L'ISLAM
----------Quand
les Arabes entrèrent, à la fin du VIIè siècle,
en Afrique du Nord, dans l'Ile du Maghreb, ils trouvèrent des populations
berbères, généralement christianisées, mais
assez mal remises, psychologiquement, économiquement, religieusement,
des suites de 'la décadence romaine, de la rude invasion vandale,
des hérésies des donatistes, des circoncellions, des monophysites,
des ariens.
----------La
fondation de Kairouan est de 670 ; l'invasion de l'Espagne par des troupes
arabes et berbères unies sous le commandement de Tarikh est de
711. La résistance militaire fut d'ailleurs plus forte que la résistance
religieuse et culturelle. A part les ruines des monuments et des villes,
on peut dire que rien ne subsista de Rome en Afrique. L'Afrique latine
est un mythe pur. Quelques mots déformés, quelques expressions,
persistèrent dans la langue populaire. C'est tout. L'Islam triompha
intégralement et si la civilisation antique se retrouva en Afrique
du Nord, ce fut rapportée par les philosophes et les savants musulmans
successeurs des grecs, grâce paradoxalement à ces mêmes
arabes qui l'y avaient politiquement si bien détruite.
----------L'individualisme
maghrébin n'en trouva pas moins l'occasion de s'exercer même
sur le plan religieux musulman. L'Afrique du Nord se trouvait placée
entre les deux califats rivaux, mais tous deux sunnites, orthodoxes, des
Abbassides de Bagdad et des Oméïades de Cordoue. Au VIII'"'
siècle les Berbères adhérent en nombre au schisme
kharéjite à tendances puritaines et démocratiques,
qui ne réussit qu'à fonder le royaume de Tahert (Tiaret)
dans le Maghreb central, cependant que se constitue dans le Maghreb extrême,
le Maroc actuel, un royaume chérifien fondé par Idriss,
descendant du Prophète qui avait fui les persécutions orientales,
et que s'établit,dans l'Ifriqiya, la Tunisie d'aujourd'hui, la
dynastie prospère des Aghlabites.
----------Au
Xe siècle, un étrange personnage, Obaidailah, qui se disait
descendant de Ali et de Fâthima et avait organisé une espèce
de société secrète à ramifications puissantes,
réussit à fonder un empire qui, après avoir noyé
dans le sang une nouvelle insurrection kharéjite dirigée
par le cruel Aboû Yazid, finit par se transporter en Egypte (les
Fatimides) à la fin du X- siècle. Les vassaux maghrébins
de cet empire chiite ne tardèrent pas à se sentir fortement
orthodoxes et à secouer le joug oriental. C'est alors que, pour
se venger, le calife du Caire déclencha sur l'Afrique du Nord l'invasion
des nomades hilaliens, dont il réussit ainsi à se débarrasser
en même temps qu'il punissait les rebelles.
----------Cette
invasion des Banou Hilal et des Banou Soléïm au XIè
siècle, qu'Ibn Khaldoun compare à une nuée de sauterelles,
eut les conséquences les plus diverses. L'économie du pays
en fut désastreusement éprouvée : le nomadisme des
Arabes immigrants et des Berbères Zenata mis en mouvement par contrecoup,
ébranla les populations sédentaires. La proportion de sang
arabe augmenta. Le Maghreb fut politiquement tout à fait coupé
de l'Orient. Mais deux brillantes dynasties berbères eurent le
champ libre pour se lever à l'occident extrême et étendre
leur pouvoir à presque toute l'Afrique du Nord et même à
l'Andalousie. Tout d'abord, les Almoravides venus du Sénégal
et qui étaient non seulement sunnites, orthodoxes, mais farouchement
littéralistes, juridiques, antiintellectuels. Puis (du milieu du
XII- au milieu du XIII'- siècle) les Almohades, qui correspondent
à une tentative de renouvellement extrêmement intéressante.
Le fondateur, le Mahdi Ibn Toumert était à la fois un lettré
et un réformateur passionné ; il avait puisé aux
sources orientales. Son bras séculier fut représenté
par le grand conquérant Abdelmoumin qui fonda le plus puissant
des empires musulmans qui aient jamais existé en Afrique. La doctrine
de ces " Unitaires " était antilittéraliste et
admettait l'interprétation allégorique du Coran, comme elle
laissa d'abord le champ libre aux spéculations des philosophes
et à celles des mystiques çoufis. Abou Yakoub Youssouf,
fils d'Abdelmoumin, eut comme vizir le grand penseur Ibn Thofaïl
et demanda en 1169 à l'illustre Ibn Rochd, Averoès, d'entreprendre
son commentaire d'Aristote qui fut si précieux pour la scolastique
européenne. Malheureusement son fils Abou Youssouf Yacoub le victorieux,
après avoir construit des monuments de pierres magnifiques, renonça
à soutenir ceux de l'esprit. Les philosophes furent persécutés
ou mis de côté. Les foqaha, les juristes formalistes régnèrent
exclusivement. Le rite malikite l'emporta sans aucun contrepoids, la pensée
libre fut étouffée et le çoufi~me tendit à
dégénérer en maraboutisme.
----------Après
les Almohades, l'empire se partagea en trois : les Mérinides régnèrent
à Fès, les Banou Zeyyan à Tlemcen, les Hafcides à
Tunis. Tous étaient sunnites, de rite malikite. Les confréries
s'installèrent solidement et luttèrent contre les tentatives
d'établissements chrétiens. Puis ce fut, au Maroc, les dynasties
chérifiennes arabes des Saadiens et des Alaouites, et dans le Maghreb
central et oriental, la domination turque dont les fameux frères
Barberousse avaient jeté les bases à Alger. Les Turcs introduisirent
à leur usage le rite hanifite sans entamer le malikisme de l'ensemble
de la population non plus que l'ibadhisme des survivants du royaume Kharéjite
de Tahert réfugiés au Mzab.
----------Est
musulman (moslim, " soumis ") quiconque atteste qu'il n'y a
d'autre divinité que Dieu et que Mohamed est l'envoyé de
Dieu. Les " cinq piliers de la religion " sont : i) cette profession
de foi ; 2) la prière ; 3) la dîme aumônière
ou zakat ; 4) le jeûne du mois de Ramadhan ; 3) le pélerinage
à la Mecque. Le dogme est très simple ; essentiellement
l'unité de Dieu, la croyance au monde invisible, aux prophètes,
aux livres révélés, au jugement dernier et à
la vie future. En fait, chez les musulmans d'Algérie, le zakat
est remplacé pratiquement par l'impôt et les aumônes
ordinaires, particulièrement recommandées lors des quatre
fêtes principales : l'Aïd-El-Kebir, à la date du pèlerinage
qui réunit spirituellement tous les fidèles sur la montagne
d'Ararat. l'Aïd-El-Sghir à la fin du Ramadhan, le mouloud,
anniversaire de la naissance du Prophète, et l'achoura. dixième
jour de l'année. Les cinq prières quotidiennes, précédées
d'ablutions, sont loin d'être observées dans la vie courante.
Par contre, le jeûne est très strict et général.
Le pèlerinage est accompli par tous ceux qui peuvent le faire et
jouit d'un grand prestige.
----------La
guerre sainte n'est qu'un devoir communautaire le cas échéant,
doublé de la " grande guerre sainte " contre les passions
de l'âme, comme disait Mohammed. Des principales interdictions coraniques
: viande de porc, vin, jeux de hasard, la première seule est exactement
respectée. La circoncision n'est qu'une sounna, coutume recommandée,
niais elle est en fait considérée comme essentielle. L'excision
est inconnue. ----------Le
voile des femmes n'est qu'une habitude sociale, urbaine, de tradition
orientale et méditerranéenne.
----------Souvent
" statique " et " close " au sens bergsonien, la religion
musulmane a tout ce qu'il faut pour être aussi une religion "
ouverte ". Le Coran a de nombreux versets (le tendance mystique,
métaphysique et morale. Il proclame que la vraie piété
est de croire en Dieu et à sa révélation, `e donner,
pour l'amour de Dieu, à tous ceux qui en ont besoin, de racheter
les captifs, protéger les orphelins, aider les voyageurs, supporter
l'adversité et remplir ses engagements. Il recommande (le rendre
le bien pour le mal, s'élève contre toute oppression, contre
tout orgueil personnel ou racial, contre la soif des richesses. Et un
hadit déclare que le meilleur service à rendre à
un autre musulman est de l'empêcher de commettre une injustice.
----------Les
mouvements réformistes orientaux ont eu (les répercussions
en Algérie, mais surtout du point (le vue des oppositions et des
controverses. Les portes (le l'Ijtihad, de l'effort d'interprétation
et de compréhension, par opposition au taglid, argument d'autorité
dénoncé par Mohammed Abdouh, lEgyptien, n'y ont guère
été rouvertes. Le chraâ, droit religieux, a donc peu
évolué bien qu'il en soit capable. Il n'est pas toujours
venu à bout des vieux qanouns berbères, qui ont même
regagné du terrain (exhérédation ds femmes au XVIII'
siècle en Grande Kabylie), cristallisant une partie importante
de la population dans des coutumes archaïques aussi contraires au
droit musulman qu'au droit européen.
----------Comme
toutes les grandes religions, l'Islam maghrébin a conservé,
accueilli, toléré ou assimilé des traditions, croyances
et coutumes antérieures, ressortissant les unes à la religion
naturelle universelle. les autres à la poésie spontanée
de l'animisme et de la magie. Il en partage d'ailleurs un grand nombre
avec les autres éléments de la population. Mais c'est l'état
d'analphabétisme de la majorité de la popu1ation indigène
qui donne à cet aspect une couleur accentuée.
LES ISRAELITES
----------Les
origines des Israélites algériens sont des plus diverses.
On peut discerner d'abord une immigration antérieure à l'ère
chrétienne ; beaucoup de Palestiniens s'étaient fixés
en Égypte volontairement ou à la suite (le guerres et de
persécutions et nous savons qu'en 320, Ptolémée Soter
en installa 1000.000 en Cyrénaïque. Au début de l'ère
chrétienne, la prise de Jérusalem amena une diaspora. généralisée.
Titus lui-même en fit venir 30.000 à Carthage.' Il y avait
des synagogues aussi à Hippône, Tébessa, Cirta (Constantine),
Césarée (Cherchell), Tipasa. Les juifs faisaient même
du prosélytisme et les oeuvres (le Saint-Augustin, (le Saint-Cyprien,
de Tertullien conservent les échos de leurs polémiques.
Les Vandales ariens réservèrent leurs rigueurs pour les
catholiques ; mais les Byzantins qui leur succédèrent, persécutèrent
quelque temps les Israélites, qui de leur côté, opérèrent
des conversions dans les tribus (le l'intérieur et reçurent
en renfort des coréligionnaires chassés d'Espagne par les
Wisigoths ou d'Arabie par les premiers Musulmans au VII siècle.
----------A
cette époque, d'importantes tribus berbères dont certaines
se réclamaient d'une origine himyarite, étaient juives :
les Nefoussa, par exemple, en Tripolitaine, les Béni-Abdeddar au
Sahara, les Djeraoua dans l'Aurès, les Médiouna dans l'Uranie
actuelle. On sait le rôle des Djeraoua et de la tanieuse kahena
dans la résistance aux Arabes. D'autres juifs orientaux n'en étaient
pas moins venus à la suite des armées de ces derniers, et
l'illustre Oqba lui-même en avait installé à Kairouan
ou ils iiitrmluisirent le Talmud de Babylone.
----------Au
Moyen Âge, les Israélites du Maghreb central perdirent jusqu'à
la connaissance de la langue hébraïque, conservée sans
être comprise, dans les cérémonies religieuses. Ils
parlaient un arabe plus ou moins pur, mais gardaient leur écriture
cursive. Ils n'eurent pas de Maimonides, ni de Judas Halevy, de philosophes,
(le poètes ou (le médecins illustres comme à Cordoue,
à Fès ou même à Kairouan.
----------Un
sang nouveau leur fut infuse à partir du XIVè siècle
par les juifs chassés (1'Espagne, d'un niveau culturel supérieur.
C'est de ce pays, vers 1392, que le Rab Ephraïm Anqaoua, dont le
tombeau attire toujours les foules, vint rénover la communauté
israélite de Tlemcen.
----------Il
y eut aussi par la suite les " Juifs francs ", d'Italie, de
France, d'Angleterre, de Hollande, considérés comme étrangers,
sous la protection des consuls. Cette aristocratie financière,
à laquelle appartinrent les Bacri, les Duran, les Busnach, faisait
des affaires souvent brillantes avec les raïs et tenait parfois une
place importante à la cour des deys. Mais la domination turque
fut dans l'ensemble très peu favorable à la communauté
juive comme à son développement social et culturel. Chaque
groupe urbain s'administrait lui-même avec un moqaddem, un conseil
et un tribunal rabbinique, les Ottomans estimant qu'ils n'avaient pas
de temps à perdre à s'occuper de leurs affaires, sinon pour
toucher les impôts et les bakchichs. Le régime des personnes
et des biens était celui de la loi mosaïque et du Talmud.
Les communautés d'Oran et d'Alger étaient prospères
; mais celles de Constantine et des villes de l intérieur fort
misérables. En 1830, l'occupation française trouva donc
une société juive indigène, de type purement oriental
et assez déprimée, vivant en vase clos et que n'avaient
touchée nuliement les courants émancipateurs venus d'Allemagne
avec Moïse Menselsohn, ou de France avec la Révolution.
----------L'assimilation
se fit en plusieurs étapes. Les Israélites d'Algérie
devenus Français de nationalité, mais non citoyens, conservèrent
leur statut religieux pour ce qui était du mariage et des personnes,
mais non des biens, et le code rabbinique était appliqué
par les tribunaux français. Bugeaud proposa sans succès
leur expulsion . La loi de 1865, confirmant leur nationalité française
et leur statut personnel, comme pour les autres indigènes, spécifiait,
comme pour ces derniers, qu'ils pouvaient demander à jouir des
droits de citoyens français en acceptant d'être régis
par la seule loi française. Très peu répondirent
à cette offre. C'est le 24 octobre 1870 que le fameux décret
Crémieux les intégra définitivement, leur accordant
en bloc la citoyenneté et leur imposant le code civil. Critiqué
surtout par les Algériens européens, par les radicaux d'abord,
sur le plan électoral, puis par les disciples de Drumont, avec
les méthodes que l'on sait aux environs de 1898-19oo, abrogé
quelque temps sous le régime de Vichy malgré le principe
de la non-rétroactivité, le décret Crémieux
(qui n'a pas été appliqué aux juifs du Mzab et (les
territoires annexés après 187o) a eu les plus heureux résultats
pour le développement des israélites d'Algérie, qui
ont profité des droits politiques et de l'école publique.
----------Les
israélites d'Algérie étaient alors environ 33.000.
Ils étaient plus de 100.000 en 1931 et doivent être aujourd'hui
130.000. Leur natalité est très forte. Dans son étude
minutieuse sur la démographie des israélite du département
de Constantine le Grand-Rabbin Eisenbeth (Auteur de deux importantes études
sur l'onomastique et la démographie des israélites algériens.)
déclare que, dans cette région, les ménages juifs
ont, en moyenne, douze fois plus d'enfants que les ménages d'origine
européenne. Les communautés sont particulièrement
importantes à Alger, Oran. Constantine. à Blida, Bône,
Sétif, Médéa, Miliana ; d'une
façon générale la densité proportionnelle
est la plus forte à l'Est du département de Constantine,
à l'Ouest de celui d'Oran et dans toute la partie médiane
de celui d'Alger, jusqu'à Ghardaïa, en passant par Berrouaghia
et Boghari.
----------A
peu près tous les métiers sont représentés
dans cette population, niais la grande majorité vit du commerce,
de l'artisanat ou comme petits employés. Le niveau de vie est,
en général, assez bas surtout dans le Constantinois. Un
bon nombre d'israélites algériens ont mérité
des places de premier rang dans l'Université, la Médecine,
le Barreau et les autres professions libérales.
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LES CHRETIENS - LES
CATHOLIQUES
----------L'Eglise
d'Afrique illustrée depuis les Scillitains (18o) et Sainte Perpétue
(202) par ses martyrs, le fut également par ses écrivains
: Tertullien, Saint-Cyprien, Saint-Augustin... ----------C'est
en Afrique au IIè et au IIIè siècle, avec Tertullien,
passionné, intransigeant, pamphlétaire admirable et indiscipliné,
au style vibrant, que la littérature chrétienne latine produit
ses premiers chefs-d'uvre. Minucius Félix est plus conformiste,
Lactance, plus décadent. Saint Cyprien est lut grand évêque
réformateur et organisateur qui n'évita pas les schismes
et mourut martyr. Arnobe, né à Sicca (Le Kef) est plein
de fantaisie et de grande éloquence.
----------Commodien
met la doctrine chrétienne en vers comme des foqaha mettront plus
tard en vers le droit musulman. La grande figure est Saint-Augustin, né
à Thageste (Souk-Ahras) eu 354, mort à Hippone (Bône)
en 430, le grand théologien de l'église d'Occident, dont
on connaît les pathétiques confessions, les polémiques
doctrinales contre le Manichéisme et dont la position en ce qui
concerne le problème de la grâce, dans sa lutte contre le
pélagianisme, n'est pas sans rappeler l'intransigeance passionnée
d'un autre Africain, Tertullien. Il eut pratiquement aussi à lutter
contre le donatisme un schisme spécifiquement africain- et même
" Algérien ", qui fut essentiellement une révolte
du clergé de Numidie contre celui de- Carthage et contre la Métropole,
Alliée à l'Empereur; l'Eglise officielle fit immédiatement
-appel au bras séculier. En mène temps, les paysans prolétaires,
révoltés dans les campagnes numides sous le nom de circoncellions,
étaient noyés dans le sang. 1l s'ensuivit un mécontentement
populaire évident contre l'église officielle, les grands
propriétaires terriens et l'empire romain qui payèrent ensemble
cher leur triomphe éphémère quand arrivèrent
les Vandales ariens en 429 . En 533, Béélisaire et justinien,
empereur d'Orient, restaurèrent le Catholicisme. En 647 apparurent
les premières armées, arabes et le christianisme perdit
toute puissance au Maghreb Les chrétiens continuaient pourtant
à vivre au milieu des Musulmans avec le statut des protégés
tributaires, " gens du livre", C'est par l'invasion hilalienne
du XIè siècle et les persécutions almohades du XIIè
qu'ils furent submergés; Les seuls chrétiens furent par
la. suite des mercenaires au service des sultans, des esclaves, des consuls,
des commerçants européens, ou, des soldats sur les quelques
points de la côte occupés par les Portugais ou les Espagnols..
Pour la Régence d'Alger sous les Turcs, cette église, où
les chapelles avaient suivi le nombre des bagnes, fut gouvernée
de 165o à 1827 par les prêtres de la Congrégation
de la Mission en qualité de vicaires généraux de
Carthage, ou de vicaires apostoliques sans caractère épiscopal.
L'un d'eux, Jean Levacher, fut martyrisé en 1683.
----------Alger
fut érigé en évêché en 1838. Le premier
titulaire fut Mgr DUPUCH il avait une dizaine de prêtres, une église
à Alger (l'ancienne mosquée Ketchaoua), deux chapelles à
Oran et à Bône, pour environ 25.000 colons et 70.000 soldats.
Il organisa 29 paroisses et, quand il démissionna en 1845, il se
trouvait à la tête de 73 prêtres, y compris les Lazaristes,
jésuites et Trappistes (Staouéli) qu'il avait fait venir
ainsi que de nombreuses religieuses. Mgr Pavy, qui lui succéda
de 1848 à 1866, posa la première pierre de la basilique
de Notre-Dame d'Afrique, consacrée an 1872 Ses désirs d'action
auprès des Musulmans, comme ceux de ses prédécesseurs,
furent freinés par le Gouvernement. Son siège fut élevé
au rang d'archevêché en 1866, pendant que Constantine et
Oran devenaient évêchés. De 1867 à 1892, l'archevêque
d'Alger fut l'illustre Lavigerie, cardinal en 1882, qui fonda les Pères
Blancs ou Société des Missionnaires d'Afrique en 1868, la
Société anti-esclavagiste en 1888 et seconda la politique
de ralliement de Léon XIII en 1890.
----------En
1874, quand ils installèrent leur siège de Maison-Carrée,
les Pères Blancs étaient déjà 50 prêtres
et 106 missionnaires ou novices. Les membres de la société
sont aujourd'hui environ 2.400 répartis en 24 vicariats de diverses.
régions de l'Afrique blanche et noire, neuf préfectures
et deux missions. C'est surtout dans l'Afrique noire qu'ils ont opéré
de nombreuses conversions et ordonné des prêtres indigènes.
En Algérie, ils ont surtout d'importantes uvres sociales,
des orphelinats et leurs savants spécialisés ont contribué
aux études arabes et berbères. A la suite du choléra
et de la famine qui firent en 1867 plus (le cent mille victimes et nombreux
orphelins, Mgr Lavigerie avait fondé près (les Attafs deux
villages d'Arabes chrétiens, installés sur des lots de colonisation
d'une vingtaine d'hectares, avec un hôpital qui fonctionne toujours
efficacement. C'est, semble-t-il, surtout en Kabylie (où l'on compte
plusieurs centaines de Kabyles chrétiens) et clans quelques oasis
du Sud, que les uvres (les Pères Blancs et des Sueurs Blanches
sont les plus importantes.
----------Il
convient de signaler par ailleurs, à côté de beaucoup
d'autres congrégations féminines, filiales (le la Métropole,
la Société des Surs de Saint-Joseph, fondée
à Gaillac, en 1832, et qui fit ses premiers pas, assez agités
d'ailleurs, en Algérie, avant de se répandre dans les deux
mondes. Sa fondatrice, la bienheureuse Emilie de Vialar, était
la sur d'un des premiers et plus actifs colons français,
le baron Augustin de Vialar,
----------On
ne saurait enfin parler du catholicisme algérien sans évoquer
la grande figure du Père Charles de Foucauld qui vécut en
ermite au Sahara, à Béni-abbés d'abord - 1901 - puis,
depuis 1905, à Tamanrasset. au Hoggar, où il fut assassiné
en 1916. Il n'avait pas personnellement fondé d'ordre, mais des
disciples se réclamant de son esprit, se sont réunis sous
le titre (le Petits Frères ou Sueurs du Sacré-Coeur, en
groupe, dont le principal est à El-Abiod, Sidi-Cheikh. Une de leurs
activités est l'étude de l'arabe employé d'ailleurs
comme langue liturgique et certains se sont fait un nom dans l'islamologie.
----------Précisons
enfin (lue dans le diocèse d'Alger, le nombre (les paroisses est
de 146, celui des églises et oratoires de 228, celui des prêtres
séculiers de 15o, celui des prêtres réguliers de 171,
pour une population catholique d'environ 323.000 habitants.
----------Dans
le diocèse d'Oran, le nombre des paroisses s'élève
à 102, celui des prêtres à 151, celui de la population
catholique à 350.000 habitants environ.
----------Dans
le diocèse de Constantine, on compte 135 églises, 50 oratoires,
72 paroisses, 96 prêtres séculiers, 33 prêtres réguliers,
18o.ooo catholiques.
LES CHRETIENS
- LES PROTESTANTS
----------Les églises
protestantes en Algérie comptent environ 20.000 fidèles.
La principale est constituée par la 16è circonscription
de l'Eglise réformée de France. C'est donc administrativement
une filiale de Paris (alors que les catholiques ont un archevêché
indépendant). Elle est divisée en trois consistoires. un
par département et comprend les paroisses suivantes : 1)) dans
le département d'Oran: Oran, Mostaganem, Sidi-Bel-Abbès,
Mascara, Tlemcen, Guiard-Trois-Marabouts et Relizane-Tiaret 2°)
dans le département d'Alger : Alger (3 paroisses), Blida, Boufarik,
Cherchell. Miliana, Orléansville, Ménerville-Tizi-Ouzou
; 3°) dans le département de Constantine : Constantine,
Bougie, Ain-Arnat, Sétif, Philippeville, Bône et Guelma.
----------Il
y a d'autre part une paroisse luthérienne à Douéra,
dépendant ainsi (le Paris. L'église anglicane est à
Alger. ----------L'église
méthodiste a trois paroisses : Alger, Oran et Constantine.
----------A
côté de ces églises, paroisses et pasteurs, il y a
les missions, avec une centaine de missionnaires. La plus ancienne est
la North-Africa-Mission, fondée vers 1889 par des non-conformistes
anglais et qui a des stations à Cherchell, à Azazga et dans
l'Aurès. L'Algier's Mission Band, installée à
Dar Naâma, à El-Biar, a été fondée par
une Anglaise, Miss Trotter, et son personnel français, suisse,
anglais, travaille en pays arabe, à Tlemcen, Relizane, Blida, Bou-Saâda,
To1ga, Touggourt. Une organisation très active est la Mission
Méthodiste épiscopale, à direction américaine.
Elle a des uvres sociales et religieuses en pays kabyle, mais aussi
à Alger, Oran, Constantine. Son évêque siège
à Genève et a dans son ressort l'Europe et l'Afrique du
Nord.
----------Par
contre, la Mission des Frères fait plutôt partie des
non-conformistes ; cette église n'a pas de pasteur.
----------La
Mission Rolland est indépendante et très influente
à Tizi-Ouzou où elle a un orphelinat, un refuge et des uvres.
N'oublions pas une Mission Espagnole, et une Mission parmi les
juifs, d'origine londonienne. dont le représentant fut longtemps
un rabbin tunisien converti mort récemment à Alger.
----------Toutes
ces missions sont indépendantes les une, des autres, niais elles
ont constitué un Conseil des Missions commun, élu démocratiquement
et auquel participe également l'Eglise Réformée.
----------Enfin,
l'Armée du Salut, qu'on peut ranger entre les missions et
les églises, travaille avec son courage habituel dans 'les milieux
déprimés dont elle a acquis l'expérience en Europe
et en Amérique. Elle s'adresse notamment aux prisonniers et projette
des uvres pour jeunes délinquants. Elle n'atteint guère
pour l'instant que les milieux européens.
----------La
population protestante est surtout groupée dans l'Algérois.
Elle est surtout bourgeoise et comprend quelques-uns des grands noms du
commerce et de l'industrie algérienne. Outre Alger, il y a des
agglomérations urbaines assez importantes à Constantine,
Bône, Mostaganem, Tlemcen, et surtout i Oran. Il y a pourtant aussi
un assez grand nombre de colons petits et moyens.
----------Le
premier village français,
Dély-Ibrahim, près d'Alger, a été
longtemps pour la moitié protestant. Il possède un important
et florissant orphelinat prostestant, uvre centenaire, qui s'est
enrichi tout récemment d'un centre artisanal pour garçons.
D'autres colons sont en Petite Kabylie, dans la vallée de la Soumain
; d'autres dans les divers centres alsaciens-lorrains fondés après
1871 sous l'inspiration du Comte d'Haussonville. Mais les deux groupements
les plus importants sont autour d'Aïn-Arnat et de Coligny dans la
région de Sétif, fondés sous le Second Empire par
la fameuse Compagnie Genevoise ; et à Guiard et Trois-Marabouts,
à l'ouest de l'Oranie. peuplés par les descendants des fameux
Vaudois, venus des hautes vallées du Briançonnais.
Emile DERMENGHEM.
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