Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle :préhistoire
le peuplement préhistorique de l'Algérie
4 pages + carte - n°50 - 25 novembre 1950

.En bref, le peuplement de l'Algérie est complexe dès avant la fin des temps préhistoriques. Hommes du type de Mechta, Méditerranéens, influences négroïdes, tels sont les premiers composants d'un bloc de plus en plus disparate où mille influences se succéderont au cours des siècles sans faire beaucoup plus que diluer ses caractères fondamentaux. S'il y a bien un problème des Berbères, je pense qu'il est surtout dans le passage du document anthropologique qu'utilise le préhistorien au document linguistique, mais que les hommes sont ancêtres et neveux.

mise sur site le 24 - 02-2001
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carte : le substratum préhistorique
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LES PLUS ANCIENS HABITANTS DE L'ALGERIE


------Le sol de l'Algérie a récemment livré les témoignages indiscutables d'une industrie préhistorique qui se situe parmi les plus anciennes que l'on connaisse dans le monde. Ce sont certes des documents bien humbles que ces énigmatiques boules de pierre de la grandeur d'une orange et grossièrement taillées à facettes que le professeur C. Arambourg, du Muséum National d'Histoire Naturelle, recueillit en 1948 à Aïn-Hanech, près de Saint-Arnaud, entre Sétif et Constantine ; mais ils affirment aussi sûrement que le ferait tout un Louvre l'existence en ce point et à une époque très reculée d'un être industrieux sorti de l'animalité. Car cet être vivait sur les rives du Lac Sétifien, au milieu d'éléphants archaïques, d'équidés et de girafidés des temps tertiaires ; les pierres qu'il a dé- aménagées pour son usage, sont maintenant mêlées aux ossements de ces mammifères disparus dans des dépôts lacustres que les géologues rapportent au Villafranchien supérieur, c'est-à-dire au début des temps quaternaires, il y a peut-être un million d'années. Mais nous ne savons rien encore de ce préhominien du Maghreb pas plus d'ailleurs que de ses successeurs pendant des dizaines millénaires.
------Certes, les pierres taillées que les spécialistes attribuent aux plus anciennes périodes de la Préhistoire , le Paléolithique inférieur et moyen, ne manquent pas sur le sol algérien. Plusieurs gisements, même, sont justement célèbres : mais jusqu'à présent aucun vestige humain incontestablement ancien n'y st été recueilli. Pourtant, les milliers de documents lithiques découverts, depuis les rognons â peine épannelés du lac Karar, au Nord de Tlemcen, ou de la sablière de Ternifine (Palikao, près de Mascara) jusqu'aux admirables silex de facies acheuléen d'El-Ma-el-Abiod, au Sud de Tébessa : leur vaste aire de répartition qui couvre l'Algérie et ses Territoires du Sud, où l'Erg Tihodaïne, au pied du Tassili des Ajjer, a révélé l'un des plus formidables gîtes de pierres taillées du monde ; tout témoigne d'un peuplement humain sinon dense mais ayant au moins reconnu tout cet immense territoire, en 1e parcourant au cours des millénaires.
------Mais comme le paysage qui entourait ces primitifs était différent de celui que nous connaissons! Je ne parle pas seulement des animaux disparus, des hippopotames s'ébrouant dans les plaines du Tell ou dans le Sahara central, du climat qui leur assurait ici comme là des eaux pérennes, mais du relief lui-même. Ni les montagnes, ni les plaines, ni la ligne littorale n'avaient leurs contours actuels ; tout était en mouvement et a encore changé depuis. En Tunisie, près de Gafsa, les alluvions fluviatiles dans la masse desquelles nous recueillons une vieille industrie humaine sont fortement plissées; déformées sont les plages marines que les Hommes du Paléolithique ont vu s'édifier. Cette instabilité générale, et pourtant si proche de nous à l'échelle des temps géologiques, explique sans doute pour une large part que nous avons si peu de gisements intacts et que les fragiles débris humains ne soient pas conservés.
------Le Maroc cependant vient à deux reprises dcc jeter quelque lueur sur ces très anciens habitants du Maghreb. En 1934, le géologue J. Marçais signalait la découverte fortuite de restes humains fossiles dans du grès quaternaires de Rabat. Malheureusement, le coup de mine qui avait révélé cet inestimable document en avait aussi détruit l'essentiel. Les pauvres fragments sauvés de ce désastre ont permis quand même d'affirmer qu'il s'agissait d'un adolescent d'environ 16 ans appartenant à un type humain antérieur à l'espèce actuelle, le type Néandertalien (Homo Primigenius), bien connu depuis la magistrale étude que fit M. Boule du squelette de la Chapelle aux Saints (Corrèze), mais présentant des caractères archaïques dans la structure des dents qui le rapprochent des Préhominiens de Chou-Kou-Tien (Pékin), les " Sinanthropes eux-mêmes assez voisins des célèbres " Pithécanthropes de Java.
------La position stratigraphique de "l'homme de Rabat"dont découle sa place chronologique, a soulevé d'ardentes discussions. Sans entrer dans des considérations qui ne seraient pas à leur place ici, qu'il suffise de conclure qu'il est à coup sûr très ancien, antérieur à la dernière grande période glaciaire de l'Europe, peut-être contemporain de cette Méditerranée aux eaux plus chaudes et plus hautes qu'aujourd'hui, dont nous reconnaissons les plages et les fonds rocheux exondés au flanc des falaises actuelles, et que peuplait, prés de la surface, un gros gastéropode des mers tropicales"le Strombe." qui ne dépasse guère de nos jours la latitude de Dakar.
------C"est encore le Maroc qui nous permet de soupçonner quelle humanité a laissé dans toute l'Algérie et loin vers le Sud au Sahara ces stations que caractérisent les industries Moustérienne et Aterienne celle-ci remarquable par son outillage pédonculé. L'" Homme deTanger ", en fait un enfant de 9 ans dont il reste une portion du maxillaire et un adulte dont une molaire seulement a été trouvée, semble bien appartenir à l'espèce néandertalienne. Découverts au début de la guerre par une mission américaine dans la Grotte Haute (" Mougharet-et-Alyia ), près de Tanger. étudiés par un anthropologiste turc, ils constituent pour le moment les seuls représentants connus en Afrique du Nord de cette humanité archaïque qui semble pourtant avoir survécu en Afrique longtemps après son anéantissement en Europe.
------Ainsi, le sol algérien a été aussi avare d'hommes fossiles paléolithiques qu'il était prodigue de pierres taillées par eux. Mais à cette extrême pauvreté en documents anthropologiques remontant aux périodes anciennes de la Préhistoire s'oppose une relative richesse dès qu'on parvient à ces civilisations encore préhistoriques certes, mais infiniment plus proches (le nous, que sont le Capsien et l'Iberontaurusien, richesse qui ne se dément point au Néolithique et devient pléthore dès l'aube des temps historiques.
------On ne parlera pas ici de cette dernière période : toute l'étude anthropologique ou presque reste à faire pour ce qui est des sépultures indigènes preislamiques, des tombeaux puniques, des nécropoles païennes et chrétiennes d'époque romaine. C'est seulement du substratum préhistorique de ce peuplement maghrébin que l'on peut tracer actuellement les grands traits et cela n'est pas sans portée, car il représente les premiers types de l'espèce humaine à laquelle nous appartenons : " Homo sapiens" qui s'établirent dans le pays, et par la même offre un point de départ, qu'on aurait tort de négliger, à toute contribution nouvelle au problème controverse de l'origine des Berbères.

LES HOMMES DU TYPE DE MECHTA-AFALOU, PEUPLADES PRIMITIVES DU LITTORAL ET DU TELL.

------Dans la première décade de ce siècle, des restes humains remarquables avaient été exhumés de plusieurs stations préhistoriques du Nord de l'Algérie et particulièrement dans l'Abri de la Mouillah. près de Marnia, en Oranie, dans la grotte d'A1i-Bacha, près de Bougie et dans le gisement désormais classique de Mechta-et-Arhi, près de Châteaudun-du-t-Rhummel, dans le Constautinois. L'aspect fruste résultant de nombreux caractères archaïques que présentaient ces individus et surtout ceux découverts en 1912 à Mechta-el-Arbi par Debruge et G. Mercier fit penser un moment qu'il s'agissait de Néandertaliens, tout au moins de " Néanderthaloides". Le docteur Bertholon soutint cette thèse sans convaincre et l'on dut bientôt reconnaître que pour primitifs qu'ils parussent, ces hommes fossiles n'en appartenaient pas moins à l'espèce homo sapiens , comme nous-mêmes.
------Des découvertes ultérieures, la révision des documents anciens souvent oubliés, ont permis de localiser l'habitat de ces peuplades : il est avant tout littoral et tellien. Porteurs, au début, d'une civilisation de la pierre très pauvre mais bien typique qu'on désigne du terme peu heureux d'Ibéromaurusien, les hommes du type de Mechta survivent aux temps néolithiques let reparaissent même en pleine période historique. Nous les suivons de la frontière algéro-tunisienne (H. du Kef Oum-Touiza) à Rabat (H.- de Dar-el-Soltane) en passant par l'étonnant ossuaire- d'Afalou-bou-Rummel (entre Bougie et Djidjelli), qui a livré plus de 5o squelettes fragmentaires, la grotte d'Ali Bacha (près de Bougie), la station de Champlain -(E. de Médéa) et la Mouillah (Marnia). Cette remarquable unité ethnique de l'Est constantinois aux rivages atlantiques affirme l'homogénéité du peuplement tlellien à l'époque de la civilisation ibéromaurusienne. Les étonnants progrès techniques que nous appelons le Néolithique agriculture, domestication des animaux, poterie, etc..., colonisent. les descendants de ces peuplades. Ce sont des hommes du type de Mechta qu'abritent les grottes de la région d'Oran, telles des Troglodytes, , du Polygone, d'El Guartel, de Rio Salado. Ils ont peut-être habité la grotte du Grand Rocher, près de Guyotville, dans la banlieue W. d'Alger et ses voisines aujourd'hui détruites. Ils furent certainement les troglodytes du Djebel Fartas et de la grotte des Hyènes, non loin de Corneille et de Batna, pénétrant là plus profondément qu'ailleurs dans l'intérieur du Maghreb:
-------Mais l'extension de la civilisation iberomaurusienne et du Néolithique qui lui a succédé est bien plus vaste que celle des seuls gisements de ces industries ayant livré des documents anthropologiques. L'Ibérornaurusien pénètre profondément les montagnes du Tell (Edough, Atlas médéen, Dahra, Ouarsenis, Monts de Saïda), se glisse dans le couloir de Taza (Kifan-bel-Ghomari)- et gravit l'Atlas marocain jusqu'à 2,000 m. d'altitude (Aguelman Sidi-Ali, Ghabt-et-Bhar) ; mises à part ces avancées dans l'hinterland, il forme une traînée continue, ou peu s'en faut, le long du littoral,, depuis le Golfe de Gahès (Oued Akarit) jusqu'à Mazagan (Grottes d'El Khenzira). Il est tentant et généralement admis de -parler d'une invasion progressive d'Est en Ouest, dépassant même le Maroc atlantique puisque les guanches des Iles Canaries., appartenaient indiscutablement au même type humain . Ce n'est là qu'une hypothèse vraisemblable, que gène toutefois l'absence complète de documents anthropologiques qui attesteraient le passage, en Tunisie des hommes du type de Mechta.

 


-------Ils avaient le crâne très épais et volumineux, de forme allongée. ; De fortes arcades sourcilières sous s un front bas leur donnaient un aspect très fruste. Leurs pommettes saillaient d'une face large et plus encore leur nez. Leur mandibule haute portait un menton accuséet la base de leurs joues devait trahir l'étonnante projection en dehors des angles latéraux du' corps mandibulaire,
------Est-ce parce qu'ils parcouraient les dunes littorales et mêlaientà leur nourriture d'inévitables grains (le sable que leurs dents s'usaient si vite et si profondément ? Ils se privaient, d'ailleurs dès l'enfance de plusieurs d'entre elles, pratiquant l'avulsion d'incisives supérieures ou inférieures, sinon de toutes à la fois. Ce caractère ethnique et non racial reflète sans doute un rite d'initiation à l'âge die la puberté ou même avant.
------Chasseurs de boeufs et de chevaux sauvages, de mouflons d'antilopes let de gazelles, d'oiseaux ; friands d'escargots et de coquillages, pratiquant la cueillette des graines folles qu'ils broyaient, pêcheurs, ils ne disposaient que d'un outillage et d'un armement peu variés dont la très petite lamelle die silex, semblable par son dos émoussé à une lame de canif, constitue l'essentiel. Faute de silex, qui est souvent rare et en petits galets sur le littoral, ils se contentaient,- semble-t-il, de volumineux et frustes éclats de roches dures, surtout des quartzites, pour leurs gros instruments. Ils devaient pratiquer la peinture corporelle, si l'on en juge par les fragments d'ocre et (le minerais divers qu'ils collectionnaient et qu'ils broyaient ; ils faisaient de modestes bijoux avec. des coquilles perforées.
------Tels furent les habitants du Tell, quelques millénaires avant notre ère.

LES " MEDITERRANEENS ", COLONISATEURS DES HAUTES PLAINES DE L'ALGERIE ORIENTALE. -

------Je ne sais s'ils vinrent avant ou bien constituèrent une seconde vague d'envahisseurs, mais ils ne sont certes pas autochtones, ces hommes si divers qui apportent au Maghreb une civilisation elle-même e composite et envahiront progressivement la ,Berbérie entière.
------On a donné le non d'" Escargotières " à ces stations préhistoriques qui sont si nombreuses aux confins algéro-tunisiens, de Tébessa à Gafsa. On les nomme " Rammadyat " en arabe, de nos jours ; ce qu'on peut traduire " Cendrières ". Coquilles d'escargots par dizaines de milliers, cendres par dizaines de m3, se complètent de pierres chauffées qui ont, servi à cuire les aliments ou à rayonner la chaleur autour du campement ; mais il manque encore tous les détritus de matière organique qui se sont décomposés. Ce cône aplati, cette chape sur un versant, voilà l'escargotière dans laquelle nous retrouvons pêle-mêle les silex taillés par l'homme, les ossements des animaux qu'il a mangés, parfois aussi son propre squelette; ou ce qu'il en, reste. On compte plusieurs centaines de " Cendrières ", et certaines sont énormes : l'une d'elles contient 5.000 m3 de cendres- ; ce qui représente 500.000 m3 de bois. Ces cendres, ou plus , exactement les . braises éteintes qu'elles contiennent, nous enseignent que le paysage végétal était presque le même que de nos jours une oléacée sauvage, lointaine ancêtre de nos oliviers puis dies boisements de pins d'Alep associés au genévrier. Souvent les escargotières occupent un point de passage, col ou ensellement ; toujours elles sont près d'une source, d'un oued, d'un marais.
------Les constructeurs de ces tas de refus apparaissent dans la région de Gafsa ; ils gagnent peu a peu vers l'Ouest jusqu'aux Ouled-Djellal et le Nord-Ouest jusqu'au plateau de Sétif. Il leur arrive fréquemment d'installer leur campement là, où des stations ateriennes avaient existé. A des siècles de distance le même point d'eau attire des hommes bien différents, mais la civilisation aterienne est morte, et ces envahisseurs côtoient les foyers ensevelis et les ignorent.
------La civilisation qu'ils nous apportent, et que nous, appelons " Capsienne ", du nom antique de Gafsa, est étonnamment composite et semble l'héritage d'un long passé étranger au Maghreb. Hétérogène s'il en fut, malgré l'unité factice que lui donne l'admirable matière première des silex de la région, elle groupe un raccourci des formes de presque tout le Paléolithique supérieur et le Mésolithique de l'Europe occidentale et, ce qui est essentiel, elle comporte dès le début ces surprenants petits silex aux formes géométriques parfaites, triangles, trapèzes, rectangles, croissants, qui croîtront sans cesse en nombre et trahissent une civilisation originale, un genre, de vie particulier.
------Ces petites armatures, qui ne sont pas propres au Capsien, marquent dans le développement de l'esprit humain à la fois la découverte des formes géométriques élémentaires et, dans la mesure où
elles étaient assemblées pour constituer un outil ou une arme, celle de l'instrument composite : nous dirions de la pièce détachée. Ceci a pu entraîner cela.
------Les porteurs de la civilisation capsienne nous sont mal connus, mais il semble de plus en plus net qu'ils n'appartiennent pas au type de Mechta-Afalou et représentent une humanité plus évoluée, plus affinée, plus hybride aussi. Qu'il s'agisse de gisements anciens ou évolués du Capsien, de l'homme d'Aïn-Meterchem (Tunisie) comme de ceux des Rammadyat tébessiennes (Khanguet-el-Mouhaad, Bekkaria, etc.), nous avons affaire à une tout autre humanité. Le 24 octobre 1949, au cours d'une mission dont m'avait chargé la Direction des Antiquités du Gouvernement général de l'Algérie, j'ai eu la chance de découvrir en compagnie de M. Sérée de Roch, l'actif directeur des fouilles de Tébessa, un squelette humain intact en position repliée, sous l'escargotière du Chacal, au col de Blekkaria. Ce document dont l'étude a été confiée au professeur Vallois, directeur du Musée de l'Homme et de l'Institut de Paléontologie humaine, nous semble apporter la preuve décisive de cette coupure anthropologique à travers l'Algérie.

LES FONDEMENTS DU PEUPLEMENT HISTORIQUE.

------Hommes du type de Mechta sur le littoral et dans les forêts du Tell, " Méditerranéens " de civilisation capsienne sur les hautes plaines du Constantinois, deux éléments qui sont entrés en contact avant même le Néolithique. La " cendrière " de Mechta-el-Arbi a livré les débris de plus de 3o squelettes ; certains représentent le " type de Mechta " dans ce qu'il a de plus spécialisé, d'autres sont des Méditerranéens ; beaucoup portent les cicatrices du même rite d'avulsion dentaire. L'industrie lithique de ce gisement serait ibéromaurusienne s'il ne s'y trouvait les silex géométriques capsiens. On croit saisir là le contact entre les deux civilisations et leur interférence. II y a là comme le début d'un phénomène colonial qui va rapidement s'amplifier : les microlithes géométriques contaminent l'Ibéromaurusien et après eux les apports néolithiques ; peu à peu les hommes de Mechta sont submergés par les nouveaux venus. On observera bien ça et là des survivances de ceux-là dans les grottes du Constantinois, dans la banlieue d'Alger et d'Oran, aux temps néolithiques ; on relèvera des caractères archaïques chez certains individus inhumés dans les dolmens ; on s'étonnera de récurrences remarquables du type, comme ce chrétien du IV' siècle inhumé dans une basilique de Sila et qui est au Musée de Constantine. On croira déceler des traces jusque dans le peuplement actuel, mais l'essentiel est maintenant constitué par les descendants des Méditerranéens Capsiens, on voudrait pouvoir dire avec plus de certitude les Proto-Berbères.
------Mais un autre contact est également éclatant, et qui n'est pas sans surprendre : celui des hommes du Maghreb avec une humanité négroïde, saharienne sans doute. Les caractères négroïdes sont si marqués sur certains squelettes des escargotières et à Mechta-el-Arbi même que ce n'est pas un fait isolé dans le temps ni dans l'espace. La même constatation a d'ailleurs été faite dans l'Égypte antique et cette hybridation peut être très ancienne si, comme cela est soutenable. le Capsien d'Afrique du Nord est proche parent de celui de l'Afrique Orientale.
------En bref, le peuplement de l'Algérie est complexe dès avant la fin des temps préhistoriques. Hommes du type de Mechta, Méditerranéens, influences négroïdes, tels sont les premiers composants d'un bloc de plus en plus disparate où mille influences se succéderont au cours des siècles sans faire beaucoup plus que diluer ses caractères fondamentaux. S'il y a bien un problème des Berbères, je pense qu'il est surtout dans le passage du document anthropologique qu'utilise le préhistorien au document linguistique, mais que les hommes sont ancêtres et neveux.
------En d'autres termes, la coupure entre Préhistoire et Histoire n'est que celle de nos disciplines scientifiques compartimentées dans leur objet, dans leurs méthodes ; le Maghreb était encore préhistorique au temps de Ramsès II : c'est un monde néolithique que durent découvrir les premiers navigateurs phéniciens qui l'abordèrent ; mais dès lors, et depuis, il reçut bien plus de civilisations successives que de masses humaines capables de faire disparaître et de remplacer les bases préhistoriques de son peuplement.

Musée du Bardo
Laboratoire d'Anthropologie et d'Archéologie
préhistoriques
L. BALOUT
Maître de Conférences à l'Université
chargé de mission à la Direction des Antiquités
de l'Algérie