DEPUIS
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ANS CONSTANTINE EST FRANÇAISE
Depuis 1930, époque dont le souvenir demeure parmi les plus beaux
dans tous les curs et toutes les mémoires, il ne nous avait
point été donné d'assister, en Algérie,
à d'aussi grandioses manifestations que celles qui viennent de
se dérouler à Constantine. C'est pour célébrer
le centenaire de l'intégration de Constantine dans la patrie
française que tout a été heureusement combiné
pour montrer l'uvre éminemment civilisatrice et pacificatrice
accomplie ici, en un siècle, par la France.
Constantine, prestigieuse cité où la nature s'est complu
à accumuler les merveilles naturelles ; Constantine, cité
riche d'un glorieux passé historique ; Constantine est aujourd'hui
bien française et n'aspire qu'à la demeurer. Les nombreuses
manifestations qui viennent de se dérouler à l'entour
et sur le rocher même où se nicha l'antique Cirta ont été
parfaitement significatives en ce sens.
Deux journées ont été particulièrement brillantes
quant à la succession et à l'importance de ces manifestations
: les treize et quatorze octobre. M. le Gouverneur Général
Le Beau, accompagné par toutes les hautes personnalités
civiles et militaires de la Colonie s'est, en effet, rendu à
Constantine.
Dès l'arrivée, un important cortège se forma qui,
escorté par les goums rutilants et maintes fois arrêté
sur le parcours par l'exécution de la Marseillaise parcourut
les artères principales de la cité. Par l'avenue des États-Unis,
le pont d'El-Kantara, la rue Clemenceau, la place de la Brèche,
le boulevard Joly-de-Brésillon, le Chef de la Colonie et sa suite
se rendirent à l'Hôtel de Ville. Sur tout le parcours une
foule dense salua le représentant de la France. Une haie ininterrompue,
formée par des détachements de toutes armes, était
placée en bordure des artères par lesquelles passait le
cortège. Aux fenêtres et aux balcons des immeubles, des
drapeaux tricolores flottaient, dans la fraîche brise matinale.
Après un arrêt à la Mairie et à la Préfecture
où eut lieu la présentation du Conseil Municipal et des
Corps constitués, le Gouverneur Général se rendit
au monument aux Morts. Cet arc triomphal, de par ses proportions et
sa situation est, sans conteste, l'un des plus beaux parmi tous ceux
qui ont été érigés à la mémoire
des héros tombés au champ d'honneur. Construit à
la pointe extrême du rocher, dominant le gouffre du Rummel à
plus de deux cents mètres, et la ville, dont il est séparé
par l'impressionnante tranchée rocheuse, il semble être
une porte grande ouverte sur l'infini bleu du ciel, route de l'immortalité.
Le génie ailé qui le domine, reproduction d'une statuette
antique découverte dans de récentes fouilles, le complète,
l'allège et symbolise l'envol des âmes de ceux qui ont
sacrifié leur vie à la gloire de la Mère-patrie.
On est étreint, face à ce monument, par une émotion
profonde et la manifestation qui se déroula à ses pieds
est l'une des plus impressionnantes parmi celles qui eurent lieu à
l'occasion du centenaire de la Constantine française.
Une foule dense s'était réunie là. Les enfants
des écoles, la population de Constantine assistèrent à
la cérémonie, participant dans le recueillement, à
l'hommage officiel rendu aux combattants de toutes races et de toutes
religions tombés sur le sol français pendant les quatre
années terribles de la grande guerre. La musique du 7° régiment
de Tirailleurs algériens exécuta la Marseillaise et la
sonnerie aux Morts. M. Le Beau déposa une magnifique gerbe sur
les marches monumentales, puis un chur entonna l'émouvant
poème de Victor Hugo :
" Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie
" Ont droit qu'à leurs cercueils la foule viennent et prie...
"
Ces sublimes paroles résonnaient, puissamment évocatrices,
sous l'imposante voûte, tandis que, dans le ciel, avec un doux
froissement de soie, des pigeons s'envolaient et traçaient, sur
le fond uniformément bleu du ciel, des orbes gracieuses.
Le cortège reformé, se dirigea ensuite vers la Préfecture,
parcourant, au milieu d'une foule dense, contenue par un excellent service
d'ordre, les principales artères de la ville. Il nous est agréable
de signaler, à cette occasion, les heureuses modifications récemment
apportées par les services municipaux à l'une des principales
voies constantinoises : l'avenue Briand. Parfaitement dégagée,
très élargie et aménagée pour une circulation
à double sens elle est une réalisation excellente et qui
donne à la ville un réel cachet d'élégance.
L'après-midi fut consacrée en partie par le Gouverneur
Général et sa suite à un meeting d'aviation auquel
participèrent les as de l'acrobatie aérienne Detroyat
et Cavalli, ainsi que le célèbre parachutiste William's.
Les spectateurs assistèrent avec une émotion intense aux
véritables tours de force accomplis par les aviateurs, oiseaux
humains dont les fantaisies acrobatiques dénotent un sang-froid
et une maîtrise inégalables. William's mérita bien
les vigoureux applaudissements qu'il recueillit surtout pour sa descente
en parachute précédée d'une chute libre de plusieurs
secondes, pendant lesquelles chacun fut étreint par une angoisse
non dissimulée. Et puis, une exhibition de Lignel fit sensation.
Sur son appareil le " Taupin ", il exécuta des exercices
vraiment extraordinaires et qui laissèrent confondus d'admiration
tous les spectateurs, profanes et spécialistes. Le Taupin est
une réalisation unique méritant une mention spéciale
et dont l'avenir, est sans contradiction possible, très grand.
La fin de l'après-midi fut consacrée à l'inauguration,
en plein centre de la Casbah, du buste du docteur Laveran, bienfaiteur
de l'Humanité en ce sens qu'il consacra sa vie à un combat
acharné contre une maladie dont les ravages furent désastreux
: le paludisme. Le Général Epaulard, directeur du Service
de Santé d'Algérie, retraça la magnifique carrière
du docteur Laveran. " Cette longue suite de dates, qui marquent
toutes un avancement, une affectation correspondent chacune à
une image de Laveran penché sur son microscope, sur la courbe
d'une fièvre, sur une réaction, ou professant moins du
haut de sa chaire du Val-de-Grâce que dans le groupe même
de ses élèves auxquels il impose sa loi implacable de
travail, ou défendant son uvre et sa découverte,
car les idées personnelles doivent être défendues,
même dans la vieillesse, enfin chargée d'honneurs, le travailleur
acharné et modeste du petit laboratoire militaire de Constantine
où il décela l'ennemi dans le sang d'un soldat du train,
venu tremblant de fièvre de la caserne du Bardo à l'hôpital.
Pasteur a son enfant atteint de la rage. Laveran a son soldat secoué
du paludisme.
M. Vallet, président du Comité d'érection du buste
dit, notamment : " Si la France avait besoin de justifier sa présence
ici, elle n'aurait qu'un nom à dire : Laveran ".
La nuit était déjà venue lorsque se déroula
une émouvante cérémonie, toujours dans la cour
de la Casbah, au pied de la stèle du " Monument aux braves
", érigé à cette place. La présentation
des anciens étendards par des détachements de troupe en
uniformes de la conquête fut, en effet, comme un rappel direct
des actes d'héroïsme accomplis il y a cent ans par ceux
dont aujourd'hui les noms sont ignorés. Mais si ces noms sont
effacés des mémoires, il demeure, dans les curs,
le souvenir de ces " braves " auxquels nous devons tant pour
ne pas dire tout. Qu'ils aient été des chefs ou d'humbles
exécutants, ils ont tout sacrifié pour un idéal
de gloire et. leur sacrifice n'a pas été vain. Il a permis,
en effet, de construire les fondations, sur lesquelles, depuis cent
ans se sont harmonieusement dressées ses réalisations
dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont humaines. Leur beauté
efface les atrocités de la guerre, les traces du sang versé
pour ne plus laisser visible qu'une ère de paix, de prospérité
à laquelle tous contribuent aujourd'hui.
Le soir, un imposant banquet réunit à la Préfecture,
autour du Gouverneur Général, les personnalités
algériennes. Lorsque fut achevé l'excellent repas servi
par le réputé vatel Carret, des discours furent successivement
prononcés par MM. Bouffet, préfet de Constantine ; le
docteur Liagre maire de Constantine ; le cheikh El-Arab Bouaziz ben
Gana ; Deyron, président du Conseil Général ; Gustave
Mercier, délégué financier ; Paul Cuttoli, sénateur
de Constantine, et Le Beau, Gouverneur Général. De ces
discours; nous extrayons les passages suivants qui concrétisent
l'esprit dan lequel se sont déroulées les manifestations
du centenaire de la Constantine française. M. R. Bouffet s'exprima
en ces termes :
" De même que le Centenaire de l'Algérie a été
célébré dans la ferveur d'un idéal commun,
il nous paraît qu'il conviendrait de fêter comme un symbole
l'union séculaire Constantinoise du génie français
et de l'âme musulmane.
C'est, en effet, le bilan d'un siècle d'efforts communs, d'un
siècle d'amitié, de fraternité franco-musulmane,
éprouvée dans les joies comme dans le malheurs de la Patrie,
que contribué avant tout à dresser et à glorifier
votre venue dans cette ville qui, depuis 1837, a grandi et prospéré,
débordant largement de ses limites traditionnelles et soudant
aux restes vénérables du passé des réalisations
d'urbanisme, qui font d'elle une grande cité moderne
Au demeurant, ville étonnante, unique par sa configuration comme
par son aspect : " espèce de Tolède en quête
de son Grecq ", ainsi qu'on l'a finement noté : ville assiégée
et conquise dit-on, plus de quatre-vingts fois, tout au long de deux
millénaires d'histoire, qui lui confèrent comme une promesse
d'éternité ; ville pleine des souvenirs les plus divers
et les plus lointains où, parmi tant d'ombres émouvantes,
gracieuses ou tourmentées, celle d'une reine de tragédie
nous rappelle comment se concilient, pour des âme altières,
une tendre passion et le respect à la parole donnée ;
carrefour de peuples et de races qui, tous ont compris que ce rocher
abrupt est la clé même d'une vaste région et le
centre naturel de transactions économique nécessaires
; ville enfin où règnent, depuis que le drapeau de la
France flotte sur ses murs, l'ordre et la justice, la sécurité
et la liberté. "
Le docteur Liagre dégagea nettement, lui aussi, le sens des manifestations
- En fêtant le Centenaire de l'entrée de Constantine dans
la patrie française, dit-il, ce que nous avons voulu, c'est exalter
l'épanouissement de l'uvre entreprise et poursuivie sous
le signe de l'idéal qui a guidé sur cette terre les missionnaires
de notre civilisation.
Effeuillant les pages de ce passé de bravoure et de courage,
je ne veux que le symboliser d'une phrase de magnanimité française
que le Président Doumergue prononçait à l'occasion
du Centenaire de l'Algérie : " Ici, il n'y a ni vainqueurs,
ni vaincus "
Et le cheikh El Arab Bou Aziz Ben Gana affirma, une fois encore son
attachement à la France en termes au travers duquel perçait
une profond émotion au rappel du souvenir de ses ancêtres
qui lui montrèrent l'exempt qu'il suit aujourd'hui :
" Le cheikh El Arab, Bouaziz Bengana, lieutenant et parent du dernier
bey de Constantine, ayant compris tous les bienfaits que pourrait répandre
l'occupant, s'est fait son collaborateur immédiat pour le plus
grand profit des masses qu'il protégeait alors. Une confiance
réciproque naquit et demeure à travers tant de générations.
Elle m'a été transmise par mon grand-père et mon
père dont je suit les traces avec exactitude...
Cette collaboration, je me plais à la continuer pour le bien-être
de mes coreligionnaires parce que j'ai leur confiance et celle des Pouvoirs
publics." Après M. Mercier, M. Cuttoli, très net
dans ses déclarations, s'exprima comme suit :
- Les organisateurs ont voulu, dit-il, placer ces merveilleuses journées
sous le signe de l'union, de l'entente de toutes les races.
Je regrette, ajoute avec fermeté le sénateur de Constantine,
que ce sentiment n'ait pas été partagé par tous,
je regrette que certains, en ce jour de fête et de concorde, se
soient écartés de nous.
Ils verront bientôt l'erreur qu'ils commettent. Ils comprendront
qu'ils doivent tout à la famille française.
Et M. Paul Cuttoli, dénonçant courageusement les menées
qui se développent dans notre Afrique du Nord, ajoute :
- Il faut mettre un terme à cette propagande qui ravage notre
pays. Cet état de choses, il faut le déclarer franchement,
est dû à une trop grande réserve de l'Autorité,
cédant à certaines idéologies. Avec un peu de fermeté
on peut ramener à nous ces égarés.
Enfin, M. le Gouverneur Général Le Beau clôtura
la série des discours en remerciant les personnalités
et les organismes qui, depuis son arrivée en Algérie n'ont
cessé de l'aider efficacement dans la lourde tâche qu'il
remplit avec une compétence, un courage et un dévouement
dignes de tous éloges.
" Les uns et les autres, par leur présence à cette
fête, montrent qu'au-dessus des partis, il doit y avoir le sentiment
de la nation, qui réunit tous les Français dans un commun
dévouement à la République ".
C'est sur ces paroles que se termina le banquet officiel clôturant
la première grande journée consacrée à la
célébration du Centenaire de Constantine.
Le soir cependant, un feu d'artifice, dont l'originalité et la
magnificence méritent tous les éloges, permit à
la foule, massée à l'entour, de contempler un spectacle
unique.
Il faudrait, pour décrire ces jeux d'ombres et de lumière,
la plume du Dante Alighieri et le pinceau des maîtres hollandais.
Le gouffre du Rhumel étrangement éclairé par les
pièces d'artifice semblait plus profond, plus effrayant et nous
devons féliciter les organisateurs qui ont fait preuve d'un réel
et sûr sens artistique. La foule, très dense se dispersa
ensuite, chacun regagnant sa demeure, commentant le plus favorablement
du monde les événements nombreux de cette grande journée.
Le lendemain fut consacré à de nombreuses cérémonies
présidées par M. Le Beau. Toutes les personnalités
civiles et militaires accompagnant le Gouverneur Général
y assistaient également.
Dès huit heures, eut lieu une imposante revue des troupes sur
le plateau du Coudiat. Le défilé impeccable des diverses
armes avec leur drapeau se poursuivit à un rythme accéléré
et le cortège officiel gagna rapidement la tribune érigée
sur la place de la Brèche. De là chacun put applaudir
le défilé des troupes modernes, infanterie, cavalerie,
artillerie, corps motorisés, etc., qui précéda
celui des détachements en tenues de la conquête.
Aux accents des marches de l'époque, voici les fusiliers, puis
les voltigeurs de 1830. De la même date, l'infanterie légère
et les grenadiers soulèvent l'enthousiasme des spectateurs. Puis
ce sont les zouaves, les premiers, ceux de 1832 qui suivent leur cantinière,
fille de l'authentique cantinière de 1832 bien connue à
Philippeville. Voici encore les zouaves de 1841, de 1867, ceux de 1900
et ceux de 1913. Un fanion vert brodé d'une main de fatma défile
aussi. Cet emblème était, celui des disciples de Mohamed,
ceux sur lesquels on ne tirait qu'en commettant un sacrilège.
La Légion étrangère vient, ensuite : 1831, 1847,
1867, 1913 sont évoqués par les uniformes rutilants. Les
Chasseurs d'Orléans de 1845, le Génie, les fusiliers marins,
les infirmiers, les ouvriers d'administration, les conducteurs du train
de 1830 clôturent le cortège des unités à
pied.
Et voici les cavaliers : les gendarmes à favoris et au chapeau
légendaire précèdent le drapeau mutilé du
3° que la foule salue avec émotion. Les chasseurs à
cheval de 1830, les chasseurs d'Afrique de 1832, de 1847, de 1858 et
de 1913 sont suivis par les spahis de 1834, de 1845,, de 1898 et de
1913.
Enfin, les artilleurs s'approchent. De minuscules canons sont tirés
par leurs chevaux qui ne prennent aucune peine à ce travail.
Et voici, terminant l'impressionnant cortège, une " grosse
" pièce d'artillerie, d'une taille supérieure à
celle des précédentes mais à peine approchant celle
d'un 75 moderne. A la seule vue de ces engins périmés
on peut, juger du courage qu'il fallut aux soldats de Damrémont,
de Perrégaux et de Valée.
Cette importante manifestation dura plus d'une heure, heure pendant
laquelle quiconque a pu se rendre un compte exact des possibilités
françaises mises à la disposition de la civilisation,
du droit et de la liberté souveraine.
Il ne restait donc plus que quelques instants pour permettre au cortège
officiel de se reformer afin de se rendre à Sidi-Mabrouk où
plusieurs manifestations symboliques devaient se dérouler. Elles
débutèrent par la pose de la première pierre du
dispensaire des Enfants de l'uvre des Corbeilles Circulantes.
Émouvante dans sa simplicité, cette cérémonie
se déroula en présence de quelques privilégiés
seulement parmi lesquels les dames fondatrices de l'uvre et les
médecins qui se dévouèrent pour elle. M. le Gouverneur
Général félicita les dévouées promotrices
de ce mouvement et affirma sa volonté de le soutenir par tous
les moyens disponibles.
A quelques pas de l'endroit où fut scellée cette première
pierre, se dressent les bâtiments de l'Orphelinat indigène.
La visite que M. Le Beau y fit permit à chacun de constater avec
quel ordre, quelle méthode et quelle charité sont recueillis
ici les malheureux enfants indigènes privés de parents.
Ils étaient plus de trois cents, vêtus d'un uniforme bleu
foncé et coiffés de la chéchia rouge. De tout petits
marmots pas plus hauts que cela et d'autres, presque adolescents, défilèrent
au pas cadencé, drapeau en tête devant le Gouverneur Général
et sa suite. Obéissant comme de vrais soldats aux ordres de leurs
chefs de file, il firent " tête droite " et " fixe
" aussi bien que leurs aînés qui, quelques heures
plus tôt avaient été applaudis au défilé
militaire. Mais là, aucune tentation de battre des mains à
ce spectacle, car ce fut plutôt un serrement de cur, une
pitié profonde qui envahit les curs et les âmes.
Aussitôt après la visite de l'Orphelinat, le cortège
se rendit à l'extrémité extérieure des bâtiments
où M. Le Beau scella la première pierre d'un groupe scolaire
où doivent être reçus non seulement les pensionnaires
de l'Orphelinat, mais encore les enfants d'un grand quartier urbain
dont on voit déjà de nombreux immeubles se dresser.
Rapidement, les voitures du cortège roulèrent ensuite
vers l'autre extrémité de la ville, près du cimetière
européen, après avoir , traversé le pont de Sidi
Rached et une partie de la ville. Arrivé à destination,
M. Le Beau dut encore poser une première pierre. Il s'agissait
d'un projet de grande envergure d'Habitat indigène. Plus de neuf
cents maisons vont, en effet, être construites à cet emplacement
pour y loger les familles indigènes qui sont actuellement confinées
dans des logements insuffisants et insalubres. Une première tranche
de deux cents maisons va être immédiatement mise en chantier.
Cette matinée fut, comme on peut en juger, fort chargée.
Après un repos qui permit aux invités de participer, dans
le grand salon du Casino, au banquet offert par les Associations Agricoles,
les déplacements du cortège officiel recommencèrent.
Ce fut d'abord pour se rendre au Stade Turpin, où des fêtes
hippiques avaient été organisées au bénéfice
du Dar El-Askri de Constantine.
Après quoi, M. Le Beau et sa suite se rendirent à l'Hôpital
civil où furent visités les travaux d'agrandissement adoptés
pour la remise en état du pavillon central du Lazaret et pour
la création d'un poste radiologique chirurgical.
Enfin, le cortège gagna la rue Bonard, où le Gouverneur
Général scella la première pierre du dock-silo
de la Coopération départementale du blé qui se
compose de la Coopération et des Sociétés Indigènes
de Prévoyance. L'après-midi se termina par la visite des
aménagements réalisés à l'occasion du centenaire
au centre municipal de Santé, Maison de secours dont l'utilité
a été depuis longtemps déjà reconnue.
Et cette deuxième journée se termina par le tirage de
la tranche du Centenaire de Constantine de la Loterie Algérienne.
M. le Gouverneur Général Le Beau et les personnalités
civiles et militaires de son escorte assistèrent aux opérations
du tirage en présence d'une foule massée dans l'étroite
enceinte de la Foire.
Les manifestations officielles du centenaire de Constantine prenaient
ainsi fin dans une atmosphère de joie fortunée.
Le lendemain matin, M. Le Beau regagnait Alger par la voie des airs
tandis que sa suite faisait un très agréable et confortable
voyage de 6 heures 25 en Micheline de Constantine à Alger où
elle arrivait bien avant quinze heures.
Il nous est agréable de féliciter les organisateurs de
ces grandioses manifestations qui surent, en des circonstances parfois
difficiles, mettre tout en uvre pour donner entière satisfaction
à ceux qui y assistèrent. A M. le Maire de Constantine,
M. le Docteur Liagre, à M. le Préfet René Bouffet,
nous adressons nos plus sincères remerciements pour l'affabilité
avec laquelle ils reçurent les membres de la presse algéroise
et tunisienne; à la police et à son aimable Commissaire
central M. Miquel, à la direction et au personnel tout entier
des Wagons-lits qui suppléèrent avec la plus parfaite
correction au manque de logements. A nos confrères de Constantine
également nous disons toute notre gratitude pour leur aimable
réception.
Pendant les jours qui précédèrent et qui suivirent
la visite à Constantine de M. le Gouverneur Général
Le Beau, des manifestations nombreuses et variées eurent encore
lieu. Toute la population constantinoise ainsi que celle des villes
et bourgades avoisinantes y participèrent dans la joie.
La Foire de Constantine fut l'un des principaux attraits. Les visiteurs
y parcoururent avec intérêt les divers stands qui, à
plusieurs titres, retinrent leur attention. Chaque soir, la jeunesse
put s'en donner à cur joie au vaste parc des attractions
placé juste en face du Casino. Toutes les distractions souhaitables
avaient été réunies dans ce coin de verdure et
la foule s'y pressait chaque jour plus nombreuse.
L'une des manifestations la plus émouvante fut le départ
du goum de Khenchela.
Accompagné de MM. Liagre, maire de Constantine, Lauvel, Trousse],
secrétaires généraux de la Préfecture, Saincierge,
chef de son Cabinet, et du Cheikh el Arab ben Gana, M. René Bouffet,
préfet de Constantine fut reçu, au domaine de M. Ameziane,
par M. l'Administrateur Laussel et le Goum de Khenchela, dont la participation
aux fêtes du Centenaire a soulevé l'enthousiasme de la
population de Constantine.
M. le Préfet voulait en effet, avant que les goumiers ne quittent
la ville, les féliciter personnellement, et les remercier.
La cérémonie fut brève, simple et touchante. Après
avoir passé en revue ces intrépides cavaliers qui recueillirent
pendant deux journées des applaudissements si mérités,
M. René Bouffet entendit M. l'Agha Benchenouf El Hachemi lui
renouveler, au nom des vieilles, familles indigènes, les sentiments
de dévouement absolu que celles-ci, depuis cent ans, n'ont cessé
de témoigner à la France en même temps que le loyalisme
des goumiers, à la tête desquels il a eu le grand honneur
de prendre part au cortège de M. le Gouverneur Général
et au magnifique défilé des troupes.
M. le Préfet se fit l'interprète de la vive satisfaction
éprouvée par le Chef de la Colonie, en même temps
qu'il lui exprima ses remerciements personnels.
" Nous connaissons, dit M. René Bouffet, les sentiments
que vous venez de rappeler et dont la famille des Benchenouf, comme
les vieilles familles indigènes, ont donné tant de preuves.
Celle-ci n'en est pas la moins émouvante ni la moins précieuse.
Vous pouvez être assuré que je ne l'oublierai pas. "
M. le Préfet remercia ensuite en des termes particulièrement
cordiaux, M. Ameziane, " ce bon Français ", d'avoir
hébergé les goumiers de Khenchela, et il complimenta M.
l'Administrateur Laussel et ses adjoints d'avoir organisé leur
venue d'une manière si parfaite.
S'adressant enfin aux goumiers eux-mêmes, M. Bouffet leur dit
qu'il se souviendra aussi du geste qu'ils ont accompli, de même
qu'on gardera longtemps à Constantine la profonde impression
qu'ils y ont faite. " Vous pourrez, ajoute-t-il, en terminant,
en apporter le témoignage et l'écho dans les douars que
vous allez rejoindre "
Cette allocution prononcée, M. le Préfet donna l'accolade
à M. le Bach Agha Benchenouf, ainsi qu'à l'Agha El Hachemi,
puis, il se tourna vers le Cheikh El Arab ben Gana, à qui il
donna également une cordiale accolade.
M. le Dr Liagre s'associa à ces félicitations que les
sympathiques goumiers et leurs chefs ont vraiment bien méritées.
L'Église catholique s'est encore associée aux fêtes
du centenaire en célébrant, à la Cathédrale
un service religieux, rendant ainsi hommage à nos soldats morts
le 13 octobre 1837 sous les murs de Constantine.
Un rallye hippique obtint également un légitime succès
ainsi d'ailleurs que toutes les nombreuses manifestations sportives
parmi lesquelles les boules et le basket-ball furent à l'honneur.
Enfin, pour mettre un point final à toutes ces manifestations,
il fallait bien que la grâce féminine prit part aux festivités.
Et cela fut un événement capital puisque les reines de
Beauté ont vu élire Miss Europe à Constantine même.
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de toutes les nombreuses
attractions que le Comité du Centenaire a réussi à
rendre les plus dignes d'intérêt. Après celles officielles
et semi-officielles, nombreuses ont encore été celles
qui ont permis à toutes les branches de l'activité commerciale
de la ville de se développer et de tirer un avantage indéniable.
De tous les points de la Colonie, une grande affluence de visiteurs
avait envahi les hôtels et l'office du logement organisé
parle Comité eut fort à faire pour satisfaire à
toutes les demandes. Les restaurants, aux heures des repas, étaient
inabordables et, à part de très rares mauvais plaisants,
les hôteliers ont eu la probité de ne point augmenter les
prix. Toujours est il qu'un courant appréciable d'affaires s'établit
pendant toute la durée des fêtes et cela n'est certes pas
pour contrarier les commerçants constantinois. Il n'est pas jusqu'aux
indigènes habitant encore sur le terre-plein des " Beni
Ramassés ", qui n'aient eu à se féliciter
de l'afflux des visiteurs. Nous avons vu, en effet, de nombreux européens
faire emplette de tous ces objets fabriqués à cet endroit
par des artisans dont l'atelier est en plein vent. Les marchands de
tabatières et autres articles en corne, ainsi que les sculpteurs
de flûtes en roseaux ne se sont pas plaint des visites qui leur
furent faites à cette occasion, chacun des passants voulant emporter
un souvenir de ces journées mémorables.
Il n'y eut d'ailleurs pas que des Algériens qui séjournèrent
à Constantine pendant les fêtes du Centenaire. De nombreux
Tunisiens s'y étaient donné rendez-vous, montrant ainsi
quel intérêt nos voisins de l'Est portent à l'Algérie.
En résumé, les fêtes du Centenaire de Constantine
française brillèrent d'un éclat tout particulier
et nous sommes heureux de féliciter bien sincèrement tous
ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à ce
succès.