un plan existe à
la suite du texte
LA LEGENDE D'HERCULE.
--------Bien
peu de renseignements sont en possession des archéologues et des
historiens sur l'Alger des ires lointaines. Pendant longtemps l'on ne
savait absolument rien par l'archéologie sur les origines de notre
cité : tout au plus, l'on pouvait remonter à l'époque
romaine grâce aux vestiges retrouvés en 1330, sur lesquels
BERBRUGGER a fait d'intéressantes observations.
--------Cependant,
plus tard. STEPHANE GSELL, dans sa remarquable " Histoire Ancienne
de l'Afrique du Nord ", réuni une foule de renseignements
archéologiques et littéraires.
--------Cet
auteur, lui-même, ne savait rien sur l'époque phénicienneà
Alger, et les seuls textes sur lesquels il se basait sont les légendes
contées par le latin SOLIN qui vivait 250 ans après Jésus-Christ.
--------Au
sujet d'lcosium, SOLIN est ainsi traduit :
--------"
Lorsque Hercule traversa cette région (Icosium), vingt de ses compagnons
l'ayant abandonné. ils choisirent un emplacement sur lequel ils
édifièrent des murailles. "
--------"
Afin qu'aucun d'eux ne put se glorifier d'avoir imposé son nom
à cette ville, ils donnèrent à celle-ci un nom formé
du nombre de ses fondateurs. "
--------Le
nombre vingt, en grec, est désigné par EIKOSI. L'on pouvait
penser que IKOSIM, premier nom de la cité, était dérivé
de ce terme.
--------En
novembre 1940, les travaux de démolition de quelques immeubles
du quartier de l'Ancienne Préfecture permirent de mettre au jour
une jarre remplie de pièces de monnaie en cuivre et en plomb d'origine
phénicienne.
--------MM.
CANTINEAU, professeur de langues sémitiques, qui en a traduit les
inscriptions, et LESCHI. directeur des Antiquités de l'Algérie,
nous apprennent ce que signifient les signes et figures indiqués
sur ces pièces.
--------Du
même type, elles ont plusieurs dimensions et les petites différences
qu'elles présentent, font supposer qu'elles n'ont pas' été
émises dans le même temps.
--------Sur
une de leurs faces l'on aperçoit un personnage dans lequel ces
archéologues ont reconnu MELKART, le dieu phénicien de Tyr.
La peau de bête qui le recouvre est une peau de lion, qui représente
sans aucun doute la dépouille du lion de Némée, fille
dé Jupiter.
--------Or,
nous avons tous appris que dans l'antiquité, MELKART, le roi fort,
était considéré à Tyr comme l'image du soleil.
Selon toute vraisemblance, il ne fait qu'un avec l'Hercule grec. Une flamme
éternelle brûlait dans son temple. et, tous les ans, l'on
élevait un immense bûcher en son honneur, sans doute pour
commémorer et honorer l'acte après lequel il fut placé
au rang des Dieux (Hercule après avoir revêtu la tunique
du centaure Nessus, teintée dans le sang empoisonné de ce
dernier, que lui remit une de ses épouses (Dejanire) fut pris de
douleurs intolérables. Il se retira sur le mont Oeta, y édifia
un bûcher sur lequel il se plaça et fit mettre le feu par
Philoctète).
--------MELKART
était adoré par les habitants de toutes les colonies phéniciennes
qui s'étendaient dans presque 'tout le bassin méditerranéen
et même jusqu'en Espagne, puisque Cadix dérivé du
punique Gader. située sur une île de l'embouchure du Betis,
a été fondée par les Phéniciens sur un côté
du détroit d'Hercule.
--------Nous
avons aussi que les " colonnes d'Hercule ", promontoire
de Calpé et d'Abila, actuellement détroit de Gibraltar,
ont été atteintes par les Phéniciens.
--------Toute
cette digression sur les points fixés par les Phéniciens,
n'a d'autre but que de montrer les
déplacements de ce peuple qui a exploité à peu près
tous les sites intéressants du bassin méditerranéen
et surtout de la côte africaine, constituant ainsi des routes maritimes
et commerciales que les marchands de Tyr, et, plus tard, les Carthaginois,
sillonnèrent dans tout le bassin occidental méditerranéen.
--------Ceci
nous permet de faire un rapprochement avec la fameuse légende d'Hercule
qui partit à la recherche du " jardin des Hespérides
", lieu où nous dit la mythologie, se trouvaient les "pommes
d'or " qu'Eurysthée fit enlever par Hercule malgré
la garde du dragon.
******************
IKOSIM DES PHÉNICIENS.
--------En
essayant d'extraire le vraisemblable du légendaire, il semble que
rien ne s'oppose à croire que les Phéniciens aient vraiment
occupé les îles qui se trouvaient devant Alger avant la construction
de la jetée de Khaïr ed Dîne.
--------M.
LESCHI nous dit, au sujet de l'étude des caractères puniques
figurés près du personnage supposé être Melkart,
que l'inscription devait être lue : 1KOSIM.
--------Nous
citons plutôt M. LESCHI (J. CANTINEAU
et L. LESCHI. Monnaies puniques d'Alger. Communication faite à
l'Académie des inscriptions et belles lettres. C.R. 1941, p. 263.)
--------"M.
CANTINEAU a reconnu que l'inscription comprenait cinq signes et qu'il
fallait la lire IKOSIM.
--------Ikosim
est composé de deux mots : l'un signifie l'île, que l'on
retrouve dans les noms géographiques de la Méditerranée.
Ibosim, Ibica, dans l'archipel des Baléares ; Inosim, l'île
de San Pietro, au Sud-Ouest de la Sardaigne ; Ironim, l'île de Cossura
(Pantellaria) dans le détroit de Sicile. "
--------" KOSIM se révèle
plus difficile à interpréter et M. CANTINEAU hésite
entre le sens d'épines, l'île des épines ou d'oiseaux
impurs, de hiboux que peut avoir le vocable."
--------Nous
voyons, par cette citation, qu'IKOSIM est d'origine punique. Cela est
suffisant pour nous permettre de dire que le site sur lequel furent plus
tard édifiées Icosium puis DJEZAIR BEN MEZGANA, fut remarqué
et retenu par les Carthaginois, successeurs des Phéniciens.
ICOSIUM DES ROMAINS.
--------Que
s'est-il passé jusqu'au moment où les Romains sont venus
s'installer dans IKOSIM sur les bords du rivage algérois ? Nous
n'en savons rien.
--------En
25, avant Jésus-Christ, sous le règne d'Auguste, ICOSIUM
passa sous la tutelle du roi de Maurétanie, JUBA, résidant
à Cherchell, et prit le nom d'ICOSIUM.
--------La
cité qu'organisèrent les Romains semble avoir été
une colonie dont l'importance retenu l'attention des observateurs qui,
plus tard, y attachèrent leurs regards.
--------C'est
ainsi que l'écrivain musulman EL BEKRI, écrivait au XI"
siècle, en parlant de DJEZAIR BEN MEZGANA : " Cette
ville est grande et de construction antique, elle renferme des monuments
anciens et des voûtes solidement bâties qui démontrent
par leur grandeur qu'à une époque reculée, elle avait
été la capitale d'un empire. "
--------"
On y remarque un théâtre dont l'intérieur
est pavé de petites pierres de diverses couleurs qui forment une
espèce de mosaïque. La ville possédait une vaste église
dont il ne reste qu'une muraille en forme d'abside se dirigeant de l'Est
à l'Ouest."
--------Nous
voyons toute l'importance que revêt cette citation et, en supposant
qu'il y ait eu exagération dans l'affirmation d'EL BEKRI, il n'en
reste pas moins vrai que la grandeur des constructions d'ICOSIUM était
suffisante pour retenir l'attention des voyageurs, d'autant plus que la
plupart des cités de ces époques n'apparaissaient pas à
la même échelle que les nôtres.
--------Dans
le courant de l'année 1950, une embase de statue a été
trouvée dans les fouilles exécutées pour travaux
en bordure de l'avenue du 8-Novembre.
--------L'inscription
qu'elle présente se rapporte à un certain MARCUS MESSIUS
MASCULUS qui est honoré par son petit-fils, PUBLIUS CORNELIUS HONORATUS,
flamine perpétuel de SEPTIME SEVERE et de ses fils ( Communication
faite par M. LESCHI. directeur des Antiquités, qui nous a donné
obligeamment l'autorisation de publier ce texte dont il a fait la traduction.).
--------Au
cours d'une reconnaissance que nous fîmes en septembre 1950, avec
M. l'ingénieur en chef MOLBERT, sur des travaux entrepris aux environs
de l'avenue du 8 Novembre, nous remarquâmes un fut de colonne de
70 centimères de diamètre, une pierre tombale de petite
dimension et une meule de grand diamètre en parfait état
de conservation.
--------Le
fût correspond à une hauteur de colonne de 8 à 9 mètres.
Cette dernière donne une idée de la grandeur du portique
dans lequel elle entrait.
--------Elle
appartenait sans aucun doute à ICOSIUM car son volume et son poids
interdisaient qu'on la transportât jusque là lorsqu'à
l'époque turque, les habitants de la cité utilisèrent
les ruines d'ICOSIUM et même celles de RUSGUNIAE.
--------Cette
découverte confirme, en partie, les assertions d'EL BEKRI.
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---------Malgré
la chute de l'empire carthaginois, l'organisation et les moeurs puniques
ne disparurent pas complètement et les Romains qui savaient s'adapter
aux organisations et parfois même aux coutumes de leurs vaincus,
bénéficièrent, en occupant ICOSIUM, d'une organisation
municipale existante. Ceci nous est prouvé par une inscription
trouvée rue Bruce. Elle est faite à l'adresse du roi PTOLEMEE,
ils de JUBA, par un certain " LUCIUS CAECILIUS RUFUS ", qui
avait reçu tous les honneurs dans sa patrie
(Leschi. Conférence sur les origines d'Alger.)
--------Il
faut cependant être très prudent sur les inscriptions d'El-Djezaïr
en raison, comme nous le disons plus haut, des transports de pierres romaines
par les Turcs, de RUSGUNIAE, et même de TIPASA.
--------Pourtant,
il existe une autre inscription sur laquelle il n'y a aucun doute à
formuler. C'est celle que l'on trouve encastrée dans l'immeuble
situé à l'angle des rues Bab-Azoun et du Caftan. C'est le
hasard qui cri 1844 fit découvrir cette pierre qui, jusque là,
avait servi à un cloutier exerçant dans la rue de Chartres.
--------Les
traducteurs nous citent ainsi cette inscription
--------"A
PUBLIUS SITTIUS PLOCAMIANUS, fils de MARCUS, de la tribu QUIRINA, le Conseil
Municipal d'ICOSIUM. MARCUS SITTIUS CAECILIANUS, fils de PUBLIUS, de la
tribu QUIRINA, au nom de son fils très cher, ayant reçu
l'honneur, a assumé la dépense. "
--------Sur
cette pierre qui devait être un socle de statue sont également
gravés les mots : " ORDO ICOSITANORUM " qui nous prouvent
que la cité romaine possédait un Conseil Municipal et un
ordre de décurions et de magistrats.
--------L'empereur
Vespasien la consacra colonie latine ce qui lui conférait une réelle
importance.
--------Peu
de faits historiques sont connus sur ICOSIUM. M. LESCHI, l'éminent
archéologue, nous dit "qu'en 372,
FIRMUS, un chef d'origine berbère qui s'était révolté
contre Rome et qui n'avait pas réussi à s'emparer de TIPASA
à cause de ses remparts et de la résistance de ses habitants
animés de leur foi en Sainte Salsa, devint le maître d'ICOSIUM
qu'il restitua l'année suivante ".
--------Il
est vraisemblable que FIRMUS, au cours de ses attaques, avait été
aidé par les donatistes.
--------Nous
savons qu'un nommé CRESCENS, évêque donatiste, se
trouvait à ICOSIUM en 411 et que VICTO qui fut évêque
en 484 fut persécuté par les Vandales (3), après
la prise d'ICOSIUM par ces derniers.( G.
Yver, - Annales africaines N" 9.).
--------Ces
quelques traits archéologiques et historiques sont les rares données
encore bien incertaines (à l'exception de l'inscription de la pierre
encastrée dans l'immeuble de la rue Bab-Azoun) que l'on possède
sur la ville latine.
--------L'on
a également découvert en 1907 des chambres sépulcrales
avec vaisselles mortuaires près du bâtiment que tous les
vieux Algérois ont connu sous le nom de " Kursaal ".
Un texte y était gravé en l'honneur d'un certain Titus Flavius
Sextus, soldat de la 4" légion qui "servit
26 ans et en vécut 50 ". (La
4è Légion romaine se trouvait en Europe Centrale, TITUS
FLAVIUS était un vétéran libéré après
26 ans de services.).
--------C'est
à peu près tout ce que l'on sait de la ville romaine d'ICOSIUM.
Comme toutes les cités africaines, elle a dû, vers le II`
siècle, connaître une certaine prospérité.
--------L'attestation
en est fournie par un beau buste de l'empereur HADRIEN, découvert
à Belcourt et, aujourd'hui, placé au musée Stéphane
Gsell.
--------Nous
avons également essayé de faire sortir de la profondeur
des siècles quelques données sur l'alimentation en eau d'ICOSIUM.
--------Sans
vouloir émettre trop de présomptions, nous essaierons de
grouper les quelques découvertes qui nous permettront de suivre
vaguement le réseau d'alimentation en eau potable de la ville des
anciens.
--------De
nombreuses sources jaillissaient du Dj'bel (colline sur laquelle s'édifie
la Kasbah d'aujourd'hui).
--------Ce
Dj'bel à constitution schisteuse, présente des failles souterraines
et des diaclases dans lesquelles l'eau de pluie s'infiltrant parcourt
parfois un très long chemin pour réapparaître sous
forme d'émergence.
--------A
l'époque turque ces émergences portaient noms de Aïn
N'zaouka, Aïn Essabat, Aïn et Atoch Ain et Djedida, Aïn
et Oldj, Aïn Essoltan, etc...
--------Il
ne fait aucun doute qu'elles furent utilisées.
--------Pendant
longtemps, l'on n'en eut aucune preuve. Seul, DEVOULX, dans son ouvrage
sur ALGER. cite un extrait d'acte de propriété de 1522-1523,
ainsi conçu
--------"
Une ruine dans Ketchawa (La Ketchawa est
la mosquée qui s'érigeait à l'emplacement de la cathédrale
d'aujourd'hui. L'écrivain arabe EL BIEKRI, ncus apprend qu'une
église romaine encore debout au 11è siécle, s'y trouvait
en face d'une source jaillissant de terre.) est limitée
au Nord par un aqueduc des anciens qui existait dans les temps écoulés."
--------Nous
voyons toute la valeur de cette citation d'autant plus que DEVOULX nous
dit : "C'est la seule fois que j'ai trouvé
dans un document authentique (et il m'en est passé plus de cent
mille dans les mains) la moindre allusion aux traces laissées par
les Romains."
--------Vers
1844. les Français mirent à découvert sous la cathédrale
et à 10 mètres sous terre, plusieurs citernes romaines juxtaposées
deux à deux et communiquant entre elles, ainsi que des restes de
thermes.
--------L'on
pouvait donc admettre que le sol romain se trouvait à cette profondeur.
Cette supposition s'est transformée en certitude lorsque l'on découvrit
ces citernes. Leur existence vint confirmer une affirmation de DEVOULX
qui faisait état de travaux d'exhaussement du sol à l'emplacement
de la cathédrale sur une hauteur approximative de 10 mètres.
--------Il
est fort possible que ces citernes recevant les eaux de l'aqueduc ci-dessus
aient été utilisées en qualité de réservoirs
recueillant les eaux destinées à l'alimentation de la ville
située en contrebasà l'emplacement du quartier de l'Ancienne
Préfecture.
--------Quelques
vestiges, ainsi que le tracé en échiquier des voies, certes
déformé, nous montrent que la ville latine limitée
par la. ligne rues Bab-Azoun, Bab-el-Oued, à l'Ouest, et la côte
à l'Est, n'était pas très grande ; son carde et son
décumanus étant vraisemblablement la rue de la Marine et
l'ancienne rue d'Orléans.
--------D'autres
citernes que celles situées sous la cathédrale ont été
découvertes sous l'ancienne rue de la Charte ; elles figuraient
d'ailleurs sur un plan établi entre 1568 et 1571. Portant des inscriptions
italiennes, ce document nous montre à cet emplacement, les mentions
suivantes : " fontane grande et altre fontane " (grande fontaine
et autre fontaine) ainsi que " Forum ".
--------Comme
sur presque tous les anciens documents, ces ouvrages sont figurés
par un dessin et la représentation figure un monument ressemblant
très fidèlement au nymphée romain de TIPASA.
--------Sur
ce document est également figuré un aqueduc avec plusieurs
arches se trouvant approximativement à l'emplacement du Fort de
l'Empereur.
--------Toutes
ces données pourraient nous permettre de supposer qu'Icosium a
été alimentée en eau par un aqueduc qui, captant
les sources situées sur son parcours, utilisant le jaillissement
situé près de la cathédrale, emmagasinait cette eau
dans des citernes pour la répartir dans la cité. Nous ne
pourrions toutefois l'affirmer.
--------Aujourd'hui,
encore, c'est tout ou à peu près tout ce qui nous reste
des deux premières civilisations qui ont jeté les bases
de notre Cité. C'est bien peu de chose et, bien souvent, en passant
dans l'avenue du 8-Novembre ou dans la rue de la Marine, il nous arrive
d'interroger mentalement les sous-sols de ces voies et ceux du quartier
qui les environnent.
--------Nous
livreront-ils encore quelques vestiges tenus secrètement au fond
de leur remblai où ils nous cachent le peu qui reste de ce passé
endormi à jamais ? Nous le pensons et c'est pourquoi nous restons
vigilants lorsque d'importants terrassements sont en cours qui attirent
nos espoirs de retrouver une vieille pierre qui nous parlera de ces temps
lointains.
--------Mais
depuis la fuite de ces derniers, de nombreux éléments sont
venus qui ont transformé, brisé, saccagé ces vieilles
choses, témoins de l'existence de ces puissants ancêtres
; aussi, bien rares doivent être à Alger. les vestiges d'ICOSIUM.
E. PASQUALI
Ingénieur Chef du Service d'Urbanisme
de la Ville d'Alger
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