Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle :
Savorgnan de Brazza
6 pages - n°58 - 15 février 1952

"SA MEMOIRE EST PURE DE SANG HUMAIN"

mise sur site le 28-02-2005
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BRAZZA
(25 Janvier 1852 -- 25 Janvier 1952)

------------Savorgnan de Brazza est enterré à Alger, où il s'était retiré avec sa famille, et où son souvenir est resté particulièrement vivant. Il s'imposait donc de lui rendre en cette ville un hommage solennel. Devoir bien facile à remplir désormais, puisque sur l'initiative du général de Chambrun, la famille de Savorgnan de Brazza a fait don de sa villa au Gouverneur Général de l'Algérie, à condition que celui-ci en fasse un Musée.
------------C'était sans aucun doute la meilleure façon d'honorer le grand Français, d'ascendance italienne, qui fut de la race des vrais missionnaires ainsi que le montre lumineusement le général de Chambrun dans les pages qui suivent.
------------Le Musée qui évoquera désormais sa vie, s'ordonne dans les salles qui lui furent familières. Ceux qui le visiteront apprendront à y admirer une des individualités les plus nobles qu'ait connues l'époque moderne. Il ne faut pas voir en lui le seul découvreur du Congo, mais aussi le grand politique qui a pressenti le rôle essentiel qui devait jouer l'Afrique dans 'es vicissitudes internationales. Il croyait d l'avenir de ce continent qui a provoqué des vocations aussi héroïques (le mot n'est pas trop fort) que la sienne, ou celles d'un Père de Foucauld et d'un Albert Schweitzer. Les nombreuses missions qu'il a remplies au Congo sont à la base même du développement d'un territoire où son. action fut d'autant plus décisive qu'elle était pacifique.
------------Car c'est par la noblesse de son idéal que Savorgnan de Brazza est particulièrement digne d'admiration. Il e prouvé que l'on peut faire une grande ouvre colonisatrice par la seule force de la bonté et de la persuasion. C'est un extraordinaire enseignement que nous donne une existence dominée par le sentiment latin de la dignité humaine : et cet enseignement, on le trouvera désormais dans ce Musée où sont réunis les objets dont il était entouré au Congo et à Alger, les documents qui racontent les hauts et les bas de cette vie parfois douloureuse. On saura aussi comment naquit et se développa la plus irrésistible des vocations, et en étudiant le milieu dans lequel ce Méditerranéen d'origine vénitienne se trouva brusquement transplanté, on pourra méditer sur les curieux contrastes que comporte une pareille destinée.
------------Mais ce qui domine tout, c'est la leçon d'humanité qui découle de l'ensemble des documents de toute nature qui sont réunis dans ces salles où la pensée de Savorgnan de Brazza est toujours présente. Ceux qui ont pu approcher cet être d'élite savent quels étaient le rayonnement de son esprit et la bonté de son coeur.
------------On voit dans ce Musée son activité se développer dans bien des domaines et aboutir à une œuvre immense qui fait honneur à l'Italie où il est né et à la France, sa patrie d'adoption. Comment cette oeuvre ne s'imposerait-elle pas avec force aux générations présentes et futures par la noblesse de son idéal et son exceptionnelle grandeur morale

J. ALAZARD.

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------------Le Musée Brazza a été inauguré en 1952 dans la demeure même oùle célèbre explorateur s'est retiré à la fin de sa carrière africaine. Les organisateurs se sont efforcés de ne rien changer au cadre dans lequel Brazza vécut, afin que cette exposition de souvenirs coloniaux apparaisse comme le reflet de sa vie intime et familiale.
------------Pierre Savorgnan de Brazza est issu d'une très vieille famille vénitienne dont les terres se trouvent près d'Udine, dans le Frioul. Ses parents durent s'exiler et quitter le foyer ancestral élevé sur les ruines du château de Savorgnan construit en 462, se refusant à vivre sous l'occupation autrichienne. Ils vinrent s'établir à Rome, où naquit le futur explorateur.
------------Dès son jeune âge, Pierre de Brazza rêva d'être marin ; il profita du passage dans la Ville éternelle de l'amiral de Montaignac, pour obtenir de sa famille l'autorisation de finir ses études à Paris. En 1867, il fut admis à l'Ecole Navale, d'où il sortit avec le grade d'enseigne à titre étranger. Embarqué sur la frégate cuirassée "La Revanche ", il fit la guerre de 1870, et c'est sur ce bâtiment, alors que notre cause paraissait gravement compromise, qu'il demanda et obtint d'être naturalisé français.
------------Au printemps 1874, " la Vénus " ayant à son bord Brazza jeta l'ancre sur les côtes du Gabon, au voisinage de l'embouchure de l'Ogooué. Le jeune aspirant fit quelques reconnaissances sans pouvoir pénétrer loin dans le continent noir, mais il fut frappé par le débit considérable de ce fleuve.
A peine rentré en France, il demanda à son protecteur, l'amiral de Montaignac, devenu ministre de la Marine, l'autorisation de repartir à la tête d'une mission de découverte dans la région équatoriale où l'explorateur Compiègne, tombé malade, avait dû renoncer à s'engager profondément.


PREMIERE EXPLORATION.
------------A l'automne de 1875, Brazza, accompagné de trois hardis compagnons, remonta le cours de l'Ogooué. Tantôt ensemble, tantôt isolément, ces pionniers de la civilisation parcourent des régions immenses. La brousse, la forêt vierge, les cours d'eau, les marais fiévreux, rien ne les arrêta. Partout où ils passèrent, ils firent des chefs indigènes des amis, et jamais ils ne manquèrent de libérer les esclaves rencontrés sur leur route. Cette première exploration dura trois années, pendant lesquelles Brazza pu rarement donner de ses nouvelles ; mais quand, en France, on apprit qu'il était sain et sauf, qu'il avait fait aimer et respecter le drapeau tricolore, sa popularité fut prodigieuse. A son retour, on l'opposa à son rival Stanley ; mais loin d'être grisé par cet accueil, il ne se servit de la faveur populaire que pour préparer sa seconde expédition.
------------Il n'eut plus qu'une ambition : retourner sur le terrain de ses exploits, pénétrer plus loin à l'intérieur de ces terres inconnues et atteindre le Congo avant que Stanley ait réussi à remonter le cours de ce grand fleuve.
------------Stanley s'était mis au service du roi des Belges, dont Brazza avait refusé les ouvertures. Aidé par Gambetta, président de la Chambre, et surtout par Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique, et même par sa famille italienne, il obtint les subsides, le personnel et le matériel dont il avait besoin et se mit en route.


SECONDE EXPLORATION.
------------Cette fois, Brazza perdit peu de temps pour traverser d'ouest en est les territoires qu'il avait déjà parcourus. Partout, il fut reçu par les populations en libérateur et. il atteignit ainsi l'Alima, rivière dont il avait, un an auparavant, reconnu le cours supérieur. Il n'eut ensuite qu'à se confier au courant pour déboucher sur le Congo, immense nappe d'eau en cet endroit, dont l'éclat se fondait dans l'ombre des collines boisées. Deux jours seulement pour fixer sur la carte par des observations astronomiques ce point important, et Brazza se dirigea vers le maître des lieux. La réception que lui fit le roi Makoko dépassa ses espérances. Le Chef nègre et les suzerains feudataires signèrent des traités qui les plaçaient sous la protection de la France. Aussitôt le drapeau français flotta non seulement sur la tente de Makoko, mais sur toute la rive Ouest du grand fleuve de l'Afrique Centrale. Pendant près de deux ans, Brazza et ses compagnons organisèrent l'arrière-pays : traçant des routes, établissant des centres de ravitaillement, d'hébergement où les indigènes trouvaient protection e t médicaments. Puis ils rentrèrent en France, porteurs des traités qu'ils avaient signés.
------------Quand Stanley. monté sur sa canonnière, parut sur le Congo en amont du Pool, Il y trouva flottant le long de la rive droite du fleuve des drapeaux tricolores et le sergent sénégalais Malamine qui montait la garde sur nos nouvelles possessions.
------------Le 17 avril 1882, Brazza revenait vers la côte. En deux ans et demi, avec les faibles ressources dont il disposait, il avait ajouté à ses précédentes conquêtes un territoire d'environ quatre mille kilomètres. Au point de vue humanitaire, la fondation des stations hospitalières de l'Ogooué et du Congo apportait une amélioration sensible ii l'occupation c lu pays. Elle était la preuve que la suppression des monopoles commerciaux et de la traite des Noirs ne serait pas l'oeuvreéphémère du voyageur blanc, mais bien une oeuvre durable.
------------Le 21 novembre 1882, les traités signés par Brazza et par le roi Makoko parurent au "Journal officiel" , après avoir été ratifiés par les Chambres. Brazza était devenu le héros du jour, et c'était un rôle auquel il ne se prêtait qu'à contre-coeur


TROISIEME SÉJOUR AU CONGO.
------------Le 11 février 1883, la loi accordant des crédits pour une nouvelle mission était promulguée, et par décret du 15 février, Brazza était nommé Lieutenant de Vaisseau. Il recevait, en outre, le titre de Commissaire général de la République dans l'Ouest Africain. Le Ministre de la Guerre lui accordait un petit détachement de Tirailleurs algériens qui devait se joindre à l'escorte de trente Sénégalais de la Mission. Celle-ci comprenait, outre un état-major de cinq membres, une vingtaine d'agents auxiliaires. Jacques de Brazza, docteur ès-sciences naturelles, accompagnait son frère en qualité de naturaliste.
------------C'était une ère nouvelle qui s'ouvrait pour Brazza. Désormais, on ne verra plus à l'oeuvre un pionnier vêtu de haillons, arpentant seul ou presque la brousse ou la forêt, mais un Commissaire général exerçant son autorité sur une équipe de son choix.
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-----------Arrivé au Gabon, le représentant de la France répartit le travail entre ses subordonnés. Aux uns, la tâche d'établir de nouvelles stations ; aux autres. celle de défricher et d'ouvrir des communications. Son ancien collaborateur Ballay fut chargé de monter un petit vapeur pouvant naviguer dans les eaux du bassin du Congo, tandis que le fidèle Malamine se rendait auprès du roi Makoko pour lui annoncer le retour du Chef blanc. Cette seconde entrevue de Brazza et du roi nègre porta d'heureux fruits et lui permit de fonder la ville à laquelle la Société de Géographie lui demanda de donner son nom. Brazzaville est située sur le terrain qui domine le Pool et près de l'endroit où la grande nappe d'eau va se précipiter de cataractes en cataractes dans l'Océan. L'emplacement, acheté par Brazza et son ami Charles de Chavannes pour 200 francs, fixe les limites que l'Association Internationalee ne put jamais franchir dans ces parages. Presque en même temps, un autre lieutenantt de Braira, parti de la côte à Loango, le rejoignait sur le terrain de la ville future, ouvrant ainsi une ligne de communication qui avait été convoitée par les Portugais ét les agents du roi Léopold.
------------L'année qui. suivit fut des plus fructueuses. Partout, les subordonnés de Brazza, devenus ses disciples, réussirent à étendre notre conquête au centre du continent. Dolisie remonta ll'Oubanghi. pendant que Lastours fondait Lastourville, où il mourut.
------------Au printemps de 1885, des événements graves étaient survenus en France. A la suite de revers au Tonkin, le ministère Jules Ferry avait été renversé, et la nouvelle majorité, sous l'inspiration de Georges Clemenceau, se montra hostile à toute expansion coloniale.
------------Brazza, promu officier de la Légion d'honneur (il avait été fait chevalier lors de la première exploration), fut rappelé en France où il rentra en compagnie de son second, Charles de Chavannes. L : réception qui lui fut faite par la foule nombreuse pressée pour l'applaudir à la descente d'un train pavoisé aux couleurs nationales, lui montra que sa popularité n'avait pas diminué.

 

-QUATRIEME SEJOUR AU CONGO.
------------Il fallut peu de temps à Brazza pour raviver en France la flamme coloniale, qui vacillait. Quelques mois à Paris, quelques tournées en province opérèrent le revirement. Le Ministre des Affaires étrangères ne pouvait manquer d'observer que les projets de Brazza, portés à Berlin par Ballay, le nautonier du Congo, et défendus avec talent par M. de Courcel, avaient triomphé. La zone d'influence des Allemands au Cameroun était circonscrite, et les territoires concédés à l'Association Internationale étaient limités. Nos possessions françaises au Centre de l'Afrique pouvaient donc s'épanouir vers le Nord dans la direction du lac Tchad et vers le Nord-est dans celles des sources du Haut-Nil. Brazza repartit donc cette fois avec le titre de Gouverneur général du Gabon et du Congo. Noël Ballay lui était adjoint comme Lieutenant Gouverneur du Gabon. Charles de Chavannes devenait son délégué. Jamais l'activité de Brazza ne fut plus grande, préoccupé qu'il était de fixer une frontière commune entre la France et l'Allemagne, avant de chercher à déborder par le Nord l'installation de nos voisins.
------------Ce fut son propre secrétaire, Paul Crampel, oui déclencha la série de ces explorations. Partant de l'Ogooué, il s'approcha des confins du Cameroun et déboucha sur l'Océan Atlantique. Puis M. Chollet, à son tour, s'engagea dans le bassin de la Bénoué pour y continuer l'exploration faite l'année précédente par Jacques de Brazza. Gaillard réussit à remonter la Sangha, tandis que Fourneau, par voie de terre, suivait un itinéraire presque parallèle et toujours en bordure du Cameroun. Un peu plus tard, Monteil partant du Niger, et Mizon de la Bénoué, prenaient le Tchad pour objectif, pendant que Crampel d'abord, Dyboski, Maistre et enfin Gentil cherchaient à atteindre le Grand Lac en remontant l'Oubanghi et en descendant le Chari. On peut dire qu'à partir de 1892 le Cameroun allemand était encerclé, la route du Tchad ouverte, et Liotard pouvait sans danger s'engager en direction du Nil Blanc. Si Brazza admira l'audace de son second, Gentil, qui réussit à faire naviguer dans le bassin du Tchad le " Léon-Blot ", vapeur démontable, il suivit peut-être avec un plus grand intérêt la progression de son élève, Liotard, qui, fidèle à ses leçons, ne s'avançait méthodiquement vers le Bahr-el-Ghazal qu'après s'être assuré de la sympathie des peuplades laissées derrière lui.
------------Pendant que tous ces hardis pionniers portaient plus loin nos frontières, le fondateur du Congo rie se contenta pas d'affranchir l'autochtone de l'esclavage. Il chercha à le faire évoluer par l'apprentissage de métiers et par l'instruction. Il multiplia les écoles, les jardins d'essais et relia la plupart des centres importants aux ports améliorés de la côte. Enfin, il fit procéder à l'étude du chemin de fer qui, aujourd'hui, unit Brazzaville à Loango sur l'Océan. C'est à la fin de ce séjour qu'il reçut la cravate de Commandeur de la Légion d'honneur.

CINQUIEME SEJOUR AU CONGO.
------------Brazza passa l'été et l'automne de 1895 en France. Le 12 août, il épousa Thérèse de Chambrun, dont la mère était petite-fille de Lafayette, et en qui il admirait énergie et courage. Tous deux étaient en parfait accord sur les questions primordiales d'humanité. Ils concevaient de la même manière la protection due aux indigènes. Après leur mariage, Brazza et sa femme gagnèrent le Frioul, où toute la famille italienne était réunie. En décembre, ils s'embarquèrent pour Libreville, et Brazza se remit au travail.

------------Sur ce qu'il appelait " Le Front ", tout marchait à souhait, c'est-à-dire que la progression vers le Tchad s'accomplissait normalement et Liotard continuait son avance méthodique vers le Haut-Nil, s'assurant toujours par des traités amicaux la collaboration des tribus qu'il traversait ou parmi lesquelles il séjournait. Mais, à l'intérieur, la situation n'évoluait pas au gré de Brazza. A Paris, il était question d'autoriser une Société indépendante à s'établir au Gabon, libre d'exploiter à sa guise une immense région. C'était livrer l'indigène à la merci des concessionnaires et risquer de voir détruire son oeuvre. Brazza se montra soucieux. Ses rapports avec le Ministère des Colonies devinrent difficiles (de mars 1892 à avril 1896, les titulaires de ce portefeuille changèrent huit fois).
------------En juillet 1896, la Mission Marchand débarqua à Loango, guerroyant quelque temps entre la côte et le Congo, malgré les instructions de Brazza. Elle ne s'engagea résolument vers le Nil qu'au printemps 1897, à l'époque où le Gouverneur général du Congo estimait que le moment n'était pas favorable pour déboucher dans la vallée du Nil, puisque les Anglais marchaient sur Khartoum pour pousser sans doute leurs avant-gardes jusqu'à Fachoda. D'autre part, les frais de cette Mission, qui devaient être supportés par la Colonie du Gabon-Congo, atteignirent une somme plus que triple de celle prévue par le Ministre des Colonies, créant ainsi dans le budget local du Congo un déficit dont Brazza ne pouvait accepter la responsabilité.
------------Souffrant d'une bilieuse hématurique après ce séjour de deux ans, il reprit le chemin de la France. En passant par Alger, il apprit, en lisant le journal, qu'il était relevé de ses fonctions de Gouverneur du Gabon et du Congo. Il demanda aussitôt à faire valoir ses droits à lai retraite, mais n'obtint satisfaction que cinq années plus tard.

LA RETRAITE.
------------La douceur et la patience, les qualités rnaitresses de Brazza, ne firent que s'accroître dans sa retraite. Jamais il ne récrimina contre le sort, à plus forte raison contre la prétendue justice des hommes. Il partagea son temps entre la France et l'Algérie, où il était heureux de se sentir dans cette Afrique' à laquelle il pensait toujours. Il passa par une grande période de dépression et crut son œuvre détruite à jamais, quand il apprit que le Ministère des Colonies avait autorisé l'établissement au Congo de quarante Sociétés du genre de celle à laquelle il s'était si souvent opposé. Autant de monopoles allant à l'encontre de son couvre humanitaire ! et il -ne pouvait se défendre de voir dans les décisions du Gouvernement français l'influence du roi des Belges. Lorsqu'on proposa dé relier, pour la première fois et d'une manière effective, l'Algérie au Congo à travers le Sahara, il n'hésita pas se faire l'avocat auprès de Félix Faure, président de la République, et de Godefroi Cavaignac, ministre de la Guerre, de ce projet qui devait couronner son oeuvre. " Ah ! que n'ai-je vingt ans de moins, - disait-il au commandant Lamy, - et c'est moi qui partirais du Congo pour venir serrer au Lac Tchad ces mains tendues par l'Algérie "


SIXIEME SEJOUR AU CONGO.
------------Avant sa mort, Brazza devait sauver la Colonie qu'il avait donnée à la France. mais non sans sentir son grand coeur se briser.
------------Ce qu'il avait prévu arriva. L'Administration de notre Centre Africain n'était pas assez forte poux protéger l'indigène contre les exactions de certaines sociétés auxquelles l'Etat avait accordé de vastes concessions. Devant les scandales grandissants, le Président de la République et le Ministre des Colonies lui demandèrent de retourner au Congo et de voir sur place si ses principes humanitaires avaient été foulés aux pieds. Il accepta, et voulut faire porter son enquête jusqu'aux confins du territoire du Tchad. Fatigué, souffrant de la fièvre et de la dysenterie, il ne fut pas de force à supporter certaines révélations. Une bataille se livra dans sa conscience, en voyant que des fonctionnaires dont quelques-uns lui étaient connus. avaient autorisé le travail non rémunéré, le portage forcé, les razzias, les camps d'otages.
------------Quand vint le moment de quitter son Congo, il refusa de se laisser porter. Un instinct de fierté le fit se redresser, et c'est appuyé sur un grand parasol colonial et au bras de sa femme qu'il traversa, chancelant, la ville qui porte son nom.
------------A bord du "Maceio" qui le ramenait en France. son mal empira. A Dakar, on dut le faire descendre sur une civière, et le lendemain, 14 septembre 1905, il s'éteignit à 6 heures du soir.
------------Alors, la grandeur de l'homme apparut à sa patrie d'élection. La France, dont il avait porté si loin es frontières, décréta des funérailles nationales, et le peuple, qui l'avait toujours chéri, fit son apothéose. Paris voulut conserver ses cendres au Panthéon ou aux Invalides ; mais sa veuve, croyant mieux répondre aux désirs de l'époux bien-aimé, confia son corps à la terre d'Afrique.
------------Il repose dans le cimetière qui couronne la ville d'Alger, sous une inscription où l'oeuvre du conquérant pacifique est résumée par cette phrase simple et sublime :

SA MEMOIRE EST PURE DE SANG HUMAIN

GENERAL DE CHAMBRUN.