sur site le 6-09-2004
-ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE DES DIENER

(ORIGINE, IMMIGRATION, ARRIVÉE ET DÉBUTS EN ALGÉRIE)

1847 - 1920

avec l'autorisation de Pascal Diener

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1999
------------ "Non, décidément, n’allez pas là-bas si vous vous sentez le cœur tiède et si votre âme est une bête pauvre ! Mais, pour ceux qui connaissent les déchirements du oui et du non, de midi et des minuits, de la révolte et de l’amour, pour ceux enfin qui aiment les bûchers devant la mer, il y a là-bas, une flamme qui les attends”.
Albert CAMUS , L'ÉTÉ (NRF 1954, P. 102)

I.-LES ORIGINES

Un peu de géographie

------------ Notre famille est originaire de RHÉNANIE.

------------ Région du Sud-Ouest de l’Allemagne, la Rhénanie, de forme triangulaire est, géographiquement, bien délimitée : c’est toute la partie du territoire allemand situé à l’Ouest du RHIN.

------------ La pointe de l’extrémité Nord, c’est l’entrée du Rhin en Hollande ; le RHIN lui-même constitue toute la frontière Est ; à l’Ouest la frontière est celle de la Hollande, de la Belgique et du Luxembourg ; la France marque la frontière Sud.

------------ Au centre de la Rhénanie, non loin de la ville de TRÈVES (Trier), un plateau volcanique l’EIFFEL, extrêmement accidenté, se situe entre la frontière luxembourgeoise et la route allant de BITTBURG à PRÜM (25 Km environ au N/O de Trèves).

------------ Cette région de l’EIFFEL, aujourd’hui pittoresque, accueillante au touriste, était pauvre, ingrate et isolée au XIXe siècle. Aussi fournira-t-elle un fort pourcentage du contingent d’immigrants en direction des États-Unis d’Amérique et du Brésil.

Agriculture

------------ Dans les régions rhénanes, à l’ouest de la Moselle, en particulier dans le Hohe Venn et dans une partie de l’Eiffel, au début du XIXe siècle, sévit encore la pratique archaïque des pâturages naturels et de la Schiffelwirthschaft.

------------ La terre est soumise à une sorte de défrichement suivi de brûlage, puis ensemencée pendant deux ou trois ans en seigle et en avoine. Ensuite, la terre est abandonnée pendant 15 à 20 ans à l’état de prairie naturelle afin de lui permettre de retrouver sa fertilité. Ce système suranné ne tendra à disparaître qu’après 1895, soit 50 ans après le départ des DIENER de Rhénanie. Alors seulement, l’assolement triennal sera enfin pratiqué : champs en friches ensemencés pendant l’été de la première année avec du trèfle ou des pommes de terre, la seconde année avec du blé d’hiver, la troisième avec du blé d’été. Puis le système sera amélioré avec l‘introduction de plantes sarclées et de prairies artificielles.

------------ À cette époque donc, la propriété rurale était morcelée à l’extrême : la superficie de plus des deux tiers des exploitations était inférieure à 5 hectares . Au décès, le patrimoine du défunt était partagé, sans se soucier de la viabilité de l’exploitation. Cela est dû à la très ancienne pratique du partage en nature entre les héritiers maintenue parmi les populations d‘origine franque, qui puise une force nouvelle dans le Code civil français introduit en Rhénanie dés 1804.

------------ On trouve donc des champs qui n‘ont qu'un huitième, et même un seizième d’arpent (2 ares environ). Cette extrême dispersion des surfaces cultivables, sillonnées d’une multitude de chemins de desserte, multiplie contraintes et difficultés : de voisinage et d’accés, de clôture, de surveillance, de perte de temps.

------------ L’introduction de l’assolement n’y changera rien. Le paysan rhénan est contraint de se conformer d‘une façon servile au genre de culture adopté par le voisin (le “Flurzwang”), ce qui est peu favorable au développement de l’esprit d’initiative en matière agricole. Bien que les paysans rhénans, intelligents et laborieux, aient réalisé des prodiges de production (céréales, pomme de terre, vignes sur les Coteaux les mieux exposés) à force de travail et d’assiduité, ils étaient épuisés et découragés.

------------ Une politique de remembrement volontariste (consolidation, Zusammenlegung, Verkoppelung) est conseillée dés 1837. La société des agriculteurs (Landwirthschaftlicher Verein) de la province proposait :
----------- 1)que les parents, lors de la transmission héréditaire, défendissent aux enfants de morceler davantage ;
------------ 2)que les curés et pasteurs consultés agissent dans le même sens ;
------------ 3)que les liquidateurs de succession s’opposassent au morcellement.

------------ En 1840, le président de la province M. de Carnap, provoqua une grande séance de discussion à laquelle toutes les notabilités de la région furent invitées.

------------ Toutefois, il n’est observé aucun changement notable des mentalités et des pratiques avant 1890, longtemps après l’immigration massive des rhénans.


Coutumes

------------ Chez les Francs, les femmes n‘étaient exclues que de la succession à la “terra salica”. Puis une évolution se manifeste sous l‘influence de l’Église : les femmes purent venir en concours avec leurs frères pour la succession aux immeubles, notamment dans les régions à populations franques (vallée du Rhin, et du Main)

------------ L’usure était très répandue : dans certaines régions du pays de Trèves (Trier) les usuriers ont réduit à la mendicité des villages prospères. Dans le cercle de Bittburg une douzaine de prêteurs de bétail possèdent un millier d’animaux.

Habitat

------------ Dans les pays rhénans, des chaumières. Partout où la vigne est cultivée, les treilles tapissent les murs de la maison exposés au soleil.

------------ La ferme se composait essentiellement d’une vaste cour carrée à laquelle on accédait par un très grand portail, assez haut et large pour laisser passer les chars attelés de deux chevaux de front, chargés de bottes de paille, balles de foin, bûches ou fagots.

------------ Le portail de la ferme franque est,-dit-on,- l’arc de triomphe du paysan franc. Sur chacun des quatre côtés de la cour de ferme étaient disposés quatre corps de bâtiments : la maison d’habitation, les étables et les écuries. Les granges et greniers pour entasser les récoltes, la forge et les remises pour chariots, charrues et matériel de ferme.

------------ Cette disposition des bâtiments en carré autour d’un espace intérieur remontait au “camp franc“ de l’époque des grandes invasions, quand les nomades germaniques faisaient halte et disposaient leurs chariots en quadrilatère afin de protéger l’espace où travaillaient les femmes, où jouaient les enfants.

Un peu d’histoire

Victoires

------------ 1789 : la RÉVOLUTION FRANÇAISE. C’est le repère essentiel pour la bonne compréhension de l’histoire de notre famille à compter du XVIIIe siècle.

------------ Le 20 avril 1792, la guerre est déclarée par la LÉGISLATIVE à l’Empereur d’Autriche, allié du Roi de Prusse.

------------ Les Rhénans, descendants directs des Francs Saliens, mélangés de Romains et de Germains, ont toujours eu leurs regards et leurs affinités tournés vers l’Ouest et le Sud ; l’Allemagne commençait, véritablement, à l’Est du Rhin.

------------ Cela explique, en partie, pourquoi l’Armée de CUSTINE entrant en Rhénanie en 1792 fut bien accueillie par les populations Rhénanes. Custine s’empare, sans coup férir, de Mayence que ne tentèrent de défendre, ni une armée d‘opérette, ni un commandant, Eckmeyer, qui finira sa carrière comme général français.
Selon des textes d’époque, “la Révolution Française entre alors en chantant dans toute la Rhénanie”. Les rhénans plantent aussitôt, de Landau à Cologne, des “arbres de la Liberté”. Ils fondent, à Mayence, un club sur le modèle de celui des Jacobins, alors que les brasseries se transforment en clubs; Français et Allemands s’embrassent comme des frères en proclamant le règne de la liberté et de la fraternité universelle.

------------ Après que Dumouriez ait culbuté les Impériaux à Jemappes, la France Nouvelle borde le Rhin sur toute sa longueur. Les 130 membres de la “Convention Rhéno-germanique” s‘assemblèrent à Mayence, pour déclarer rompus les liens attachant à l’Empire “toute l’étendue du pays de Landau à Bingen“ et, finalement, trancher le 21 par la décision suivante : “Le peuple rhéno-germanique veut l‘incorporation à la République Française et la lui demande“.

------------ Georges Foster à Mayence le 15 novembre 1792 et à Paris, devant la Convention le 30 mars 1793 affirme avec force et conviction : la nature a voulu que le Rhin fût la frontière de la France.

------------ A PARIS, le COMITÉ DE SALUT PUBLIC, rejetant tous les autres projets, décide alors l'annexion pure et simple de la Rhénanie : la frontière naturelle de la France, comme autrefois de la GAULE, c’est de nouveau le RHIN.

------------ Le 4 novembre 1797, RUDLER est chargé d’établir une organisation nouvelle dans les pays conquis. Au tout début de l’AN VI (1798) il divise la région rhénane en quatre départements français :
------------ - au nord Département de la “ROER” (AIX - LA- CHAPELLE)
------------ - au centre Département de “RHIN ET MOSELLE” (COBLENCE)
------------ - au sud-est Département du “MONT TONNERRE” (MAYENCE)
------------ - au sud-ouest Département de la SARRE (TRÈVES)
------------ Auxquels il faut ajouter deux autres départements voisins :
------------ - Département de “L’OURTHE” (Région de LIEGE-MALMEDY)
------------ - Département des “FORETS” (LUXEMBOURG, augmenté d’une partie de l’EIFEL, vers l’Est, région où naîtrons certains des DIENER).

------------ Le 6 Germinal An VI (26 mars 1798) : publication en bloc des lois successives qui, en France, avaient aboli de régime féodal et les privilèges ; établissement du Jury, publication du Code Pénal français définissant les délits et les peine, abolition des corporations, liberté du travail, mariage sécularisé, état civil.

------------ La loi du 19 ventôse an IX, ratifiant le Traité de Luneville (9 février 1801) donne la rive gauche du Rhin à la France et déclare les 4 départements faisant partie intégrante du territoire français.

------------ L’assimilation complète ne fut réalisée que par l’Arrêté Consulaire du 11 messidor an X (30 juin 1802) qui décida qu’à compter du 11 Vendémiaire an XI, toutes les lois françaises devaient être appliquées dans les 4 départements.

------------ Sous l’EMPIRE FRANÇAIS les départements Rhénans faisant partie de la France, Préfets et Secrétaires Généraux furent des Français de l’intérieur, alors que les Sous-préfets et Conseillers de Préfecture des Rhénans.

------------ Le régime français représentait un réel progrès sur celui des petits États Allemands de naguère en raison de l’application des lois républicaines : égalité civile, liberté des propriétés, exonération des dîmes et autres droits féodaux, abolition des corporations, archaïques et oppressives, suppression des péages et douanes intérieurs, liberté des cultes, et surtout, un Code civil, clair et précis mettant fin à la diversité de coutumes devenues obscures. Ensuite, tous les Codes entrent en vigueur au fur et à mesure de leur promulgation en France.

------------ Les biens des anciens souverains et de l’Église sont séquestrés, puis lotis démocratiquement : actuellement encore, l’organisation des vignobles les plus réputés de la région de TRÈVES (TRIER) résulte de cette législation française.

------------ Aussi NAPOLÉON fut-il accueilli triomphalement lors de son voyage en 1804.

------------ Après la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), Napoléon impose à Frédéric- Guillaume l’alliance que le comte d’Haugwitz signait le 15 décembre. La Prusse cédait à la France ce qui lui restait sur le Rhin et acceptait en compensation le Hanovre (appartenant à l’Angleterre).

------------ Cependant, la Prusse humiliée reprend l’initiative des hostilités le 9 septembre 1806. En six jours la puissance militaire de la Prusse est anéantie. L’armée française traverse les défilés de la Franconie, se concentre sur la Saale avec une rapidité foudroyante ; après quelques rencontres sur le cours supérieur de cette rivière, à Schleitz et Saalfeld (9 et 10 octobre 1806) les grandes victoires d’Iéna et Auerstaëdt sont gagnées le même jour par Napoléon et Davout.

------------ En 1807, la Prusse vaincue, démembrée, écrasée sous le poids des contributions de guerre, ne subsistait plus que par la grâce de l’Empereur Napoléon.

------------ Une nouvelle génération de rhénans grandissait qui, dans le nouveau Rhin francisé, se sentait plus à l‘aise que l’ancienne. Les villes s’épanouissaient, fières de leurs grands préfets. La domination française et l‘introduction du Code civil avaient presque détruit les anciennes institutions germaniques.

------------ Les conscrits subissaient la contagion de la gloire, du dévouement à l’Empereur.

------------ De nombreux Rhénans s’engagent dans les armées napoléoniennes. Ce fut le cas de PETER DIENER.

------------ On raconte qu’en 1805, les recruteurs qui parcouraient les villages de Rhénanie n’avaient qu’à exhiber le portrait de l’Empereur, costumé en soldat, pour que tout le monde voulût servir “un roi qui prenait lui-même part aux batailles“. “De Napoléon 1er , vainqueur d Iéna, ils recevront avec fierté la croix au ruban rouge, eux déjà décoré par la Convention du titre de Citoyen Français”.

Revers

------------ Après le désastre de la campagne de Russie, le 1er mai 1813 le Roi de Prusse s‘alliait à la Russie par le traité de Kalish et, en 1814, Frédéric-Guillaume III entrait à Paris.

------------ Il faut ici rappeler le dernier combat après le retour de Russie : la garnison française, -à laquelle appartenaient de nombreux rhénans,- qui occupait la citadelle de Spandau en 1813 s’y défendit avec succès contre le corps prussien qui l’assiégeait. Le bombardement de la citadelle commença le 17 avril après midi ; le feu se déclara sur plusieurs points. Le 18, une explosion formidable ébranla toute la ville ; le drapeau tricolore qui flottait sur la tour de Jules, dont la tradition rapporte que Jules César en fut le constructeur, était en feu : la poudrière avait sauté. La tour (Juluisthurm) fut réduite en cendres. Ce ne fut qu’en 1842 qu'on essaya de relever ce monument historique.

------------ Les Prussiens enferment dans des forteresses, dont celle de Koenigstein, “ceux qui avaient trop sauté pour la Révolution”.

------------ Toutefois, un auteur de l’époque observe “qu’après 1815, certains patriotes parmi les plus ardents de la veille, s’arment de haches pour abattre les arbres de la liberté autour desquels ils avaient dansé”.

------------ En 1815, toutes les possessions françaises à l’ouest du Rhin deviennent la “Prusse Rhénane”. Les départements : Mont Tonnerre (Mayence), Rhin et Moselle (Coblentz), des Forêts, de la Sarre, de la Roer, de l’Ourthe, Sambre et Meuse, Meuse, Bouches du Rhin, Deux Nethes (Anvers ), Escaut, Lys, Dyle “furent contraints de faire partie de l’Ètat Prussien sans qu'on leur demandât leur avis, lorsque les armées françaises en déroute les laissèrent là, abandonnés à la domination des Prussiens”.

------------ Toutefois, le souvenir de l’Empire et de la France reste vivace. Dans de nombreuses familles on se vante encore à cette époque d’avoir eu un grand-père ayant servi Napoléon. Les rhénans portent la médaille de Sainte-Hélène comme une précieuse relique. De petites statuettes de Napoléon, -l’homme en redingote grise et au petit chapeau figurent dans les foyers. Les histoires populaires continuent de vanter le héros d’Austerlitz : c’est lui qui dote les filles pauvres, qui secourt les veuves, qui arrache des prisons les malheureuses victimes de la tyrannie et de l’injustice.

Le Luxembourg.

------------ Lors de l’invasion française, l’ancien Grand Duché de Luxembourg, forma, dans l‘union des Pays-Bas à la République, le “Département des Forêts”. La vie y fut paisible durant les 20 ans que dura le régime français.

------------ L’envahissement par la coalition de 1813 : le blocus conduit par York et ses prussiens, aidé par les Hessois du prince de Solms, obligea les Français à abandonner le Luxembourg ; la garnison évacua la ville le 3 mai.

------------ Après le départ des troupes françaises, le Luxembourg fut administré par un Gouverneur prussien jusqu'en juin 1814 (Traité de Londres créant le Royaume des Pays-Bas au profit de la Maison d’Orange-Nassau). L’ancien département des Forêts fut placé sous le gouvernement du roi Guillaume ; le roi des Pays-Bas portera désormais le titre de Grand Duc de Luxembourg.

------------ Le Grand Duché entrera ensuite dans le système de la Confédération.
------------ Guillaume 1er, Roi de Hollande et Grand Duc du Luxembourg meurt en 1840. Son fils Guillaume 2 lui succède : après promulgation de la Constitution de 1841, le Grand Duché entre dans l’Union douanière allemande (Zollverein). Guillaume III (1849) règne jusqu’en 1890.

SITUATION EN RHÉNANIE APRÈS LA DÉFAITE DE NAPOLÉON

------------ Les Français évacuent la région en 1813 ; les départements français de Rhénanie, privés de leur administration, sont démantelés au profit de la PRUSSE.

------------ En effet, le Traité de VIENNE, du 20 novembre 1815, reconnaît et assure la suprématie de la PRUSSE qui reçoit un immense territoire. Elle annexe les anciens départements rhénans, les villes d’AIX-LA - CHAPELLE, COLOGNE et TRÈVES.

------------ La Rhénanie devient alors la PRUSSE RHÉNANE et le restera jusqu’en 1945.

------------ Toutefois, la Rhénanie fut loin d’être une conquête docile aux Prussiens. Cela explique l’attitude de la PRUSSE : si elle s’empare de l’intégralité de l’administration et de l’économie, elle n’en laisse pas moins aux Rhénans l’usage du Code civil français auquel ils étaient très attachés.

------------ Mais la PRUSSE impose la nationalité prussienne au Rhénans, mesure que ces derniers supportent mal.

------------ Ils s’attribuent eux-mêmes le titre de “MUSSPREUSSEN” (Prussiens forcés) et les plus francophiles se font appeler “FRANCS DE MOSELLE”.

------------ Si la domination politique et économique absolue des prussiens est déjà une source de graves tensions, il faut y ajouter les conflits religieux qui surgissent entre les rhénans, -tous catholiques fervents, - et l’Eglise LUTHÉRIENNE, dont l’expansion est fortement encouragée par la PRUSSE.


------------ Les efforts d‘assimilation de la Rhénanie par la Prusse furent lents et malaisés. Le gouvernement prussien opta pour un régime d’occupation militaire et une colonisation intérieure de l’Allemagne. Les gouvernements qui, de 1820 à 1830, firent la police de l’Allemagne et y étouffèrent la vie publique, aimaient à parler de leur principe chrétien-germanique, à vanter la fidélité et la piété allemandes.

------------ La maxime patriotique inculquée par les prussiens : “ bis dorthin deutsche Zunge, bis dorthin deutschen Land ! “ (1) , heurtait les paysans catholiques pour lesquels “Prussien” est synonyme de bourreau et de persécuteur de la religion.

------------ L’écrivain très allemand, Julius Weber, écrivait en 1830 : “on ne peut en vouloir à ses habitants (de Rhénanie) qu'ils aient préféré rester français ; il est surprenant comme la langue française s’est répandue dans la bourgeoisie”.

------------ Cela dit, la Prusse a toujours considéré la rive gauche du Rhin comme une colonie à exploiter à son profit, depuis les temps lointains du traité de Verdun où le roi de Germanie se faisait adjuger les districts de Mayence, de Worms et de Spire “ à cause de l’abondance de leur vin, propter vini copiam !

------------ Les chanoines de Trèves disaient de ce vin doré : “il y en a trop pour célébrer la messe et pas assez pour faire tourner les moulins : ergo bibamus ! “ Aujourd’hui, ils n‘ont plus guère de vin dans leurs caves et ils sont réduits à une assez maigre pitance.

------------ Les Prussiens, peuple habile, remuant, actif, se faufilant partout où il y a un gain à réaliser, une place à prendre, sont descendus en longues caravanes vers cette nouvelle terre promise : “Ce sont eux qui vendangent sur les Coteaux féconds de Trèves et de Saarburg”.

Was kraucht da in dem Busch herum ?
Ich glaub , est ist Napolium ,
Was hat er rum zu Krauchen dort ?
Drauf Kamraden , jagt ihn fort !
Drauf kamraden , jagt ihn fort !

Napolium , Napolium ,
Mit deiner Sache geth es Krumm !
Mit Gott drauf los , dann ist ‘s vorbel
Mit seiner ganzen Kaiserei . (2 )

------------ Les colons Prussiens envahissent le pays, accaparent des rares terres libres,se taillent des fiefs dans les terres communes.

------------ Les prussiens enseignent que la puissance et la domination du monde appartiennent aux germains ; qu’il faut haïr Rome et la France ; que les Français sont assimilés aux Romains et des Rhénans assimilés aux Français et aux Romains. Culte d’Arminius qui expulsa les Romains du territoire germanique. Gravures représentant la Germanie foulant aux pieds des drapeaux français.

------------ Au cœur de Worms est érigé un monument : le LUTHER’S DENKMAl, monument de Luther. Hermann, debout sur le globe terrestre, foule au pied un casque romain, brandissant dans la main droite une épée et tenant dans la gauche un bouclier avec cette devise : VICI (j’ai vaincu) ; en face de lui Luther montre une Bible avec cette inscription : Vincam (je vaincrai) ; au dessous la légende : Gegen Rom ! (Contre Rome).

------------ Quelques anecdotes authentiques sont révélatrices de l’opposition des rhénans à la domination prussienne.
------------ - La résistance de l’archevêque Mgr Kettler, ancien officier de cavalerie au tempérament batailleur qui n’hésite pas à rappeler son ancien cri de guerre : “Sus à la Prusse“. Un jour, il reçoit une députation de jeunes gens qui lui demandent sa bénédiction. Au moment où il lève le bras, en prononçant les paroles sacramentelles, un grosse voix crie du fond de la salle, sur un ton de commandement militaire parfait : “Cavaliers, sabrez à gauche, sabrez à droite ! Ces Francs et ces Romains ". L’archevèque, sans sourciller, sabra sa bénédiction, comme si son bras eut été un sabre, puis éclata de rire.
------------ - Mérode depuis Düren, colporte de hameaux en fermes les idées séparatistes.
------------ - En 1837, c’est l’arrestation arbitraire de Mgr de Droste-Vischering, Archevêque de Cologne, enlevé par ordre du roi de Prusse et enfermé dans la forteresse de Minden.
------------ - En 1838 une petite brochure “De la fédération belge-rhénane” d’Adolphe Bartels dépeint, en termes enflammés, la situation lamentable de la Rhénanie.
------------ - Une rébellion sanglante se termine par la chasse donnée aux bourgeois de Trèves par soldats et gendarmes prussiens. “ Onze prêtres écroués dans la prison de Trèves. Les femmes accourent armées de bâtons et mettent en fuite, aux applaudissement de la foule, les policiers venus pour enlever le mobilier de l’évêque”. Par suite de cette chasse aux prêtres, des diocèses entiers sont privés de secours spirituels .“Près de la cathédrale de Trèves un sergent de police affirme aux troupes qu’on avait tiré sur elles d‘une maison voisine. Aussitôt le peloton de soldats pénètre dans le logis et massacre, à coup de sabres et de baïonnettes, avec une férocité inouïe, les pauvres gens sans défense et sans armes, assis dans leurs chambres...Lorsque les malheureux innocents passèrent, en un lamentable cortège, devant les cuirassiers, un officier cria “Abattez donc ces chiens de français”.Et la seconde République Française n’avait pas risqué le moindre geste pour appuyer les revendications rhénanes. “

------------ Enfin, d’autres maux accablent la Rhénanie pendant cette période.

------------ Après 1815, la population rurale souffre de l’accroissement démographique et d’une grave crise agraire due, notamment, à l'extrême morcellement des terres.

------------ Les conditions climatiques ajoutent à la dureté des temps : des hivers de plus en plus rigoureux, -tout particulièrement l’hiver 1845-1846, - ainsi que la maladie de la pomme de terre, réduisent les récoltes et rendent de plus en plus aléatoire l’approvisionnement des familles.

Cet ensemble de faits, brièvement résumés, explique pourquoi, par milliers, les Rhénans (paysans, ouvriers et artisans des campagnes) vont décider d’émigrer massivement, par villages entiers. L’immigration est orientée essentiellement vers deux pays : ÉTATS-UNIS, BRÉSIL.

I I.-IMMIGRATION vers l’ALGÈRIE

Départ

------------ Les agents recruteurs (200 à 300) agissant pour le compte de compagnies d’immigration parcourent le pays, pour recruter des immigrants par villages entiers. Pour chaque recrue ils perçoivent une prime de 10 F.

------------ Le transport des immigrants est organisé de la manière suivante. Le coton matière essentiellement encombrante est transportée des États-Unis en Europe par d’immenses clippers américains de 2000 à 2500 tonneaux, obligés le plus souvent de repartir à vide.

------------ Aussi le prix du fret du coton est-il calculé de manière à payer les deux voyages et rendre le retour possible.

------------ Les passagers peuvent donc être embarqués à bas prix puisqu‘il s’agit d‘un bénéfice net.

------------ Les abus sont notoires, l’intérêt des compagnies étant d’entasser les immigrants.

------------ Des journaux spéciaux ont été crées dans l‘intérêt exclusif de l’immigration en Amérique. Des maisons de banque, des notaires du pays, font aux familles, contre commission, l’avance de la valeur de leurs biens meubles et immeubles.
Il faut ici faire observer que la PRUSSE encourage cette émigration des habitants d’une province qu’elle ne parvient pas à assimiler. Les Rhénans sont remplacés par des prussiens véritables, originaires de l’Est de l’Allemagne.

------------ Les DIENER, les ZIMMER, feront partie d’une vague d’immigrants Rhénans à destination des ETATS-UNIS.

Victimes d’escrocs, ils échoueront dans leur tentative d’immigration américaine et se retrouveront en ALGÉRIE avec quelques milliers de leurs compatriotes (3).

Arrivée À ORAN

------------ À leur arrivé dans la province d’ORAN, les nouveaux colons sont “accueillis” au “DÉPÔT DES COLONS D’ORAN”, créé en 1845, dirigé depuis le 5 Juin 1846 par :
------------ - Schrammeck, Jean Ferdinand, Français, né le 8 juillet 1800 à Oer (Meurthe), Agent comptable, salaire :1500 F par an.
------------ - Jaubert Louis 28 ans, né à St Napoule (Aude), surveillant, 720 F par an.
------------ - Fering Pierre, 30 ans, né à Welfrede (Moselle), cuisinier, 360 F par an.

------------ Selon les documents et le plan d’époque étudiés aux ARCHIVES D’OUTRE-MER à AIX-EN-PROVENCE, ce dépôt ressemble à tous les camps de réfugiés que l’on connaît actuellement de part le monde.

------------ Il se présente comme une sorte de quadrilatère formé par quinze baraquements en bois :
- dix sont destinés à contenir 25 colons chacun, les hommes étant séparés des femmes et des enfants,
- trois sont réservés aux instruments aratoires,
- un sert au dépôt des objets personnels des colons,
- un est réservé à la cuisine et à l’approvisionnement.

------------ Au “Dépôt des Colons d’Oran”, la subsistance est assurée par l’administration.

------------ En 1847, les colons, hommes, femmes et enfants de plus de quinze ans doivent recevoir chaque jour une ration complète composée ainsi :“ dés à présent je puis vous faire connaître que les ouvriers colons hommes et femmes et enfants de 15 ans au dessus doivent recevoir chaque jour une ration complète composée comme suit :
-7 hg 1/2 de pain de munition
-2 hg 1/2 de viande
-1/4 l. de vin
-2 dg de riz ou autres légumes
-1/60° Kg de sel
------------ Les enfants au dessous de 15 ans jusque ‘à 5 ans doivent jouir d’une demi ration .
------------ Outre la ration de pain de munition il est nécessaire d ‘ acheter du pain de 2e qualité pour la soupe . “ (4)

------------ Le caractère odieux des instructions administratives reflétées par ce rapport officiel n’échappera à personne. On peut se demander ce qu’il advenait des enfants de moins de cinq ans : administrativement parlant, ils n’avaient pas besoin d’être nourris.

------------ En outre, les colons doivent signer un document dans lequel ils certifient que les vivres qu’ils reçoivent sont de bonne qualité et que la viande était très saine.

------------ -Le comptable faisait donc signer des certificats aux colons :“ Les soussignés certifient que les vivres qu' ‘ils reçoivent du dépôt des colons sont de bonne qualité , que la viande qui a été délivrée le 20 courant était très saine “

------------ Nos Rhénans connaissant mal la langue française, on peut juger de la valeur des attestations qu’ils étaient contraints de signer.

INSTALLATION À MISSERGHIN

------------ Les DIENER, les ZIMMER, avec les KONRAD, ERPELDING, SCHALLER, BERNARD, VILLEMS, et bien d’autres familles rhénanes, furent parmi les tous premiers colons fondateurs du village de MISSERGHIN, premier centre de colonisation, situé à 15 km à l’Ouest d’ORAN (5) .

------------ Il suffit pour en apporter la preuve de dénombrer et d’étudier dossiers individuels et états récapitulatifs des concessions attribuées à partir de 1846 (in Archives d’Outre-Mer, AIX-EN -PROVENCE) et de dépouiller systématiquement les registres de l’Etat-Civil de MISSERGHIN, ouverts à compter de l’année 1848 (6) .

------------ Au tout début les Français de souche sont rares à l’exception, notamment, du Commandant Jules CORDONNIER, promoteur de l’ouverture de ce centre de colonisation ; une tentative de soldats-laboureurs avait échouée, comme toutes les autres, une dizaine d’années plus tôt.

------------ Les Espagnols ne sont représentés que par la famille MONTESINOS.

------------ Les Arabes ne sont pas encore fixés à la terre ; les tribus SMELAS et DOUAIRS nomadisent toujours, à l’exception de SI DAHOU BEN ALI, dont le fils aîné se fit tuer en combattant dans le régiments de spahis de MISSERGHIN, lors d’un accrochage avec les cavaliers de l’Emir ABD-EL-KADER. (7 )

------------ Toutefois, l’immigration Rhénane vers l’Algérie tarie, les premières familles décimée, la situation change : moins de dix ans plus tard la population de MISSERGHIN (1454 habitants) est ainsi composée : 586 Français, 334 Espagnols, 187 Allemands, 23 Italiens, 4 Belges. Les Arabes apparaissent progressivement dans les registres aux environs de 1860, lors de leur sédentarisation.

------------ Ce bref aperçu de l’histoire des Rhénans, colons en ALGÉRIE, accentue le sentiment d’absurdité dont on est saisi en découvrant, dans les documents d’archives, le traitement indigne dont ils furent victimes. Marqués comme “Prussiens” par des ignorants de la géographie et de l’histoire, ils se heurteront en Algérie, durant de nombreuses années, à une bureaucratie mesquine et xénophobe.

------------ A leur arrivée on ne leur attribue que de minuscules concessions de 4 à 5 hectares de terres, pourtant vierges, qui se révéleront rapidement très insuffisantes pour faire subsister des familles aussi nombreuses.

------------ Puis, après qu’ils auront rempli leurs obligations de concessionnaires, - c’est-à-dire défriché les terres attribuées, bâti une maison,- ils multiplierons sans succès les demandes d’extension de leurs concessions d’origine ou d’attribution de concessions nouvelles.

------------ Les premiers états administratifs sur lesquels leurs demandes furent enregistrées à l’époque sont édifiants : pendant de nombreuses années l’administration leur oppose un refus systématique au seul motif qu’ils sont étrangers et allemands.

------------ Exemple type de mention relevée dans ces archives :“Rejet : demande inadmissible, étranger : Prussien”.

------------ Autre signe de discrimination figurant dans les actes de l’Etat-Civil : les actes de naissance des enfants mentionnent en marge, sous l’indication du nom et du prénom, “Étranger”,”parents prussiens”.

------------ Aucune de ces mesures à forte connotation raciste et xénophobe ne fut appliquée aux nouveaux immigrants espagnols qui arrivaient en masse, sans qu’on exigeât d’eux le moindre passeport.

------------ En vérité, tous les petits colons, Français de souche y compris, ont souffert de l'exiguïté des concessions : c’est là une des aberrations de la colonisation française en Algérie.

------------ En effet, les partisans d’une colonisation populaire, fondée sur un accroissement du nombre de colons, qui souhaitaient, notamment à cette époque, détourner vers l’Algérie une partie de l’immigration massive des paysans et artisans allemands vers les ETATS-UNIS, n’ont jamais eu l’oreille du pouvoir politique.

------------ Triomphaient les tenants d’une colonisation capitaliste fondée sur l’attribution d’immenses domaines à des sociétés créées par des hommes d’affaires ou de jeunes aristocrates désirant se tailler de nouveaux fiefs (la colonisation dite “en gants jaunes”). Certains eurent quelques mérites, mais la majorité ne cultivait pas réellement les domaines concédés.

------------ À MISSERGHIN, comme ailleurs en ALGÉRIE, de véritables escrocs et spéculateurs de tout poil ont également entravé la colonisation de peuplement.

------------ C’est ainsi qu’un notaire d’ORAN, LAUJOULET, aidé par son neveu avait acheté, dés 1836, 18 hectares aux héritiers du turc OSMAN BEY, puis, en 1838, 174 hectares (à 2 francs l’hectare) à la veuve du Caïd MURSULI.

------------ Il étend ses propriétés, à tel point qu’en 1850 il possède, seul ou en association, 1378 hectares.

------------ L’administration se heurtera à cet homme d’affaires dès 1846. Certes, on considère officiellement que “l’affaire LAUJOULET” se termine vers 1852. En réalité, son neveu THÉODORE LAUJOULET, -malgré un séjour effectué à la prison d’ORAN-, se maintient sur la quasi totalité des terres accaparées jusqu’en 1858.
Dans le même temps, les premiers véritables colons n’ont reçu qu’un lot à bâtir et un lot de terre de 2 hectares 1/2 à 5 hectares, et tentent de survivre.

------------ Les difficultés que les Rhénans rencontrèrent en ALGÉRIE face à l’Administration Française, -sans parler de toutes les promesses faites et jamais tenues, - ne furent pas sans conséquences.

------------ Cela explique pourquoi la plupart des familles occultèrent leurs origines allemandes. Rares sont celles où se maintint une tradition orale vivante et, par crainte, des documents familiaux d’une valeur historique inestimable furent volontairement détruits (8) .

------------ En sorte que, cent ans plus tard, une sorte de croyance s’était implantée : pour les autres communautés européennes d’Algérie, toutes les familles portant des noms à consonance germanique ne pouvaient descendre que des Alsaciens qui avaient immigré en Algérie pour échapper à la domination allemande après la défaite de 1870.

------------ Il est vrai que les Alsaciens de 1870 eurent tendance à s’allier aux familles Rhénanes dont ils étaient proches par la culture et la langue. Toutefois, les statistiques officielles de l’époque permettent de mieux apprécier l’importance réelle de cette immigration alsacienne.

------------ Après la défaite de 1970 le gouvernement offre gratuitement cent mille hectares (100 000 ha) de terres libres d’Algérie aux alsaciens et lorrains. Mais, en réalité, seule une faible minorité quitte les deux provinces en 1871 : 50 000 personnes au total, dont un faible pourcentage à destination de l’Algérie (9) .

------------ Selon les documents officiels publiés par le Gouvernement Général de l’Algérie, en 1899 seules 906 familles Alsaciennes-Lorraines s’étaient fixées en Algérie, dont 236 pour toute l’Oranie, 107 ayant conservé leurs concessions. Cette communauté, composée de citadins et d’ouvriers des fabriques, venus souvent en célibataires, ignorant tout des travaux de la terre, ne dépassait pas 2000 individus.

------------ De toute façon, on sait de manière certaine que la colonisation par les Alsaciens-lorrains fut un échec (10) .

------------ Les Rhénans sont morts, par milliers, dans les premières années de la colonisation de l’Algérie. Selon un rapport de l’Inspection de la Colonisation, sur l’état sanitaire de MISSERGHIN, en date du 31 décembre 1847 : il y a eu un assez grand nombre de décès l’été dernier, mais il n’y a que les personnes dépourvues de ressources qui ont été atteintes. Les familles Allemandes ont été celles que la mortalité a le plus frappé”.

------------ Hommes, femmes, enfants seront décimés en défrichant marécages et terres incultes recouvertes de palmiers nains et de lentisques, victimes de toutes les fièvres, -choléra, paludisme-, de malnutrition, du manque de soins, sans même avoir un toit pour s’abriter, contrairement aux promesses prodiguées par les Français. Mais, durs au travail, croyant en Dieu, ils luttèrent pour survivre et s’assurer une descendance.

------------ Enfin, est-il besoin de préciser que les familles Rhénanes “Prussiennes” d’ALGÉRIE, furent de tous les combats, dans les rangs des Armées françaises, de 1854 à nos jours ?

------------ On retrouve les plus jeunes dans les régiments de Zouaves ou de Spahis et, après sa création dans la Légion étrangère : Sébastopol 1854-1855, Kabylie 1857, Magenta 1859, Mexique 1863-1864, Guerre Franco-Allemande de 1870.

------------ Dans la période historique plus récente, tous les hommes de notre famille ont servi dans l’Armée Française comme officiers, sous-officiers, soldats et se sont distingués au combat : Guerre de 1914-1918, Guerre de 1939-1945, Indochine, Algérie 1954-1962. En outre, les DIENER peuvent se prévaloir d’avoir combattu exclusivement dans les armées françaises depuis le XVIIIE siècle.


 

III.-Sur les traces de JACOB DIENER

------------ Le berceau de notre famille se situe côté luxembourgeois de la vallée de l’OUR. C’est un pays de monts boisés et de vallées encaissées, sans solution de continuité avec l’EIFEL Allemand.

------------ L’OUR sert, actuellement, de frontière entre le GRAND DUCHÉ du LUXEMBOURG et l’ALLEMAGNE.

------------ A VALLENDORF cette rivière se jette dans la SURE (ou SAUER en allemand), affluent de la MOSELLE.

------------ Au lieu qui nous intéresse, un pont d’une dizaine de mètres enjambe l’OUR ; la rivière sépare le village allemand ÜBEREISENBACH des deux villages luxembourgeois UNTEREISENBACH et OBEREISENBACH, qui dépendent de la commune d’HOSINGEN.

------------ Il convient de préciser qu’UNTEREISENBACH, OBEREISENBACH et ÜBEREISENBACH ne formaient qu’un seul et même village avant 1815. Cette partie fut séparée par le CONGRES de VIENNE.

------------ C’est alors qu'’ ÜBEREISENBACH devient allemand. Il en est de même du village voisin d’AFFLER et, plus à l’Est de NIEDERPIERSCHEID et OBERPIERSCHEID.

------------ Ainsi qu’en témoignent les registres des baptêmes, mariages et sépultures, remontés jusqu’en 1658 (Archives de TRÈVES et Archives de DIEKIRCH), les DIENER et toutes les familles alliées sont de religion catholique.

------------ L’ancêtre commun auquel nous sommes parvenus pour le moment est PIERRE (PETER) DIENER. Le nom est orthographié DOENER dans les actes luxembourgeois. On trouve des deux côtés de la frontière d’autres variantes : DINER, DENER, DUNER.

------------ Selon un spécialiste luxembourgeois, Monsieur Emile ERPELDING, -historien, faisant autorité en matière généalogique au Luxembourg, - de telles variations sont normales à l’époque. Dans sa correspondance, il illustre son propos par d’autres exemples : BRESER, BRIESER, BROESER ; DIRBACH, DERBACH, DOERBARCH ; FLENER, FLOENER etc...

------------ En revanche, DIMMER n’est jamais confondu avec DIENER, sauf en raison d’une erreur orthographique due, très probablement, à la transposition en lettres romanes du nom DIENER, écrit en lettre gothiques.

------------ Ces variations s’expliquent par deux séries de raisons :
- D’une part, en général les intéressés eux-mêmes, paysans et artisans des campagnes, peu lettrés, n’avaient qu’une connaissance approximative de l’orthographe de leur nom. 0n observe cependant, dans le cas particulier des DIENER, que les actes sont signés correctement, - souvent en écriture gothique pour les actes les plus anciens. Seules quelques femmes disent ne pas savoir signer.
- D’autre part, les officiers de l’Etat-Civil, Français à l’époque des départements Rhénans, transcrivaient phonétiquement ce qui leur était déclaré en langue allemande ou luxembourgeoise.

------------ D’ailleurs nous retrouverons le même phénomène dans certains actes de l’Etat-Civil d’ALGÉRIE avec l’orthographe DINER qui correspond exactement à ce qu’entend un Français lorsque DIENER est prononcé en allemand. Par la suite, et pour les même raisons, on trouve parfois l’orthographe Dièner.

------------ Selon Monsieur Emile ERPELDING, historien et généalogiste très connu au Luxembourg, le nom DIENER provient de l'ancien prénom DEGENHART ET DIENHARD qui signifie “ÉPÉE DURE” ou “GUERRIER TÉMÉRAIRE”. En traduction française, DIENER signifie SERVITEUR ; ce nom de famille peut provenir de la profession de MESSAGER de CORPORATION, ou plus vraisemblablement être entendu comme Serviteur d’un Seigneur, Serviteur de Dieu ou de l’Eglise.

------------ Cette indication est corroborée par le fait que les premiers DIENER étaient des guerriers ; à ce titre ils forgeaient eux-mêmes leurs épées. Ensuite ils deviendront forgerons des campagnes.

------------ La tradition du travail du fer se perpétue dans notre famille du XVIIè siècle jusqu’à mon grand-père, François, Jacob, DIENER, dit Joseph, né le 12 août 1878 à LOURMEL (Algérie), Forgeron, maréchal-ferrant à SIDI CHAMI, décédé à ORAN le 29 juin 1948.

Résumé des recherches généalogiques et historiques
------------ PETER DIENER naît en 1758 à ÜNTEREISENBACH . Il épouse, probablement en 1788, MARIA BISSEN. Cette dernière est née en 1766 à AFFLER et fut baptisée le 14 avril 1766 à DALEIDEN.

------------ AFFLER est un village proche d’ÜNTEREISENBACH, situé sur la rive allemande actuelle de l’OUR. Mais, au XVIIIe et XIXe siècles AFFLER et DALEIDEN appartenaient à l’ELECTORAT et ARCHEVECHE de TRÈVES, second Grand Duché d’Allemagne. Sous NAPOLÉON, ces villages sont englobés dans le Département Des Forêts.

------------ A ÜNTEREISENBACH, la maison de nos ancêtres existe encore, tranformée en grange 11 . On l’appelle toujours “AM DÉINECH”, ce qui signifie “CHEZ DIENER” en langue locale : “ÉI” étant prononcé comme le “ a “ de “made” en anglais (12) .

------------ PETER DIENER exerce la profession de forgeron, maréchal-ferrant à UNTEREISENBACH ; cette profession très ancienne dans la famille, est liée au nom lui-même.

------------ En 1792 (il a 34 ans) : il participe à toutes les actions en faveur des réformes introduites par les Français et combat dans les armée napoléoniennes.

------------ Il meurt dans son village en janvier 1842, à l’âge de 84 ans.

------------ De L’union de PETER DIENER et MARIA BISSEN sont issus deux enfants :
- SUZANNA DIENER, née le 17 novembre 1790 à ÜNTEREISENBACH, mariée à HOSINGEN le 9 Février 1815 avec QUIRINUS FRERES.
- NICOLAS DIENER (dont nous descendons), naît le 2 Fructidor AN VIII (20 Août 1800) à ÜNTEREISENBACH, Département des Forêts.

------------ En premières noces NICOLAS DIENER épouse le 27 juillet 1825 à HOSINGEN (Luxembourg) CATHARINA MAINZ, née à NIEDERPIERSCHEID, Département des Forêts, le 20 Fructidor AN IX (8 Juillet 1801) de PETER MAINZ et MARIA EVA BECKENS.

------------ De cette union sont issus PIERRE DIENER (le 17 Août 1826), JACOB DIENER (le 17 Août 1827), EVA DIENER (le 27 Avril 1828), enfants nés et baptisés à NIEDERPIERSCHEID (Prusse Rhénane, Canton de Waxweiler, 40 km environ au N.O. de TRÈVES).

------------ Le parrain de PIERRE sera son grand-père paternel PETER DIENER d’UNTEREISENBACH, la marraine sa grand-mère maternelle, MARIA EVA BECKENS.

------------ Le parrain de JACOB : JACOB MAINZ, d’OBERPIERSCHEID, sa marraine, BARBARA MAINZ, épouse de JOHANN WEYDES, de WAXWEILER.

------------ Les parrain et marraine d’EVA seront GERHARD MEYER et MARIA EVA BECKENS.

------------ CATHARINA MAINZ meurt jeune (elle a 28 ans) à NIEDERPIERSCHEID, le 24 Mai 1830, laissant trois enfants en bas âge.

------------ L’église et le cimetière se trouvent à OBERPIERSCHEID. Nous présumons qu’elle y est enterrée. Une famille MAINZ vit toujours dans ce village. Au cimetière d’OBERPIERSCHEID la pierre tombale du caveau des MAINZ est la plus ancienne.

------------ En seconde noces NICOLAS DIENER épouse une veuve, CAROLINA (ou CHARLOTTE selon les actes) QUEINS, originaire de LÜNEBACH (10 km environ au Nord de Niederpierscheid).

------------ Cette union donne un fils, QUIRINUS (13) DIENER, né et baptisé le 2 Octobre 1832 à NIEDERPIERSCHEID.

------------ Les parrain et marraine de QUIRIN sont : QUIRINUS FRERES d’ÜNTEREISENBACH et ANNA MARIA MEYER de NIEDERPIERSCHEID.

------------ A NIEDERPIESCHEID, NICOLAS DIENER exerce la profession de forgeron, maréchal-ferrant, comme son père. Il est probable qu’il se déplace de ferme en ferme, de village en village pour exercer son métier.

------------ Après le terrible hiver 1845-1846, les DIENER prennent la décision d’immigrer aux ETAT-UNIS.

------------ Ils abandonnent NIERDERPIERSCHEID au début du printemps 1847 et partent en convoi, avec plusieurs centaines de Rhénans, paysans et artisans des campagnes.

------------ La tradition orale, conservée et transmise par les NABHOLTZ, dit qu’ils se rendirent à HAMBOURG. Nous n’avons aucune certitude sur ce point, mais il résulte d’une enquête menée sur place qu’en effet il existait un fort courant migratoire vers les ETATS-UNIS, via HAMBOURG, dans la zone rhénane LUXEMBOURG-ALLEMAGNE, proche d’HOSINGEN (14) .

------------ Une certitude, les DIENER figurent parmi les victimes d’un escroc, agent recruteur d’une Compagnie Maritime Française qui sillonnait la Rhénanie. Ils sont abandonnés dans le port de DUNKERQUE. Toutefois, ils ne séjournent que peu de temps dans ce port. Les autorités Françaises, instruites par un précédent (15) , les dirigent vers LE HAVRE où ils sont embarqués sur un navire à destination de l’ALGÈRIE (16) .

------------ C’est ainsi que NICOLAS DIENER, forgeron et maréchal-ferrant de Rhénanie, âgé de 47 ans, est débarqué en ALGÉRIE au début de l’été 1847, avec toute sa famille : sa seconde femme CAROLINA QUEINS et ses quatre enfants, PIERRE (21 ans), JACOB (20 ans), ÈVE (18 ANS), QUIRIN (15 ans).

------------ A l’arrivée leurs ressources pécuniaires s’élèvent à 1400 francs, ce qui représente une somme importante pour l’époque.

------------ Les DIENER entrent au “DÉPÔT DES COLONS D’ORAN” le 21 Août 1847 et en sortent le 26 Août.

------------ Ils sont alors dirigés vers MISSERGHIN, premier village de colonisation en voie de création à l’Ouest d’ORAN.

------------ Le 28 Août 1847, l’administration coloniale attribue à NICOLAS DIENER une concession ainsi composée :

1° - Lot à bâtir n° 132 : 00 hectares . 03 ares. 90 centiares.
2° - Lot de jardin n° 049 : 00 hectares . 09 ares. 00 centiares.
3° - Lot de culture n° 196 : 04 hectares . 99 ares . 84 centiares.
Soit au total : 5 hectares, 32 ares, 74 centiares, avec pour obligation (et nécessité) de défricher cette surface et de construire une maison pour s’abriter.

------------ CAROLINA QUEINS meurt dés leur arrivée à MISSERGHIN, probablement avant la fin de l’été 1847.

------------ NICOLAS DIENER meurt à l’hôpital d’ORAN le 24 Janvier 1849, à l’âge de 49 ans, victime de la grande épidémie de choléra qui emporte le Maréchal BUGEAUD et des milliers d’Oranais.

------------ Après la mort de leur père NICOLAS, en 1849, JACOB, ÈVE et QUIRIN cèdent leurs droits successifs à PIERRE, leur frère aîné. Celui-ci s’engage à verser à chacun d’eux la somme de 80 francs. L’acte, daté de 1852, est authentifié par un huissier d’ORAN en 1853 ; cet huissier perçoit 20 francs d’honoraires ! (17)

------------ * PIERRE DIENER reprend la concession de NICOLAS son père et devient cultivateur à MISSERGHIN.

------------ Il épouse ANNA MARIA HEINZ, née à SINZ 18 en 1814. Le mariage est célébré à MISSERGHIN le 25 Août 1851.

------------ PIERRE meurt à ORAN le 19 Novembre 1865 ; ANNA MARIA meurt à MISSERGHIN en 1894, à l’âge de 80 ans.

------------ Sept enfants sont issus de cette union : enfant mort-né 1852 ; JOSEPH 1854-1854 ; EVA 1855- ; MARIE 1857-1859 ; JACOB 1860-1915 ; MARIE 1863-1863 ; ANNA 1854-1855.

------------ Deux de ces enfants ont survécu, EVA et JACOB :

------------ EVA se marie deux fois, en 1874 et 1904, avec deux frères AGULHON ; elle eut 11 enfants, dont deux seulement assurèrent une descendance.

------------ JACOB, épouse MARIE EICHINGER . Ils eurent 3 enfants, CESARINE, LOUIS, et EUGENIE-MARIE. Seule cette dernière ayant survécu a pu assurer une descendance issue de son mariage avec JEAN-MARIE CAPBLANC.

------------ * ÈVE DIENER épouse CHARLES CONRAD (Karl Konrad) à MISSERGHIN le 28 Septembre 1848. Son mari est né à MAUER (village situé prés d’HEIDELBERG, à l’époque dans le Grand Duché de BADE), le 3 juin 1813, de ADAM KONRAD et SUZANNA SWEZICH.

------------ Ils eurent six enfants, tous nés à MISSERGHIN : JOSEPH, FRANCOIS, BARTHELEMY 1849-1911 ; MAGDELAINE 1851 ; ELISABETH, JOSEPHINE 1854 ; ANNA MARIA 1857-1946 ; CATHERINE 1859-1860 ; HELENA 1861-1863 ; enfant mort-né le 19 Septembre 1963.

------------ ÈVE DIENER meurt des suites de couches le 22 octobre 1863 à MISSERGHIN, à l’âge de 35 ans. Sa tombe existe toujours au Cimetière de MISSERGHIN (19) où elle est enterrée sous son nom avec les WILLEMS.

------------ CHARLES CONRAD ne se remarie pas. Il meurt à MISSERGHIN le 4 mai 1900 à l’âge de 87 ans.

------------ Quatre de leurs enfants survivront :
- FRANCOIS CONRAD
- MAGDELAINE, épouse NICOLAS WILLEMS en 1874 . Ils eurent 5 enfants, mais seule EUGENIE MARIE WILLEMS aura une descendance issue de son mariage avec JULES, LÉONCE, CORDONNIER.
- ELISABETH, épouse PIERRE SCHALLER en 1874. Ils auront 9 enfants, dont un seul, PIERRE aura une descendance issue de son mariage avec ISABELLE MONTESINOS.
- ANNA MARIA, épouse LOUIS MALESE en 1881. Ils auront 5 enfants, dont trois assurent une descendance.

------------ * QUIRIN DIENER, le plus jeune, est celui des DIENER, arrivés en 1847, sur lequel nous avons le moins d’informations.

------------ On le voit intervenir dans l’acte de vente de ses droits successifs à son frère PIERRE en 1853. Puis, il figure dans l’acte de baptême de QUIRIN, JACOB, DIENER, fils de son frère JACOB et de MARIE ZIMMER. C’est en 1866, âgé de 34 ans ; il est le parrain de l’enfant (20) .

------------ * JACOB DIENER (dont nous descendons directement), épouse le 7 Février 1855 à MISSERGHIN, MARIE ZIMMER, née à FREUDENBOURG, canton de Saarburg, Prusse Rhénane.

------------ Ils auront 13 enfants :
-Cinq naissent à MISSERGHIN :
JEAN 1855-1855 ; MARIE-BERTHE 1857-1858 ; PHILIPPE-JACOB 1859-1859 ; ELIZA 1860-1897 ; PIERRE 1862-1863.
- Huit naissent à LOURMEL :JEAN 1864-1902 ; QUIRIN-JACOB 1866-1868 ; ANNE MARIE 1869-1901 ; EVA 1872-1873 ; NICOLAS 1875-1876 ; FRANCOIS JACOB, dit JOSEPH, 1878-1948 ; ANGÉLIQUE 1881-1881.

------------ Quatre de ces treize enfants ont survécu, assurant une descendance. Toutefois, trois d’entre eux meurent du vivant de leurs parents.

------------ Seul FRANCOIS, JACOB, dit JOSEPH vivra jusqu’à l’âge de 70 ans ( + 1948).

------------ En 1847, JACOB DIENER travaille à la journée 21 pour 4 F 81 c.

------------ En 1857, JACOB DIENER, selon un document officiel de l’époque, est titulaire d’une concession de 5 hectares à MISSERGHIN, “dont un hectare entièrement défriché ; il ne possède ni maison, ni bestiaux” . A titre de locataire il cultive les jardins d’une petite concession voisine. Il est apprécié comme étant “un homme laborieux et rangé”.

------------ En 1855 et 1857, il tente, sans succès, d’obtenir une concession sur le nouveau territoire ouvert à la colonisation à RIO SALADO. Il formule sa demande en même temps que celles de son frère PIERRE, de son beau-frère CHARLES CONRAD et d’un ami commun CONRAD ERPELDING.

------------ On trouve la trace de sa première demande de concession à LOURMEL, dans un acte daté du 3 Décembre 1856.

------------ Le décret créant le centre de colonisation de BOURECHACH ou BOUR’CHACH ou EL AMRIA, qui deviendra LOURMEL, date du 15 Janvier 1856.

------------ Toutefois, dans une lettre datée du 19 février 1859, JACOB demande également l’attribution du lot à bâtir n° 121 à MISSERGHIN.

------------ En lieu et place de ce lot déclaré indisponible, il obtient les lots à bâtir 100 et 103 au VIEUX VILLAGE de MISSERGHIN. Il semble qu’en fait JACOB avait déjà construit sa maison sur ces deux lots sans attendre une hypothétique réponse de l’administration. Celle-ci, mise devant le fait accompli, se contente de régulariser la situation.

------------ Quoi qu’il en soit, JACOB DIENER obtient une concession sur le territoire de la commune de LOURMEL et s’y installe avec sa famille en 1860-1861.

------------ Un état des concessions de la commune de LOURMEL daté de 1880 révèle que la famille de JACOB DIENER est composée de six personnes, JACOB, sa femme MARIE ZIMMER, leurs enfants, ELIZA, JEAN, MARIE, et FRANCOIS-JACOB, dit JOSEPH. A cette date, JACOB est propriétaire de 51 hectares entièrement défrichés.

------------ Il cultivait essentiellement du blé. Mais, sur les coteaux, avait développé un petit vignoble, renouant ainsi avec les traditions rhénanes (22) .

------------ Jusqu’à sa mort en 1902, JACOB DIENER, petit propriétaire, fut un notable respecté dans la Commune de LOURMEL. Croyant en Dieu et catholique pratiquant, il est nommé au “CONSEIL DE FABRIQUE” de la Paroisse dés sa création en 1865 (23). Toujours réélu, il y assurera, notamment, les fonctions de trésorier. Membre écouté de ce Conseil, qui délibérait sur les intérêts de la Paroisse, c’est à son influence que l’on doit le choix de SAINT NICOLAS, comme patron protecteur de LOURMEL (24) .

------------ Après la mort de JACOB, MARIE maintient la propriété d’une main de fer. Elle refuse de s’engager comme caution de son dernier fils, qu’elle considère comme “mal marié” 25 , pour l’achat d’une exploitation agricole (26) .

------------ Les DIENER perdent leur propriété (80 ha) pendant la guerre de 1914-1918, alors que le dernier homme de la famille est sur le front . Il ne seront jamais plus propriétaire en ALGÉRIE (27) .

II.-Sur les traces de MARIE ZIMMER

------------ Les ZIMMER sont originaires de FREUDENBURG, canton de SAARBURG, Prusse Rhénane, au Sud et à proximité de la ville de TRÈVES, non loin de la frontière du LUXEMBOURG actuel.

------------ Les ZIMMER, ainsi que toutes les familles alliées, sont de religion catholiques, ainsi qu’en témoignent les actes de baptêmes, mariages, et sépultures remontés jusqu’en 1760.

------------ Pour les mêmes raisons que les DIENER, ils prennent la décision d’émigrer aux ETATS-UNIS en 1846-1847. La famille ZIMMER fait partie d’un groupe d’immigrants à destination des ETATS-UNIS qui, après la vente de leurs quelques biens, se rendent à ANVERS au printemps 1847 pour embarquer.

------------ A leur arrivée dans le port d’ANVERS, déconvenue, leurs espoirs s’effondrent. En effet, le capitaine du navire, avec lequel ils avaient conclu un accord, prétend que, la législation des ETATS-UNIS ayant été modifiée, les immigrants ne disposent plus des ressources suffisantes pour être admis dans ce pays. En compensation, il leur propose de les conduire jusqu’à ALGER, pour le prix convenu à l’origine.

------------ Les immigrants se rendent alors en délégation au Consulat de France à ANVERS et rencontrent le Consul Monsieur BUCHET-MARTIGNY. Celui-ci les accueille avec compréhension et bonté. Il les soutiendra sans faiblir, malgré les ordres de son gouvernement.

------------ Le Consul BUCHET-MARTIGNY demande des instructions urgentes à PARIS dans deux lettres adressées aux Ministères compétents, le Ministère de la Guerre, le Ministère des Affaires Étrangères. Il y développe longuement les arguments en faveur de la demande d’immigration vers l’ALGÈRIE, formulée par les familles Rhénanes. Il fait valoir, notamment, que la Colonie a le plus grand besoin de colons courageux habitués au travail de la terre, ce qui est le cas des Allemands bloqués dans le port d’ANVERS.

------------ Toutefois, les familles Rhénanes, avec leurs faibles ressources financières et leurs nombreux enfants en bas âge ne pouvaient attendre longtemps un éventuel avis favorable des autorités Françaises. En outre, ils se heurtaient à l’ultimatum très clair du capitaine du navire qui leur donnait un délai de huit jours pour choisir, soit de rester à ANVERS, soit de se rendre à ALGER.

------------ En conséquence, les immigrants prennent la décision du départ. Le 18 mai 1847 ils font voile, à leurs frais, vers ALGER, à bord du brick Autrichien “LE VITTORIOSO”, bâtiment commandé par le Capitaine TRIPCOVITCH.

------------ Le Consul BUCHET-MARTIGNY est réprimandé par PARIS. Malgré tout, dans une longue lettre en réponse adressée à son Ministre, il justifie et confirme le soutien qu’il a apporté aux immigrants Rhénans (28) .

------------ Le “VITTORIOSO” est à quai à ALGER dans le courant du mois de Juin 1847 avec ses 119 passagers.

------------ Une lettre officielle du 22 Juin 1847 signale l’embarquement le jour même pour ORAN de “60 individus (hommes, femmes et enfants) composant dix des familles “Prussiennes” arrivées à ALGER à bord du VITTORIOSO et demande qu’ils soient accueillis au “DÉPÔT DES COLONS D’ORAN”. Il s’agit des familles : BERNARD, GAUSEMER, WEIZE, LUDWICH, ZIMMER, FRANTZ, LONGSDORFF, SCHALLER, SCHWORMS ; soit au total, 22 adultes, 39 enfants, dont 20 filles, le plus âgé des enfants a 12 ans. Les ressources pécuniaires de l’ensemble de ces familles s’élèvent à 2290 Francs.

------------ La famille ZIMMER (29) est ainsi composée :

------------ ° JEAN (JOHANN) ZIMMER, fils de LAURENTIUS ZIMMER et MARIA BEVEN, né le 17 Novembre 1804 à FREUDENBURG.

------------ ° ° ANNA FAHA, sa femme, fille de JOHANN FAHA et ANNA NEISIUS, née le 27 Novembre 1810 à FREUDENBURG.

------------ ° ° Leurs cinq enfants, tous nés et baptisés à FREUDENBURG : JEAN ZIMMER (12 ans, né en Juin 1835) ; MARIA ZIMMER (10 ans, née en Janvier 1841) ; ELIZABETH ZIMMER (8 ans, née en Juillet 1839) ; ANNA ZIMMER (6 ans, née en Février 1841) ; LAURENT ZIMMER (2 ans, né en Mai 1845).

------------ JEAN ZIMMER est maçon.

------------ Les ZIMMER sont très pauvres : leurs ressources pécuniaires à l’arrivée en ALGÉRIE s’élèvent à 50 Francs.

------------ Le 3 Juillet 1847, six des dix familles Rhénanes arrivée en ALGÉRIE par le VITTORIOSSO, quittent le “DÉPÔT DES COLONS D’ORAN” à destination de MISSERGHIN. Quatre familles, dont les ZIMMER, y sont maintenues car elles sont sans ressources.

------------ Toutefois, la situation se dénoue rapidement grâce à la solidarité des autres immigrants Rhénans et les ZIMMER entrent en possession de leur concession à MISSERGHIN le 6 Juillet 1847.

------------ Ils ont obtenu :

n° 3 Lot à bâtir : 00 hectare. 04 ares. 95 centiares.
n° 11 Lot de jardin : 00 hectare. 09 ares. 00 centiare.
n° 16 Lot de culture : 04 hectares. 57 ares. 32 centiares.
Le titre de concession provisoire transmissible est daté du 16 Juin 1848.

------------ Un document d’époque révèle que le lot est entièrement défriché en 1855.

------------ JEAN ZIMMER meurt à ORAN dès le 18 Décembre 1848. Les deux enfants les plus jeunes, ANNA et LAURENT, meurent également dès l’arrivée en ALGÉRIE.

------------ ANNA FAHA-ZIMMER se remarie à MISSERGHIN le 24 janvier 1850 avec PHILIPPE WAGNER, lui-même veuf avec plusieurs enfants. Ils auront un fils HENRI WAGNER, né en 1851.

------------ ANNA FAHA se battra de longues années contre l’administration Française pour conserver la concession qui avait été attribuée à son mari JEAN ZIMMER. Elle finira par obtenir gain de cause.

------------ Seulement, trois des cinq enfants ZIMMER débarqués du brick LE VITTORIOSO en 1847 survivront, JEAN, MARIE, ELIZABETH.

------------ - JEAN épouse ANNA GIWER à MISSERGHIN le 6 Juin 1861 ; ils s’installeront ultérieurement à AIN-TEMOUCHENT.

------------ - ELIZABETH épouse JEAN BECKER à MISSERGHIN le 26 Avril 1860.

------------ - MARIE épouse JACOB DIENER à MISSERGHIN le 7 février 1855. Elle l’avait rencontré alors qu’il travaillait sur la concession voisine de celle de son père.
(+ 02 03 1916, 0RAN)

------------ * Pour la petite histoire, reliée aux injustices de la grande : mon arrière grand-mère MARIE ZIMMER, meurt dans un asile de vieillards à ORAN le 2 Mars 1916, et son corps jeté à la fosse commune, alors que son fils, FRANCOIS, JACOB, dit JOSEPH, mon grand-père (sans une goutte de sang français), est grièvement blessé sur le front des Dardanelles, face aux armées allemandes. La propriété de LOURMEL quitte le patrimoine familial, au bénéfice de nouveaux arrivants fortunés.

ANNEXE

EXTRAITS DE L’ARBRE GÉNÉALOGIQUE
..........

1 DIENER, Pascal, Célestin, François
professeur des Facultés de droit
° 13. 11. 1934, BLIDA - AL.
x 12. 10. 1953 SAINT-EUGENE -AL.
x 07. 12. 1991 GOSIER - Guadeloupe.
..........
2 DIENER, François, Célestin
pâtissier
° 30 . 10. 1910 SIDI CHAMI -AL.
+ 01 . 12 . 1987 LOURDES -FR.
x 15 . 06 . 1931 BLIDA -AL.
3 ALCARAS, Christiane, Micaella
° 31 . 05 . 1914 ALGER -AL.
..........

4 DIENER, François, Jacob, dit Joseph
Forgeron, maréchal-ferrant
° 12 . 08 . 1878 LOURMEL -AL.
+ 29 . 06 . 1948 ORAN -AL.
x 24 . 12 . 1906 LOURMEL -AL.

5 MUNOS, Maria-Rosa
° 31. 01. 1888, LAMORICIERE -AL.
+ 24. 01. 1957, BIEF -F.
..........
6 ALCARAS, Pascual
patissier
° 21. 04. 1878, SIDI-BEL-ABBES - AL.
+ 27. 03. 1947, BLIDA, -AL.
x 24. 06. 1903, SIDI-BEL-ABBES, -AL.

7 AYELA, Cristina
Couturière
° 13. 07. 1882, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x 24. 09. 1917, BLIDA, -AL.
..........
8 DIENER, Jacob
Colon
° 12. 08. 1827, NIEDERPIERSCHEID (PrusseRhénane) arrivé en Algérie 1847, MISSERGHIN)
+ 11. 11. 1902, LOURMEL, -AL.
x 07. 02. 1855, MISSERGHIN, -AL.

9 ZIMMER, Marie
° 09. 01. 1837, FREUDENBURG (Prusse Rhénane)
(arrivée en Algérie, 1847, MISSERGHIN)
+ 02. 03. 1916, ORAN, -AL.
.........._
10 MUNOS, Agustin
Cultivateur
° ca 1849 ; + ca 1920 ; x ca 1887

11 MUNOS, Maria
° ca 1850 ; + ca 1920 /
..........
12 ALCARAZ, Antonio
Maçon
° 15. 06. 1837, ASPE, -E.
(arrivé en Algérie, S.B.A., 1850)
+ 19. 04. 1906, SIDI-BEL ABBES, -AL.
x 06. 09. 1859, SIDI-BEL-ABBES, -AL.

13 OLTRA, Maria, Isabelle
° 24. 06. 1841, CALLOSSA DE ENSARRIA, -E.
(arrivée en Algérie, S.B.A., 1853)
+ 07. 03. 1918, SIDI-EL-ABBES, -AL.
..........
14 AYELA, Tomas
Entrepreneur de maçonnerie
°04. 04. 1856, MONOVAR, -E.
(arrivé en Algérie, S.B.A., 1860)
+ 20. 05. 1936, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x 05. 09. 1881? SIDI-BEL-ABBES, -AL.

15 GOMEZ, Micaella
° 29. 09. 1856, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
+ 01. 09. 1926, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
..........

16 DIENER, Nicolas
Forgeron
° 02 Fructidor An VIII (20. 08. 1800)
UNTEREISENBACH (dépt. des Forêts; ex-Luxembourg), -F.
(arrivé en Algérie, 1847 MISSERGHIN)
+ 24. 01. 1849, ORAN, -AL.
x 27. 07. 1825, UNTEREISENBACH - HOSINGEN, LUX.

17 MAINZ, Catharina
° 20 Fructidor An IX (08. 07. 1801) NIEDERPIERSCHEID (dépt. des Forêts; ex-Luxembourg), -F.
+ 24. 05. 1830, NIEDERPIERSCHEID, (Prusse Rhénane), -D.
..........
18 ZIMMER, Jean
Cultivateur
° 26 Brumaire An XIII (17. 11. 1804)
FREUDENBURG (Dépt. de la Sarre), -F.
(arrivé en Algérie, 1847 MISSERGHIN)
+ 18. 12. 1848, ORAN, -AL.
x 03. 02. 1834, FREUDENBURG (Prusse Rhénane) -D.

19 FAHA, Anna
° 27. 11. 1810, FREUDENBURG (Dépt. de la Sarre), -F.
(arrivée en Algérie, 1847 MISSERGHIN)
+ / 1861, ORAN (?)
..........
20 à 23 .......
..........

24 ALCARAZ, Vicente
Maçon
° ca 1807, ASPE, -E.
(arrivé en Algérie, S. B. A. , 1850)
+ 06. 10. 1887, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x ca 1830-1836, ASPE,-E.

25 MARTINEZ, Thereza
° ca 1809, ASPE, -E.
+ 19. 10. 1881, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
..........

26 OLTRA, Joachim
Cultivateur
° ca 1800-1801, CALLOSA DE ENSARRIA, -E.
(arrivé en Algérie, S. B. A. , 1859)
+ 05. 01. 1882, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x ca 1840, CALLOSA DE ENSARRIA, -E.

27 GUARDIOLA, Mariana
° ca 1803, CALLOSA DE ENSARRIA, -E.
(arrivée en Algérie, S. B. A. , 1853)
+ 10. 09. 1871, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
..........

28 AYELA, Antonio
Entrepreneur de maçonnerie ° ..., -E.
(arrivé en Algérie, 1850)
+ / 1881, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x ca 1855, MONOVAR (?), -E.

29 VALERO, Cristina
° 1831, MONOVAR, -E.
+ 04. 10. 1877, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
..........

30 GOMEZ, Joseph, José
Cultivateur
° 1819, ASPE, -E.
(arrivé en Algérie / 1850)
+ 18. 04. 1873, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
x 1851, ORAN, -AL.

31 MESEGUER, Manuela
° 1830, ELCHE, -E.
(arrivée en Algérie / 1850)
+ 11. 08. 1903, SIDI-BEL-ABBES, -AL.
..........

32 DIENER, Peter
Forgeron
° 1758, UNTEREISENBACH (Luxembourg)
+ 01. 1842, UNTEREISENBACH (Luxembourg)
x ca 1789, AFFLER

33 BISSEN, Maria
° 1766, AFFLER
b. 14. 04. 1766, DALEIDEN
+ ? , UNTEREISENBACH,
..........

34 MAINZ, Peter
Cultivateur
° ca 1760, OBERPIERSCHEID, -D. ;+ ? - x ca 1800

35 BECKENS, Maria, Eva
° ca 1760 ; + 1829 / OBERPIERSCHEID, -D.

..........

36 ZIMMER, Lorentz
Tisserand
° , b. 31. 08. 1778, MANDERN-LOTHRINGEN (Diocèse de Metz)
+ 1834 / FREUDENBURG (Prusse Rhénane), -D.
x 04. 08. 1801, FREUDENBURG (Dépt. de la Sarre), -F.

37 BOEWEN (oder BEVEN), Maria
° ca 1775, FREUDENBURG, -D.
+ 12. 01. 1830, FREUDENBURG (Prusse Rhénane),-D.
..........

38 FAHA, (oder FAA), Johann
Cultivateur
° ca 1775, TABEN, -D.
+ 30. O5. 1819, FREUDENBURG (Dépt. de la Sarre), -F.


39 NEISIUS, (oder NEUSIUS), Anna
° ca 1778, FREUDENBURG, -D.
+ 1834 / FREUDENBURG (Prusse Rhénane)
..........
40 à 47 ......
..........

48 ALCARAZ, Diego
° , -E.

49 CANIZARES, Francisca
..........
50 MARTINEZ, José

51 SERRANO, Francisca
..........
52 OLTRA, Francisco

53 BLANES, Maria
..........

54 GUARDIOLA, José

55 SELLISER (?), Antonia
..........
56 à 57....
..........

58 VALERO, Luis

59 BRETONES, Maria
..........

60 GOMEZ, José
° ? , -E. + / 1873, SIDI-BEL-ABBES, -AL. x ?

61 GARCIA, Francisca
° / + 1873/ SIDI-BEL-ABBES, AL.
..........
62 MERSEGUER (ou MESSEGUER), Manuel
° / + 04. 06. 1835, ELCHE, -E. / x ?

63 TARI, Marguerite
° / + 1853/, SIDI-BEL-ABBES, AL.
..........


64 DIENER (oder DOENER), Peter
Forgeron
° ca 1729, UNTEREISENBACH, -LUXEMBOURG /+ 1758/
x ?
65 ...
..........

66 BISSEN (oder BIESS), Peter
° 1736, AFFLER, -D.

67 N. N., Suzanna
..........
68 à 71 .....
..........
72 ZIMMER, Michael
° ca 1748, MANDERN, D.

73 BECKER, Helena
..........
74 BOEWEN, Michael
° ? , FREUDENBURG, -D.

75 DUHR, Maria
.........._
76 FAHA (FAA), Jakob
° ca 1739, TABEN, -D;

77 SCHMITT, Angela
..........
78 NEISIUS, Jakob

79 LUDWIG, Magdalena
.........._
80 à
BISSEN (oder BIESS), Michael
N. N. , Kathrina

..........