Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle : musées
Le Bardo, musée d'ethnographie et de préhistoire d'Alger
n°66 - 1er octobre 1952

............le Musée du Bardo, magnifique création du Gouvernement Général de l'Algérie, est une réalisation dont on ne saurait trop souligner la valeur. Dans aucune autre contrée de l'Afrique on ne rencontre un tel ensemble, exposition systématique de l'évolution des cultures, et des hommes des temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Les collections préhistoriques de ce Musée, ses séries de gravures et peintures rupestres sahariennes, certaines de ses séries ethnographiques, sont des documents uniques. De France et de l'étranger les spécialistes viennent les consulter.

mise sur site le 2-02-2005
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---------Sous le nom de Sciences anthropologiques, on désigne actuellement trois disciplines dont l'avènement ne remonte qu'au milieu du siècle dernier, et qui ont pour but commun l'étude de l'Homme dans son évolution et dans celle de ses civilisations.
---------C'est d'abord l'anthropologie, qui envisage l'homme en lui-même, tant les races de nos jours que celles qui vivaient autrefois et ne nous sont plus connues que par leurs restes fossiles.
---------C'est ensuite l'Ethnographie, qui s'occupe des caractères culturels des groupes humains, c'est-à-dire des civilisations : celles des peuples primitifs que l'histoire laisse de côté et celles des peuples évolués dont l'analyse laisse souvent reconnaître la persistance de maint élément archaïque.
---------C'est enfin la préhistoire, science des hommes d'avant l'Histoire. qui ne se révèlent à nous que paf les rares vestiges qui ont résisté à l'usure des siècles.

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En Afrique du Nord, ces trois sciences prennent un intérêt particulier. Séparés de l'Europe par la Méditerranée, du reste du continent africain par l'immensité du Sahara, les habitants de cette région ont eu jusqu'à un certain point un développement autonome. Mais leur isolement n'était pas absolu : dès l'époque de la pierre polie l'homme a sillonné la Méditerranée : peu auparavant, à l'époque mésolithique et à plusieurs reprises durant l'âge de la pierre taillée qui l'a précédée, le désert saharien avait fait place à une contrée fertile où circulaient des hordes de chasseurs et, plus tard, des pasteurs. L'Afrique septentrionale a ainsi reçu des apports du Nord et du Sud, tandis que par l'Est, le long de la zone côtière, elle était en relation avec le delta égyptien et, par l'intermédiaire de celui-ci. avec l'Asie.

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" Ainsi se sont développés les traits qui donnent à la Préhistoire, à l'Anthropologie et à l'Ethnographie de l'Algérie, ses caractères particuliers. Nous savons maintenant que, pendant une durée qu'il n'est pas exagéré d'évaluer à 3 ou 400.000 ans, ce pays a vu prospérer ces premières civilisations paléolithiques, Chelléen, Acheuléen et Moustérien, que l'on retrouve dans une partie de l'Europe, au Sahara et en Afrique orientale. La faune était alors différente de celle d'aujourd'hui. Le climat aussi n'était pas le même. L'Homme de ces périodes ne nous est pas encore connu. mais les trouvailles faites au Maroc nous apprennent qu'au Moustérien, tout au moins, il était représenté par un type extraordinairement primitif, l'Homo Néanderthalensis, dont l'équivalent se retrouve en Europe.

---------" Après le Moustérien, l'âge de la pierre en Algérie prend un caractère spécial. Plusieurs civilisations se succèdent. Atérien, Capsien, Ibéro-Maurusien, qui n'ont plus de rapport avec celles de l'Europe, tandis qu'elles ont leur parallèle en Afrique orientale et méridionale. A l'homme de Néanderthal se substitue une nouvelle race, venue sans doute du Proche-Orient et parente des Cro-Magnon d'Europe occidentale, mais beaucoup plus brutale d'aspect, la race de Mechta, dont les grottes et les escargotières du département de Constantine ont livré de nombreux spécimens. Cette race a disparu à son tour, mais à l'Ouest, elle avait envahi le Maroc et occupé les îles Canaries où les Guanches, que les Espagnols combattirent au XVI°' siècle, en ont été sans doute les derniers survivants.

---------Avec l'âge de la pierre polie, on voit apparaître les hommes modernes, auteurs de gravures et (le peintures sur rochers qui, de l'Algérie méridionale, débordent sur une grande partie du Sahara alors largement habité, Hoggar, Fezzan, Tassili, Tagant, et nous apportent de précieux renseignements sur les moeurs et le genre de vie de leurs auteurs. Tous ces hommes venaient probablement de l'Est ; ce sont les ancêtres directs des Méditerranéens, la race de base de la population actuelle. Il n'est pas sans intérêt de noter que les recherches anthropologiques ont montré qu'à côté de cette race, deux autres contribuent essentiellement à former cette population : la race alpine et la race nordique. Avec des proportions différentes, ce sont les trois mêmes types que l'on rencontre en Europe occidentale. Nord-africains et Français sont ~beaucoup moins distincts anthropologiquement qu'on aurait pu le supposer.

---------" Toutes ces données ne se sont que progressivement dégagées de l'ignorance totale où nous étions encore à ce sujet au début de ce siècle. Ce sont les recherches et la persévérance admirables de nombreux préhistoriens, en tout première ligne desquels il faut citer M. Reygasse, les recherches aussi de divers anthropologistes, en particulier MM. Bertholon et Chantre, qui ont permis d'édifier une histoire nord-africaine qui n'est plus celle de tel ou tel peuple, ou de telle ou telle nation mais, dans un sens autrement plus large, celle de l'Homme. C'est à cette histoire qu'est consacrée le Musée du Bardo Les remarquables collections archéologiques qui y sont réunies révèlent le développement des civilisations humaines en Algérie et au Sahara pendant l'immense espace de temps qui s'est écoulé entre l'arrivée des premières populations préhistoriques dans ces territoires et l'aube des périodes historiques. Des collections anthropologiques encore en formation, mais dont il faut espérer qu'elles pourront elles aussi être un jour présentées au public, montrent la succession des races dans ces mêmes contrées.

---------" Mais cet ensemble serait incomplet si les civilisations actuelles étaient laissées de côté ; elles aussi sont envisagées. L'ethnographie des populations urbaines avec tous les détails de leur vie journalière est l'objet de remarquables reconstitutions, tandis qu'une place spéciale est réservée aux grands nomades sahariens : Touareg Hoggar en particulier, dont les éléments culturels, les plus caractéristiques sont présentés avec autant d'art que de science. Grâce à ces séries dont MM. G. Marcais et M. Reygasse oint été les infatigables collecteurs, ces civilisations, si proches de nous mais déjà en voie de désagrégation rapide, nous apparaissent dans tous leurs traits essentiels.

---------Ainsi conçu, le Musée du Bardo, magnifique création du Gouvernement Général de l'Algérie, est une réalisation dont on ne saurait trop souligner la valeur. Dans aucune autre contrée de l'Afrique on ne rencontre un tel ensemble, exposition systématique de l'évolution des cultures, et des hommes des temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Les collections préhistoriques de ce Musée, ses séries de gravures et peintures rupestres sahariennes, certaines de ses séries ethnographiques, sont des documents uniques. De France et de l'étranger les spécialistes viennent les consulter. Mais pour l'Algérie, le Bardo est mieux encore que cela : c'est le livre qui montre comment, sur ce coin de terre africaine, lentement e t péniblement, durant des siècles et des siècles, l'homme est parvenu à se dégager de l'emprise de la Nature et à créer des civilisations qu'il n'a cessé, qu'il ne cesse de perfectionner.

H.-V. VALLOIS,
Directeur du Musée de l'homme et de l'Institut de Paléontologue humaine.

LE PASSE DU BARDO

---------Sur le passé de cette belle villa algéroise, sur l'homme de goût qui la bâtit vraisemblablement au XVIII siècle. et sur ses premiers occupants, nos renseignements demeurent imprécis. Le nom de Bardo qu'elle porte, déformation probable du " Prado " espagnol nous fait penser au somptueux palais que les sultans Hafcides possédaient dès le XV" siècle dans la banlieue de Tunis. Telle est peut-être l'origine de la tradition qui concerne notre villa. Elle l'attribue comme résidence à un noble Tunisien exilé, que nous identifions volontiers avec l'énigmatique prince Omar (Ou Mustapha ben Omar, d'après la légende d'un dessin du Capitaine Longuemare. date de 1832 et représentant le "divan"salle ouverte de La cour) mentionné par Henri Klein dans ses Feuillets d'El-Djezaïr " .

---------Acquis après 1830 par le général Exelmans, le Bardo fit retour en des mains musulmanes, celles de Ali-Bey. Agha de Biskra. Celui-ci le revendit à un Français, M. Joret, qùi l'accommodaà ses besoins, l'agrémenta de plantations et ajouta notablement à la parure de ses salles et de ses cours. Ce propriétaire était fort riche : il adjoignit à la partie basse de vastes communs. écuries et remises, qui, à la faveur de larges passages taillés dans les murs et de plafonds vitrés purent abriter les collections de préhistoire. Par surcroît, ce propriétaire était artiste et passionné de musique : le grand salon, où Camille Saint-Saëns se fit entendre est devenu la salle du Sahara et du Hoggar. Ces adjonctions laissaient au reste intacte la partie proprement musulmane, de la villa. se présente comme un type heureusement conservé de ces maisons des champs où les citadins de la ville barbaresque aimaient à se reposer avec leur famille durant les mois d'été.


LE MUSÉE D'ETHNOGRAPHIE URBAINE

---------Tel es le cadre de la Section d'ethnographie urbaine. Il présentait par lui-même un caractère local trop marqué et une valeur d.'art trop réelle pour qu'on ne s'efforçât pas de les conserver, tout au moins de ne p .s en compromettre le charme par un aménagement trop rigoureusement didactique des collections.
---------La plus belle chambre donnant sur le patio a résolument été traitée comme une reconstitution d'intérieur algérois, tel qu'il pouvait en exister vers 1830, tel celui qu'avait pu voir Eugène Delacroix, qui nous en a laissé une admirable et très véridique image. On s'est librement inspiré de ce chef-d'œuvre de la peinture française " Femmes d'Alger dans leur intérieur ".
---------Dans le patio à coupole sont exposés, outre un grand brasero de fabrication européenne, des fontaines et autres vases de cuivre, produits de la dinanderie algérienne, ou tunisienne, des lanternes dont on se servait dans la ville barbaresque, des coffres et des étagères découpées dont les artisans locaux n'ont pas perdu la tradition.
---------La seconde chambre est consacrée au costume et aux industries qui s'y rapportent.
---------Une grande vitrine groupe seize petits mannequins représentant les types les plus caractéristiques de vêtements en usage dans les trois départements algériens.
---------Ces documents ethnographiques, établis grâce à la collaboration des ouvroirs ou écoles et de personnalités musulmanes des différents centres, sont d'autant plus précieux que les conditions nouvelles de la vie font rapidement évoluer les modes dont ils fixent le souvenir.

---------Une série de photographies d'une femme d'Alger permet d'étudier le haïk, la grande draperie si comparable au pelos antique, et elle montre les temps successifs de son ajustement.

---------Une seconde vitrine haute renferme deux grandes figures représentant l'une la mariée de Tlen cen. le ,jour de la noce, avec les tatouages et le costume rituel, l'autre la jeune épousée, lors de la réception donnée sept jours après. Des robes musulmanes et juives d'un beau style archaïque, des vestes 'U m,Erines et des corsages précieusement brodés complètent la garniture de cette vitrine.
---------Un mannequin fait connaître le vieux costume que les bourgeois tlemcéniens portaient encore il y a une quinzaine d'années : le gabboût, veste courte à capuchon en grosse étoffe brune agrémentée de motifs de couleurs. la veste de toile bleue, la ceinture de laine et le pantalon de toile grenat. De même origine, une jellaba, grand manteau fermé à capuchon et à manches courtes voisine avec cette effigie du passé.
---------Dans une vitrine basse ont été réunis les différents types de chaussures, depuis les traditionnelles babouches sans quartiers ni talon, qui ne couvrent que le bout du pied, jusqu'aux souliers brodés, dont la forme atteste l'intrusion des modes européennes. Des sandales de bois (qabqab) en usage dans la maison et a u hammamm sont présentées sur une étagère.
---------Faisant pendant à cet ensemble, une vitrine et une étagère semblables groupent divers types de coiffures : les chechia coniques que portaient naguère les femmes de Tlemcen et de Constantine ; les chechias tâssa des jeunes filles qui s'ornent parfois d'un motif découpé et d'un gland d'or ; les chechias hemispériques des hommes et des enfants ; les heniga. bonnets algérois en étoffe brodée et les koûriya
de Constantine et de Tunis, de forme analogue.

---------Le mahdel, grand chapeau en sparterie, dont les Arabes surmontent la large calotte du gannoûr occupe le bas de la vitrine.
---------La çarma, cette étrange tiare métallique d'origine vraisemblablement syrienne, qu'à Alger on connut depuis sa première moitié du XVIII"" siècle jusqu'au milieu du XIX'- est représentée par divers échantillons et par un dessin qui en montre l'ajustement.
---------L'outillage des artisans du costume réuni dans cette salle, du fabricant de belgha (pantoufles de cuir), du brodeur sur cuir, ou sur velours, de la brodeuse sur toile ou étamine, du passementier (notamment un métier archaïque de tissage aux cartons), fournira aux ethnographes des documents sur une activité industrielle périmée ou en voie de disparition.
---------Un placard contient quelques miroirs à main naguère en usage chez les coiffeurs
---------La porte voisine donne entrée dans une petite salle consacrée à la Tunisie.

---------Les costumes féminins y garnissent une vitrine haute. Autour d'un buste de femme de Mahdiya sont disposés les vestes et les énormes pantalons lamés d'argent des
Tunisiennes. Au sommet s'étend un de ces voiles de soie au centre noir et aux deux bouts tissés de jaune et rouge, travail des artisans d'origine andalouse, dont les femmes de Tunis se couvraient la tête, il y a de cela quelques années, et dont l'usage appartient aujourd'hui au passé.

---------La fabrication des chechia est aussi une industrie apportée en Tunisie par les Musulmans chassés de péninsule ibérique. Une grande vitrine plate réunit tout leur outillage, ainsi que des pièces en cours de fabrication, depuis le bonnet tricoté jusqu'à son dernier état après foulage, teinture et peignage. Les termes techniques, uniquement empruntés à l'espagnol, attestent l'origine du métier et de ceux qui le pratiquent encore.

---------La salle voûtée qui donne sous un des portiques de la cour de marbre est consacrée à diverses activités masculines. Dans le renfoncement médian, c'est la vie guerrière : une panoplie groupe les longs fusils au bois incrusté d'argent et de corail, les pistolets et les sabres, les éperons et les ceintures à cartouchières. Une selle brodée se dresse encadrée d'étendards.
---------La vie religieuse et intellectuelle ainsi que les rites populaires trouvent place à gauche. On y voit une de ces cathédres où siègent les professeurs dans les mosquées. Au mur sont suspendus un drapeau de confrérie et des enluminures représentant le sanctuaire de La Mekke. Dans une vitrine, outre un gros turban, coiffure authentique d'un mufti d'Alger, un beau manuscrit et des planchettes à Coran, des chapelets et des bougies, des boîtes à talismans et une tasse entièrement gravée de formules pieuses, dont l'effet bénéfique doit soulager les malades qui y boivent.
---------A droite, une seconde vitrine à deux étages contient une collection à peu près complète des instruments de musique nord-africains.
---------En bas, c'est la musique bédouine : le hautbois (ghaïta, zorna) et les flûtes de roseau (qocba, zemmara) depuis la grande flûte à la voix grave ,jusqu'au chalumeau ; et ceux qui marquent le rythme le gros tambour (tobal), les crotales de fer (quraqeb) dont les nègres accompagnent leur danse et le grand tambourin (gallal) creusé dans le bois, avec lequel les aèdes populaires scandent leur mélopée et récoltent les offrandes.
---------La partie supérieure renferme les instruments de l'orchestre citadin ; d'abord les plus vénérables : le qanoun (cithare) le rbab (rebec) à deux cordes avec son archet archaïque et le oud. ancêtre du luth qui en gardait le nom, éléments sonores qu'ont généralement remplacés le violon européen, le piano, voire la guitare hawaïenne ; puis les instruments à percussion : les tambourins de poterie, la derbouka algérienne et la tarija du Maroc, le tambour de basque (târ) à plaques vibrantes, et le tambourin carré (deff).

---------Bien, qu'obéissant à des besoins apparemment moins nobles la cuisine est un fait de civilisation que l'on ne saurait tenir pour négligeable et qui, lui aussi, intéresse l'ethnographie. Les ustensiles dont elle dispose sont réunis dans une petite chambre contiguë à celle que nous quittons. Récipient pour le transport, 'La conservation et la cuisson des aliments y sont groupés, notamment le grand plat de bois (guessa'a), le fourneau de terre. la marmite et le vase au fond perforé (keskes) utilisé pour la préparation du couscous, mets quasi-national des Nord-africains.

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Enfin, on a reconstitué dans le cadre architectural préparé à cet effet, l'intérieur d'un café maure qu'un peintre algérien e décoré de naïves enluminures. Le foyer est pourvu de son récipient où chauffe l'eau qui sera versée bouillante dans les cafetières individuelles ou les petites théières. Des tasses pour le café et des verres pour le thé s'alignent sur l'étagère. et les clients pourront savourer le breuvage choisi en jouant aux dominos, aux dames, au trictrac ou aux cartes. Ces différents jeux trouvent naturellement place dans cette dernière salle consacrée à l'ethnographie urbaine.

POTERIES BERBÈRES

---------Dans la partie supérieure du Musée du Bardo, à gauche du grand patio, une salle a étéréservée à l'exposition de poteries berbères.
---------Les décors de ces poteries rectilinéaires présentent des ressemblances frappantes avec ceux des vases qui se fabriquaient dans la Méditerranée orientale aux premiers âges du bronze (IIIè millénaire) et qui sont surtout connus par des trouvailles faites dans l'île de Chypre.
---------Dans cette salle a été rassemblée une série de bois sculptés, de boîtes à poudre, provenant du Sud constantinois, ainsi qu'une série d'instruments chirurgicaux encore utilisés par les populations de l'Aurès pour la trépanation ; quelques travaux de sparterie des populations berbères de l'Aurès complètent ces collections.

LA PRÉHISTOIRE

---------Six grandes salles sont consacrées à la préhistoire : outillage lithique, oeuvres d'art, mobilier funéraire. Dans les diverses salles du Musée, les collections sont classées dans l'ordre chronologique.

INITIATIONS A LA PRÉHISTOIRE

---------La salle qui lui est consacrée est d'installation récente. Sa création s'inscrit dans le plan de modernisation du Musée dont la réalisation se poursuit. Elle présente au visiteur des collections de préhistoire générale et de préhistoire nord-africaine et saharienne.

 

PRÉHISTOIRE GÉNÉRALE
Évolution de la technique de la pierre taillée.
Évolution schématique des industries préhistoriques en Europe occidentale.
Évolution de l'humanité.
L'art préhistorique.


PRÉHISTOIRE NORD-AFRICAINE ET SAHARIENNE
---------Évolution schématique des industries préhistoriques nord-africaines.
---------Évolution schématique des industries préhistoriques sahariennes.
---------Des reproductions œuvres de l'art rupestre saharien récemment découvertes (Mission F. Bernard au Tassili des Ajjers, 1949) et relevées par le peintre G. Le Poitevin, ornent les murs de cette salle. La girafe dressée et la course d'autruches de la grotte de Tahilaï se classent parmi les plus belles réussites des artistes préhistoriques.

PALÉOLITHIQUE ANCIEN
---------L'examen des documents datant du Paléolithique ancien : Sahara occidental et El-Ma-El-Abiod (Acheuleen). - Ouargla et Tidikelt : (vestiges paléolithiques et néolithiques). - Casablanca, Sud constantinois, Aoulef Chorfa, Tidikelt, Lac Karar, Ternifine, Erg Tihodaïne (Paléolithique inférieur). - Oued Mahrouguet (Paléolithique spécial), permet d'avoir une idée précise de l'évolution du paléolithique inférieur dans l'Afrique du Nord.
---------Les stations paléolithiques relevées au Nord, dans le Maghreb, donnent des formes absolument identiques à celles des niveaux classiques d'Europe.
---------Dans le Sahara, au contraire (fouilles César pour le Sahara occidental, et Reygasse pour le Sahara oriental), la présence de nombreux hachereaux accompagnant les haches taillées doit être au contraire rapprochée des industries de l'Afrique du Sud.
---------On trouve également des hachereaux dans certaines stations paléolithiques du Maghreb (Sidi Zin, en Tunisie, Ouzidan et Lac Karar près de Tlemcen, Ternifine près de Mascara).
---------Parmi les séries exposées dans les nouvelles vitrines de la salle 2, il en est une qui, par la splendeur des formes et la richesse des spécimens, mérite de retenir l'attention : il s'agit de la technique acheuléenne d'El-Ma-El-Abiod.

PALÉOLITHIQUE MOYEN
---------Le paléolithique moyen est représenté par des éléments extrêmement riches provenant du Sud constantinois et du Sahara central.
---------ACHEULEEN : Paléolithique moyen d'Aïn-Fritissa (Maroc).
---------ATERIEN : D'Aoulef Chorfa, du puits Chaâchas, de l'Afrique du Nord, de l'Oued Djebbana, de l'Oasis de Négrine, et d'El Ouchira ; d'Oum-et-Tine(Tunisie), d'Aïn-el-Mansourah.
---------MOUSTERIEN : de Bir-el-Ater, de Fedj-el-Botna, de Hassaï-el-Boul.
---------L'examen de ces séries permet de constater qu'il a existé en Afrique du Nord, une technique du paléolithique moyen, absolument identique aux séries européennes : le Moustérien classique (en particulier le Moustérien de Bir El Ater et d'Hassai El Boul).
---------A été également rassemblée une riche série de l'industrie du paléolithique moyen qui avait d'abord été considérée à tort comme extrêmement récente, contemporaine de l'âge des métaux. Il a été donné à cette industrie le nom d'Atérien. C'est à cette époque que sont apparus pour la première fois, avec un outillage moustérien, des pointes pédonculées massives, des outils divers présentant un pédoncule, des grattoirs, lames simples et lames à dos, burins, qui offrent beaucoup d'analogie avec les formes du paléolithique supérieur. Une série de pièces provenant du Sud constantinois (S' Baïkia), pierres taillées sur les deux faces, donnent morphologiquement un terme de passage très net entre les formes du paléolithique inférieur (Acheuleen) et les formes du paléolithique supérieur (Solutréen). Cette industrie porte le nom de S' Baïkia.

PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR
---------L'évolution du paléolithique supérieur dans l'Afrique du Nord présente de grandes différences avec l'évolution des industries de cette époque en Europe.
---------En effet, il y eut à cette période, en Europe, trois civilisations bien connues : l'Aurignacien, le Solutréen, le Magdalénien. Dans l'Afrique du Nord le paléolithique supérieur est caractérisé par une industrie désignée sous le nom de Capsien, composée d'un ensemble d'outils de pierre très légers, harmonieux de forme, comprenant de nombreux couteaux, grattoirs, burins, poinçons en os. Cette industrie de la pierre présente beaucoup d'analogie avec l'Aurignacien français. Ces techniques sont en particulier bien représentées dans la région de Gafsa et de Tébessa, tandis que sur le littoral, de Casablanca à Gabès paraît s'être développée une civilisation peut-être contemporaine connue sous le nom d'Ibéro-Maurusien. Les éléments les plus caractéristiques du Capsien exposé au Musée du Bardo, proviennent de fouilles dans le Sud constantinois, Cheria. Safsaf, Bir-Zarif-el-Ouar, Henchir, Oued Melloul.

NÉOLITHIQUE
---------A cette époque apparaissent pour la première fois des haches en pierre polie, de formes très pures, de minuscules pointes de flèches admirablement retouchées, sur les deux formes. L'homme connaît aussi la poterie et c'est de cette période que datent également la domestication des animaux ainsi que les premiers rudiments de l'agriculture.
---------Le néolithique saharien est représenté par des éléments trouvés au Tidikelt (Nezia - Hadj - Ahmed) et dans le Grand Erg occidental (Abd-el-Adhim).

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---------Il a paru d'autre part intéressant de grouper des documents relatifs aux périodes les plus récentes de la préhistoire nord-africaine et saharienne. Les civilisations qui y sont représentées sont le Capsien évolué (Capsien supérieur), l'Ibéro-Maurusien, la néolithique de tradition capsienne, le néolithique saharien et la civilisation mégalithique.
---------- Capsien supérieur de la Rammadiya (escargotière) du Chacal (E. de Tébessa). Ce gisement, fouillé en 1949 et 1951, a donné, outre une riche industrie microlithique et des pierres gravées, un squelette humain qui est exposé dans sa position de découverte. L'Homme du Chacal, représente un autre type humain préhistorique que celui connu depuis longtemps de Mechta-el-Arbi (entre Sétif et Constantine).
---------Ce bel ensemble provenant de l'oasis de Négrine (Sud constantinois) est absolument identique aux formes les plus pures découvertes en Europe dans les gisements tardenoisiens classiques.
---------- Ibéro-Maurusien de la Mouillah (près de Marnia - département d'Oran).
---------Les abris de la Mouillah sont le gisement type de cette industrie dont l'extension a été très grande, de la région de Gabes au Sud de Casablanca, mais toujours limitée à la zone littorale et tellienne. Sep pénétrations les plus profondes dans le Maghreb n'ont pas dépassé le Moyen-Atlas, le couloir de Taza, le Sersou.
---------- Néolithique du Damous-el-Ahmar (commune mixte de Tébessa),
---------Ce gisement a donné pour la première fois des oeufs d'autruche entiers ayant servi de récipients. de grands couteaux en silex blond d'une finesse de taille et de dimensions tout à fait exceptionnelles, des haches polies, des molettes et broyeurs enduits d'ocre rouge, des galets gravés, des gravures sur neufs d'autruche, des parures en test d'oeuf d'autruche, des poteries. etc...
---------Néolithique du Maghreb de provenances diverses.
---------Néolithique saharien, véritable joaillerie par la perfection de taille et la finesse de ses pointes de flèches aux formes variées.
---------Civilisation mégalithique. Aucune sépulture préhistorique en pierres sèches pouvant être attribuée à l'âge de la pierre n'a été découverte en Afrique du Nord. D'autre part, dans les divers monuments funéraires mis au jour, aucune arme ou bijou pouvant être attribué à l'âge du cuivre et aux divers stades de l'âge du bronze n'a été trouvé.
---------Les principaux monuments funéraires qui ont livré le mobilier exposé sont :
---------a.) Les tumuli : kerkour, ou redjem, en arabe, bazina en berbère, simples tas de pierres au-dessus du sol ;
---------b) Les chouchets : monuments funéraires de forme cylindrique , leur nom vient de leur ressemblance avec une chéchia.
---------c) Les cercles de pierres
---------d) Les dolmens.
---------Les tumuli et les chouchets sont spécifiquement berbères ; on les rencontre dans toutes les régions colonisées par eux. Gsell signale leur existence dans les îles Canaries et divers explorateurs en ont retrouvé jusqu'au Soudan. Il a même été signalé récemment l'existence de chouchets berbères au Bornou et au Tibesti.
---------Ces formes ont duré dans les diverses régions de l'Afrique du Nord jusqu'à la conquête musulmane.
---------L'ère de distribution des dolmens est beaucoup plus restreinte ; on n'en connaît aucun dans le Sahara. Le mobilier archéologique le plus archaïque relevé dans les dolmens ne paraît pas antérieur au III siècle avant notre ère. Les plus récents ne sont probablement pas postérieurs au III" siècle après J.-C.
---------Il a été réuni une importante série de pièces archéologiques provenant, en particulier de la riche nécropole de Gastel (Sud constantinois). La plupart des poteries exposées sont des poteries indigènes. Cependant, on peut constater dans les diverses formes des influences carthaginoises et gréco-romaines.
---------Sont également exposés des poteries et des bijoux provenant des dolmens des Beni-Messous. près d'Alger et de Ricknia près d'Hammam-Meskoutine.

---------Une gravure rupestre saharienne rapportée de la région de Fort-Motylinski (Hoggar) représente un dessin spiralé. Cette gravure fait partie d'un ensemble très riche ; les artistes préhistoriques ont utilisé un filon de micro-granite qu' entaille, à peu de distance du fort, l'oued Tarhaouahout.

ART PRÉHISTORIQUE
---------Une série de gravures et peintures ont été relevées au cours de missions dans la vallée de l'oued Dlerat en pays Targui Ajjer.
---------Les rouvres étudiées dans cette vallée peuvent être divisées comme dans tout le Sahara d'ailleurs, en deux grandes catégories :
---------a) Les gravures archaïques ou gravures rupestres proprement dites, d'un réalisme parfait, reproduisant au début une faune bien différente de celle actuelle, et contemporaine d'un Sahara très humide pouvant être comparé au régime actuel des pays du Tchad et du Zambèse ;
---------b) Les gravures libyco-berbères plus récentes, caractérisées par une grande décadence et par l'apparition de nombreux animaux domestiques et en particulier du chameau.
---------Les œuvres les plus anciennes sont caractérisées par une patine très sombre, souvent identique à celle de la roche encaissante ; le trait large, évidé test généralement poli. Beaucoup d'animaux sont reproduits en grandeur naturelle. La faune de ce premier groupe a des affinités nettement tropicales : hippopotames, rhinocéros, éléphants, girafes, bubales, antilopes, bovidés, autruches et échassiers. L'homme de cette période est généralement nu, armé de l'arc et masqué.
---------Ces oeuvres archaïques, d'un style réaliste remarquable. peuvent être comparées aux plus belles rnanifestaions de l'art préhistorique de l'Europe. A ces lointaines périodes, l'homme ne connaissait encore ni l'agriculture, ni la domestication des animaux. Dans l'Afrique du Nord, comme chez tous les primitifs, l'art avait à ces époques une valeur magique profonde.
---------Les oeuvres des premiers pasteurs apportent des éléments nouveaux, méditerranéens : animaux domestiques, chevaux, bovidés, chèvres. Au début, quelques éléments de la faune ancienne subsistent encore : girafes, autruches. La technique de ces œuvres est encore remarquable par le fini de l'exécution, l'observation des attitudes et le réalisme. Dans ce groupe, l'homme est généralement armé du javelot et de l'arc. Le costume présente des affinités avec l'Égypte, l'Espagne orientale et la Crête. Les reproductions de gravures et de peintures représentant des chars attelés de chevaux peuvent être attribués au premier millénaire avant notre ère. Bien plus tard, vers le III-, siècle, à l'arrivée en grand nombre du chameau dans le Sahara, on retrouve avec la reproduction d'une faune identique à celle de nos jours, des personnages armés de la lance et du bouclier rond. Ces couvres décadentes, accompagnées dans le Sahara central de caractères libyques actuellement utilisés par les Touareg, ne présentent plus aucune valeur artistique. On peut voir au Musée plusieurs reproductions de ces graffiti libvcoberbères.

STATUETTES NÉOLITHIQUE
---------A plusieurs reprises des statuettes dénotant un art rernarquable du polissage de la pierre ont été découvertes dans le Sahara algérien. En 1905, le commandant Touchart relevait dans le Sahara oriental, à Tabelbalet, entre In-Salah et Ghadamès, six statuettes en pierre polie qui paraissaient entourer un tombeau. Leur forme générale est comparable à un pain de sucre surbaissé à base arrondie, dont la hauteur moyenne est de 0,25 à 0,40. La partie supérieure représente une tête humaine ; la bouche fait toujours défaut, les yeux sont parfois vaguement figurés. Au moment de leur découverte. ces statuettes anthropomorphes étaient encore l'objet d'un culte de la part des Touareg.
---------Dans l'oasis de Tamnenti, capitale historique du Touat, une statuette néolithique représentant une tète de bélier, a été trouvée par M. Martin, officier interprète. Ce document est déposé au Musée du Bardo. Une autre statuette représentant un bovidé, trouvée à Silet, près d'Abalessa, a été remise au Musée par le Capitaine Jean. Ces sculptures de bovidés et d'ovins, de la période néolithique sont sans aucun doute en relation avec les cultes zoomorphes déjà signalés dans les gravures et peintures de "Afrique du Nord.

BIBLIOTHÈQUE, LABORATOIRE, CENTRE DE RECHERCHES

---------De création toute récente (1951), la Bibliothèque du Musée du Bardo est spécialisée dans l'anthropologie, la préhistoire et l'ethnographie nord-africaines et sahariennes.
Elle est ouverte aux mêmes heures que le Musée, mais l'accès en est réservé aux membres de l'En.~eignement, aux étudiants immatriculés à l'Université, aux membres de l'Institut de recherches sahariennes, et aux personnes autorisées par la direction de l'Intérieur et des Beaux-arts du Gouvernement Général de l'Algérie.

---------Le réaménagement du Musée du Bardo avait permis en 1949 l'installation dun petit laboratoire d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques, qui occupait une salle indépendante du Musée mais contiguë aux collections de préhistoire. Il ne s'agissait là que d'une installation de fortune, destinée à parer au plus pressé, et, spécialement, à sauver d'une irrémédiable destruction des documents anthropologiques d'autant plus précieux qu'ils représentaient les plus anciens habitants connus de l'Algérie.
---------A peine créé. le laboratoire se révéla trop exigu pour remplir son rôle au rythme des découvertes.

---------Au cours de l'année 1950, un bâtiment neuf e été construit à l'Est des salles de Préhistoire. Édifié dans le même style que l'ensemble du Bardo, il forme une aile qui complète harmonieusement l'aspect général du Musée, vu de l'allée principale du jardin.
---------Outre un sous-sol installé en magasin et atelier, un bureau et une salle de dessin, le laboratoire comprend une salle de collections anthropologiques, une salle de travail et le laboratoire proprement dit.

---------Bien que tout récent, ce centre de recherches constitue des à présent un instrument de travail dont l'absence était particulièrement regrettable.
---------Sa création a répondu en effet à une triple préoccupation
------------ Sur le plan pédagogique, donner aux étudiants le moyen de faire les exercices pratiques indispensableà leur formation technique.
----------- Dans le domaine de la recherche. assurer la préparation et l'étude des documents provenant des fouilles et en entrant dans les collections, en particulier des squelettes d'hommes préhistoriques généralement exhumés à l'état fragmentaire et dont les os s'altèrent et se désagrègent rapidement à l'air.
----------- En exécution du plan de modernisation du musée, classer les objets à exposer, mettre au point leur présentation avant mise en place tans les vitrines.

---------En bref, on a voulu tirer les conclusions logiques découlant des décisions prises en 1948 par le Ministre gouverneur général de l'Algérie : l'une mettant les collections du Bardo à la disposition de la maîtrise de conférences d'Ethnographie et Archéologie préhistorique de l'Afrique du Nord ; l'autre chargeant M. L. Balout, titulaire de cet enseignement à l'Université, de suivre les recherches effectuées en Algérie.
---------Bien que n'ayant que quelques années d'existence, le laboratoire semble avoir pleinement justifié sa création. Une série considérable de documents anthropologiques y a été réunie. Ces précieuses reliques du passé font maintenant l'objet d'une restauration scientifique propre à garantir leur conservation et à permettre leur étude.

---------D'autre part la publication d'une série de " Travaux du Laboratoire d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques du Musée du Bardo " a été entreprise : les cinq premiers numéros ont été publiés : la préparation technique de plusieurs autres est en cours.

---------Ainsi étudiants et collaborateurs trouvent enfin au Bardo un organisme moins préoccupé que le Musée proprement dit de la seule conservation des objets anciennement recueillis et plus orienté vers les investigations
et les techniques nouvelles. C'est en ce sens que le laboratoire devient un centre de recherches ouvert à tous.