Alger, Algérie
: documents algériens
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À 70 kilomètres à l'Ouest d'Alger, sur la route du littoral, Tipasa occupe un site qui n'a guère changé depuis l'Antiquité. Le nom lui-même est demeuré le même en dépit d'une orthographe fautive - et qui n'a aucune raison d'être : Tipaza. A peu de distance du massif du Chenoua, qui l'abrite du côté de l'Ouest, sur trois promontoires que, séparent des criques profondes, au pied de collines modérées, qui ferment l'horizon vers le Sud, la ville antique s'étendait le long de la mer sur environ 1.500 mètres. |
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TIPASA, ville de Maurétanie
césarienne L'HISTOIRE . -------- De 'son histoire
on sait peu de chose ; on vient tout récemment d'acquérir
la preuve qu'un comptoir carthaginois y était établi vers
le cinquième siècle avant notre ère.. Il se trouvait
aux abords du petit port actuel, là où, de nos jours, les
pêcheurs tirent encore leurs barques à terre. Quelques tombes
au mobilier intact lampes, poteries, verreries d'importation grecque et
orientale, sont les plus anciens vestiges de la présence historique
de l'homme. Plus tard, il faut descendre jusqu'au milieu du premier siècle
de notre ère pour trouver une précision nouvelle : Tipasa
était, en 40, ap. J. C., lorsqu'une province romaine, la Maurétanie
Césarienne, remplaça le royaume de Juba et de Ptolémée,
une colonie latine, tout comme sa voisine Icosium. (Alger), et elle fut
élevée au rang de colonie romaine sous Hadrien ou Antonin,
au milieu du deuxième siècle de notre ère, promotion
que n'a peut-être pas connue Alger. Le silence à nouveau
se fait sur son histoire, puis, avec le christianisme, elle reparaît
à la lumière. C'est d'abord par le martyre de la petite
Sakba, mise à mort pour avoir brisé une idole et dont le
corps, retiré des flots, fut pieusement enseveli sur la colline
qui domine la ville à l'Est. C'est ensuite le siège infructueux
du révolté Firmus, qui, vainqueur à Césarée
(Cherchell) et à Icosium (Alger), dut s'avouer vaincu à
Tipasa (372 ap. J.C.). Ce furent les luttes entre les catholiques et les
donatistes, où les premiers l'emportèrent. C'est l'invasion
vandale, la fuite de la population en Espagne. dit-on, le martyre de quelques
habitants qui étaient demeurés là : poing droit et
langue coupés ; ils n'en continuèrent pas moins à
proclamer leur religion. C'est sur' ce miracle que se clôt l'histoire
ancienne de Tipasa qui fut, peut-être, réoccupée par
les Byzantins et habitée, dans ses ruines, pendant des siècles,
par des Berbères. Des Maures, expulsés d'Espagne, ne purent
s'y maintenir à cause du voisinage incommode, du Chenoua.. LES FOUILLES -------- Si l'on ne possède que de maigres renseignements sur Tipasa, cela tient essentiellement à ce que les recherches archéologiques y ont commencé seulement vers 1895 - trop tard malheureusement pour empêcher bien des destructions et des actes de vandalisme. En 1859, d'après un document officiel, quatre fours à chaux fonctionnaient sur l'ancienne ville. On imagine de quoi ils s'alimentaient. Les premières fouilles méthodiques furent faites en 1891 par Stéphane Gsell et l'abbé Saint-Gérand. Elles furent interrompues assez brusquement - à la mort de ce dernier et c'est seulement en 1913 que le Service des 'Monuments Historiques entreprit d'une façon plus suivie des recherches sur ce site. Depuis, elles ont été poursuivies avec une certaine régularité et plusieurs monuments témoignent à l'heure .actuelle de l'importance et aussi de l'intérêt dés vestiges de la ville antique. LES MONUMENTS ANTIQUES : LE FORUM, LE CAPITOLE, LA CURIE ET LA BASILIQUE -------- Cet ensemble, découvert
en 1914-1916, couronne la colline centrale qui s'appelait, dans l'Antiquité,
la colline des Temples. LES THERMES -------- Tipasa en possède au. moins quatre les grands Thermes, en bordure du Parc Trémaux, et dégagés seulement en partie ; les petits Thermes, au bord de la mer, à l'ouest de la crique, ; d'autres encore, en. arrière du 'bâtiment. industriel aux quatre cuves. Le dernier enfin, à côté du baptistère chrétien., Sans avoir,. même pour les premiers, qui, d'ailleurs, étaient publics, l'ampleur des établissements de Cherchel, de Timgad et de Djeniila, ils sont intéressants par leur état de conservation et la disposition du système de chauffage à air chaud. Aucun d'eux n'a fourni d'oeuvres, d'art, comme on en a trouvé entant d'autres villes antiques. LE TEMPLE -------- Outre le Capitole,
on a découvert à l'intérieur du parc un petit temple,
entouré d'une cour à portique malheureusement défigurée
par une allée qui la traverse. Du temple lui-même il ne subsiste,
que le soubassement, l'escalier et, par côté, la base d'une
statue ou de l'autel. La jambe nue d'une statue, masculine de taille colossale
y a été découverte, Hercule, Mars, Empereur. divinisé
? LE NYMPHÉE -------- Sur le même alignement que le temple, alignement fait par la voie romaine qui conduisait à Cherchel et qui est ici enterrée, se dresse, vers l'ouest, un hémicycle à colonnes et bordé de bassins, qui est un château d'eau ou nymphée. C'est une fontaine monumentale placée à l'arrivée dans la ville de l'aqueduc qui amenait l'eau d'une source située à plusieurs kilomètres au sud-ouest. Décoré de statues, entre lesquelles l'eau tombait en cascade, c'est un des plus beaux monuments du même genre qu'on ait retrouvé en Afrique. Il atteste le désir des habitants de décorer leur ville d'une façon monumentale et jolie à la fois. LE THÉÂTRE -------- Ce même souci esthétique appairait dans le théâtre, voisin 'du nymphée. L'édifice, au lieu d'être adossé - ,à une colline comme tous les autres théâtres antiques de l'Afrique du Nord, excepté ceux de Madaure et de Sabratha, en Tripolitaine, a été construit en élévation. S'il n'avait servi de carrière pour la construction de l'hôpital de Marengo, nous aurions sans doute encore les 25 rangées de gradins qu'il devait compter à l'origine, le mur de scène et, les dépendances. Tel qu'il est, avec ses arceaux du rez-de-chaussée, ses voûtes, à demi-ruinées, qui supportaient les gradins supérieurs, les escaliers menant au premier étage, les, couloirs d'accèsà l'orchestre,, le mur qui supportait la scène et la fosse profonde de celle-ci, ce théâtre, de 3.000 places environ, reste, sous -sa couronne d'oliviers et dans son cadre de verdure et de montagne, un des monuments les plus évocateurs de Tipasa. L'AMPHITHÉÂTRE -------- Un autre monument important était les arènes. contiguës au temple du ',parc Trémaux. Des sondages faits en 1916 ont révélé des, couloirs souterrains qui semblent attester la bonne conservation des .sous-sols, si intéressants dans les édifices de cette catégorie. On vient d'en avoir' une preuve à LambèseBien qu'on puisse craindre que l'amphithéâtre ait' en partie~ connu le sort du théâtre et servi de carrière. on peut imaginer qu'il en subsiste encore assez poufo former un bel ensemble. LES MAISONS -------- Peu d'habitations
privées ont été dégagées à Tipasa.
Parmi les plus belles, il faut citer la villa de la crique - où
des restes pitoyables de mosaïques sont 'es débris d'une belle
décoration, mais où des peintures murales ont été
retrouvées. LES REMPARTS -------- C'est au- III' siècle, au moment où la prospérité de Tipasa a été la plus grande, que, des menaces ayant troublé- sa, sécurité,-la'ville s'est entourée d'un rempart dont les vestiges sont bien apparents. Long de 2.300 mètres environ, il compte encore 15 tours rondes et 16 tours carrées. Trois portes monumentales, dont deux, à l'Ouest 'et au Nord, étaient précédées d'un vestibule en demi-lune, deux portes secondaires, dont une poterne bien conservée au Nord-ouest, permettaient de franchir le rempart. Dans son état actuel, le retranchement, qui devait mesurer environ de 7 à 8 mètres de hauteur avec des tours de 9 mètres, révèle une' destruction exécutée systématiquement, sans doute au cinquième siècle, après l'invasion des vandales. LES ÉDIFICES CHRÉTIENS. - LES ÉGLISES -------- A, l'intérieur de la ville on a retrouvé : 'près du Forum, au-dessus de la mer,, une chapelle privée, dont une mosaïque (déposée au Musée) décorait l'abside, et, sur la colline de l'ouest, la cathédrale, le plus vaste édifice chrétien d'Afrique après Damous-el-Karita de Carthage. Construite au IV' siècle avec des fragments des édifices païens, elle comprenait neuf nefs, séparées 'par ' des colonnes et des piliers. Un immense tapis de mosaïque la décorait. Son porche,-a l'ouest, est appuyé contre le rempart. A l'Est,' la vaste abside s'est; en partie, effondrée dans la mer. Au nord, l'église était flanquée d'une chapelle pour la confirmation le,consignatoritim, puis d'un baptistère, avec sa cuve à trois degrés bien conservés, et de petits thermes. Des mosaïques, aujourd'hui à Alger, décoraient ces derniers édifices. LES CIMETIÈRES. - CHAPELLE D'ALEXANDRE, CRYPTE DES ÉVÊQUES, ENCLOS DES MARTYRS -------- Hors des murs de
la ville,,à l'Est comme 'à l'Ouest, de vastes nécropoles
chrétiennes se groupaient autour de deux sanctuaires. A l'Ouest,
c' est' la chapelle de l'évêque Alexandre. Fouillée
en i94o après de longues années d'interruption, elle a désormais
son 'aspect primitif Alexandre la fit construire au 1V' , siècle
pour y déposer les évêques, ses prédécesseurs,
et pour y reposer lui-même après sa mort_ Sa tombe, ornée
d'une mosaïque, a été retrouvée, dans une chapelle,
à l'Ouest. A l'Est, neuf sarcophages, placés sur une sorte
d'estrade, renfermaient les' corps des évêques. Ils avaient
d'abord été inhumes' dans une crypte' souterraine, véritable
chapelle de catacombes; avec sa voûte en stuc et son lucernaire.
On 1'a retrouvée dans un angle de l'église, mais elle avait
été dévastée dans le passé. Elle n'en
demeure pas moins un vestige chrétien remontant sans doute au début
du III' siècle et aux premiers temps de la Communauté chrétienne
de Tipasa. Des inscriptions en vers, tracées sur mosaïques,
dont plusieurs cantiques rimés, décoraient le sol de l'église
elle-même. En' contrebas s'étendait un enclos strictement
fermé par un mur en pierres de taille. On y accédait par
un porche, commun avec l'égliseA droite, en descendant quelques
marches, on trouvait, sous un portique, six tables funéraires ou
mensae de martyrs dont seuls subsistent trois noms : Rogatus, Vitalis
et Maxima. A gauche, on a découvert l'épitaphe de Victorinus,
martyrisé, le dimanche; 8 mai, vers 2 heures de l'après-midi,
d'une année de la fin du III° siècle, et, auprès,
une double épitaphe du prêtre Amantius qui repose, dit le
texte. .'auprès des martyrs. Tout concourt à prouver que
cet enclos, contemporain sans doute de 'la crypte des évêques,
était réservé à des martyrs de la foi chrétienne
et date, par conséquent, d'avant Constantin et la fin des persécutions. LÉ MUSÉE -------- Sous les ombrages
du parc Trémaux ont été déposés, dans
un musée en plein air, quelques objets antiques : des colonnes
avec leurs chapiteaux, ioniques et corinthiens, forment un alignement
rustique. Des moulins en pierre, des fenêtres ajourées, parfois
ornées d'un symbole chrétien, des épitaphes et des
. inscriptions honorifiques sont disposées çà et
là dans la verdure. Deux ou trois jarres monumentales, des dolia,
évoquent les réserves d'huile ou de grains des villes antiques.
Mais les pièces les plus précieuses sont trois sarcophages
en marbre, que protègent des édicules, en' vérité
peu flatteurs pour il. L'un est un tombeau païen où
ont été ensevelis deux époux. On les voit sculptés
au jour de leurs noces, entourés de leurs témoins, de la
déesse Junon et de l'Amour tenant la torche d'hyménée
' puis, au jour de la séparation, célébrant sur un
autel le sacrifice des adieux.' Castor et Pollux, les Dio'cures, les encadrent
et veillent sur leur dernier sommeil, tandis que, sur les faces latérales,
un victimaire se prépare à égorger un taureau paré
pour le sacrifice. A ce sarcophage païen fait suite un autre plus
beau encore. ,ù se dresse, sur un fond de strigiles,. entre deux
lions égorgeant une gazelle, le Bon Pasteur, avant sur ses épaules
la brebis égarée. Sarcophage de transition-unissant à
une décoration encore toute païenne, un motif que le Christianisme
utilisera avec beaucoup de faveur. Il en est de même pour le troisième
tombeau, où l'on voit, au centre, le Christ enseignant, encadré
par les quatre saisons, chacune avec ses attributs traditionnels le printemps,
avec une coupe et des fleurs ; l'été, avec une gerbe et
une faucille ; l'automne, à la grappe de 'raisins ; l'hiver, emmitouflé,
tenant la pioche des travaux champêtres et les canards, symbole
de ,la-chasse. A ces motifs, que'le Moyen Age reproduira à satiété
sur les porches des. cathédrales, s'ajoute une scène biblique
: Moïse fait jaillir au désert la Source miraculeuse. Louis LESCHI |