| BRAZZA(25 Janvier 1852 -- 25 Janvier 1952)
 ------------Savorgnan 
        de Brazza est enterré à Alger, où il s'était 
        retiré avec sa famille, et où son souvenir est resté 
        particulièrement vivant. Il s'imposait donc de lui rendre en cette 
        ville un hommage solennel. Devoir bien facile à remplir désormais, 
        puisque sur l'initiative du général de Chambrun, la famille 
        de Savorgnan de Brazza a fait don de sa villa au Gouverneur Général 
        de l'Algérie, à condition que celui-ci en fasse un Musée.------------C'était 
        sans aucun doute la meilleure façon d'honorer le grand Français, 
        d'ascendance italienne, qui fut de la race des vrais missionnaires ainsi 
        que le montre lumineusement le général de Chambrun dans 
        les pages qui suivent.
 ------------Le 
        Musée qui évoquera désormais sa vie, s'ordonne dans 
        les salles qui lui furent familières. Ceux qui le visiteront apprendront 
        à y admirer une des individualités les plus nobles qu'ait 
        connues l'époque moderne. Il ne faut pas voir en lui le seul découvreur 
        du Congo, mais aussi le grand politique qui a pressenti le rôle 
        essentiel qui devait jouer l'Afrique dans 'es vicissitudes internationales. 
        Il croyait d l'avenir de ce continent qui a provoqué des vocations 
        aussi héroïques (le mot n'est pas trop fort) que la sienne, 
        ou celles d'un Père de Foucauld et d'un Albert Schweitzer. Les 
        nombreuses missions qu'il a remplies au Congo sont à la base même 
        du développement d'un territoire où son. action fut d'autant 
        plus décisive qu'elle était pacifique.
 ------------Car 
        c'est par la noblesse de son idéal que Savorgnan de Brazza est 
        particulièrement digne d'admiration. Il e prouvé que l'on 
        peut faire une grande ouvre colonisatrice par la seule force de la bonté 
        et de la persuasion. C'est un extraordinaire enseignement que nous donne 
        une existence dominée par le sentiment latin de la dignité 
        humaine : et cet enseignement, on le trouvera désormais dans ce 
        Musée où sont réunis les objets dont il était 
        entouré au Congo et à Alger, les documents qui racontent 
        les hauts et les bas de cette vie parfois douloureuse. On saura aussi 
        comment naquit et se développa la plus irrésistible des 
        vocations, et en étudiant le milieu dans lequel ce Méditerranéen 
        d'origine vénitienne se trouva brusquement transplanté, 
        on pourra méditer sur les curieux contrastes que comporte une pareille 
        destinée.
 ------------Mais 
        ce qui domine tout, c'est la leçon d'humanité qui découle 
        de l'ensemble des documents de toute nature qui sont réunis dans 
        ces salles où la pensée de Savorgnan de Brazza est toujours 
        présente. Ceux qui ont pu approcher cet être d'élite 
        savent quels étaient le rayonnement de son esprit et la bonté 
        de son coeur.
 ------------On 
        voit dans ce Musée son activité se développer dans 
        bien des domaines et aboutir à une uvre immense qui fait 
        honneur à l'Italie où il est né et à la France, 
        sa patrie d'adoption. Comment cette oeuvre ne s'imposerait-elle pas avec 
        force aux générations présentes et futures par la 
        noblesse de son idéal et son exceptionnelle grandeur morale
 J. ALAZARD.
 ***************** ------------Le 
        Musée Brazza a été inauguré en 1952 dans la 
        demeure même oùle célèbre explorateur s'est 
        retiré à la fin de sa carrière africaine. Les organisateurs 
        se sont efforcés de ne rien changer au cadre dans lequel Brazza 
        vécut, afin que cette exposition de souvenirs coloniaux apparaisse 
        comme le reflet de sa vie intime et familiale.------------Pierre 
        Savorgnan de Brazza est issu d'une très vieille famille vénitienne 
        dont les terres se trouvent près d'Udine, dans le Frioul. Ses parents 
        durent s'exiler et quitter le foyer ancestral élevé sur 
        les ruines du château de Savorgnan construit en 462, se refusant 
        à vivre sous l'occupation autrichienne. Ils vinrent s'établir 
        à Rome, où naquit le futur explorateur.
 ------------Dès 
        son jeune âge, Pierre de Brazza rêva d'être marin ; 
        il profita du passage dans la Ville éternelle de l'amiral de Montaignac, 
        pour obtenir de sa famille l'autorisation de finir ses études à 
        Paris. En 1867, il fut admis à l'Ecole Navale, d'où il sortit 
        avec le grade d'enseigne à titre étranger. Embarqué 
        sur la frégate cuirassée "La Revanche ", il fit 
        la guerre de 1870, et c'est sur ce bâtiment, alors que notre cause 
        paraissait gravement compromise, qu'il demanda et obtint d'être 
        naturalisé français.
 ------------Au 
        printemps 1874, " la Vénus " ayant à son bord 
        Brazza jeta l'ancre sur les côtes du Gabon, au voisinage de l'embouchure 
        de l'Ogooué. Le jeune aspirant fit quelques reconnaissances sans 
        pouvoir pénétrer loin dans le continent noir, mais il fut 
        frappé par le débit considérable de ce fleuve.
 A peine rentré en France, il demanda à son protecteur, l'amiral 
        de Montaignac, devenu ministre de la Marine, l'autorisation de repartir 
        à la tête d'une mission de découverte dans la région 
        équatoriale où l'explorateur Compiègne, tombé 
        malade, avait dû renoncer à s'engager profondément.
 PREMIERE EXPLORATION.
 ------------A 
        l'automne de 1875, Brazza, accompagné de trois hardis compagnons, 
        remonta le cours de l'Ogooué. Tantôt ensemble, tantôt 
        isolément, ces pionniers de la civilisation parcourent des régions 
        immenses. La brousse, la forêt vierge, les cours d'eau, les marais 
        fiévreux, rien ne les arrêta. Partout où ils passèrent, 
        ils firent des chefs indigènes des amis, et jamais ils ne manquèrent 
        de libérer les esclaves rencontrés sur leur route. Cette 
        première exploration dura trois années, pendant lesquelles 
        Brazza pu rarement donner de ses nouvelles ; mais quand, en France, on 
        apprit qu'il était sain et sauf, qu'il avait fait aimer et respecter 
        le drapeau tricolore, sa popularité fut prodigieuse. A son retour, 
        on l'opposa à son rival Stanley ; mais loin d'être grisé 
        par cet accueil, il ne se servit de la faveur populaire que pour préparer 
        sa seconde expédition.
 ------------Il 
        n'eut plus qu'une ambition : retourner sur le terrain de ses exploits, 
        pénétrer plus loin à l'intérieur de ces terres 
        inconnues et atteindre le Congo avant que Stanley ait réussi à 
        remonter le cours de ce grand fleuve.
 ------------Stanley 
        s'était mis au service du roi des Belges, dont Brazza avait refusé 
        les ouvertures. Aidé par Gambetta, président de la Chambre, 
        et surtout par Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique, et même 
        par sa famille italienne, il obtint les subsides, le personnel et le matériel 
        dont il avait besoin et se mit en route.
 SECONDE EXPLORATION.
 ------------Cette 
        fois, Brazza perdit peu de temps pour traverser d'ouest en est les territoires 
        qu'il avait déjà parcourus. Partout, il fut reçu 
        par les populations en libérateur et. il atteignit ainsi l'Alima, 
        rivière dont il avait, un an auparavant, reconnu le cours supérieur. 
        Il n'eut ensuite qu'à se confier au courant pour déboucher 
        sur le Congo, immense nappe d'eau en cet endroit, dont l'éclat 
        se fondait dans l'ombre des collines boisées. Deux jours seulement 
        pour fixer sur la carte par des observations astronomiques ce point important, 
        et Brazza se dirigea vers le maître des lieux. La réception 
        que lui fit le roi Makoko dépassa ses espérances. Le Chef 
        nègre et les suzerains feudataires signèrent des traités 
        qui les plaçaient sous la protection de la France. Aussitôt 
        le drapeau français flotta non seulement sur la tente de Makoko, 
        mais sur toute la rive Ouest du grand fleuve de l'Afrique Centrale. Pendant 
        près de deux ans, Brazza et ses compagnons organisèrent 
        l'arrière-pays : traçant des routes, établissant 
        des centres de ravitaillement, d'hébergement où les indigènes 
        trouvaient protection e t médicaments. Puis ils rentrèrent 
        en France, porteurs des traités qu'ils avaient signés.
 ------------Quand 
        Stanley. monté sur sa canonnière, parut sur le Congo en 
        amont du Pool, Il y trouva flottant le long de la rive droite du fleuve 
        des drapeaux tricolores et le sergent sénégalais Malamine 
        qui montait la garde sur nos nouvelles possessions.
 ------------Le 
        17 avril 1882, Brazza revenait vers la côte. En deux ans et demi, 
        avec les faibles ressources dont il disposait, il avait ajouté 
        à ses précédentes conquêtes un territoire d'environ 
        quatre mille kilomètres. Au point de vue humanitaire, la fondation 
        des stations hospitalières de l'Ogooué et du Congo apportait 
        une amélioration sensible ii l'occupation c lu pays. Elle était 
        la preuve que la suppression des monopoles commerciaux et de la traite 
        des Noirs ne serait pas l'oeuvreéphémère du voyageur 
        blanc, mais bien une oeuvre durable.
 ------------Le 
        21 novembre 1882, les traités signés par Brazza et par le 
        roi Makoko parurent au "Journal officiel" , après avoir 
        été ratifiés par les Chambres. Brazza était 
        devenu le héros du jour, et c'était un rôle auquel 
        il ne se prêtait qu'à contre-coeur
 TROISIEME SÉJOUR AU CONGO.
 ------------Le 
        11 février 1883, la loi accordant des crédits pour une nouvelle 
        mission était promulguée, et par décret du 15 février, 
        Brazza était nommé Lieutenant de Vaisseau. Il recevait, 
        en outre, le titre de Commissaire général de la République 
        dans l'Ouest Africain. Le Ministre de la Guerre lui accordait un petit 
        détachement de Tirailleurs algériens qui devait se joindre 
        à l'escorte de trente Sénégalais de la Mission. Celle-ci 
        comprenait, outre un état-major de cinq membres, une vingtaine 
        d'agents auxiliaires. Jacques de Brazza, docteur ès-sciences naturelles, 
        accompagnait son frère en qualité de naturaliste.
 ------------C'était 
        une ère nouvelle qui s'ouvrait pour Brazza. Désormais, on 
        ne verra plus à l'oeuvre un pionnier vêtu de haillons, arpentant 
        seul ou presque la brousse ou la forêt, mais un Commissaire général 
        exerçant son autorité sur une équipe de son choix.
 -
 -----------Arrivé 
        au Gabon, le représentant de la France répartit le travail 
        entre ses subordonnés. Aux uns, la tâche d'établir 
        de nouvelles stations ; aux autres. celle de défricher et d'ouvrir 
        des communications. Son ancien collaborateur Ballay fut chargé 
        de monter un petit vapeur pouvant naviguer dans les eaux du bassin du 
        Congo, tandis que le fidèle Malamine se rendait auprès du 
        roi Makoko pour lui annoncer le retour du Chef blanc. Cette seconde entrevue 
        de Brazza et du roi nègre porta d'heureux fruits et lui permit 
        de fonder la ville à laquelle la Société de Géographie 
        lui demanda de donner son nom. Brazzaville est située sur le terrain 
        qui domine le Pool et près de l'endroit où la grande nappe 
        d'eau va se précipiter de cataractes en cataractes dans l'Océan. 
        L'emplacement, acheté par Brazza et son ami Charles de Chavannes 
        pour 200 francs, fixe les limites que l'Association Internationalee ne 
        put jamais franchir dans ces parages. Presque en même temps, un 
        autre lieutenantt de Braira, parti de la côte à Loango, le 
        rejoignait sur le terrain de la ville future, ouvrant ainsi une ligne 
        de communication qui avait été convoitée par les 
        Portugais ét les agents du roi Léopold.------------L'année 
        qui. suivit fut des plus fructueuses. Partout, les subordonnés 
        de Brazza, devenus ses disciples, réussirent à étendre 
        notre conquête au centre du continent. Dolisie remonta ll'Oubanghi. 
        pendant que Lastours fondait Lastourville, où il mourut.
 ------------Au 
        printemps de 1885, des événements graves étaient 
        survenus en France. A la suite de revers au Tonkin, le ministère 
        Jules Ferry avait été renversé, et la nouvelle majorité, 
        sous l'inspiration de Georges Clemenceau, se montra hostile à toute 
        expansion coloniale.
 ------------Brazza, 
        promu officier de la Légion d'honneur (il avait été 
        fait chevalier lors de la première exploration), fut rappelé 
        en France où il rentra en compagnie de son second, Charles de Chavannes. 
        L : réception qui lui fut faite par la foule nombreuse pressée 
        pour l'applaudir à la descente d'un train pavoisé aux couleurs 
        nationales, lui montra que sa popularité n'avait pas diminué.
 
     |  |  
       -QUATRIEME 
        SEJOUR AU CONGO.------------Il 
        fallut peu de temps à Brazza pour raviver en France la flamme coloniale, 
        qui vacillait. Quelques mois à Paris, quelques tournées 
        en province opérèrent le revirement. Le Ministre des Affaires 
        étrangères ne pouvait manquer d'observer que les projets 
        de Brazza, portés à Berlin par Ballay, le nautonier du Congo, 
        et défendus avec talent par M. de Courcel, avaient triomphé. 
        La zone d'influence des Allemands au Cameroun était circonscrite, 
        et les territoires concédés à l'Association Internationale 
        étaient limités. Nos possessions françaises au Centre 
        de l'Afrique pouvaient donc s'épanouir vers le Nord dans la direction 
        du lac Tchad et vers le Nord-est dans celles des sources du Haut-Nil. 
        Brazza repartit donc cette fois avec le titre de Gouverneur général 
        du Gabon et du Congo. Noël Ballay lui était adjoint comme 
        Lieutenant Gouverneur du Gabon. Charles de Chavannes devenait son délégué. 
        Jamais l'activité de Brazza ne fut plus grande, préoccupé 
        qu'il était de fixer une frontière commune entre la France 
        et l'Allemagne, avant de chercher à déborder par le Nord 
        l'installation de nos voisins.
 ------------Ce 
        fut son propre secrétaire, Paul Crampel, oui déclencha la 
        série de ces explorations. Partant de l'Ogooué, il s'approcha 
        des confins du Cameroun et déboucha sur l'Océan Atlantique. 
        Puis M. Chollet, à son tour, s'engagea dans le bassin de la Bénoué 
        pour y continuer l'exploration faite l'année précédente 
        par Jacques de Brazza. Gaillard réussit à remonter la Sangha, 
        tandis que Fourneau, par voie de terre, suivait un itinéraire presque 
        parallèle et toujours en bordure du Cameroun. Un peu plus tard, 
        Monteil partant du Niger, et Mizon de la Bénoué, prenaient 
        le Tchad pour objectif, pendant que Crampel d'abord, Dyboski, Maistre 
        et enfin Gentil cherchaient à atteindre le Grand Lac en remontant 
        l'Oubanghi et en descendant le Chari. On peut dire qu'à partir 
        de 1892 le Cameroun allemand était encerclé, la route du 
        Tchad ouverte, et Liotard pouvait sans danger s'engager en direction du 
        Nil Blanc. Si Brazza admira l'audace de son second, Gentil, qui réussit 
        à faire naviguer dans le bassin du Tchad le " Léon-Blot 
        ", vapeur démontable, il suivit peut-être avec un plus 
        grand intérêt la progression de son élève, 
        Liotard, qui, fidèle à ses leçons, ne s'avançait 
        méthodiquement vers le Bahr-el-Ghazal qu'après s'être 
        assuré de la sympathie des peuplades laissées derrière 
        lui.
 ------------Pendant 
        que tous ces hardis pionniers portaient plus loin nos frontières, 
        le fondateur du Congo rie se contenta pas d'affranchir l'autochtone de 
        l'esclavage. Il chercha à le faire évoluer par l'apprentissage 
        de métiers et par l'instruction. Il multiplia les écoles, 
        les jardins d'essais et relia la plupart des centres importants aux ports 
        améliorés de la côte. Enfin, il fit procéder 
        à l'étude du chemin de fer qui, aujourd'hui, unit Brazzaville 
        à Loango sur l'Océan. C'est à la fin de ce séjour 
        qu'il reçut la cravate de Commandeur de la Légion d'honneur.
 
 CINQUIEME SEJOUR AU CONGO.
 ------------Brazza 
        passa l'été et l'automne de 1895 en France. Le 12 août, 
        il épousa Thérèse de Chambrun, dont la mère 
        était petite-fille de Lafayette, et en qui il admirait énergie 
        et courage. Tous deux étaient en parfait accord sur les questions 
        primordiales d'humanité. Ils concevaient de la même manière 
        la protection due aux indigènes. Après leur mariage, Brazza 
        et sa femme gagnèrent le Frioul, où toute la famille italienne 
        était réunie. En décembre, ils s'embarquèrent 
        pour Libreville, et Brazza se remit au travail.
 ------------Sur 
        ce qu'il appelait " Le Front ", tout marchait à souhait, 
        c'est-à-dire que la progression vers le Tchad s'accomplissait normalement 
        et Liotard continuait son avance méthodique vers le Haut-Nil, s'assurant 
        toujours par des traités amicaux la collaboration des tribus qu'il 
        traversait ou parmi lesquelles il séjournait. Mais, à l'intérieur, 
        la situation n'évoluait pas au gré de Brazza. A Paris, il 
        était question d'autoriser une Société indépendante 
        à s'établir au Gabon, libre d'exploiter à sa guise 
        une immense région. C'était livrer l'indigène à 
        la merci des concessionnaires et risquer de voir détruire son oeuvre. 
        Brazza se montra soucieux. Ses rapports avec le Ministère des Colonies 
        devinrent difficiles (de mars 1892 à avril 1896, les titulaires 
        de ce portefeuille changèrent huit fois).------------En 
        juillet 1896, la Mission Marchand débarqua à Loango, guerroyant 
        quelque temps entre la côte et le Congo, malgré les instructions 
        de Brazza. Elle ne s'engagea résolument vers le Nil qu'au printemps 
        1897, à l'époque où le Gouverneur général 
        du Congo estimait que le moment n'était pas favorable pour déboucher 
        dans la vallée du Nil, puisque les Anglais marchaient sur Khartoum 
        pour pousser sans doute leurs avant-gardes jusqu'à Fachoda. D'autre 
        part, les frais de cette Mission, qui devaient être supportés 
        par la Colonie du Gabon-Congo, atteignirent une somme plus que triple 
        de celle prévue par le Ministre des Colonies, créant ainsi 
        dans le budget local du Congo un déficit dont Brazza ne pouvait 
        accepter la responsabilité.
 ------------Souffrant 
        d'une bilieuse hématurique après ce séjour de deux 
        ans, il reprit le chemin de la France. En passant par Alger, il apprit, 
        en lisant le journal, qu'il était relevé de ses fonctions 
        de Gouverneur du Gabon et du Congo. Il demanda aussitôt à 
        faire valoir ses droits à lai retraite, mais n'obtint satisfaction 
        que cinq années plus tard.
 
 LA RETRAITE.
 ------------La 
        douceur et la patience, les qualités rnaitresses de Brazza, ne 
        firent que s'accroître dans sa retraite. Jamais il ne récrimina 
        contre le sort, à plus forte raison contre la prétendue 
        justice des hommes. Il partagea son temps entre la France et l'Algérie, 
        où il était heureux de se sentir dans cette Afrique' à 
        laquelle il pensait toujours. Il passa par une grande période de 
        dépression et crut son uvre détruite à jamais, 
        quand il apprit que le Ministère des Colonies avait autorisé 
        l'établissement au Congo de quarante Sociétés du 
        genre de celle à laquelle il s'était si souvent opposé. 
        Autant de monopoles allant à l'encontre de son couvre humanitaire 
        ! et il -ne pouvait se défendre de voir dans les décisions 
        du Gouvernement français l'influence du roi des Belges. Lorsqu'on 
        proposa dé relier, pour la première fois et d'une manière 
        effective, l'Algérie au Congo à travers le Sahara, il n'hésita 
        pas se faire l'avocat auprès de Félix Faure, président 
        de la République, et de Godefroi Cavaignac, ministre de la Guerre, 
        de ce projet qui devait couronner son oeuvre. " Ah 
        ! que n'ai-je vingt ans de moins, - disait-il au commandant Lamy, - et 
        c'est moi qui partirais du Congo pour venir serrer au Lac Tchad ces mains 
        tendues par l'Algérie "
 SIXIEME SEJOUR AU CONGO.
 ------------Avant 
        sa mort, Brazza devait sauver la Colonie qu'il avait donnée à 
        la France. mais non sans sentir son grand coeur se briser.
 ------------Ce 
        qu'il avait prévu arriva. L'Administration de notre Centre Africain 
        n'était pas assez forte poux protéger l'indigène 
        contre les exactions de certaines sociétés auxquelles l'Etat 
        avait accordé de vastes concessions. Devant les scandales grandissants, 
        le Président de la République et le Ministre des Colonies 
        lui demandèrent de retourner au Congo et de voir sur place si ses 
        principes humanitaires avaient été foulés aux pieds. 
        Il accepta, et voulut faire porter son enquête jusqu'aux confins 
        du territoire du Tchad. Fatigué, souffrant de la fièvre 
        et de la dysenterie, il ne fut pas de force à supporter certaines 
        révélations. Une bataille se livra dans sa conscience, en 
        voyant que des fonctionnaires dont quelques-uns lui étaient connus. 
        avaient autorisé le travail non rémunéré, 
        le portage forcé, les razzias, les camps d'otages.
 ------------Quand 
        vint le moment de quitter son Congo, il refusa de se laisser porter. Un 
        instinct de fierté le fit se redresser, et c'est appuyé 
        sur un grand parasol colonial et au bras de sa femme qu'il traversa, chancelant, 
        la ville qui porte son nom.
 ------------A 
        bord du "Maceio" qui le ramenait en France. son mal empira. 
        A Dakar, on dut le faire descendre sur une civière, et le lendemain, 
        14 septembre 1905, il s'éteignit à 6 heures du soir.
 ------------Alors, 
        la grandeur de l'homme apparut à sa patrie d'élection. La 
        France, dont il avait porté si loin es frontières, décréta 
        des funérailles nationales, et le peuple, qui l'avait toujours 
        chéri, fit son apothéose. Paris voulut conserver ses cendres 
        au Panthéon ou aux Invalides ; mais sa veuve, croyant mieux répondre 
        aux désirs de l'époux bien-aimé, confia son corps 
        à la terre d'Afrique.
 ------------Il 
        repose dans le cimetière qui couronne la ville d'Alger, sous une 
        inscription où l'oeuvre du conquérant pacifique est résumée 
        par cette phrase simple et sublime :
 SA MEMOIRE EST PURE DE SANG HUMAIN GENERAL DE CHAMBRUN.
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