

UNE VISITE A L' ORPHELINAT PROTESTANT
DE DELY-IBRAHIM
Le bey de Constantine était
à peu près indépendant du dey d'Alger, et ses devoirs
de vassalité se bornaient à un vague concours en temps
de guerre, ainsi qu'au paiement d'un tribut que venait annuellement
livrer une caravane.
Le maghzen avait coutume d'assigner à celle-ci, comme résidence
temporaire, le bordj de Dély-Ibrahim. Les troupes françaises
ont pris possession de cette construction le soir de la bataille qui
s'est livrée à cet endroit au moment de la marche sur
Alger, et l'on y montra longtemps la petite chambre où a couché,
pendant quelques nuits, le jeune lieutenant qui devint par la suite
le maréchal de Mac-Mahon.
Vers 1852 le général Randon, alors gouverneur de l'Algérie,
mit cette vieille bâtisse qui, entre temps, avait servi de caserne
de gendarmerie, à la disposition du Consistoire protestant, pour
y transporter un orphelinat qui, jusqu'ici, avait végété
dans la ville arabe. Le don du gouverneur comprenait aussi un peu de
terrain aux alentours, de manière à permettre aux jeunes
garçons d'apprendre les premiers éléments de l'agriculture.
C'était l'époque où la colonisation était
à ses débuts et où les défrichements n'abattaient
pas seulement des palmiers-nains, mais encore de trop nombreuses existences
humaines.
Aussi le nombre des orphelins devint-il bientôt tel que la place
vint à manquer dans le bordj, et les administrateurs de l'uvre
durent songer à en trouver, ce qui fut fait par la concession
qu'ils obtinrent, un peu plus tard, d'un domaine voisin, comprenant
environ 130 hectares et connu sous le nom de Haouch Mazères.
Il v eut alors une période pendant laquelle on compta jusqu'à
126 enfants dans l'orphelinat. Ce maximum avait été atteint
en 1860.
Fort heureusement, la situation de l'Algérie est allée
en s'améliorant, aussi bien sous le rapport de la santé
publique que sous celui des conditions matérielles de l'existence.
Le nombre des enfants pour lesquels on faisait appel à la charité
de leurs coreligionnaires est allé en diminuant, et depuis quelque
trente ans, l'effectif des orphelins n'a pas dépassé une
moyenne de 50.
Quelles sont les ressources avec lesquelles on les élève
? Ce sont, tout d'abord, le loyer que l'on retire de la location du
Haouch Mazères et de quelques parcelles de terrain ; puis, quelques
subventions officielles, le tout produisant environ 6,500 fr. Le reste
est fourni par des souscriptions dont le montant s'élève,
en année moyenne, à 10.000 fr.
Il existe, en outre, un service spécial, dit fonds d'amortissement,
destiné à éteindre une dette hypothécaire
au moment où l'on a reconstruit l'orphelinat.
Car le bordj du dey Hussein n'est plus qu'un souvenir. Vieux déjà
en 1830, il fut lézardé de haut en bas par le tremblement
de terre de 1862, et sa vétusté s'était accentuée
au point de provoquer, de la part d'un expert délégué
par le Préfet, le conseil comminatoire " d'évacuer
au plus tôt une maison menaçant ruine. "
Le Comité d'Administration dut se décider à faire
campagne pour trouver des fonds. En 10 ans, il est arrivé au
but, et nous avons eu le plaisir de visiter des locaux neufs, bien disposés
en vue de leur destination. Devant la maison est un grand jardin sans
clôture. Les murailles sont couvertes de plantes grimpantes en
fleurs qui donnent à l'ensemble un aspect infiniment gai. Les
orphelins, garçons et filles, nous ont paru aussi heureux que
peuvent l'être des enfants auxquels manque le foyer paternel.
L'instruction leur est donnée à l'école du village,
l'administration de l'établissement avant renoncé depuis
longtemps au système de l'école privée. Les résultats
ont été bons pour tout le monde ; pour les enfants qui
ne peuvent que gagner à ne pas vivre en dehors de tout contact
avec le dehors ; pour l'école dont l'appoint de l'orphelinat
a augmenté l'importance, et, enfin, pour l'uvre, ainsi
déchargée du souci de l'entretien d'un personnel spécial.
Dély-Ibrahim fait certainement uvre utile, en enlevant
à la rue toute une population de petits déshérités
qui, sans lui, tomberaient à la charge de l'Assistance publique.
Nous avons la conviction que l'éducation que reçoivent
ces enfants leur permettra un jour de devenir de bons et utiles citoyens
de la France d'outre-mer,