---------Sous le
nom de Sciences anthropologiques, on désigne actuellement trois
disciplines dont l'avènement ne remonte qu'au milieu du siècle
dernier, et qui ont pour but commun l'étude de l'Homme dans son
évolution et dans celle de ses civilisations.
---------C'est
d'abord l'anthropologie, qui envisage l'homme en lui-même,
tant les races de nos jours que celles qui vivaient autrefois et ne nous
sont plus connues que par leurs restes fossiles.
---------C'est
ensuite l'Ethnographie, qui s'occupe des caractères culturels
des groupes humains, c'est-à-dire des civilisations : celles des
peuples primitifs que l'histoire laisse de côté et celles
des peuples évolués dont l'analyse laisse souvent reconnaître
la persistance de maint élément archaïque.
---------C'est
enfin la préhistoire, science des hommes d'avant l'Histoire.
qui ne se révèlent à nous que paf les rares vestiges
qui ont résisté à l'usure des siècles.
---------En Afrique du Nord, ces trois sciences
prennent un intérêt particulier. Séparés de
l'Europe par la Méditerranée, du reste du continent africain
par l'immensité du Sahara, les habitants de cette région
ont eu jusqu'à un certain point un développement autonome.
Mais leur isolement n'était pas absolu : dès l'époque
de la pierre polie l'homme a sillonné la Méditerranée
: peu auparavant, à l'époque mésolithique et à
plusieurs reprises durant l'âge de la pierre taillée qui
l'a précédée, le désert saharien avait fait
place à une contrée fertile où circulaient des hordes
de chasseurs et, plus tard, des pasteurs. L'Afrique septentrionale a ainsi
reçu des apports du Nord et du Sud, tandis que par l'Est, le long
de la zone côtière, elle était en relation avec le
delta égyptien et, par l'intermédiaire de celui-ci. avec
l'Asie.
---------" Ainsi se sont développés
les traits qui donnent à la Préhistoire, à l'Anthropologie
et à l'Ethnographie de l'Algérie, ses caractères
particuliers. Nous savons maintenant que, pendant une durée qu'il
n'est pas exagéré d'évaluer à 3 ou 400.000
ans, ce pays a vu prospérer ces premières civilisations
paléolithiques, Chelléen, Acheuléen et Moustérien,
que l'on retrouve dans une partie de l'Europe, au Sahara et en Afrique
orientale. La faune était alors différente de celle d'aujourd'hui.
Le climat aussi n'était pas le même. L'Homme de ces périodes
ne nous est pas encore connu. mais les trouvailles faites au Maroc nous
apprennent qu'au Moustérien, tout au moins, il était représenté
par un type extraordinairement primitif, l'Homo Néanderthalensis,
dont l'équivalent se retrouve en Europe.
---------"
Après le Moustérien, l'âge de la pierre en Algérie
prend un caractère spécial. Plusieurs civilisations se succèdent.
Atérien, Capsien, Ibéro-Maurusien, qui n'ont plus de rapport
avec celles de l'Europe, tandis qu'elles ont leur parallèle en
Afrique orientale et méridionale. A l'homme de Néanderthal
se substitue une nouvelle race, venue sans doute du Proche-Orient et parente
des Cro-Magnon d'Europe occidentale, mais beaucoup plus brutale d'aspect,
la race de Mechta, dont les grottes et les escargotières du département
de Constantine ont livré de nombreux spécimens. Cette race
a disparu à son tour, mais à l'Ouest, elle avait envahi
le Maroc et occupé les îles Canaries où les Guanches,
que les Espagnols combattirent au XVI°' siècle, en ont été
sans doute les derniers survivants.
---------Avec l'âge
de la pierre polie, on voit apparaître les hommes modernes, auteurs
de gravures et (le peintures sur rochers qui, de l'Algérie méridionale,
débordent sur une grande partie du Sahara alors largement habité,
Hoggar, Fezzan, Tassili, Tagant, et nous apportent de précieux
renseignements sur les moeurs et le genre de vie de leurs auteurs. Tous
ces hommes venaient probablement de l'Est ; ce sont les ancêtres
directs des Méditerranéens, la race de base de la population
actuelle. Il n'est pas sans intérêt de noter que les recherches
anthropologiques ont montré qu'à côté de cette
race, deux autres contribuent essentiellement à former cette population
: la race alpine et la race nordique. Avec des proportions différentes,
ce sont les trois mêmes types que l'on rencontre en Europe occidentale.
Nord-africains et Français sont ~beaucoup moins distincts anthropologiquement
qu'on aurait pu le supposer.
---------"
Toutes ces données ne se sont que progressivement dégagées
de l'ignorance totale où nous étions encore à ce
sujet au début de ce siècle. Ce sont les recherches et la
persévérance admirables de nombreux préhistoriens,
en tout première ligne desquels il faut citer M. Reygasse, les
recherches aussi de divers anthropologistes, en particulier MM. Bertholon
et Chantre, qui ont permis d'édifier une histoire nord-africaine
qui n'est plus celle de tel ou tel peuple, ou de telle ou telle nation
mais, dans un sens autrement plus large, celle de l'Homme. C'est à
cette histoire qu'est consacrée le Musée du Bardo Les remarquables
collections archéologiques qui y sont réunies révèlent
le développement des civilisations humaines en Algérie et
au Sahara pendant l'immense espace de temps qui s'est écoulé
entre l'arrivée des premières populations préhistoriques
dans ces territoires et l'aube des périodes historiques. Des collections
anthropologiques encore en formation, mais dont il faut espérer
qu'elles pourront elles aussi être un jour présentées
au public, montrent la succession des races dans ces mêmes contrées.
---------"
Mais cet ensemble serait incomplet si les civilisations actuelles étaient
laissées de côté ; elles aussi sont envisagées.
L'ethnographie des populations urbaines avec tous les détails de
leur vie journalière est l'objet de remarquables reconstitutions,
tandis qu'une place spéciale est réservée aux grands
nomades sahariens : Touareg Hoggar en particulier, dont les éléments
culturels, les plus caractéristiques sont présentés
avec autant d'art que de science. Grâce à ces séries
dont MM. G. Marcais et M. Reygasse oint été les infatigables
collecteurs, ces civilisations, si proches de nous mais déjà
en voie de désagrégation rapide, nous apparaissent dans
tous leurs traits essentiels.
---------Ainsi
conçu, le Musée du Bardo, magnifique création du
Gouvernement Général de l'Algérie, est une réalisation
dont on ne saurait trop souligner la valeur. Dans aucune autre contrée
de l'Afrique on ne rencontre un tel ensemble, exposition systématique
de l'évolution des cultures, et des hommes des temps les plus reculés
jusqu'à nos jours. Les collections préhistoriques de ce
Musée, ses séries de gravures et peintures rupestres sahariennes,
certaines de ses séries ethnographiques, sont des documents uniques.
De France et de l'étranger les spécialistes viennent les
consulter. Mais pour l'Algérie, le Bardo est mieux encore que cela
: c'est le livre qui montre comment, sur ce coin de terre africaine, lentement
e t péniblement, durant des siècles et des siècles,
l'homme est parvenu à se dégager de l'emprise de la Nature
et à créer des civilisations qu'il n'a cessé, qu'il
ne cesse de perfectionner.
H.-V. VALLOIS,
Directeur du Musée de l'homme et de l'Institut de Paléontologue
humaine.
LE PASSE DU BARDO
---------Sur le
passé de cette belle villa algéroise, sur l'homme de goût
qui la bâtit vraisemblablement au XVIII siècle. et sur ses
premiers occupants, nos renseignements demeurent imprécis. Le nom
de Bardo qu'elle porte, déformation probable du " Prado "
espagnol nous fait penser au somptueux palais que les sultans Hafcides
possédaient dès le XV" siècle dans la banlieue
de Tunis. Telle est peut-être l'origine de la tradition qui concerne
notre villa. Elle l'attribue comme résidence à un noble
Tunisien exilé, que nous identifions volontiers avec l'énigmatique
prince Omar (Ou Mustapha ben Omar, d'après la légende d'un
dessin du Capitaine Longuemare. date de 1832 et représentant le
"divan"salle ouverte de La cour) mentionné par Henri
Klein dans ses Feuillets d'El-Djezaïr " .
---------Acquis
après 1830 par le général Exelmans, le Bardo fit
retour en des mains musulmanes, celles de Ali-Bey. Agha de Biskra. Celui-ci
le revendit à un Français, M. Joret, qùi l'accommodaà
ses besoins, l'agrémenta de plantations et ajouta notablement à
la parure de ses salles et de ses cours. Ce propriétaire était
fort riche : il adjoignit à la partie basse de vastes communs.
écuries et remises, qui, à la faveur de larges passages
taillés dans les murs et de plafonds vitrés purent abriter
les collections de préhistoire. Par surcroît, ce propriétaire
était artiste et passionné de musique : le grand salon,
où Camille Saint-Saëns se fit entendre est devenu la salle
du Sahara et du Hoggar. Ces adjonctions laissaient au reste intacte la
partie proprement musulmane, de la villa. se présente comme un
type heureusement conservé de ces maisons des champs où
les citadins de la ville barbaresque aimaient à se reposer avec
leur famille durant les mois d'été.
LE MUSÉE D'ETHNOGRAPHIE URBAINE
---------Tel es
le cadre de la Section d'ethnographie urbaine. Il présentait par
lui-même un caractère local trop marqué et une valeur
d.'art trop réelle pour qu'on ne s'efforçât pas de
les conserver, tout au moins de ne p .s en compromettre le charme par
un aménagement trop rigoureusement didactique des collections.
---------La
plus belle chambre donnant sur le patio a résolument été
traitée comme une reconstitution d'intérieur algérois,
tel qu'il pouvait en exister vers 1830, tel celui qu'avait pu voir Eugène
Delacroix, qui nous en a laissé une admirable et très véridique
image. On s'est librement inspiré de ce chef-d'uvre de la
peinture française " Femmes d'Alger dans leur intérieur
".
---------Dans
le patio à coupole sont exposés, outre un grand brasero
de fabrication européenne, des fontaines et autres vases de cuivre,
produits de la dinanderie algérienne, ou tunisienne, des lanternes
dont on se servait dans la ville barbaresque, des coffres et des étagères
découpées dont les artisans locaux n'ont pas perdu la tradition.
---------La
seconde chambre est consacrée au costume et aux industries qui
s'y rapportent.
---------Une
grande vitrine groupe seize petits mannequins représentant les
types les plus caractéristiques de vêtements en usage dans
les trois départements algériens.
---------Ces
documents ethnographiques, établis grâce à la collaboration
des ouvroirs ou écoles et de personnalités musulmanes des
différents centres, sont d'autant plus précieux que les
conditions nouvelles de la vie font rapidement évoluer les modes
dont ils fixent le souvenir.
---------Une série
de photographies d'une femme d'Alger permet d'étudier le haïk,
la grande draperie si comparable au pelos antique, et elle montre les
temps successifs de son ajustement.
---------Une seconde
vitrine haute renferme deux grandes figures représentant l'une
la mariée de Tlen cen. le ,jour de la noce, avec les tatouages
et le costume rituel, l'autre la jeune épousée, lors de
la réception donnée sept jours après. Des robes musulmanes
et juives d'un beau style archaïque, des vestes 'U m,Erines et des
corsages précieusement brodés complètent la garniture
de cette vitrine.
---------Un
mannequin fait connaître le vieux costume que les bourgeois tlemcéniens
portaient encore il y a une quinzaine d'années : le gabboût,
veste courte à capuchon en grosse étoffe brune agrémentée
de motifs de couleurs. la veste de toile bleue, la ceinture de laine et
le pantalon de toile grenat. De même origine, une jellaba, grand
manteau fermé à capuchon et à manches courtes voisine
avec cette effigie du passé.
---------Dans
une vitrine basse ont été réunis les différents
types de chaussures, depuis les traditionnelles babouches sans quartiers
ni talon, qui ne couvrent que le bout du pied, jusqu'aux souliers brodés,
dont la forme atteste l'intrusion des modes européennes. Des sandales
de bois (qabqab) en usage dans la maison et a u hammamm sont présentées
sur une étagère.
---------Faisant
pendant à cet ensemble, une vitrine et une étagère
semblables groupent divers types de coiffures : les chechia coniques que
portaient naguère les femmes de Tlemcen et de Constantine ; les
chechias tâssa des jeunes filles qui s'ornent parfois d'un motif
découpé et d'un gland d'or ; les chechias hemispériques
des hommes et des enfants ; les heniga. bonnets algérois en étoffe
brodée et les koûriya
de Constantine et de Tunis, de forme analogue.
---------Le
mahdel, grand chapeau en sparterie, dont les Arabes surmontent la large
calotte du gannoûr occupe le bas de la vitrine.
---------La
çarma, cette étrange tiare métallique
d'origine vraisemblablement syrienne, qu'à Alger on connut depuis
sa première moitié du XVIII"" siècle jusqu'au
milieu du XIX'- est représentée par divers échantillons
et par un dessin qui en montre l'ajustement.
---------L'outillage
des artisans du costume réuni dans cette salle, du fabricant de
belgha (pantoufles de cuir), du brodeur sur cuir, ou sur velours, de la
brodeuse sur toile ou étamine, du passementier (notamment un métier
archaïque de tissage aux cartons), fournira aux ethnographes des
documents sur une activité industrielle périmée ou
en voie de disparition.
---------Un
placard contient quelques miroirs à main naguère en usage
chez les coiffeurs
---------La
porte voisine donne entrée dans une petite salle consacrée
à la Tunisie.
---------Les costumes
féminins y garnissent une vitrine haute. Autour d'un buste de femme
de Mahdiya sont disposés les vestes et les énormes pantalons
lamés d'argent des
Tunisiennes. Au sommet s'étend un de ces
voiles de soie au centre noir et aux deux bouts tissés de jaune
et rouge, travail des artisans d'origine andalouse, dont les femmes de
Tunis se couvraient la tête, il y a de cela quelques années,
et dont l'usage appartient aujourd'hui au passé.
---------La fabrication
des chechia est aussi une industrie apportée en Tunisie par les
Musulmans chassés de péninsule ibérique. Une grande
vitrine plate réunit tout leur outillage, ainsi que des pièces
en cours de fabrication, depuis le bonnet tricoté jusqu'à
son dernier état après foulage, teinture et peignage. Les
termes techniques, uniquement empruntés à l'espagnol, attestent
l'origine du métier et de ceux qui le pratiquent encore.
---------La salle
voûtée qui donne sous un des portiques de la cour de marbre
est consacrée à diverses activités masculines. Dans
le renfoncement médian, c'est la vie guerrière : une panoplie
groupe les longs fusils au bois incrusté d'argent et de corail,
les pistolets et les sabres, les éperons et les ceintures à
cartouchières. Une selle brodée se dresse encadrée
d'étendards.
---------La
vie religieuse et intellectuelle ainsi que les rites populaires trouvent
place à gauche. On y voit une de ces cathédres où
siègent les professeurs dans les mosquées. Au mur sont suspendus
un drapeau de confrérie et des enluminures représentant
le sanctuaire de La Mekke. Dans une vitrine, outre un gros turban, coiffure
authentique d'un mufti d'Alger, un beau manuscrit et des planchettes à
Coran, des chapelets et des bougies, des boîtes à talismans
et une tasse entièrement gravée de formules pieuses, dont
l'effet bénéfique doit soulager les malades qui y boivent.
---------A
droite, une seconde vitrine à deux étages contient une collection
à peu près complète des instruments de musique nord-africains.
---------En
bas, c'est la musique bédouine : le hautbois (ghaïta, zorna)
et les flûtes de roseau (qocba, zemmara) depuis la grande flûte
à la voix grave ,jusqu'au chalumeau ; et ceux qui marquent le rythme
le gros tambour (tobal), les crotales de fer (quraqeb) dont les nègres
accompagnent leur danse et le grand tambourin (gallal) creusé dans
le bois, avec lequel les aèdes populaires scandent leur mélopée
et récoltent les offrandes.
---------La
partie supérieure renferme les instruments de l'orchestre citadin
; d'abord les plus vénérables : le qanoun (cithare) le rbab
(rebec) à deux cordes avec son archet archaïque et le oud.
ancêtre du luth qui en gardait le nom, éléments sonores
qu'ont généralement remplacés le violon européen,
le piano, voire la guitare hawaïenne ; puis les instruments à
percussion : les tambourins de poterie, la derbouka algérienne
et la tarija du Maroc, le tambour de basque (târ) à plaques
vibrantes, et le tambourin carré (deff).
---------Bien,
qu'obéissant à des besoins apparemment moins nobles la cuisine
est un fait de civilisation que l'on ne saurait tenir pour négligeable
et qui, lui aussi, intéresse l'ethnographie. Les ustensiles dont
elle dispose sont réunis dans une petite chambre contiguë
à celle que nous quittons. Récipient pour le transport,
'La conservation et la cuisson des aliments y sont groupés, notamment
le grand plat de bois (guessa'a), le fourneau de terre. la marmite et
le vase au fond perforé (keskes) utilisé pour la préparation
du couscous, mets quasi-national des Nord-africains.
---------Enfin, on a reconstitué dans le
cadre architectural préparé à cet effet, l'intérieur
d'un café maure qu'un peintre algérien e décoré
de naïves enluminures. Le foyer est pourvu de son récipient
où chauffe l'eau qui sera versée bouillante dans les cafetières
individuelles ou les petites théières. Des tasses pour le
café et des verres pour le thé s'alignent sur l'étagère.
et les clients pourront savourer le breuvage choisi en jouant aux dominos,
aux dames, au trictrac ou aux cartes. Ces différents jeux trouvent
naturellement place dans cette dernière salle consacrée
à l'ethnographie urbaine.
POTERIES BERBÈRES
---------Dans la
partie supérieure du Musée du Bardo, à gauche du
grand patio, une salle a étéréservée à
l'exposition de poteries berbères.
---------Les
décors de ces poteries rectilinéaires présentent
des ressemblances frappantes avec ceux des vases qui se fabriquaient dans
la Méditerranée orientale aux premiers âges du bronze
(IIIè millénaire) et qui sont surtout connus par des trouvailles
faites dans l'île de Chypre.
---------Dans
cette salle a été rassemblée une série de
bois sculptés, de boîtes à poudre, provenant du Sud
constantinois, ainsi qu'une série d'instruments chirurgicaux encore
utilisés par les populations de l'Aurès pour la trépanation
; quelques travaux de sparterie des populations berbères de l'Aurès
complètent ces collections.
LA PRÉHISTOIRE
---------Six grandes
salles sont consacrées à la préhistoire : outillage
lithique, oeuvres d'art, mobilier funéraire. Dans les diverses
salles du Musée, les collections sont classées dans l'ordre
chronologique.
INITIATIONS A LA PRÉHISTOIRE
---------La
salle qui lui est consacrée est d'installation récente.
Sa création s'inscrit dans le plan de modernisation du Musée
dont la réalisation se poursuit. Elle présente au visiteur
des collections de préhistoire générale et de préhistoire
nord-africaine et saharienne.
|
|
PRÉHISTOIRE
GÉNÉRALE
Évolution de la technique de la pierre taillée.
Évolution schématique des industries préhistoriques
en Europe occidentale.
Évolution de l'humanité.
L'art préhistorique.
PRÉHISTOIRE NORD-AFRICAINE ET SAHARIENNE
---------Évolution
schématique des industries préhistoriques nord-africaines.
---------Évolution
schématique des industries préhistoriques sahariennes.
---------Des
reproductions uvres de l'art rupestre saharien récemment
découvertes (Mission F. Bernard au Tassili des Ajjers, 1949) et
relevées par le peintre G. Le Poitevin, ornent les murs de cette
salle. La girafe dressée et la course d'autruches de la grotte
de Tahilaï se classent parmi les plus belles réussites des
artistes préhistoriques.
PALÉOLITHIQUE ANCIEN
---------L'examen
des documents datant du Paléolithique ancien : Sahara occidental
et El-Ma-El-Abiod (Acheuleen). - Ouargla et Tidikelt : (vestiges paléolithiques
et néolithiques). - Casablanca, Sud constantinois, Aoulef Chorfa,
Tidikelt, Lac Karar, Ternifine, Erg Tihodaïne (Paléolithique
inférieur). - Oued Mahrouguet (Paléolithique spécial),
permet d'avoir une idée précise de l'évolution du
paléolithique inférieur dans l'Afrique du Nord.
---------Les
stations paléolithiques relevées au Nord, dans le Maghreb,
donnent des formes absolument identiques à celles des niveaux classiques
d'Europe.
---------Dans
le Sahara, au contraire (fouilles César pour le Sahara occidental,
et Reygasse pour le Sahara oriental), la présence de nombreux hachereaux
accompagnant les haches taillées doit être au contraire rapprochée
des industries de l'Afrique du Sud.
---------On
trouve également des hachereaux dans certaines stations paléolithiques
du Maghreb (Sidi Zin, en Tunisie, Ouzidan et Lac Karar près de
Tlemcen, Ternifine près de Mascara).
---------Parmi
les séries exposées dans les nouvelles vitrines de la salle
2, il en est une qui, par la splendeur des formes et la richesse des spécimens,
mérite de retenir l'attention : il s'agit de la technique acheuléenne
d'El-Ma-El-Abiod.
PALÉOLITHIQUE MOYEN
---------Le
paléolithique moyen est représenté par des éléments
extrêmement riches provenant du Sud constantinois et du Sahara central.
---------ACHEULEEN
: Paléolithique moyen d'Aïn-Fritissa (Maroc).
---------ATERIEN
: D'Aoulef Chorfa, du puits Chaâchas, de l'Afrique du Nord, de l'Oued
Djebbana, de l'Oasis de Négrine, et d'El Ouchira ; d'Oum-et-Tine(Tunisie),
d'Aïn-el-Mansourah.
---------MOUSTERIEN
: de Bir-el-Ater, de Fedj-el-Botna, de Hassaï-el-Boul.
---------L'examen
de ces séries permet de constater qu'il a existé en Afrique
du Nord, une technique du paléolithique moyen, absolument identique
aux séries européennes : le Moustérien classique
(en particulier le Moustérien de Bir El Ater et d'Hassai El Boul).
---------A
été également rassemblée une riche série
de l'industrie du paléolithique moyen qui avait d'abord été
considérée à tort comme extrêmement récente,
contemporaine de l'âge des métaux. Il a été
donné à cette industrie le nom d'Atérien. C'est à
cette époque que sont apparus pour la première fois, avec
un outillage moustérien, des pointes pédonculées
massives, des outils divers présentant un pédoncule, des
grattoirs, lames simples et lames à dos, burins, qui offrent beaucoup
d'analogie avec les formes du paléolithique supérieur. Une
série de pièces provenant du Sud constantinois (S' Baïkia),
pierres taillées sur les deux faces, donnent morphologiquement
un terme de passage très net entre les formes du paléolithique
inférieur (Acheuleen) et les formes du paléolithique supérieur
(Solutréen). Cette industrie porte le nom de S' Baïkia.
PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR
---------L'évolution
du paléolithique supérieur dans l'Afrique du Nord présente
de grandes différences avec l'évolution des industries de
cette époque en Europe.
---------En
effet, il y eut à cette période, en Europe, trois civilisations
bien connues : l'Aurignacien, le Solutréen, le Magdalénien.
Dans l'Afrique du Nord le paléolithique supérieur est caractérisé
par une industrie désignée sous le nom de Capsien, composée
d'un ensemble d'outils de pierre très légers, harmonieux
de forme, comprenant de nombreux couteaux, grattoirs, burins, poinçons
en os. Cette industrie de la pierre présente beaucoup d'analogie
avec l'Aurignacien français. Ces techniques sont en particulier
bien représentées dans la région de Gafsa et de Tébessa,
tandis que sur le littoral, de Casablanca à Gabès paraît
s'être développée une civilisation peut-être
contemporaine connue sous le nom d'Ibéro-Maurusien. Les éléments
les plus caractéristiques du Capsien exposé au Musée
du Bardo, proviennent de fouilles dans le Sud constantinois, Cheria. Safsaf,
Bir-Zarif-el-Ouar, Henchir, Oued Melloul.
NÉOLITHIQUE
---------A
cette époque apparaissent pour la première fois des haches
en pierre polie, de formes très pures, de minuscules pointes de
flèches admirablement retouchées, sur les deux formes. L'homme
connaît aussi la poterie et c'est de cette période que datent
également la domestication des animaux ainsi que les premiers rudiments
de l'agriculture.
---------Le
néolithique saharien est représenté par des éléments
trouvés au Tidikelt (Nezia - Hadj - Ahmed) et dans le Grand Erg
occidental (Abd-el-Adhim).
**
---------Il a paru
d'autre part intéressant de grouper des documents relatifs aux
périodes les plus récentes de la préhistoire nord-africaine
et saharienne. Les civilisations qui y sont représentées
sont le Capsien évolué (Capsien supérieur), l'Ibéro-Maurusien,
la néolithique de tradition capsienne, le néolithique saharien
et la civilisation mégalithique.
----------
Capsien supérieur de la Rammadiya
(escargotière) du Chacal (E. de Tébessa). Ce gisement, fouillé
en 1949 et 1951, a donné, outre une riche industrie microlithique
et des pierres gravées, un squelette humain qui est exposé
dans sa position de découverte. L'Homme du Chacal, représente
un autre type humain préhistorique que celui connu depuis longtemps
de Mechta-el-Arbi (entre Sétif et Constantine).
---------Ce
bel ensemble provenant de l'oasis de Négrine (Sud constantinois)
est absolument identique aux formes les plus pures découvertes
en Europe dans les gisements tardenoisiens classiques.
----------
Ibéro-Maurusien de la Mouillah (près
de Marnia - département d'Oran).
---------Les
abris de la Mouillah sont le gisement type de cette industrie dont l'extension
a été très grande, de la région de Gabes au
Sud de Casablanca, mais toujours limitée à la zone littorale
et tellienne. Sep pénétrations les plus profondes dans le
Maghreb n'ont pas dépassé le Moyen-Atlas, le couloir de
Taza, le Sersou.
----------
Néolithique du Damous-el-Ahmar (commune
mixte de Tébessa),
---------Ce
gisement a donné pour la première fois des oeufs d'autruche
entiers ayant servi de récipients. de grands couteaux en silex
blond d'une finesse de taille et de dimensions tout à fait exceptionnelles,
des haches polies, des molettes et broyeurs enduits d'ocre rouge, des
galets gravés, des gravures sur neufs d'autruche, des parures en
test d'oeuf d'autruche, des poteries. etc...
---------Néolithique
du Maghreb de provenances diverses.
---------Néolithique
saharien, véritable joaillerie par la perfection
de taille et la finesse de ses pointes de flèches aux formes variées.
---------Civilisation
mégalithique. Aucune sépulture préhistorique
en pierres sèches pouvant être attribuée à
l'âge de la pierre n'a été découverte en Afrique
du Nord. D'autre part, dans les divers monuments funéraires mis
au jour, aucune arme ou bijou pouvant être attribué à
l'âge du cuivre et aux divers stades de l'âge du bronze n'a
été trouvé.
---------Les
principaux monuments funéraires qui ont livré le mobilier
exposé sont :
---------a.)
Les tumuli : kerkour, ou redjem, en arabe, bazina en berbère, simples
tas de pierres au-dessus du sol ;
---------b)
Les chouchets : monuments funéraires de forme cylindrique , leur
nom vient de leur ressemblance avec une chéchia.
---------c)
Les cercles de pierres
---------d)
Les dolmens.
---------Les
tumuli et les chouchets sont spécifiquement berbères ; on
les rencontre dans toutes les régions colonisées par eux.
Gsell signale leur existence dans les îles Canaries et divers explorateurs
en ont retrouvé jusqu'au Soudan. Il a même été
signalé récemment l'existence de chouchets berbères
au Bornou et au Tibesti.
---------Ces
formes ont duré dans les diverses régions de l'Afrique du
Nord jusqu'à la conquête musulmane.
---------L'ère
de distribution des dolmens est beaucoup plus restreinte ; on n'en connaît
aucun dans le Sahara. Le mobilier archéologique le plus archaïque
relevé dans les dolmens ne paraît pas antérieur au
III siècle avant notre ère. Les plus récents ne sont
probablement pas postérieurs au III" siècle après
J.-C.
---------Il
a été réuni une importante série de pièces
archéologiques provenant, en particulier de la riche nécropole
de Gastel (Sud constantinois). La plupart des poteries exposées
sont des poteries indigènes. Cependant, on peut constater dans
les diverses formes des influences carthaginoises et gréco-romaines.
---------Sont
également exposés des poteries et des bijoux provenant des
dolmens des Beni-Messous. près d'Alger et de Ricknia près
d'Hammam-Meskoutine.
---------Une gravure
rupestre saharienne rapportée de la région de Fort-Motylinski
(Hoggar) représente un dessin spiralé. Cette gravure fait
partie d'un ensemble très riche ; les artistes préhistoriques
ont utilisé un filon de micro-granite qu' entaille, à peu
de distance du fort, l'oued Tarhaouahout.
ART PRÉHISTORIQUE
---------Une
série de gravures et peintures ont été relevées
au cours de missions dans la vallée de l'oued Dlerat en pays Targui
Ajjer.
---------Les
rouvres étudiées dans cette vallée peuvent être
divisées comme dans tout le Sahara d'ailleurs, en deux grandes
catégories :
---------a)
Les gravures archaïques ou gravures rupestres proprement dites, d'un
réalisme parfait, reproduisant au début une faune bien différente
de celle actuelle, et contemporaine d'un Sahara très humide pouvant
être comparé au régime actuel des pays du Tchad et
du Zambèse ;
---------b)
Les gravures libyco-berbères plus récentes, caractérisées
par une grande décadence et par l'apparition de nombreux animaux
domestiques et en particulier du chameau.
---------Les
uvres les plus anciennes sont caractérisées par une
patine très sombre, souvent identique à celle de la roche
encaissante ; le trait large, évidé test généralement
poli. Beaucoup d'animaux sont reproduits en grandeur naturelle. La faune
de ce premier groupe a des affinités nettement tropicales : hippopotames,
rhinocéros, éléphants, girafes, bubales, antilopes,
bovidés, autruches et échassiers. L'homme de cette période
est généralement nu, armé de l'arc et masqué.
---------Ces
oeuvres archaïques, d'un style réaliste remarquable. peuvent
être comparées aux plus belles rnanifestaions de l'art préhistorique
de l'Europe. A ces lointaines périodes, l'homme ne connaissait
encore ni l'agriculture, ni la domestication des animaux. Dans l'Afrique
du Nord, comme chez tous les primitifs, l'art avait à ces époques
une valeur magique profonde.
---------Les
oeuvres des premiers pasteurs apportent des éléments nouveaux,
méditerranéens : animaux domestiques, chevaux, bovidés,
chèvres. Au début, quelques éléments de la
faune ancienne subsistent encore : girafes, autruches. La technique de
ces uvres est encore remarquable par le fini de l'exécution,
l'observation des attitudes et le réalisme. Dans ce groupe, l'homme
est généralement armé du javelot et de l'arc. Le
costume présente des affinités avec l'Égypte, l'Espagne
orientale et la Crête. Les reproductions de gravures et de peintures
représentant des chars attelés de chevaux peuvent être
attribués au premier millénaire avant notre ère.
Bien plus tard, vers le III-, siècle, à l'arrivée
en grand nombre du chameau dans le Sahara, on retrouve avec la reproduction
d'une faune identique à celle de nos jours, des personnages armés
de la lance et du bouclier rond. Ces couvres décadentes, accompagnées
dans le Sahara central de caractères libyques actuellement utilisés
par les Touareg, ne présentent plus aucune valeur artistique. On
peut voir au Musée plusieurs reproductions de ces graffiti libvcoberbères.
STATUETTES NÉOLITHIQUE
---------A
plusieurs reprises des statuettes dénotant un art rernarquable
du polissage de la pierre ont été découvertes dans
le Sahara algérien. En 1905, le commandant Touchart relevait dans
le Sahara oriental, à Tabelbalet, entre In-Salah et Ghadamès,
six statuettes en pierre polie qui paraissaient entourer un tombeau. Leur
forme générale est comparable à un pain de sucre
surbaissé à base arrondie, dont la hauteur moyenne est de
0,25 à 0,40. La partie supérieure représente une
tête humaine ; la bouche fait toujours défaut, les yeux sont
parfois vaguement figurés. Au moment de leur découverte.
ces statuettes anthropomorphes étaient encore l'objet d'un culte
de la part des Touareg.
---------Dans
l'oasis de Tamnenti, capitale historique du Touat, une statuette néolithique
représentant une tète de bélier, a été
trouvée par M. Martin, officier interprète. Ce document
est déposé au Musée du Bardo. Une autre statuette
représentant un bovidé, trouvée à Silet, près
d'Abalessa, a été remise au Musée par le Capitaine
Jean. Ces sculptures de bovidés et d'ovins, de la période
néolithique sont sans aucun doute en relation avec les cultes zoomorphes
déjà signalés dans les gravures et peintures de "Afrique
du Nord.
BIBLIOTHÈQUE,
LABORATOIRE, CENTRE DE RECHERCHES
---------De création
toute récente (1951), la Bibliothèque du Musée du
Bardo est spécialisée dans l'anthropologie, la préhistoire
et l'ethnographie nord-africaines et sahariennes.
Elle est ouverte aux mêmes heures que le Musée, mais l'accès
en est réservé aux membres de l'En.~eignement, aux étudiants
immatriculés à l'Université, aux membres de l'Institut
de recherches sahariennes, et aux personnes autorisées par la direction
de l'Intérieur et des Beaux-arts du Gouvernement Général
de l'Algérie.
---------Le réaménagement
du Musée du Bardo avait permis en 1949 l'installation dun petit
laboratoire d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques,
qui occupait une salle indépendante du Musée mais contiguë
aux collections de préhistoire. Il ne s'agissait là que
d'une installation de fortune, destinée à parer au plus
pressé, et, spécialement, à sauver d'une irrémédiable
destruction des documents anthropologiques d'autant plus précieux
qu'ils représentaient les plus anciens habitants connus de l'Algérie.
---------A
peine créé. le laboratoire se révéla trop
exigu pour remplir son rôle au rythme des découvertes.
---------Au cours
de l'année 1950, un bâtiment neuf e été construit
à l'Est des salles de Préhistoire. Édifié
dans le même style que l'ensemble du Bardo, il forme une aile qui
complète harmonieusement l'aspect général du Musée,
vu de l'allée principale du jardin.
---------Outre
un sous-sol installé en magasin et atelier, un bureau et une salle
de dessin, le laboratoire comprend une salle de collections anthropologiques,
une salle de travail et le laboratoire proprement dit.
---------Bien
que tout récent, ce centre de recherches constitue des à
présent un instrument de travail dont l'absence était particulièrement
regrettable.
---------Sa
création a répondu en effet à une triple préoccupation
------------
Sur le plan pédagogique, donner aux étudiants le moyen de
faire les exercices pratiques indispensableà leur formation technique.
-----------
Dans le domaine de la recherche. assurer la préparation et l'étude
des documents provenant des fouilles et en entrant dans les collections,
en particulier des squelettes d'hommes préhistoriques généralement
exhumés à l'état fragmentaire et dont les os s'altèrent
et se désagrègent rapidement à l'air.
-----------
En exécution du plan de modernisation du musée, classer
les objets à exposer, mettre au point leur présentation
avant mise en place tans les vitrines.
---------En
bref, on a voulu tirer les conclusions logiques découlant des décisions
prises en 1948 par le Ministre gouverneur général de l'Algérie
: l'une mettant les collections du Bardo à la disposition de la
maîtrise de conférences d'Ethnographie et Archéologie
préhistorique de l'Afrique du Nord ; l'autre chargeant M. L. Balout,
titulaire de cet enseignement à l'Université, de suivre
les recherches effectuées en Algérie.
---------Bien
que n'ayant que quelques années d'existence, le laboratoire semble
avoir pleinement justifié sa création. Une série
considérable de documents anthropologiques y a été
réunie. Ces précieuses reliques du passé font maintenant
l'objet d'une restauration scientifique propre à garantir leur
conservation et à permettre leur étude.
---------D'autre
part la publication d'une série de " Travaux du Laboratoire
d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques du Musée
du Bardo " a été entreprise : les cinq premiers numéros
ont été publiés : la préparation technique
de plusieurs autres est en cours.
---------Ainsi étudiants
et collaborateurs trouvent enfin au Bardo un organisme moins préoccupé
que le Musée proprement dit de la seule conservation des objets
anciennement recueillis et plus orienté vers les investigations
et les techniques nouvelles. C'est en ce sens que le laboratoire devient
un centre de recherches ouvert à tous.
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