LES PLUS ANCIENS HABITANTS
DE L'ALGERIE
------Le sol de l'Algérie a récemment
livré les témoignages indiscutables d'une industrie préhistorique
qui se situe parmi les plus anciennes que l'on connaisse dans le monde.
Ce sont certes des documents bien humbles que ces énigmatiques
boules de pierre de la grandeur d'une orange et grossièrement taillées
à facettes que le professeur C. Arambourg, du Muséum National
d'Histoire Naturelle, recueillit en 1948 à Aïn-Hanech, près
de Saint-Arnaud, entre Sétif et Constantine ; mais ils affirment
aussi sûrement que le ferait tout un Louvre l'existence en ce point
et à une époque très reculée d'un être
industrieux sorti de l'animalité. Car cet être vivait sur
les rives du Lac Sétifien, au milieu d'éléphants
archaïques, d'équidés et de girafidés des temps
tertiaires ; les pierres qu'il a dé- aménagées pour
son usage, sont maintenant mêlées aux ossements de ces mammifères
disparus dans des dépôts lacustres que les géologues
rapportent au Villafranchien supérieur, c'est-à-dire au
début des temps quaternaires, il y a peut-être un million
d'années. Mais nous ne savons rien encore de ce préhominien
du Maghreb pas plus d'ailleurs que de ses successeurs pendant des dizaines
millénaires.
------Certes, les pierres taillées
que les spécialistes attribuent aux plus anciennes périodes
de la Préhistoire , le Paléolithique inférieur et
moyen, ne manquent pas sur le sol algérien. Plusieurs gisements,
même, sont justement célèbres : mais jusqu'à
présent aucun vestige humain incontestablement ancien n'y st été
recueilli. Pourtant, les milliers de documents lithiques découverts,
depuis les rognons â peine épannelés du lac Karar,
au Nord de Tlemcen, ou de la sablière de Ternifine (Palikao, près
de Mascara) jusqu'aux admirables silex de facies acheuléen d'El-Ma-el-Abiod,
au Sud de Tébessa : leur vaste aire de répartition qui couvre
l'Algérie et ses Territoires du Sud, où l'Erg Tihodaïne,
au pied du Tassili des Ajjer, a révélé l'un des plus
formidables gîtes de pierres taillées du monde ; tout témoigne
d'un peuplement humain sinon dense mais ayant au moins reconnu tout cet
immense territoire, en 1e parcourant au cours des millénaires.
------Mais comme le paysage qui entourait
ces primitifs était différent de celui que nous connaissons!
Je ne parle pas seulement des animaux disparus, des hippopotames s'ébrouant
dans les plaines du Tell ou dans le Sahara central, du climat qui leur
assurait ici comme là des eaux pérennes, mais du relief
lui-même. Ni les montagnes, ni les plaines, ni la ligne littorale
n'avaient leurs contours actuels ; tout était en mouvement et a
encore changé depuis. En Tunisie, près de Gafsa, les alluvions
fluviatiles dans la masse desquelles nous recueillons une vieille industrie
humaine sont fortement plissées; déformées sont les
plages marines que les Hommes du Paléolithique ont vu s'édifier.
Cette instabilité générale, et pourtant si proche
de nous à l'échelle des temps géologiques, explique
sans doute pour une large part que nous avons si peu de gisements intacts
et que les fragiles débris humains ne soient pas conservés.
------Le Maroc cependant vient à deux
reprises dcc jeter quelque lueur sur ces très anciens habitants
du Maghreb. En 1934, le géologue J. Marçais signalait la
découverte fortuite de restes humains fossiles dans du grès
quaternaires de Rabat. Malheureusement, le coup de mine qui avait révélé
cet inestimable document en avait aussi détruit l'essentiel. Les
pauvres fragments sauvés de ce désastre ont permis quand
même d'affirmer qu'il s'agissait d'un adolescent d'environ 16 ans
appartenant à un type humain antérieur à l'espèce
actuelle, le type Néandertalien (Homo Primigenius), bien connu
depuis la magistrale étude que fit M. Boule du squelette de la
Chapelle aux Saints (Corrèze), mais présentant des caractères
archaïques dans la structure des dents qui le rapprochent des Préhominiens
de Chou-Kou-Tien (Pékin), les " Sinanthropes eux-mêmes
assez voisins des célèbres " Pithécanthropes
de Java.
------La position stratigraphique de "l'homme
de Rabat"dont découle sa place chronologique, a soulevé
d'ardentes discussions. Sans entrer dans des considérations qui
ne seraient pas à leur place ici, qu'il suffise de conclure qu'il
est à coup sûr très ancien, antérieur à
la dernière grande période glaciaire de l'Europe, peut-être
contemporain de cette Méditerranée aux eaux plus chaudes
et plus hautes qu'aujourd'hui, dont nous reconnaissons les plages et les
fonds rocheux exondés au flanc des falaises actuelles, et que peuplait,
prés de la surface, un gros gastéropode des mers tropicales"le
Strombe." qui ne dépasse guère de nos jours la latitude
de Dakar.
------C"est encore le Maroc qui nous
permet de soupçonner quelle humanité a laissé dans
toute l'Algérie et loin vers le Sud au Sahara ces stations que
caractérisent les industries Moustérienne et Aterienne celle-ci
remarquable par son outillage pédonculé. L'" Homme
deTanger ", en fait un enfant de 9 ans dont il reste une portion
du maxillaire et un adulte dont une molaire seulement a été
trouvée, semble bien appartenir à l'espèce néandertalienne.
Découverts au début de la guerre par une mission américaine
dans la Grotte Haute (" Mougharet-et-Alyia ), près de Tanger.
étudiés par un anthropologiste turc, ils constituent pour
le moment les seuls représentants connus en Afrique du Nord de
cette humanité archaïque qui semble pourtant avoir survécu
en Afrique longtemps après son anéantissement en Europe.
------Ainsi, le sol algérien a été
aussi avare d'hommes fossiles paléolithiques qu'il était
prodigue de pierres taillées par eux. Mais à cette extrême
pauvreté en documents anthropologiques remontant aux périodes
anciennes de la Préhistoire s'oppose une relative richesse dès
qu'on parvient à ces civilisations encore préhistoriques
certes, mais infiniment plus proches (le nous, que sont le Capsien et
l'Iberontaurusien, richesse qui ne se dément point au Néolithique
et devient pléthore dès l'aube des temps historiques.
------On ne parlera pas ici de cette dernière
période : toute l'étude anthropologique ou presque reste
à faire pour ce qui est des sépultures indigènes
preislamiques, des tombeaux puniques, des nécropoles païennes
et chrétiennes d'époque romaine. C'est seulement du substratum
préhistorique de ce peuplement maghrébin que l'on peut tracer
actuellement les grands traits et cela n'est pas sans portée, car
il représente les premiers types de l'espèce humaine à
laquelle nous appartenons : " Homo sapiens" qui s'établirent
dans le pays, et par la même offre un point de départ, qu'on
aurait tort de négliger, à toute contribution nouvelle au
problème controverse de l'origine des Berbères.
LES HOMMES DU TYPE DE
MECHTA-AFALOU, PEUPLADES PRIMITIVES DU LITTORAL ET DU TELL.
------Dans
la première décade de ce siècle, des restes humains
remarquables avaient été exhumés de plusieurs stations
préhistoriques du Nord de l'Algérie et particulièrement
dans l'Abri de la Mouillah. près de Marnia, en Oranie, dans la
grotte d'A1i-Bacha, près de Bougie et dans le gisement désormais
classique de Mechta-et-Arhi, près de Châteaudun-du-t-Rhummel,
dans le Constautinois. L'aspect fruste résultant de nombreux caractères
archaïques que présentaient ces individus et surtout ceux
découverts en 1912 à Mechta-el-Arbi par Debruge et G. Mercier
fit penser un moment qu'il s'agissait de Néandertaliens, tout au
moins de " Néanderthaloides". Le docteur Bertholon soutint
cette thèse sans convaincre et l'on dut bientôt reconnaître
que pour primitifs qu'ils parussent, ces hommes fossiles n'en appartenaient
pas moins à l'espèce homo sapiens , comme nous-mêmes.
------Des découvertes ultérieures,
la révision des documents anciens souvent oubliés, ont permis
de localiser l'habitat de ces peuplades : il est avant tout littoral et
tellien. Porteurs, au début, d'une civilisation de la pierre très
pauvre mais bien typique qu'on désigne du terme peu heureux d'Ibéromaurusien,
les hommes du type de Mechta survivent aux temps néolithiques let
reparaissent même en pleine période historique. Nous les
suivons de la frontière algéro-tunisienne (H. du Kef Oum-Touiza)
à Rabat (H.- de Dar-el-Soltane) en passant par l'étonnant
ossuaire- d'Afalou-bou-Rummel (entre Bougie et Djidjelli), qui a livré
plus de 5o squelettes fragmentaires, la grotte d'Ali Bacha (près
de Bougie), la station de Champlain -(E. de Médéa) et la
Mouillah (Marnia). Cette remarquable unité ethnique de l'Est constantinois
aux rivages atlantiques affirme l'homogénéité du
peuplement tlellien à l'époque de la civilisation ibéromaurusienne.
Les étonnants progrès techniques que nous appelons le Néolithique
agriculture, domestication des animaux, poterie, etc..., colonisent. les
descendants de ces peuplades. Ce sont des hommes du type de Mechta qu'abritent
les grottes de la région d'Oran, telles des Troglodytes, , du Polygone,
d'El Guartel, de Rio Salado. Ils ont peut-être habité la
grotte du Grand Rocher, près de Guyotville, dans la banlieue W.
d'Alger et ses voisines aujourd'hui détruites. Ils furent certainement
les troglodytes du Djebel Fartas et de la grotte des Hyènes, non
loin de Corneille et de Batna, pénétrant là plus
profondément qu'ailleurs dans l'intérieur du Maghreb:
-------Mais
l'extension de la civilisation iberomaurusienne et du Néolithique
qui lui a succédé est bien plus vaste que celle des seuls
gisements de ces industries ayant livré des documents anthropologiques.
L'Ibérornaurusien pénètre profondément les
montagnes du Tell (Edough, Atlas médéen, Dahra, Ouarsenis,
Monts de Saïda), se glisse dans le couloir de Taza (Kifan-bel-Ghomari)-
et gravit l'Atlas marocain jusqu'à 2,000 m. d'altitude (Aguelman
Sidi-Ali, Ghabt-et-Bhar) ; mises à part ces avancées dans
l'hinterland, il forme une traînée continue, ou peu s'en
faut, le long du littoral,, depuis le Golfe de Gahès (Oued Akarit)
jusqu'à Mazagan (Grottes d'El Khenzira). Il est tentant et généralement
admis de -parler d'une invasion progressive d'Est en Ouest, dépassant
même le Maroc atlantique puisque les guanches
des Iles Canaries., appartenaient indiscutablement au même type
humain . Ce n'est là qu'une hypothèse vraisemblable, que
gène toutefois l'absence complète de documents anthropologiques
qui attesteraient le passage, en Tunisie des hommes du type de Mechta.
|
|
-------Ils avaient le crâne très
épais et volumineux, de forme allongée. ; De fortes arcades
sourcilières sous s un front bas leur donnaient un aspect très
fruste. Leurs pommettes saillaient d'une face large et plus encore leur
nez. Leur mandibule haute portait un menton accuséet la base de
leurs joues devait trahir l'étonnante projection en dehors des
angles latéraux du' corps mandibulaire,
------Est-ce parce qu'ils parcouraient les
dunes littorales et mêlaientà leur nourriture d'inévitables
grains (le sable que leurs dents s'usaient si vite et si profondément
? Ils se privaient, d'ailleurs dès l'enfance de plusieurs d'entre
elles, pratiquant l'avulsion d'incisives supérieures ou inférieures,
sinon de toutes à la fois. Ce caractère ethnique et non
racial reflète sans doute un rite d'initiation à l'âge
die la puberté ou même avant.
------Chasseurs de boeufs et de chevaux sauvages,
de mouflons d'antilopes let de gazelles, d'oiseaux ; friands d'escargots
et de coquillages, pratiquant la cueillette des graines folles qu'ils
broyaient, pêcheurs, ils ne disposaient que d'un outillage et d'un
armement peu variés dont la très petite lamelle die silex,
semblable par son dos émoussé à une lame de canif,
constitue l'essentiel. Faute de silex, qui est souvent rare et en petits
galets sur le littoral, ils se contentaient,- semble-t-il, de volumineux
et frustes éclats de roches dures, surtout des quartzites, pour
leurs gros instruments. Ils devaient pratiquer la peinture corporelle,
si l'on en juge par les fragments d'ocre et (le minerais divers qu'ils
collectionnaient et qu'ils broyaient ; ils faisaient de modestes bijoux
avec. des coquilles perforées.
------Tels furent les habitants du Tell,
quelques millénaires avant notre ère.
LES " MEDITERRANEENS
", COLONISATEURS DES HAUTES PLAINES DE L'ALGERIE ORIENTALE. -
------Je ne
sais s'ils vinrent avant ou bien constituèrent une seconde vague
d'envahisseurs, mais ils ne sont certes pas autochtones, ces hommes si
divers qui apportent au Maghreb une civilisation elle-même e composite
et envahiront progressivement la ,Berbérie entière.
------On a donné le non d'" Escargotières
" à ces stations préhistoriques qui sont si nombreuses
aux confins algéro-tunisiens, de Tébessa à Gafsa.
On les nomme " Rammadyat " en arabe, de nos jours ; ce qu'on
peut traduire " Cendrières ". Coquilles d'escargots par
dizaines de milliers, cendres par dizaines de m3, se complètent
de pierres chauffées qui ont, servi à cuire les aliments
ou à rayonner la chaleur autour du campement ; mais il manque encore
tous les détritus de matière organique qui se sont décomposés.
Ce cône aplati, cette chape sur un versant, voilà l'escargotière
dans laquelle nous retrouvons pêle-mêle les silex taillés
par l'homme, les ossements des animaux qu'il a mangés, parfois
aussi son propre squelette; ou ce qu'il en, reste. On compte plusieurs
centaines de " Cendrières ", et certaines sont énormes
: l'une d'elles contient 5.000 m3 de cendres- ; ce qui représente
500.000 m3 de bois. Ces cendres, ou plus , exactement les . braises éteintes
qu'elles contiennent, nous enseignent que le paysage végétal
était presque le même que de nos jours une oléacée
sauvage, lointaine ancêtre de nos oliviers puis dies boisements
de pins d'Alep associés au genévrier. Souvent les escargotières
occupent un point de passage, col ou ensellement ; toujours elles sont
près d'une source, d'un oued, d'un marais.
------Les constructeurs de ces tas de refus
apparaissent dans la région de Gafsa ; ils gagnent peu a peu vers
l'Ouest jusqu'aux Ouled-Djellal et le Nord-Ouest jusqu'au plateau de Sétif.
Il leur arrive fréquemment d'installer leur campement là,
où des stations ateriennes avaient existé. A des siècles
de distance le même point d'eau attire des hommes bien différents,
mais la civilisation aterienne est morte, et ces envahisseurs côtoient
les foyers ensevelis et les ignorent.
------La civilisation qu'ils nous apportent,
et que nous, appelons " Capsienne ", du nom antique de Gafsa,
est étonnamment composite et semble l'héritage d'un long
passé étranger au Maghreb. Hétérogène
s'il en fut, malgré l'unité factice que lui donne l'admirable
matière première des silex de la région, elle groupe
un raccourci des formes de presque tout le Paléolithique supérieur
et le Mésolithique de l'Europe occidentale et, ce qui est essentiel,
elle comporte dès le début ces surprenants petits silex
aux formes géométriques parfaites, triangles, trapèzes,
rectangles, croissants, qui croîtront sans cesse en nombre et trahissent
une civilisation originale, un genre, de vie particulier.
------Ces petites armatures, qui ne sont
pas propres au Capsien, marquent dans le développement de l'esprit
humain à la fois la découverte des formes géométriques
élémentaires et, dans la mesure où elles
étaient assemblées pour constituer un outil ou une arme,
celle de l'instrument composite : nous dirions de la pièce détachée.
Ceci a pu entraîner cela.
------Les porteurs de la civilisation capsienne
nous sont mal connus, mais il semble de plus en plus net qu'ils n'appartiennent
pas au type de Mechta-Afalou et représentent une humanité
plus évoluée, plus affinée, plus hybride aussi. Qu'il
s'agisse de gisements anciens ou évolués du Capsien, de
l'homme d'Aïn-Meterchem (Tunisie) comme de ceux des Rammadyat tébessiennes
(Khanguet-el-Mouhaad, Bekkaria, etc.), nous avons affaire à une
tout autre humanité. Le 24 octobre 1949, au cours d'une mission
dont m'avait chargé la Direction des Antiquités du Gouvernement
général de l'Algérie, j'ai eu la chance de découvrir
en compagnie de M. Sérée de Roch, l'actif directeur des
fouilles de Tébessa, un squelette humain intact en position repliée,
sous l'escargotière du Chacal, au col de Blekkaria. Ce document
dont l'étude a été confiée au professeur Vallois,
directeur du Musée de l'Homme et de l'Institut de Paléontologie
humaine, nous semble apporter la preuve décisive de cette coupure
anthropologique à travers l'Algérie.
LES FONDEMENTS
DU PEUPLEMENT HISTORIQUE.
------Hommes
du type de Mechta sur le littoral et dans les forêts du Tell, "
Méditerranéens " de civilisation capsienne sur les
hautes plaines du Constantinois, deux éléments qui sont
entrés en contact avant même le Néolithique. La "
cendrière " de Mechta-el-Arbi a livré les débris
de plus de 3o squelettes ; certains représentent le " type
de Mechta " dans ce qu'il a de plus spécialisé, d'autres
sont des Méditerranéens ; beaucoup portent les cicatrices
du même rite d'avulsion dentaire. L'industrie lithique de ce gisement
serait ibéromaurusienne s'il ne s'y trouvait les silex géométriques
capsiens. On croit saisir là le contact entre les deux civilisations
et leur interférence. II y a là comme le début d'un
phénomène colonial qui va rapidement s'amplifier : les microlithes
géométriques contaminent l'Ibéromaurusien et après
eux les apports néolithiques ; peu à peu les hommes de Mechta
sont submergés par les nouveaux venus. On observera bien ça
et là des survivances de ceux-là dans les grottes du Constantinois,
dans la banlieue d'Alger et d'Oran, aux temps néolithiques ; on
relèvera des caractères archaïques chez certains individus
inhumés dans les dolmens ; on s'étonnera de récurrences
remarquables du type, comme ce chrétien du IV' siècle inhumé
dans une basilique de Sila et qui est au Musée de Constantine.
On croira déceler des traces jusque dans le peuplement actuel,
mais l'essentiel est maintenant constitué par les descendants des
Méditerranéens Capsiens, on voudrait pouvoir dire avec plus
de certitude les Proto-Berbères.
------Mais un autre contact est également
éclatant, et qui n'est pas sans surprendre : celui des hommes du
Maghreb avec une humanité négroïde, saharienne sans
doute. Les caractères négroïdes sont si marqués
sur certains squelettes des escargotières et à Mechta-el-Arbi
même que ce n'est pas un fait isolé dans le temps ni dans
l'espace. La même constatation a d'ailleurs été faite
dans l'Égypte antique et cette hybridation peut être très
ancienne si, comme cela est soutenable. le Capsien d'Afrique du Nord est
proche parent de celui de l'Afrique Orientale.
------En bref, le peuplement de l'Algérie
est complexe dès avant la fin des temps préhistoriques.
Hommes du type de Mechta, Méditerranéens, influences négroïdes,
tels sont les premiers composants d'un bloc de plus en plus disparate
où mille influences se succéderont au cours des siècles
sans faire beaucoup plus que diluer ses caractères fondamentaux.
S'il y a bien un problème des Berbères, je pense qu'il est
surtout dans le passage du document anthropologique qu'utilise le préhistorien
au document linguistique, mais que les hommes sont ancêtres et neveux.
------En d'autres termes, la coupure entre
Préhistoire et Histoire n'est que celle de nos disciplines scientifiques
compartimentées dans leur objet, dans leurs méthodes ; le
Maghreb était encore préhistorique au temps de Ramsès
II : c'est un monde néolithique que durent découvrir les
premiers navigateurs phéniciens qui l'abordèrent ; mais
dès lors, et depuis, il reçut bien plus de civilisations
successives que de masses humaines capables de faire disparaître
et de remplacer les bases préhistoriques de son peuplement.
Musée
du Bardo
Laboratoire d'Anthropologie et d'Archéologie
préhistoriques
L. BALOUT
Maître de Conférences à l'Université
chargé de mission à la Direction des Antiquités
de l'Algérie
|