constituent encore aujourd'hui la meilleure introduction à l'étude
de l'Afrique romaine.
-----------Concluons
donc sur ce point que nous n'en sommes plus à l'époque du
maréchal Bugeaud, qu'impatientaient certaines querelles entre archéologues,
et qui notait rageusement en marge d'une correspondance : " Ces savants
mettent le désordre partout avec leurs exigences, dans l'intérêt
de leurs grands travaux, qu'ils ne publient jamais "
Il arrive que nos archéologues d'Algérie se disputent encore,
mais ils publient.
-----------Mais
la liste, très incomplète, de ces publications, et l'exposé,
très insuffisant, de ces fouilles auront peut-être permis
d'apprécier la valeur d'une d'une enquête archéologique
qui ne cesse d'élargir et d'approfondir son objet. Si la "
terre promise " de Stéphane Gsell - la vie des villes aux
II' et III' siècle de la paix romaine - n'a rien perdu de son inépuisable
attrait, il est clair que ce qui, en Algérie, a précédé
et suivi l'oeuvre de Trajan et des Sévères, ce qui même,
du fonds originel, a subsisté obscurément pendant qu'elle
s'accomplissait, bénéficie d'une attention croissante. N'indiquons
ici que d'un mot les études de préhistoire, dont la réorganisation
récente, par M. L. Balout, est aussi une preuve de la vitalité
et de la volonté de travail de l'archéologie algérienne
; elles permettront peut-être un jour de récrire les parties
périmées du premier tome de l'Histoire de Gsell. On a noté
les promesses et les réalisations des recherches libyques et puniques,
dans les publications de l'abbé Chabot, les découvertes
d'A. Berthier, les fouilles de P. Cintas. A l'autre extrémité,
les chan-tiers de Tipasa et d'Hippone, comme ceux de Timgad et de Djemila,
ont fourni des données infini-ment nouvelles à l'histoire
du christianisme africain, dont on essaie maintenant de ressaisir l'imperceptible
survie, bien au delà des persécutions vandales, jusqu'au
plus profond du moyen âge musulman (W.
SESTON, Sur les derniers temps du Christianisme en Afrique, Mél,
de l'Ec. fr. de Rome, LIII, 1936, p. 101 sq. ; CARCOPINO, Les Roumis de
Volubilis, dans Le Maroc romain, Paris, 1943, p. 288 sq. ; G. MARÇAIS,
La Berbérie musulmane, p. 71 sq.). Pourtant ce ne sont pas
seulement les limites chronologiques du domaine qui reculent à
perte de vue. Dans le Haut Empire même, des aspects inconnus de
l'histoire économique et sociale se dessinent avec netteté
; des problèmes inédits de l'histoire militaire se posent
en termes complexes. Et certes la crise d'admiration, devant l'ampleur
et l'efficacité de l'oeuvre de Rome, dans laquelle était
née l'exploration archéologique de l'Algérie, ne
s'est pas dissipée : loin de là. On a trouvé, aux
confins du désert, des raisons inattendues de s'étonner.
Pour reprendre le mot de Michelet, l'archéologie algérienne
tend à se faire " intégrale .>.
-----------Tel
est l'héritage magnifique, par tant de résultats acquis,
par tant de perspectives ouvertes, que 125 ans de recherches ont légué
au nouveau Directeur, M. Jean Lassus, que ses fouilles à Antiochesur-l'Oronte,
ses travaux sur les basiliques paléo-chrétiennes de Syrie,
et ses qualités d'administrateur, désignaient pour recueillir
la succession de Louis Leschi, dont M. Marcel Leglay avait assuré
l'intérim. Il était venu en Algérie en 1930, et c'est
à son heureuse inspiration, on l'a vu, qu'avait été
due la découverte du cimetière de Sainte-Salsa. Il v est
revenu, il y a un an, dans des circonstances tragiques, bien faites pour
décourager un autre que lui. Remises à plus tard, les fructueuses
missions épigraphiques d'où M. H. G. Pflaum, plantant sa
tente dans le Djebel constantinois, revenait, chaque printemps depuis
la guerre, avec des centaines d'inscriptions inédites ! Suspendu
jusqu'à nouvel ordre, le beau projet caressé par M. Albert
Grenier, Inspecteur Général des Antiquités et des
Musées de l'Algérie, et M. Jean Bayet, Directeur de l'Ecole
Française de Rome, d'ouvrir à Timgad un grand chantier permanent,
où, comme à Délos les Athéniens, les Romains
viendraient chaque an-née se mettre à l'école de
leurs aînés. Et pourtant ! En 1956, la Société
historique algérienne célébrait le centenaire de
sa fondation et la publication du centième volume de la Revue africaine.
Les organisateurs ont tenu à ce que les cérémonies
eussent lieu, comme prévu. La plupart des Directeurs de fouilles
étaient là, venus par avion et même, de fort loin,
par la route. Et il faut qu'on sache que tous tiennent bon, dans leurs
ruines, souvent mal gardées, du bled ou de la montagne, et que
plusieurs d'entre eux, profitant des crédits exceptionnels que
leur vaut la fermeture de certains chantiers, travaillent même comme
ils n'ont jamais travaillé. Ne donnons pas de noms ni de détails
: il ne faut pas défier les démons. Mais ils offrent un
bel exemple de courage et de foi. Avec eux, M. Jean Lassus prépare
un avenir archéologique qui, la paix revenue, sera à la
mesure du passé.
Jacques HEURGON.
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