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Texte, illustrations
: Georges Bouchet
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100 Ko |
o OULED-FAYET Historiquement ce
centre de colonisation est un pur produit du plan Guyot de 1842 qui avait
annoncé sa création. Il est effectivement fondé dès
la fin de l'année 1842, comme annexe de la commune de Dély
Ibrahim toute proche. Il est d'ailleurs situé dans le prolongement
de la crête du Grand Vent qui, entre les deux villages, offre une
vue panoramique sur les plaines et les vignobles de Chéragas, de
La Trappe et de Staouéli. En 1848 le guide Quétin dénombrait
40 familles installées sur une éminence, avec belle vue
Il semble que parmi les pionniers du village,
dès les années 1840 , figurait la famille Camus,
originaire de Bordeaux. C'est de cette lignée que descend notre
prix Nobel de littérature de 1957, Albert Camus. Si l'on se souvient que mademoiselle Sintès, maman d'Albert, est née à Birkhadem, on mesure la place du Sahel d'Alger dans la généalogie du futur prix Nobel qui, lui aussi, est né en Algérie, mais fort loin du Sahel, à Mondovi (Dréan), près de Bône, en 1913. Ouled Fayet dut attendre 1888 pour échapper à la tutelle de Dély Ibrahim et devenir, à son tour, une CPE, commune de plein exercice. Je n'ai rien trouvé de datable dans les ouvrages et articles parcourus, sinon la semaine tragique du 22 au 25 avril 1961, dans il sera question dans le supplément en fin de chapitre. Le territoire communal A l'évidence ce territoire est double. Au nord-ouest c'est une plaine, ou un plateau, de 120 à 150 mètres d'altitude ; ailleurs ce sont des alignements de collines séparées par de courts talwegs suffisamment encaissés pour être qualifiés de ravins. Ces collines ne dépassent 250m que dans le coin nord-est qui prolonge la zone du Grand Vent de Dély Ibrahim, où EGA avait installé son éolienne expérimentale. C'est dans cet espace dominant à la fois l'ouest et l'est du Sahel, qu'avaient été établis les émetteurs principaux de Radio-Alger. Dans le paysage agricole, c'est la vigne qui domine presque partout, avec, dans la plaine, le même réseau dense de chemins d'exploitation que dans les communes voisines. La cave mentionnée au sud du village est une grande cave coopérative : sa présence souligne l'existence de nombreux colons modestes qui n'avaient pas les moyens de posséder les équipements nécessaires à la vinification et au stockage du vin. La seule vraie exception à cette quasi monoculture de la vigne est, une fois encore, le coin nord-est du Grand Vent, consacré à des cultures céréalières à cause de ses sols argileux trop lourds. Le village centre Ce souci de défense, habituel à l'époque de la création des villages du Sahel, a laissé comme trace l'emplacement du château d'eau installé dans une ancienne tour de guet consolidée et adaptée. Le relief du site, un dos de colline allongé, a écarté le plan carré et imposé un plan en rectangle très allongé, avec trois longues rues parallèles en pente douce, et presque aucune rue transversale. C'est presque un village-rue ; sans place centrale où placer la mairie, la poste et l'église.
Cette photo de la rue principale est antérieure au bitumage des chaussées. Elle a peut-être été prise bien avant 1900. Il n'y a pas de trottoir: Cela est étonnant car cette exigence de trottoirs aménagés et plantés d'arbres se retrouve dans la plupart des textes accompagnant la création des villages dans le Sahel, et partout ailleurs en Algérie. On souhaitait aussi, en 1842, que les maisons soient jointives, afin de permettre une défense collective plus facile. Toutes ces " anomalies " par rapport aux autres villages du même âge, font d'Ouled Fayet, un village de colonisation un peu atypique : le site n'explique pas tout. La desserte du village
Supplément
sur la tragique illusion des 22-25 avril 1961 En quoi Ouled Fayet
est-il concerné ? En ce qu'il abritait les émetteurs
de Radio Alger alors appelé France V. Ces émetteurs avaient
été saisis à l'aube du samedi 22 avril par la 3è
compagnie du 1er R.E.P. sous la conduite du capitaine Estoup. A cette
occasion se produisit le seul décès du coup de force. Le
sous-officier de garde s'était affolé et avait menacé
de tirer sur les parachutistes qui envahissaient les installations. Un
adjudant des paras l'avait pris de vitesse et l'avait tué. Le sergent
s'appelait Brillant et l'adjudant Glubl. Le même jour les parachutistes d'Hélie de Saint Marc avaient pris le contrôle, à Alger, de la nouvelle Maison de la Radio. C'est un docteur es-sciences et spécialiste de géologie sous-marine, André Rossfelder, qui avait accepté de se charger des émissions. Il fut l'un des rares civils fourvoyés dans cette mésaventure à la demande du Colonel Lacheroy. Je joins ci-dessous un extrait du premier communiqué diffusé à l'antenne avec la phrase de présentation de Rossfelder.
Je ne sais ce qu'est devenu, à Ouled
Fayet, le capitaine Estoup, Le plus probable est que, comme à Alger,
il y a eu un accord entre militaires mutins et gouvernementaux pour une
transmission des pouvoirs et une relève des soldats sans conflit
; et sans avoir informé les civils compromis avec eux. C'est ainsi
que Rossfelder s'est retrouvé piégé dans la Maison
de la radio, abandonnée par les parachutistes, alors que les gendarmes
mobiles et l'équipe de journalistes FLN des émissions en
arabe remontaient l'escalier. C'est miracle qu'il ait pu s'enfuir par
un ascenseur qui l'amena au sous-sol, et ensuite grâce à
la complicité passive du policier kabyle qui l'a laissé
franchir la porte de la cour, bien qu'il l'ait reconnu. André devait
quitter l'Algérie au plus vite. Son beau-père prit le relais
de la Providence en lui prenant une place sur un cargo commandé
par un capitaine sûr qui le fit embarquer et débarquer à
l'insu de l'équipage. A Marseille des amis de la famille, un peu
surpris et un peu inquiets aussi, lui remirent quelques billets et l'adresse
d'un petit hôtel ami à Nice. Le lendemain, aidé par
l'encombrement des frontières à cause du festival de San
Remo, André passa en Italie sans encombre malgré un passeport
mal trafiqué. En poste restante il reçut de l'argent de
son beau-père et le nom d'un contact possible à la F.A.O.
à Rome. Le contact s'avéra fructueux : il fut engagé
comme rédacteur au " Bulletin Bibliographique des Pêches
" publié par la F.A.O. Voilà le proscrit d'hier devenu
fonctionnaire international avec les avantages de ce statut privilégié. Tout ce paragraphe a été nourri par l'autobiographie qu'André Rossfelder a fait paraître chez Gallimard en 2000 sous le titre " Le onzième commandement ". J'espère que le lecteur pas intéressé par cette vieille histoire, m'excusera d'avoir profité de l'émetteur de Radio Alger d'Ouled Fayet, pour rendre cet hommage à l'engagement, aussi courageux qu'inutile, d'un cousin par alliance de mon épouse. Bien sûr il avait été condamné par contumace, d'abord à 20 ans de prison pour son rôle en avril 1961, puis à mort pour sa participation à l'attentat foireux du Mont Faron contre de Gaulle, le 15 août 1964. Il fut amnistié après les troubles de mai-juin 1968, lorsque de Gaulle sentit son pouvoir affaibli. |