Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle : archéologie
panorama de l'Algérie romaine

l'activité industrielle et commerciale
n°28 - 15 mai 1948
suite au n°24, du 8-09-1947

Il semble bien qu'au seul problème agricole se limitait la tyrannie économique romaine en Afrique du Nord. Sans doute, la plupart des mines et carrières de quelque mérite devinrent-elles rapidement propriété impériale ; elles étaient le douloureux asile de milliers d'esclaves, le lent supplice des Chrétiens qui ne voulaient abjurer leur foi.

mise sur site le 16-01-2005
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-------Il semble bien qu'au seul problème agricole se limitait la tyrannie économique romaine en Afrique du Nord. Sans doute, la plupart des mines et carrières de quelque mérite devinrent-elles rapidement propriété impériale ; elles étaient le douloureux asile de milliers d'esclaves, le lent supplice des Chrétiens qui ne voulaient abjurer leur foi.
-------Sans doute aussi l'exportation chercha-t-elle à s'emparer dès sa naissance d'un marché provincial à la fois si proche et si crédule. Mais en fait elle allait être déçue, l'auto-défense de ce territoire ne tardant pas à se manifester.
-------C'est encore à l'Archéologie et aux révélations de l'Épigraphie que nous devons nos connaissances. Cependant, ici , plus qu'ailleurs, l'intervention des textes juridiques et littéraires et notamment des écrivains de l'Afrique romaine est essentielle. On apprend les derniers potins chez APULEE, les -caprices de la mode chez TERTULLIEN ; toutes les misères du IIIè siècle revivent dans les pages de SAINT CYPRIEN, et pour mesurer l'étendue des troubles sociaux au Bas Empire, on ne, peut que se reporter au saisissant tableau que traduit oeuvre immense de SAINT AUGUSTIN.
-------A vrai dire, il ne faut pas s'attendre :à découvrir une Algérie antique, `éminemment dissemblable de 'celle' des temps modernes. La permanence du _facteur géographique' nous garantit, ainsi qu'il fut démontré à propos de l'agriculture, d'un bouleversement général des choses, et par, conséquent; la différence fondamentale entre les deux époques vient' surtout de la diversité des méthodes et du perfectionnement de l'outillage qui, du cinquième au vingtième siècle, ont' marqué les,progrès de la civilisation.

Les richesses du sous-sol

-------On en a peu_ parlé dans l'Antiquité. La ROME conquérante des mines d'or de Dacie, propriétaire des gisements inepuisables'dzargent, de cuivres de. plomb la, recelait la péninsule ibérique, importatrice de tout
`l'étain de la Cornouailles,, du fer, de la Gaule. et de la-Haute Autriche,; .,qu'avait-elle àattendre de cette -province où quelques mines : pauvres s'éparpillaient au. hasard comme; des. gouttes ?
-------De l'exploitation de nos phosphates, il ne pouvait être question, c'est là une utilisation récente ; de houille, pas davantage, les Romains en méconnaissaient l'emploi. Par contre, :des vestiges nombreux "d'exploitations différentes se retrouvent encore `-en Algérie,. et notamment dans 'presque toute l'étendue de l'actuel département d e Constantine. La prospection ; de nos devanciers se consacrait surtout aux filons de plomb argentifère des régions de Tébessa, ; dé Guelma-Souk-Ahras,- du Bou-Taleb au sud de Sétif, à ceux de Miliana et de la ville antique d'ARSENARIA, près de Tenès.
-------Délaissant l'énorme amoncellement du fer à l'Ouenza, 'comme au Bou-Khadra, les Romains se soucièrent plutôt d'en exprimer le peu de -cuivre qu'il contenait, utilisant, par ailleurs un fer médiocre â l'ouest de Bone, près de Bougie, de Djidjelli et de Tenes.
-------Ça et là, quelques gisements de cuivre étaient connus.
Dans le fouillis de ces exploitations, il n'est pas toujours aisé de distinguer les travaux romains de ceux de leurs devanciers ou successeurs, Berbères et Musulmans : au' Moyen-Age, en effet, le -Monde Arabe prive des richesses minières de l'Europe, se rabattit sur l'extraction nord-africaine à qui l'on demanda un prodigieux 'effort. L'exportation, une grande célébrité en Orient, récompensèrent cette activité On 'peut songer qu'à l'époque antérieure sous les Romains; la production n'alimentait qu'une industrie 'locale, en tout ou en partie ; on recourait à l'étranger pour le surplus.
-------Moins- méconnus étaient les produits ; minéraux. On recherchait l'alun pour tanner, teindre ou guérir; la rubrique (Ce colorant minéral d'un emploi commun dans l'Antiquité se trouvait abondamment en Afrique du Nord ) entrait dans la composition des, peintures. Le sel de mine, prés de Biskra, celui des sebkhas et des schotts, le sel des environs d'Arzew ne le cédaient en importance aux grandes productions continentales,
-------On connut même un suintement de bitume en Maurétanie, dont nous ne saurions dire aujourd'hui s'il s'agissait du dépôt d'Ain Zeft, dans le Dahra, ou, des pétroles de Relizane.
-------Grands bâtisseurs-, les Romains ouvrirent partout des milliers de carrières ; hommes de goût, ils, surent, tirer des marbres; dé ces marbres aux cent couleurs d'Ain Smara, au sud de CIRTA, desblancs étincelants-du littoral constantinois, des; jaunes- et rouges du Mont Orousse, en. Oranie, et de cet admirable onyx d'Ain Tekbalet, près de., Tlemcen, ,dont- les sultans du_;Moyen-Age revêtirent leurs. palais .enchantés, des; effets que- .même le temps n'a point., voulu détruise et que nous retrouvons aujourd'hui, à peine altérés, en des ruines grandioses.

L'INDUSTRIE

LES CONDITIONS DU TRAVAIL
-------Le postulat de " l'Algérie, terre sans industrie " n'est plus à formuler pour l'époque moderne.. Pénurie de- combustibles miniers, insuffisance d'une "main-d'oeuvre" 'spéciâlisée,' attraction des capitaux vers notre pays n'a pris conscience que fort tard de ses possibilités dans ce domaine.
-------Ces causes permanentes n'ont pas été les seules autrefois. L'Antiquité nord-africaine a connu un obstacle autrement considérable - au développement de la grande -industrie, ce fut la résistance acharnéede l'économie domestique. Certes que des coutumes ancestrales aient lentement cristallisé la structureéconomique- d'un peuple,- cela n'était pas suffisant pour décourager les Romains. On les savait capables de bien des miracles, -leurs pratiques financières aidant,, et ils n'eussent -guère hésité à mobiliser .en atelier des centaines d'esclaves pour " forcer la main " - aux industriels retardataires, autant .qu'ils eussent encourage, selon leur procédé familier, la formation-- de corporations d'artisans libres.- Mais rien de tel ne se produisit ici : ils,garderent leurs .bras pour l'agriculture, et les collèges d'artisans ne, se formèrent pas.,
-------Un compromis 's'établit pourtant : sur les domaines, en plus e la, culture du -sol, on adapta la. production industrielle aux- besoins -généraux de l'exploitation ;. souvent même on manufactura pour la vente. Dans les cités, ou la vie' en Commun exigeait l'utilisation d'objets les plus divers, une, certaine concentration s'établit, et par-endroits, de 'véritables quartiers industriels prirent naissance. Nous les retrouvons aujourd'hui avec leurs chaufferies, leurs cuves" leur outillage, dans ces deux villes-témoins de Timgad, et de Djemila,.si riches- de' leur passé, en attendant la résurrection d'Hippone, que nous promettent pour bientôt les fouilles- actuelles.
-------Au camp de' Lambese quartier genéral de l'armée romaine -d'Afrique le -problème industriel se posait différemment : on.' n'eut. pu concevoir un camp' légionnaire sans ateliers,. ateliers de réparations surtout, et ,, de fait, ils y étaient nombreux. Mais, aussi paradoxal que 'cela nous paraisse;' depuis la période dés revers militaires de l'Empirre;: c'est la population civile qui, par tribut, vente eu- réquisition, approvisionnait en fournitures les magasins d'armes et- d'habillemnent éternel éle ment de discorde entre Armée et assujettis.
-------Le métier domestique, l'atelier domanial, -l'artisanat urbain, tels étaient .donc .'les rouages élénientaises de ce grand' mécanisme, incomplet et maladroit, le moins perfectionné peut-être du Monde Romain, mais aussi le moins dangereux, celui qui maintenait l'esclave au maître et ne _risquait de compromettre en rien la régularité des rentrées de l'Annone .

LES PRODUITS_ DE L'INDUSTRIE
-------L'agriculture et l'élevage étaient encore, à la conquête française, les principales ressot*rces des. industries de première nécessité. Hormis les travaux du bois, de ; l'argile et des métaux, "l'industriel ne demeurait- étranger., aux, evenements qui pouvaient affecter la, gent paysanne et pastorale. Autant dire que malgré la spçeialisation des industries françaises et l'extrême diversité de nos moyens d'action, ces conclusions sont toujours valables. La tradition qui s'attache à certaines activités autant que la nécessite qu'ont les hommes de s'y conformer n'ont point épargné la civilisation romaine. Nous avons vu précédemment combien les industries de transformation des produits du sol, dans les campagnes où dans les villes, avaient atteint un degré évident de perfection, à en juger par les exportations massives qui s'ensuivaient ( Minoterie, industries vinicole et oléicole.
Il est certain que l'administration de l'Annone par exemple exigeait lpréalablement un examen qualificatif des fournitures, et qu'on n'eut 'point d'autre part, vendu jusqu'en Orient des marchandises de deuxième choix.).

-------L'industrie textile surtout, ou plus exactement le filage et le tissage, pour rendre a cette expression sa valeur archaïque, paraît avoir tenu la première place dans l'activité domestique et artisanale. Sans atteindre toujours`la perfection de ces vêtements de. lin d'Afrique que lés empereurs offraient en présents à leurs favoris, lés lainages africains représentaient, sur le plan mondial, une marchandise bien individualisée; fort connue et souvent appréciée.. Les textes anciens, les mosaïques surtout, nous les révèlent, modestes et colorés. Ce: sont des tuniques à manches courtes ou même sans -manches, qui font penser aux -gandouras ; plus rarement des vêtements à la Romaine, très amples, aux larges plis remarquablement ordonnancés ; parfois aussi d'originaux = accoutrements inconnus eri d'autres provinces: On serait presque tenté de conjecturer l'origine orientale- du Haïk, cette large pièce d'étoffe enroulée deux fois autour du corps, de la Djellaba, vaste fourreau à capuchon, de l'Abâya rayée par quoi l'on reconnait les Mozabites.
-------Quant au burnous, son cas est plus typique encore : ce nom viendrait du mot latin BIRRUS qui désignait à l'époque romaine un manteau particulier.
-------Les teinturiers, dont un atelier bien conservé subsiste à Timgad, utilisaient les couleurs végétales comme la garance, ou se perfectionnaient sur le littoral, à CHULLU notamment (Collo) - dans les colorations à la pourpre marine.
-------La production textile enfin, s'intéressait à la confection des tapis, tentes et couvertures dont les motifs géométriques, d'origine berbères se retrouvent à l'époque moderne dans maint décor des tissage indigènes de l'Algérie ( Voir l'allusion qui y a été consacrée a propos des tapis de Tébessa dans les Documents Algériens, Sérieéconomique, n°33 du 5 octobre 1947 ).
-------Qu'y 'avait-il de romain dans tout cela ? Sans doute bien peu de chose. Les Romains, au contraire, ne négligeaient pas d'emprunter aux provinciaux' des types vçstimentaires très accusés que, par un souci d'exotisme, ils mettaient à 1a mode chez eux. o Et c'est ainsi que les accoutrements africains, comme d'ailleurs les gaulois ou. les orientaux, jouirent d'une vogue -éphémère, parmi les raffinements du snobisme antique..
-------L'industrie du cuir, autre spécialité de l'artisanat, avait aussi gardé son-ancienne importance. La cordonnerie et la bourrellerie en étaient tributaires , les peaux de chèvres et de moutons servaient à la fabrication des outres ou à,la confection de grands 'sacs pour bêtes de somme. Et, détail plus curieux, suivanto le témoignage d'historiens byzantins, après quatre siècles d'occupation romaine, les montagnards se vêtaient encore de peaux de bêtes. -
-------Au, travail du-fer et du -bois, s'associait l'industrie du bronze- Le plomb servait ux sarcophages, aux tuyaux d'eau. A CIRTA et CAESAREA, des ciseleurs ouvrageaient les métaux- précieux. Des verriers irisaient leurs vases.
-------Le Bâtiment exigeait la participation des tailleurs de pierre et de marbre, des charpentiers; des statuaires et mosaïstes. -La ~ céramique surtout -avait donné naissance' a une infinité d'objets, les plus divers, les plus inattendus, depuis les simples briques .à _bâtir jusqu'aux amphores, des gros :-égouts aux statues équestres. Pour la vaisselle- courante et les lampes à huile, on avait même obtenu unç_ production en grande série.
-------Sur chaque objet, le talent personnel de _l'auteur, privilège essentiel de l'artisanat, pouvait donner libre cours à toute fantaisie,' et de fait, une grande liberté présidait au développement des industries d'art, domaine où il n'est pas toujours facile aujourd'hui de -discerner. le- produit local de l'article importé, tant les progrès des artisans :d'Afrique ont été grands.
-------Combien d'instants pourrions-nous consacrer à tout ce petit monde bigarré, sbûs les vitres de nos musées, objets de terre ou de, métal, bijoux, statuettes, miroirs, débris d'instruments agricoles, serrures et robinets, attirails de- toilette et de chirurgie, milliers de vases et de lampes aux dessins nombreux où la satire à la Mythologie se mêle et la louange à l'obscénité !

LE COMMERCE

-------L'esprit latin se devait de lancer sur le marché les produits variés de ces industries ; et dans ce sens, on peut dire que la réussite fut complète. Avant Rome, le pays sommeillait. Avec Rome, un vent de négoce envahit l'Afrique, et violemment enflauiuie les esprits. Finies les traditions d'un commerce étroit, de ville à ville ou de bourg à bourg: La route, admirable -facteur de l'expansion, va s'élancer à l'assaut' des -montagnes et ouvrir lé chemin des ports.
LES CONDITIONS GENERALES DU COMMERCE.
-------Parmi toutes les provinces du, Monde Romain, l'Afrique, septentrionale fournit sans doute le meilleur exemple de cette impulsion commerciale vigoureuse que les autochtones reçurent en peu de temps de leurs maîtres latins.
-------Certes, CARTHAGE., avant la conquête romaine ne- vivait que pour et, par le commerce ; mais hormis quelques zones côtières, son emprise en Algérie fut négligeable et puis surtout la politique commerciale de Carthage était fondée sur la -caaception rigide du monopole. En décrétant la liberté du commerce, la politique. romaine tend au contraire à provoquer, en Afrique une émulation du plus heureux effet. Le pays aura désormais toute latitude pour commercer librement et directement avec ses, voisins.
-------Ce grand principe s'assortit de compléments nombreux qui en garantissent la bonne application. Ce sont l'unité monétaire et l'unité de poids, et mesures que Rome, impose s tous les territoires de son ,empire, une fiscalité publique et régulière, l'uniformité du droit commercial qui facilite les-transactions.'

---------------Reconsidérer les données tràditionnelles de l'économie devient alors une-urgente nécessité le'l.ibreecha est toujours proclamé, mais les frontières extérieures se ferment à l'exportation. Degrands monopoel d'État's organisent. L'altération monétaire, expédient financier d'un emploi courant, a tant influé sur les' prix qu'op a vu 'Ceux-ci, -onter de mille pour cent en un quart de siècle, et ;encore 'ne prévoit-on plus de limites à ce phénomène. En vain l'empereur DIOCLETIEN, en l'an 301, après une refonte'genérale de la monnaie, lance-t-il son_ fameux -édit portant -taxation du prix de toute chose, et maxima à ne point dépasser ( L' " Edit du Maximum". de Dioclétien est un des documents les plus extraordinaires de l'histoire économique iniverselle.Il comprenait un préambule, remarquable bilan de la situation générale à cette époque, et par chapitre , une inépuisable nomenclature de matières premières,produits fabriqués, denrées d'importation, salaires...assortis du prix maximum autorisé pour chaque article. La sanction prévue au dépassement de ces maxima était la peine de mort. La lecture de ce texte aujourd'hui n'a rien perdu de son actualité et de son humour.).C'en est trop ! les biens se raréfient. ; la disparition des denrées du marché officiel n'a - d'égale que leur génération spontanée au marché clandestin. Les pauvres gens pleurent la liberté d'autrefois. Des nuées de spéculateurs s'emparent des transactions. Le tumulte grandit ; il faut noyer l'émeute dans le sang. Lamentable bilan d'un essai de stabilisation financière et, avec la chute de Diocletien, première abdication d'un empereur de droit divin.
-------Dans les temps qui suivirent, la fiscalité devint :écrasante, considérable entrave aux .progrès, du commerce. Sur le terrain mouvant des guerres et des troubles, l'économie monétaire ne put garder pied et toute l'inflation d'édits impériaux du quatrième siècle ne sut empêcher'. l'inévitable retour aux traditionsde 1'Econornie Naturelle. On en' était arrivé là lorsque, l'Empire mourut.

-------Pendant cette époque angoissée, l'Afrique du- Nord' bénéficiait encore d'une paix relative. -Loin des Barbares, et- bien que quelque peu troublée par des révoltes intestines, elle entendait résister aux contrecoups qui affectaient l'Empire.

-------L'édit de Diocletien ne lui fut, sans doute pas appliqué. Mais pour autant qu'elle se' défendit; elle ne put se soustraire en tout aux méfaits des crises. Son economie ne fut ébranlée. La liberté du commerce par exemple y-souffrit quelques" tempéraments, la dépréciation , monétaire influença aussi, notablement, 1'equilibre'des prix.: Mais dans l'ensemble, la prospérité fut honorablement sauvegardée, et grâce au volume des exportations, la balance 'du commerce put conserver, commè à -l'époque classique; son caractère favorable. D'ailleurs ,l'activité séculaire des négociants n'y était pas etrangère.

-------Il ne faut pas perdre ,de:vue en effet que toute, conquête romaine,', menée â la-pointe des lances, s'assortissait d'un combat sur le plan commercial. Le NEGOCIATOR, unité élémentaire de ce combat, n'était pas dans l'esprit romain qu'un simple commis-voyageur,, mais bien une arme ; une arme ào tir indirect, agissant le plus souvent comme élément précurseur -des légions._ Dès avant la- conquête, à Cirta, les negociants.romains spéculaient en grand sur le marché du blé ,'ailleurs sur celui des. cuirs ou des esclaves. Et plus tard, aux beaux jours de l'époque impériale, ils détiennent encore fréquemment le monopole du grand commerce le negociator apparaît alors le plus souvent sous les traits d'un directeur d'une puis - santé société -d' u -export e. Une évolution sociale l'a chassé du petit commerce au profit des Berbères, qui ne' t pas eux aussi de s'expatrier-pour semer, en pays étranger, des agences et des succursales de lèùrs établissements -d'Afrique. Depuis le,troisieme siècle enfin, c'est le -Syrien qui entre en circuit esprit envahissant et pratique, il entreprend inlassablement la colonisation des provinces occidentales de l'Empire et tend à s'arroger, de plus en plus le monopole des transactions.

-------La fiscalité, rançon du commerce, est exécrable. En plus, des droits de place et de, marché, et au Bas-Empire d'une taxe accablante frappant la profession commerciale l'impôt de circulation- par excellence s'appelle le PORTORIUM. Il tient -à- la fois d'un octroi, d'un droit de douane et d un péage'. On le perçoit dans les grands ports et à toutes les frontières de l'empire, tant intérieures. qu'extérieures.

-------Toute -marchandise y est sujette, à de-rares exceptions près, ; on paie pour entrer et on paie pour sortir ; on paie, lourdement sis-l'on fraude, -et si l'on est esclave, on paie de sa vie. On comprend dès lors, par cet esprit, que le Portorium ait été le fléau du commerce antique et l'artisan résolu de la hausse des prix.

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Une grande imprécision plane encore sur ce qua pu être l'organisation- -douanière des provinces nord-africaines, sous l'Empire, niais il n'est point douteux qu'elles aient bénéficié d'un 'régime de-faveur. La certitude nous en est fournie par une inscription d'une exceptionnelle importance découverte à Zraia; l'antique ZARAI, au sud-est de Sétif. C'est un tarif douanier du début du troisième siècle.

-------La perception marquait en ce point le franchissement d'une frontière intérieure de l'Afrique romaine ; NUMIDIE et MAURITANIE s'y cotoyaient. D'une foule` d'objets soumis aux droits, esclaves, bestiaux, articles d'alimentation et d'habillement, dont l'origine africaine estt évidente, on peut conclure qu'à Zarai aboutissait un courant de trafic au long cours ayant son point de départ dans l'île de Djerba et ses étapes en différents points de la Tunisie et. de l'Algerie méridionales. L'absence inexplicable de denrées de première nécessité telles que le blé, l'huile ou le sel laisse à penser que notre inscription n 'était qu'un élément d'un tout aujourd'hui perdu.

-------Quant aux -droits perçus, ils ne sont nullement "ad valorem " s'exprimant en pourcentage de la valeur des objets mais specifiques et calculés sur l'unité de poids ou de volume. La modération du Tarif, sa complaisance à l'égard des biens destinés au Travail ou à la terre (Un esclave ou un cheval paient le même droit qu'un manteau; un boeuf que 30 kg de dattes! ) font de ce document célèbre entre tous, un merveilleuxexemple de clairvoyance et le plus sûr garant de cette prospérité dont jouissait l'Afrique au temps des Sévères.

LE COMMERCE INTERIEUR

-------La_distinction dés commerces ambulant et sede ntaire n'a jamais eté plus rigoureuse qu'à l'époque antique,. le premier, fidèle au système des foires;, le second lié au principe de l'artisanat. La vie municipale qui-caractérisa si profondément la civilisation latine, a connu dans son sein l'un et l'autre.
-------Dans toute agglomération romaine, le MACELLUM: est le marché urbain., Parfois richement orné, ceint; de portiques 'à colonnes, il doit son éternité de marbre à quelque puissant bourgeois et son activite a la protection du dieu Mercure. Il est bien distinct du FORUM, lieu de passage et d'assemblée et. seuls les basiliques -ou les marchés spécialisés ont droit au démembrement de sa puissance_ commerciale.
-------Aux jours de Foire, la ville entière est en liesse , -ses thermes sont envahis, ses théâtres bondés ; ses' tavernes et ' lieux de plaisir vomissent une-.faune cosmopolite -accourue de .,partout, tes, délits et les crimes abondent. Et cela. dure parfois plusieurs semaines.
-------Mais la périodicité de çes .assises commerciales ou NUNDINAE est encore plus pittoresque à la campagne, dans ces marchés ruraux bimensuels ou hebdomadaires qu'avec la permission impériale; les grands propriétaires ont installés sur, leurs domaines: On y voit venir l'esclave, et le soldat, le charlatan et le guérisseur. Ils sont le paradis du CIRCITOR, ce petit marchand ambulant, qui transporte sa pacotille, du forgeron et du. bijoutier qui courent les villages, proposant leurs services, du pickpocket flairant l'attroupement de quelques naïfs. Et dans le cercle des curieux, qu'un bateleur attire, à grands coups de cymbales, parmi les acheteurs qui de groupe en groupe s'en vont tater les boeufs et : les moutons, on s'intéresse aux progrès des .Barbares dans I'Empire, on convient en secret du rendez-vous de la prochaine émeute. Aux derniers temps dee la Rome africaine, commerce et révolution ne s'ignorent plus.
-------Le Tarif de Zraia nous aa conserve une liste importante d'objets de négoce.. Ces marchandises étaien-elles destinées au commerce .intérieur ou à l'exportation ?-Il est assez difficile de le dire, mais la première solûtion n'est sans doute pas la plus critiquable. A vrai dire l'activité commerciale pouvait s'exercer dans tous les domaines, et nos chapitres de l'Agriculture et' de l'Industrie, sont là pour en témoigner,

LE COMMERCE EXTERIEUR
-------L "ile du Maghreh" à 3 jours de voile des ports italiens, a quelques mors caravane 1'Afriique noire participait en bonne place a cette immense organisation qui de l'Écosse à l' l'Indonésie, pourvoyait aux besoins de la communauté romaine.
-------On sait 1'emprise tentaculaire de Rome et de son port Ostie, l'attraction qu'ils exerçaient sur les courants d' echanges, le role d'entrepôt universel que .la capitale s'était assigné.
-------Mais pour autant qu'ils surent drainer vers eux les produits de l'Annone et les' richesses e l'Afrique; ils ne supprimerent pas les relations directes de ses ports avec ceux d'Espagne et de Gaule ou vers la Grèce et l'Orient.
-------De même qu'aujourd'hui la Métropole est le premier fournisseur et le premier client de l'Algérie, la solidarité économique de l'Italie et de l'Afrique romaine existait autrefois ; Rome vivait de l'agriculture afriaine ; l'Afrique du Nord pouvait absorber bien des produits de l'industrie péninsulaire. Aux exportations, les denrées alimentatires requéraient la, plus, grande partie du tonnage soit que par achat ou tribut, elles fussent la propriété de l'Annone impériale, soit que tout simplement elles allassent enrichir des revendeurs européens. Les bêtes sauvages, les esclaves, les vêtements, 1es marbres, et quantité de produits secondaires, voilà encore par quoi l'on connaissait l'Afrique à l'Étranger.
------Les importations, dans un pays pourvu de ressources agricoles, se limitaient aux objets manufacturés de qualité, aux objets d'art aussi qu'en clients fortunés les Africains ravissaient à la métropole et aux autres provinces . Apport de gouts, apport de procédés etrangers, offensive de la qualité, influencèrent considérablement l'industrie locale et le mérite essentiel des importations fut précisément cette concurrence que les artisans africains durent affronter jusqu'au jour où, bien loin de succomber, ils surent adapter leurs produits aux exigences de nouveaux besoins ;
-------A ce moment la nation africaine, industrieuse,commerçante, avait acquis ses lettres de noblesse.
-------Elle pouvait t désormais se vêtir et s'outiller elle-même, Ce n'était. plus seulement une machine à fabriquer le pain des autres elle était devenue un des foyers de Civilisation.

PIERRE SALAMA
Membre de la Société Historique Algérienne