Constantine
DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE
Cinq pages

DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE

Depuis 1930, époque dont le souvenir demeure parmi les plus beaux dans tous les cœurs et toutes les mémoires, il ne nous avait point été donné d'assister, en Algérie, à d'aussi grandioses manifestations que celles qui viennent de se dérouler à Constantine. C'est pour célébrer le centenaire de l'intégration de Constantine dans la patrie française que tout a été heureusement combiné pour montrer l'œuvre éminemment civilisatrice et pacificatrice accomplie ici, en un siècle, par la France.

Constantine, prestigieuse cité où la nature s'est complu à accumuler les merveilles naturelles ; Constantine, cité riche d'un glorieux passé historique ; Constantine est aujourd'hui bien française et n'aspire qu'à la demeurer. Les nombreuses manifestations qui viennent de se dérouler à l'entour et sur le rocher même où se nicha l'antique Cirta ont été parfaitement significatives en ce sens.

Deux journées ont été particulièrement brillantes quant à la succession et à l'importance de ces manifestations : les treize et quatorze octobre. M. le Gouverneur Général Le Beau, accompagné par toutes les hautes personnalités civiles et militaires de la Colonie s'est, en effet, rendu à Constantine.

Dès l'arrivée, un important cortège se forma qui, escorté par les goums rutilants et maintes fois arrêté sur le parcours par l'exécution de la Marseillaise parcourut les artères principales de la cité. Par l'avenue des États-Unis, le pont d'El-Kantara, la rue Clemenceau, la place de la Brèche, le boulevard Joly-de-Brésillon, le Chef de la Colonie et sa suite se rendirent à l'Hôtel de Ville. Sur tout le parcours une foule dense salua le représentant de la France. Une haie ininterrompue, formée par des détachements de toutes armes, était placée en bordure des artères par lesquelles passait le cortège. Aux fenêtres et aux balcons des immeubles, des drapeaux tricolores flottaient, dans la fraîche brise matinale.

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Afrique du nord illustrée du 20-10-1937 - Transmis par Francis Rambert
sept.2021

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DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE
DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE

DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE
DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE DEPUIS DEPUIS 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE 100 ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE

Depuis 1930, époque dont le souvenir demeure parmi les plus beaux dans tous les cœurs et toutes les mémoires, il ne nous avait point été donné d'assister, en Algérie, à d'aussi grandioses manifestations que celles qui viennent de se dérouler à Constantine. C'est pour célébrer le centenaire de l'intégration de Constantine dans la patrie française que tout a été heureusement combiné pour montrer l'œuvre éminemment civilisatrice et pacificatrice accomplie ici, en un siècle, par la France.

Constantine, prestigieuse cité où la nature s'est complu à accumuler les merveilles naturelles ; Constantine, cité riche d'un glorieux passé historique ; Constantine est aujourd'hui bien française et n'aspire qu'à la demeurer. Les nombreuses manifestations qui viennent de se dérouler à l'entour et sur le rocher même où se nicha l'antique Cirta ont été parfaitement significatives en ce sens.

Deux journées ont été particulièrement brillantes quant à la succession et à l'importance de ces manifestations : les treize et quatorze octobre. M. le Gouverneur Général Le Beau, accompagné par toutes les hautes personnalités civiles et militaires de la Colonie s'est, en effet, rendu à Constantine.
Dès l'arrivée, un important cortège se forma qui, escorté par les goums rutilants et maintes fois arrêté sur le parcours par l'exécution de la Marseillaise parcourut les artères principales de la cité. Par l'avenue des États-Unis, le pont d'El-Kantara, la rue Clemenceau, la place de la Brèche, le boulevard Joly-de-Brésillon, le Chef de la Colonie et sa suite se rendirent à l'Hôtel de Ville. Sur tout le parcours une foule dense salua le représentant de la France. Une haie ininterrompue, formée par des détachements de toutes armes, était placée en bordure des artères par lesquelles passait le cortège. Aux fenêtres et aux balcons des immeubles, des drapeaux tricolores flottaient, dans la fraîche brise matinale.

Après un arrêt à la Mairie et à la Préfecture où eut lieu la présentation du Conseil Municipal et des Corps constitués, le Gouverneur Général se rendit au monument aux Morts. Cet arc triomphal, de par ses proportions et sa situation est, sans conteste, l'un des plus beaux parmi tous ceux qui ont été érigés à la mémoire des héros tombés au champ d'honneur. Construit à la pointe extrême du rocher, dominant le gouffre du Rummel à plus de deux cents mètres, et la ville, dont il est séparé par l'impressionnante tranchée rocheuse, il semble être une porte grande ouverte sur l'infini bleu du ciel, route de l'immortalité. Le génie ailé qui le domine, reproduction d'une statuette antique découverte dans de récentes fouilles, le complète, l'allège et symbolise l'envol des âmes de ceux qui ont sacrifié leur vie à la gloire de la Mère-patrie. On est étreint, face à ce monument, par une émotion profonde et la manifestation qui se déroula à ses pieds est l'une des plus impressionnantes parmi celles qui eurent lieu à l'occasion du centenaire de la Constantine française.

Une foule dense s'était réunie là. Les enfants des écoles, la population de Constantine assistèrent à la cérémonie, participant dans le recueillement, à l'hommage officiel rendu aux combattants de toutes races et de toutes religions tombés sur le sol français pendant les quatre années terribles de la grande guerre. La musique du 7° régiment de Tirailleurs algériens exécuta la Marseillaise et la sonnerie aux Morts. M. Le Beau déposa une magnifique gerbe sur les marches monumentales, puis un chœur entonna l'émouvant poème de Victor Hugo :
" Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie
" Ont droit qu'à leurs cercueils la foule viennent et prie... "
Ces sublimes paroles résonnaient, puissamment évocatrices, sous l'imposante voûte, tandis que, dans le ciel, avec un doux froissement de soie, des pigeons s'envolaient et traçaient, sur le fond uniformément bleu du ciel, des orbes gracieuses.
Le cortège reformé, se dirigea ensuite vers la Préfecture, parcourant, au milieu d'une foule dense, contenue par un excellent service d'ordre, les principales artères de la ville. Il nous est agréable de signaler, à cette occasion, les heureuses modifications récemment apportées par les services municipaux à l'une des principales voies constantinoises : l'avenue Briand. Parfaitement dégagée, très élargie et aménagée pour une circulation à double sens elle est une réalisation excellente et qui donne à la ville un réel cachet d'élégance.

L'après-midi fut consacrée en partie par le Gouverneur Général et sa suite à un meeting d'aviation auquel participèrent les as de l'acrobatie aérienne Detroyat et Cavalli, ainsi que le célèbre parachutiste William's. Les spectateurs assistèrent avec une émotion intense aux véritables tours de force accomplis par les aviateurs, oiseaux humains dont les fantaisies acrobatiques dénotent un sang-froid et une maîtrise inégalables. William's mérita bien les vigoureux applaudissements qu'il recueillit surtout pour sa descente en parachute précédée d'une chute libre de plusieurs secondes, pendant lesquelles chacun fut étreint par une angoisse non dissimulée. Et puis, une exhibition de Lignel fit sensation. Sur son appareil le " Taupin ", il exécuta des exercices vraiment extraordinaires et qui laissèrent confondus d'admiration tous les spectateurs, profanes et spécialistes. Le Taupin est une réalisation unique méritant une mention spéciale et dont l'avenir, est sans contradiction possible, très grand.

La fin de l'après-midi fut consacrée à l'inauguration, en plein centre de la Casbah, du buste du docteur Laveran, bienfaiteur de l'Humanité en ce sens qu'il consacra sa vie à un combat acharné contre une maladie dont les ravages furent désastreux : le paludisme. Le Général Epaulard, directeur du Service de Santé d'Algérie, retraça la magnifique carrière du docteur Laveran. " Cette longue suite de dates, qui marquent toutes un avancement, une affectation correspondent chacune à une image de Laveran penché sur son microscope, sur la courbe d'une fièvre, sur une réaction, ou professant moins du haut de sa chaire du Val-de-Grâce que dans le groupe même de ses élèves auxquels il impose sa loi implacable de travail, ou défendant son œuvre et sa découverte, car les idées personnelles doivent être défendues, même dans la vieillesse, enfin chargée d'honneurs, le travailleur acharné et modeste du petit laboratoire militaire de Constantine où il décela l'ennemi dans le sang d'un soldat du train, venu tremblant de fièvre de la caserne du Bardo à l'hôpital. Pasteur a son enfant atteint de la rage. Laveran a son soldat secoué du paludisme.
M. Vallet, président du Comité d'érection du buste dit, notamment : " Si la France avait besoin de justifier sa présence ici, elle n'aurait qu'un nom à dire : Laveran ".

La nuit était déjà venue lorsque se déroula une émouvante cérémonie, toujours dans la cour de la Casbah, au pied de la stèle du " Monument aux braves ", érigé à cette place. La présentation des anciens étendards par des détachements de troupe en uniformes de la conquête fut, en effet, comme un rappel direct des actes d'héroïsme accomplis il y a cent ans par ceux dont aujourd'hui les noms sont ignorés. Mais si ces noms sont effacés des mémoires, il demeure, dans les cœurs, le souvenir de ces " braves " auxquels nous devons tant pour ne pas dire tout. Qu'ils aient été des chefs ou d'humbles exécutants, ils ont tout sacrifié pour un idéal de gloire et. leur sacrifice n'a pas été vain. Il a permis, en effet, de construire les fondations, sur lesquelles, depuis cent ans se sont harmonieusement dressées ses réalisations dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont humaines. Leur beauté efface les atrocités de la guerre, les traces du sang versé pour ne plus laisser visible qu'une ère de paix, de prospérité à laquelle tous contribuent aujourd'hui.

Le soir, un imposant banquet réunit à la Préfecture, autour du Gouverneur Général, les personnalités algériennes. Lorsque fut achevé l'excellent repas servi par le réputé vatel Carret, des discours furent successivement prononcés par MM. Bouffet, préfet de Constantine ; le docteur Liagre maire de Constantine ; le cheikh El-Arab Bouaziz ben Gana ; Deyron, président du Conseil Général ; Gustave Mercier, délégué financier ; Paul Cuttoli, sénateur de Constantine, et Le Beau, Gouverneur Général. De ces discours; nous extrayons les passages suivants qui concrétisent l'esprit dan lequel se sont déroulées les manifestations du centenaire de la Constantine française. M. R. Bouffet s'exprima en ces termes :
" De même que le Centenaire de l'Algérie a été célébré dans la ferveur d'un idéal commun, il nous paraît qu'il conviendrait de fêter comme un symbole l'union séculaire Constantinoise du génie français et de l'âme musulmane.

C'est, en effet, le bilan d'un siècle d'efforts communs, d'un siècle d'amitié, de fraternité franco-musulmane, éprouvée dans les joies comme dans le malheurs de la Patrie, que contribué avant tout à dresser et à glorifier votre venue dans cette ville qui, depuis 1837, a grandi et prospéré, débordant largement de ses limites traditionnelles et soudant aux restes vénérables du passé des réalisations d'urbanisme, qui font d'elle une grande cité moderne
Au demeurant, ville étonnante, unique par sa configuration comme par son aspect : " espèce de Tolède en quête de son Grecq ", ainsi qu'on l'a finement noté : ville assiégée et conquise dit-on, plus de quatre-vingts fois, tout au long de deux millénaires d'histoire, qui lui confèrent comme une promesse d'éternité ; ville pleine des souvenirs les plus divers et les plus lointains où, parmi tant d'ombres émouvantes, gracieuses ou tourmentées, celle d'une reine de tragédie nous rappelle comment se concilient, pour des âme altières, une tendre passion et le respect à la parole donnée ; carrefour de peuples et de races qui, tous ont compris que ce rocher abrupt est la clé même d'une vaste région et le centre naturel de transactions économique nécessaires ; ville enfin où règnent, depuis que le drapeau de la France flotte sur ses murs, l'ordre et la justice, la sécurité et la liberté. "

Le docteur Liagre dégagea nettement, lui aussi, le sens des manifestations
- En fêtant le Centenaire de l'entrée de Constantine dans la patrie française, dit-il, ce que nous avons voulu, c'est exalter l'épanouissement de l'œuvre entreprise et poursuivie sous le signe de l'idéal qui a guidé sur cette terre les missionnaires de notre civilisation.
Effeuillant les pages de ce passé de bravoure et de courage, je ne veux que le symboliser d'une phrase de magnanimité française que le Président Doumergue prononçait à l'occasion du Centenaire de l'Algérie : " Ici, il n'y a ni vainqueurs, ni vaincus "
Et le cheikh El Arab Bou Aziz Ben Gana affirma, une fois encore son attachement à la France en termes au travers duquel perçait une profond émotion au rappel du souvenir de ses ancêtres qui lui montrèrent l'exempt qu'il suit aujourd'hui :
" Le cheikh El Arab, Bouaziz Bengana, lieutenant et parent du dernier bey de Constantine, ayant compris tous les bienfaits que pourrait répandre l'occupant, s'est fait son collaborateur immédiat pour le plus grand profit des masses qu'il protégeait alors. Une confiance réciproque naquit et demeure à travers tant de générations. Elle m'a été transmise par mon grand-père et mon père dont je suit les traces avec exactitude...
Cette collaboration, je me plais à la continuer pour le bien-être de mes coreligionnaires parce que j'ai leur confiance et celle des Pouvoirs publics." Après M. Mercier, M. Cuttoli, très net dans ses déclarations, s'exprima comme suit :
- Les organisateurs ont voulu, dit-il, placer ces merveilleuses journées sous le signe de l'union, de l'entente de toutes les races.
Je regrette, ajoute avec fermeté le sénateur de Constantine, que ce sentiment n'ait pas été partagé par tous, je regrette que certains, en ce jour de fête et de concorde, se soient écartés de nous.
Ils verront bientôt l'erreur qu'ils commettent. Ils comprendront qu'ils doivent tout à la famille française.
Et M. Paul Cuttoli, dénonçant courageusement les menées qui se développent dans notre Afrique du Nord, ajoute :
- Il faut mettre un terme à cette propagande qui ravage notre pays. Cet état de choses, il faut le déclarer franchement, est dû à une trop grande réserve de l'Autorité, cédant à certaines idéologies. Avec un peu de fermeté on peut ramener à nous ces égarés.
Enfin, M. le Gouverneur Général Le Beau clôtura la série des discours en remerciant les personnalités et les organismes qui, depuis son arrivée en Algérie n'ont cessé de l'aider efficacement dans la lourde tâche qu'il remplit avec une compétence, un courage et un dévouement dignes de tous éloges.
" Les uns et les autres, par leur présence à cette fête, montrent qu'au-dessus des partis, il doit y avoir le sentiment de la nation, qui réunit tous les Français dans un commun dévouement à la République ".
C'est sur ces paroles que se termina le banquet officiel clôturant la première grande journée consacrée à la célébration du Centenaire de Constantine.
Le soir cependant, un feu d'artifice, dont l'originalité et la magnificence méritent tous les éloges, permit à la foule, massée à l'entour, de contempler un spectacle unique.
Il faudrait, pour décrire ces jeux d'ombres et de lumière, la plume du Dante Alighieri et le pinceau des maîtres hollandais. Le gouffre du Rhumel étrangement éclairé par les pièces d'artifice semblait plus profond, plus effrayant et nous devons féliciter les organisateurs qui ont fait preuve d'un réel et sûr sens artistique. La foule, très dense se dispersa ensuite, chacun regagnant sa demeure, commentant le plus favorablement du monde les événements nombreux de cette grande journée.
Le lendemain fut consacré à de nombreuses cérémonies présidées par M. Le Beau. Toutes les personnalités civiles et militaires accompagnant le Gouverneur Général y assistaient également.
Dès huit heures, eut lieu une imposante revue des troupes sur le plateau du Coudiat. Le défilé impeccable des diverses armes avec leur drapeau se poursuivit à un rythme accéléré et le cortège officiel gagna rapidement la tribune érigée sur la place de la Brèche. De là chacun put applaudir le défilé des troupes modernes, infanterie, cavalerie, artillerie, corps motorisés, etc., qui précéda celui des détachements en tenues de la conquête.
Aux accents des marches de l'époque, voici les fusiliers, puis les voltigeurs de 1830. De la même date, l'infanterie légère et les grenadiers soulèvent l'enthousiasme des spectateurs. Puis ce sont les zouaves, les premiers, ceux de 1832 qui suivent leur cantinière, fille de l'authentique cantinière de 1832 bien connue à Philippeville. Voici encore les zouaves de 1841, de 1867, ceux de 1900 et ceux de 1913. Un fanion vert brodé d'une main de fatma défile aussi. Cet emblème était, celui des disciples de Mohamed, ceux sur lesquels on ne tirait qu'en commettant un sacrilège.
La Légion étrangère vient, ensuite : 1831, 1847, 1867, 1913 sont évoqués par les uniformes rutilants. Les Chasseurs d'Orléans de 1845, le Génie, les fusiliers marins, les infirmiers, les ouvriers d'administration, les conducteurs du train de 1830 clôturent le cortège des unités à pied.
Et voici les cavaliers : les gendarmes à favoris et au chapeau légendaire précèdent le drapeau mutilé du 3° que la foule salue avec émotion. Les chasseurs à cheval de 1830, les chasseurs d'Afrique de 1832, de 1847, de 1858 et de 1913 sont suivis par les spahis de 1834, de 1845,, de 1898 et de 1913.
Enfin, les artilleurs s'approchent. De minuscules canons sont tirés par leurs chevaux qui ne prennent aucune peine à ce travail. Et voici, terminant l'impressionnant cortège, une " grosse " pièce d'artillerie, d'une taille supérieure à celle des précédentes mais à peine approchant celle d'un 75 moderne. A la seule vue de ces engins périmés on peut, juger du courage qu'il fallut aux soldats de Damrémont, de Perrégaux et de Valée.
Cette importante manifestation dura plus d'une heure, heure pendant laquelle quiconque a pu se rendre un compte exact des possibilités françaises mises à la disposition de la civilisation, du droit et de la liberté souveraine.
Il ne restait donc plus que quelques instants pour permettre au cortège officiel de se reformer afin de se rendre à Sidi-Mabrouk où plusieurs manifestations symboliques devaient se dérouler. Elles débutèrent par la pose de la première pierre du dispensaire des Enfants de l'Œuvre des Corbeilles Circulantes. Émouvante dans sa simplicité, cette cérémonie se déroula en présence de quelques privilégiés seulement parmi lesquels les dames fondatrices de l'œuvre et les médecins qui se dévouèrent pour elle. M. le Gouverneur Général félicita les dévouées promotrices de ce mouvement et affirma sa volonté de le soutenir par tous les moyens disponibles.
A quelques pas de l'endroit où fut scellée cette première pierre, se dressent les bâtiments de l'Orphelinat indigène. La visite que M. Le Beau y fit permit à chacun de constater avec quel ordre, quelle méthode et quelle charité sont recueillis ici les malheureux enfants indigènes privés de parents. Ils étaient plus de trois cents, vêtus d'un uniforme bleu foncé et coiffés de la chéchia rouge. De tout petits marmots pas plus hauts que cela et d'autres, presque adolescents, défilèrent au pas cadencé, drapeau en tête devant le Gouverneur Général et sa suite. Obéissant comme de vrais soldats aux ordres de leurs chefs de file, il firent " tête droite " et " fixe " aussi bien que leurs aînés qui, quelques heures plus tôt avaient été applaudis au défilé militaire. Mais là, aucune tentation de battre des mains à ce spectacle, car ce fut plutôt un serrement de cœur, une pitié profonde qui envahit les cœurs et les âmes.
Aussitôt après la visite de l'Orphelinat, le cortège se rendit à l'extrémité extérieure des bâtiments où M. Le Beau scella la première pierre d'un groupe scolaire où doivent être reçus non seulement les pensionnaires de l'Orphelinat, mais encore les enfants d'un grand quartier urbain dont on voit déjà de nombreux immeubles se dresser.
Rapidement, les voitures du cortège roulèrent ensuite vers l'autre extrémité de la ville, près du cimetière européen, après avoir , traversé le pont de Sidi Rached et une partie de la ville. Arrivé à destination, M. Le Beau dut encore poser une première pierre. Il s'agissait d'un projet de grande envergure d'Habitat indigène. Plus de neuf cents maisons vont, en effet, être construites à cet emplacement pour y loger les familles indigènes qui sont actuellement confinées dans des logements insuffisants et insalubres. Une première tranche de deux cents maisons va être immédiatement mise en chantier.
Cette matinée fut, comme on peut en juger, fort chargée. Après un repos qui permit aux invités de participer, dans le grand salon du Casino, au banquet offert par les Associations Agricoles, les déplacements du cortège officiel recommencèrent.
Ce fut d'abord pour se rendre au Stade Turpin, où des fêtes hippiques avaient été organisées au bénéfice du Dar El-Askri de Constantine.
Après quoi, M. Le Beau et sa suite se rendirent à l'Hôpital civil où furent visités les travaux d'agrandissement adoptés pour la remise en état du pavillon central du Lazaret et pour la création d'un poste radiologique chirurgical.
Enfin, le cortège gagna la rue Bonard, où le Gouverneur Général scella la première pierre du dock-silo de la Coopération départementale du blé qui se compose de la Coopération et des Sociétés Indigènes de Prévoyance. L'après-midi se termina par la visite des aménagements réalisés à l'occasion du centenaire au centre municipal de Santé, Maison de secours dont l'utilité a été depuis longtemps déjà reconnue.
Et cette deuxième journée se termina par le tirage de la tranche du Centenaire de Constantine de la Loterie Algérienne. M. le Gouverneur Général Le Beau et les personnalités civiles et militaires de son escorte assistèrent aux opérations du tirage en présence d'une foule massée dans l'étroite enceinte de la Foire.
Les manifestations officielles du centenaire de Constantine prenaient ainsi fin dans une atmosphère de joie fortunée.
Le lendemain matin, M. Le Beau regagnait Alger par la voie des airs tandis que sa suite faisait un très agréable et confortable voyage de 6 heures 25 en Micheline de Constantine à Alger où elle arrivait bien avant quinze heures.
Il nous est agréable de féliciter les organisateurs de ces grandioses manifestations qui surent, en des circonstances parfois difficiles, mettre tout en œuvre pour donner entière satisfaction à ceux qui y assistèrent. A M. le Maire de Constantine, M. le Docteur Liagre, à M. le Préfet René Bouffet, nous adressons nos plus sincères remerciements pour l'affabilité avec laquelle ils reçurent les membres de la presse algéroise et tunisienne; à la police et à son aimable Commissaire central M. Miquel, à la direction et au personnel tout entier des Wagons-lits qui suppléèrent avec la plus parfaite correction au manque de logements. A nos confrères de Constantine également nous disons toute notre gratitude pour leur aimable réception.
Pendant les jours qui précédèrent et qui suivirent la visite à Constantine de M. le Gouverneur Général Le Beau, des manifestations nombreuses et variées eurent encore lieu. Toute la population constantinoise ainsi que celle des villes et bourgades avoisinantes y participèrent dans la joie.
La Foire de Constantine fut l'un des principaux attraits. Les visiteurs y parcoururent avec intérêt les divers stands qui, à plusieurs titres, retinrent leur attention. Chaque soir, la jeunesse put s'en donner à cœur joie au vaste parc des attractions placé juste en face du Casino. Toutes les distractions souhaitables avaient été réunies dans ce coin de verdure et la foule s'y pressait chaque jour plus nombreuse.
L'une des manifestations la plus émouvante fut le départ du goum de Khenchela.
Accompagné de MM. Liagre, maire de Constantine, Lauvel, Trousse], secrétaires généraux de la Préfecture, Saincierge, chef de son Cabinet, et du Cheikh el Arab ben Gana, M. René Bouffet, préfet de Constantine fut reçu, au domaine de M. Ameziane, par M. l'Administrateur Laussel et le Goum de Khenchela, dont la participation aux fêtes du Centenaire a soulevé l'enthousiasme de la population de Constantine.
M. le Préfet voulait en effet, avant que les goumiers ne quittent la ville, les féliciter personnellement, et les remercier.
La cérémonie fut brève, simple et touchante. Après avoir passé en revue ces intrépides cavaliers qui recueillirent pendant deux journées des applaudissements si mérités, M. René Bouffet entendit M. l'Agha Benchenouf El Hachemi lui renouveler, au nom des vieilles, familles indigènes, les sentiments de dévouement absolu que celles-ci, depuis cent ans, n'ont cessé de témoigner à la France en même temps que le loyalisme des goumiers, à la tête desquels il a eu le grand honneur de prendre part au cortège de M. le Gouverneur Général et au magnifique défilé des troupes.
M. le Préfet se fit l'interprète de la vive satisfaction éprouvée par le Chef de la Colonie, en même temps qu'il lui exprima ses remerciements personnels.
" Nous connaissons, dit M. René Bouffet, les sentiments que vous venez de rappeler et dont la famille des Benchenouf, comme les vieilles familles indigènes, ont donné tant de preuves. Celle-ci n'en est pas la moins émouvante ni la moins précieuse. Vous pouvez être assuré que je ne l'oublierai pas. "
M. le Préfet remercia ensuite en des termes particulièrement cordiaux, M. Ameziane, " ce bon Français ", d'avoir hébergé les goumiers de Khenchela, et il complimenta M. l'Administrateur Laussel et ses adjoints d'avoir organisé leur venue d'une manière si parfaite.
S'adressant enfin aux goumiers eux-mêmes, M. Bouffet leur dit qu'il se souviendra aussi du geste qu'ils ont accompli, de même qu'on gardera longtemps à Constantine la profonde impression qu'ils y ont faite. " Vous pourrez, ajoute-t-il, en terminant, en apporter le témoignage et l'écho dans les douars que vous allez rejoindre "
Cette allocution prononcée, M. le Préfet donna l'accolade à M. le Bach Agha Benchenouf, ainsi qu'à l'Agha El Hachemi, puis, il se tourna vers le Cheikh El Arab ben Gana, à qui il donna également une cordiale accolade.
M. le Dr Liagre s'associa à ces félicitations que les sympathiques goumiers et leurs chefs ont vraiment bien méritées.
L'Église catholique s'est encore associée aux fêtes du centenaire en célébrant, à la Cathédrale un service religieux, rendant ainsi hommage à nos soldats morts le 13 octobre 1837 sous les murs de Constantine.
Un rallye hippique obtint également un légitime succès ainsi d'ailleurs que toutes les nombreuses manifestations sportives parmi lesquelles les boules et le basket-ball furent à l'honneur.
Enfin, pour mettre un point final à toutes ces manifestations, il fallait bien que la grâce féminine prit part aux festivités. Et cela fut un événement capital puisque les reines de Beauté ont vu élire Miss Europe à Constantine même.
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de toutes les nombreuses attractions que le Comité du Centenaire a réussi à rendre les plus dignes d'intérêt. Après celles officielles et semi-officielles, nombreuses ont encore été celles qui ont permis à toutes les branches de l'activité commerciale de la ville de se développer et de tirer un avantage indéniable.
De tous les points de la Colonie, une grande affluence de visiteurs avait envahi les hôtels et l'office du logement organisé parle Comité eut fort à faire pour satisfaire à toutes les demandes. Les restaurants, aux heures des repas, étaient inabordables et, à part de très rares mauvais plaisants, les hôteliers ont eu la probité de ne point augmenter les prix. Toujours est il qu'un courant appréciable d'affaires s'établit pendant toute la durée des fêtes et cela n'est certes pas pour contrarier les commerçants constantinois. Il n'est pas jusqu'aux indigènes habitant encore sur le terre-plein des " Beni Ramassés ", qui n'aient eu à se féliciter de l'afflux des visiteurs. Nous avons vu, en effet, de nombreux européens faire emplette de tous ces objets fabriqués à cet endroit par des artisans dont l'atelier est en plein vent. Les marchands de tabatières et autres articles en corne, ainsi que les sculpteurs de flûtes en roseaux ne se sont pas plaint des visites qui leur furent faites à cette occasion, chacun des passants voulant emporter un souvenir de ces journées mémorables.
Il n'y eut d'ailleurs pas que des Algériens qui séjournèrent à Constantine pendant les fêtes du Centenaire. De nombreux Tunisiens s'y étaient donné rendez-vous, montrant ainsi quel intérêt nos voisins de l'Est portent à l'Algérie.
En résumé, les fêtes du Centenaire de Constantine française brillèrent d'un éclat tout particulier et nous sommes heureux de féliciter bien sincèrement tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à ce succès.