Sahara
LE SEL
Afrique illustrée du 9-8-1924 - Transmis par Francis Rambert
janvier 2021
** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1924. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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LE SEL

El Outaya, sur la route El Kantara - Biskra

El Outaya, sur la route El Kantara - Biskra

LE SEL

La nature en a comblé l'Afrique du Nord avec une générosité sans pareille. Ancien bras de mer, l'Algérie a un long passé d'émersion pendant lequel s'accumulèrent les dépôts continentaux, marne, gypse et sel gemme.
On connaît, pour les avoir vues directement ou pour les avoir retrouvées mille fois dans les publications algériennes, les montagnes de sel, celle si curieuse de Djelfa, celle d'El-Outaya, celle de Metlili. Ce sont des rochers immenses, en pur sel gemme, découpés de falaises très hautes, qui atteignent parfois cent mètres, de puits, de galeries, d'anfractuosités où nichent des multitudes d'oiseaux, des rapaces, vautours et aigles, des passereaux, des pigeons et un nombre non moins considérable de chauves-souris.
Le sel s'étale sur de vastes surfaces, par masses puissantes, quelquefois absolument pur, plus souvent intercalé de stratifications d'argile.
L'effet produit à la vue est des plus saisissants. De coloration grisâtre que le resplendissement solaire anime de quelques rougeoyants reflets, le paysage apparaît lunaire, d'une stérilité absolue. Nul arbre, aucune verdure, pas la moindre touffe de drin ou d'alfa. Où commence le sel la plante finit.
De tous temps, ces carrières de sel furent exploitées, sans que cette exploitation eut en rien ressemblé à un travail méthodique et suivi ni eut donné lien à un commerce et à des échanges réguliers. Armés de pioche, les gens du voisinage viennent s'y pourvoir pour leurs besoins domestiques ; par intermittences, d'autres font métier d'y charger quelques bêtes pour le ravitaillement des marchés et des agglomérations voisines.
Au temps des Fatimites, on rapporte qu'El-Outaya donna lieu à une exploitation plus suivie et à un trafic plus intense.
Ces rochers se trouvent tous dans l'Extrême-Sud, le climat extrêmement sec et l'absence de pluies autorisant une conservation qui n'eut pas été possible dans un pays pluvieux.
Mais le sel n'apparaît point uniquement sous cette forme de rocs. On. le trouve un peu partout, là où on l'attend le moins. Pour expliquer sa présence hétéroclite, on n'avait trouvé d'autre expédient que de le donner pour éruptif. Au cours des âges, des bouleversements et des cassures l'avaient amené à la surface.
On a trouvé mieux, ces terrains de gypse et de sel, en surface ou dans la profondeur, sont, par leur nature, éminemment sensibles à l'action de l'eau. Ils s'annihilent, se ramollissent, tournent à la boue liquide. Le moment vient où ils ne peuvent plus résister à la pression des marnes qu'ils supportent. L'effondrement se produit. Il en résulte le même rejaillissement que produirait une pierre jetée dans un baquet, un glissement, une fusée. Par toutes les fissures et par toutes les solutions de continuité le sel s'échappe vers la surface.
Sous forme de pluies ou de rivière l'eau intervient encore. Elle dissout le sel, l'entraîne dans sa course. Quand les ardeurs dévorantes du soleil l'ont évaporée, on retrouve en croûte, en filon dans les ruisseaux le sel, en amas dans les creux, en pellicules dans les chotts. La pluie revient-elle le même phénomène s'accomplit, on a de nouveau la rivière salée, la lagune saumâtre.
Des lacs salés parsèment aussi nos hauts plateaux. Tels ceux qu'on rencontre dans la région d'Aïn-M'lila, près de la station justement dénommée les Lacs.
Le chemin de fer et la route passe entre eux, deux miroirs d'étains, deux grandes flaques sans écoulement, immobiles atteignant de 18 à 15 kilomètres de longueur sur une largeur un peu moins grande. Les eaux y son! fortement saumâtres. L'industrie des Européens ne pouvait plus longtemps négliger celte source de richesse. Des salines y furent aménagées, l'exploitation du sel y commença. Elle est. aujourd'hui prospère et prête à un actif mouvement d'échange. Une bonne partie du sel consommé dans le Sud constantinois provient de là. Nos photographies feront juger de l'importance du rendement et permettront d'apprécier les résultats obtenus. Et tout sera dit quand nous aurons révélé que c'est à M. Ferrando, le distingué président de la Chambre de Commerce constantinoise, que nous sommes redevables de cette heureuse initiative.