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-Algérie : la colonisation

La fin, l'abandon
pnha, n°84, nov 1997

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Toussaint 1954
Premiers morts de ce qui allait devenir la guerre d'Algérie. A l'instigation du Général De Gaulle, les référendums du 8 janvier 1961 sur l'auto-détermination en Algérie, et du 8 avril 1962 sur les accords d'Evian, allaient sonner le glas de l'Algérie Française.
3 Juillet 1962
Indépendance officielle de l'Algérie. Capitulation de la France alors que l'armée française était victorieuse sur le terrain.

LA TRAGÉDIE

-----Plus d'un million de Français d'Algérie, ont été contraints de quitter en 1962 leur terre natale avec tout ce que cela représentait comme désespoir, déchirement, angoisse. Ils ont dû abandonner leur ville ou leur village, leur maison, leur métier, leurs habitudes de vie, leurs biens, leurs morts. L'amertume, la rancoeur, la déception d'avoir été abandonnés et trahis par une patrie ingrate alors que des milliers de Pieds-Noirs ont combattu et sont morts pour la libération de leur patrie, lors des deux guerres mondiales (47 000 tués).
-----Rien ne pourra jamais effacer ce drame, cette ignominie, cet exode incroyable alors que, sur tout le territoire algérien, le massacre de Français et de Musulmans fidèles à la France continuait sous les yeux des soldats français qui avaient pour ordre de ne pas intervenir.
-----Ni les disparitions, ni les mutilations et les assassinats d'Européens, 25 000 personnes environ, et de 150 000 Harkis, ne suscitèrent le moindre émoi en France. Rien ne pourra jamais effacer l'accueil d'un grand nombre de Français de Métropole à l'égard des Pieds-Noirs accueil méfiant, sans véritable compassion, indifférent, parfois hostile.
-----Quelle désillusion amère pour les Français d'Algérie qui, tout au long de leur Histoire, de Verdun à Cassino, ont prouvé leur titre de Français : courage, ténacité, volonté, fidélité et patriotisme.
-----Les Pieds-Noirs ont souffert aussi de ces clichés grotesques ou malveillants qui ont été répandus sur eux par leurs "frères" de Métropole.
-----La plupart des citoyens de l'Hexagone ne savaient rien de l'Algérie, province française, ni ces honteux "accords" d'Evian que la France n'a même pas pu faire respecter ; les exactions commises contre les Européens et les Harkis n'ont certainement pas troublé la conscience du gouvernement de l'époque, ni celle du Président de la République Charles De Gaulle.
-----Les Français d'Algérie n'oublieront ni leurs martyrs civils et militaires, ni leurs héros sacrifiés parmi lesquels
------ Albert DOVECAR, Claude PIEGTS, Roger DEGUELDRE, fusillés en juin et juillet 1962,
------Jean BASTIEN-THIRY, fusillé en Mars 1963 Comment ne pas penser au 26 Mars 1962 les forces de l'ordre qui tirèrent sur la foule européenne, rue d'Isly à Alger (80 mortsplus de 180 blessés).
-----Comment ne pas penser au drame de Musulmans, civils et supplétifs, qui ont cru au maintien de la présence française en Algérie. L'abandon de l'Algérie signifiera pour eux l'expatriation ou la mort ou, au mieux de longues années d'humiliation. Comment oublier ceux qui sont restés et qui ont été torturés, tués ou mis en captivité.
-----Comment oublier la destruction de cimetières ou la profanation de tombes.
-----Les beaux discours et les belles promesses ont abouti à une formidable duperie collective.
-----Le Général De Gaulle fut l'instrument du malheur : homme vaniteux, autoritaire, ne supportant pas la contradiction, traître envers les Français d'Algérie qui l'avaient porté au pouvoir en désespoir de cause. Les mémoires de Georges Pompidou - "Pour rétablir une vérité" - et les confidences du Général Massu concernant la fuite de De Gaulle à Baden-Baden (mai 1968) ont révélé l'incompétence de ce général de brigade.
-----De Gaulle a détruit l'Algérie Française après avoir dit qu'il la conserverait. Peut-être était-ce une tâche au-dessus de ses forces, de sauver l'empire français, mais il en a facilité la chute et consommé la destruction.
-----Qu'on le veuille ou non, une grande partie de la place, de l'importance de la France dans le Monde, a été due à son Empire. Une nation ne rayonne que lorsqu'elle domine : militairement, politiquement ou économiquement.
-----N'oublions pas que les Arabes ont envahi le Maghreb au VIIè siècle. Les Berbères autochtones ne sont-ils pas en droit de se demander ce que font, chez eux, les Arabes ?
-----En 1518, le corsaire turc Khâir-ed-Dine Barberousse place Alger sous la protection du sultan ottoman Selim 1er.
-----Au XVIIème siècle, Alger comptait 100 000 habitants. 35 000 esclaves chrétiens, dont 3 000 Français, croupissaient en ses murs.
-----Jusqu'en 1830, la Régence d'Alger vivait principalement de piraterie.
-----L'histoire de l'Algérie n'est que l'histoire des dominations successives qu'elle a subies : domination phénicienne, romaine, vandale, byzantine, arabe, turque, enfin française. Jamais, le tribus autochtones n'ont réussi à s'agglomérer en un Etat vraiment organisé et durable. En 1830, le pays était moyen-âgeux et en semi-anarchie.
-----Ferhat Abbas, futur 1er président du Gouvernement provisoire de la République algérienne, écrira en 1936: "la patrie algérienne n'existe pas. J'ai interrogé l'Histoire, j'ai interrogé les vivants et les morts ; j'ai visité les cimetières, personne ne m'en a parlé".

L'AIDE AU F.L.N.

-----Dans sa lutte armée contre la France, le F.L.N. a eu le soutien des pays arabes et de l'U.R.S.S. Les U.S.A. et leur président Kennedy, désireux aussi d'évincer la France d'Afrique du Nord.
-----La rébellion algérienne a bénéficié également de l'aide intellectuelle d'une certaine catégorie de la population française :-----communistes,
-----trotskistes
-----prêtres progressistes...
-----Des journalistes, artistes,enseignants, écrivains comme Jean-Paul Sartre seront acquis à la cause de l'indépendance algérienne.
-----Les hommes et les femmes du réseau Jeanson-Curiel, ces "porteurs de valises", ont assuré la bonne alimentation du budget du EL.N., lui permettant d'acheter et d'expédier vers l'Algérie l'armement utilisé contre d'autres français. Ils fourniront des logements, des boîtes aux lettres, des faux-papiers. Ils serviront de guides, de chauffeurs, de passeurs. Ils transporteront des tracts, des documents, de l'argent, des armes, des explosifs. Ces sympathisants et militants français applaudiront les attentats terroristes et la guérilla contre la France.
-----Signé par environ 200 intellectuels de gauche, le "manifeste des 121" proclamera le "droit à l'insoumission", le refus de servir en Algérie, incitant les soldats à la désobéissance et à la désertion.
-----Ce manifeste, écrit par Maurice Blanchot, l'auteur de "la part du feu", sera signé notamment par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir,Alain Resnais, Simone Signoret, Alain Cuny, Christiane Rochefort, François Truffaut, Danièle Delorme, Catherine Sauvage, Jean Bruller dit Vercors, Françoise Sagan... Le F.L.N. a trouvé aussi des complicités dans les milieux religieux - l'abbé Robert Davezies avait organisé un réseau de soutien aux rebelles ; des clandestins étaient cachés dans des couvents, comme le Prado de Lyon.
- l'archevêque d'Alger, Mgr Léon-Etienne Duval, avait apporté son concours au EL.N. avec quelques-uns de ses prêtres comme l'Abbé Scotto. Ils optèrent pour la nationalité algérienne après l'indépendance.

LES EUROPÉENS EN ALGÉRIE

-----Les décennies qui suivirent la prise d'Alger (juillet 1830) verront ces territoires, que l'on nommera "Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique" (le nom Algérie sera utilisé en langue véhiculaire en 1839), se peupler peu à peu d'Européens.
-----La grosse majorité de tous ceux qui ont débarqué à Oran ,Alger, Bône, Philippeville ou Bougie, était constituée de gens de condition modeste et d'origine humble. Pour beaucoup du Bassin Méditerranéen - Français (Alsaciens - Lorrains- Languedociens - Provençaux - Francs-Comtois...) - Espagnols
- Italiens
- Maltais...,
-----Ces gens venaient tenter leur chance sur une terre nouvelle. C'était le temps où la misère d'une partie de l'Europe peuplait les Etats-Unis d'Amérique. Parmi eux, les premiers pionniers et ceux qui ont été chassés de Métropole par les mouvements politiques et sociaux :
- déportés politiques de 1848
- proscrits de 1851
- communards de 1871
- Alsaciens-Lorrains fuyant leur province occupée.
-----Le niveau de vie moyen des Français d'Algérie était, pour les trois-quarts, inférieur de 20 % à celui de la Métropole. Les magnats du vin, des minoteries, de l'alfa, de l'armement maritime, étaient infiniment moins nombreux en proportion que les industriels et grands propriétaires métropolitains aux fortunes parfois immenses. "A lire une certaine presse, il semblait que l'Algérie était peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac", disait Albert Camus.

 

-----Contrairement donc au slogan d'une propagande visant à les discréditer, les Pieds-Noirs n'étaient en leur grande majorité ni colons, ni riches : selon la statistique officielle de 1954 (Documents de la Revue des Deux-Mondes, sept. 1961), pas même un agriculteur sur 10, et parmi eux plus d'un tiers de salariés.
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Les colons, quant à eux, ont tout connu : les insurrections et razzias (pillages, incendies, meurtres), la désillusion, l'échec, l'inconfort, la misère, la maladie (choléra - paludisme...).
-----L'effort encore et toujours, durant de longues années, était leur quotidien. Plus que tout, les morts ont jalonné cette étape du défrichement, de la mise en valeur. L'implantation européenne enAlgérie, l'exploitation du pays, ont coûté très cher. Chaque centre de colonisation a eu son long martyrologe.
-----Avec le progrès de la médecine, l'assèchement des zones marécageuses, la fin du XIXè siècle sera moins meurtrière, mais l'hécatombe pendant les premières décennies aura été terrible. Ce tribut payé sera celui de la création là où il n'y avait rien ou presque rien.

L'OEUVRE FRANCAISE

-----Les Pieds-Noirs sont fiers de leur oeuvre accomplie en Algérie. Ils y ont laissé les structures d'un Etat moderne - un réseau routier de 14 000 kms - un réseau ferroviaire de 4 300 kms - 820 millions de m3 de barrages - 27 centrales hydro-électriques - 4 centrales thermiques - un réseau téléphonique, de télévision, de radio
------ des ports bien équipés ainsi que des aéroports
------ des stades, des piscines, des hôpitaux
------ des écoles, des collèges, des lycées, des facultés
------ une agriculture moderne dotée d'un cheptel exceptionnel (2 millions d'hectares ont été cultivés)
------ un important domaine immobilier
-----Et Alger, l'une des plus belles villes du Bassin Méditerranéen.
------ le pétrole et le gaz naturel d'Hassi R'Mel et Hassi-Messaoud (CF "Historia" - la fin de l'Algérie française - n°424 bis)
-----L'oeuvre française en Algérie n'était peut-être pas exempte de critiques mais sont-elles nombreuses les nations qui peuvent prouver qu'elles ont fait mieux ? La France eut un rayonnement intellectuel, économique, politique, affectif même. Elle a apporté aux autochtones sa technique, sa langue, ses connaissances. Hocine Ait Ahmed, ancien représentant du F.L.N. a déclaré : "Au temps des Français, l'Algérie était un paradis".
-----Et Ferhat Abbas : "L'héritage de la France était magnifique".
-----L'Algérie fut un pays heureux où les religions musulmane, judaïque et chrétienne ont cohabité dans un respect mutuel

CONCLUSION

-----Dans un passé récent, la France doit une large partie de son honneur et de sa liberté retrouvée à cette terre dont Alger était devenue en 1944 la capitale de la France libre.
-----Devenues anachroniques (pour l'Occident), les anciennes colonies devaient disparaître. Mais était-il indispensable et juste de falsifier les faits ? L'oeuvre civilisatrice de 132 années de présence française en Algérie a été occultée ou dénaturée par une désinformation qui n'a pas désarmé. Ce n'est pas sur place mais dans la Métropole que la France a perdu l'Algérie, bien qu'elle ait militairement gagné la guerre. La subversion l'a emporté par une puissante et incessante action psychologique, tolérée puis encouragée par le pouvoir, sournoisement d'abord et de plus en plus ouvertement sous la V e- République. Ceux qui défendaient une Algérie française, faisaient difficilement entendre leur voix.
-----Les actions terroristes du F.L.N. étaient minimisées par les médias, réprouvées du bout des lèvres, absoutes ou justifiées par la légitimité de la cause. On transférait la réprobation sur les Européens d'Algérie et sur l'armée.
-----Les "colons", censés constituer la quasi totalité des Pieds-Noirs, étaient tenus pour responsables des événements par la prétendue exploitation des Indigènes (les salaires des ouvriers agricoles leur permettaient de gagner leur vie)". Les autochtones fréquentaient les mêmes établissements scolaires que les Européens. Ils trouvaient du travail dans tous les domaines de l'Administration et du Privé. Certains s'étaient engagés dans l'Armée. Il n'y avait pas en Algérie de ségrégation raciale. Par qui donc avaient été formés les cadres qui devaient diriger l'Algérie après l'Indépendance ? Y eut-il "spoliation"
-----"Avant 1830, la propriété privée n'existait pratiquement pas. Après 1830, un million et demi d'hectares environ passèrent au Service des Domaines : les terres accaparées depuis des siècles par les occupants turcs, et des étendues abandonnées. Seules furent confisquées, selon l'usage de l'époque, des terres de tribus révoltées. D'autre part, il faut souligner que de nombreux terrains n'étaient qu'utilisés en usufruit par des tribus, et qu'en 1863 celles -ci
en furent déclarées légalement propriétaires. Tout l'opposé d'une spoliation ! Pour d'autres superficies, il y eut des transactions de gré à gré dans des conditions convenables".
-----Enfin, n'oublions pas que les Arabes avaient tenté au VIIIèm siècle d'envahir la France comme ils l'avaient fait en Espagne qu'ils ont occupée du VIIIè au XVè siècle.
-----L'expédition d'Alger a été décidée sous la seconde Restauration (monarchie de Charles X).
-----L'occupation partielle puis totale du pays, sous les régimes qui ont suivi : monarchie de juillet, IIè République, second Empire
-----Les Pieds-Noirs, descendants des premières générations de pionniers, étaient chez eux en Algérie. Cette terre était aussi la leur ; ils l'avaient faite de leur sueur et de leur sang. Cette colonie sera d'ailleurs transformée plus tard en département français.
-----L'armée représentait la seconde cible des détracteurs. Il fallait à tout prix la discréditer, d'où l'acharnement, la violence, la partialité des campagnes, en particulier contre la "question", la torture (toujours en sens unique), la "sale guerre" qui, de surcroît, coûtait si cher à la France. Jamais n'étaient glorifiés ses mérites et son héroïsme, mais systématiquement stigmatisées les cruautés inhérentes à toute guerre, plus encore subversive. On oubliait par qui avait été déchaînée la violence, déniait le droit et le devoir de légitime défense contre les agresseurs de Musulmans autant que d'Européens. Car la population indigène était présentée comme tout entière acquise au EL.N. et non pas soumise à lui par la terreur, seulement prête à basculer dans la mesure où la victoire de celui-ci paraîtrait un jour assurée.
-----Ainsi, alors que l'appartenance française de l'Algérie était admise par l'immense majorité des Métropolitains en 1954 et encore en 1958, en arrivera-t-on au référendum de 1962 plébiscitant son abandon. De telles propagandes ne confortaient pas seulement la résolution des adversaires, elles fournissaient les meilleurs arguments dans les pays étrangers et les instances internationales, particulièrement l'O.N.U. Les calomnies et mensonges de la presse n'étaient jamais démentis, malgré les rectifications réclamées par les témoins locaux. (cf : "Algérie-l'oeuvre française" de Pierre Goinard).
-----L'événement du 13 mai 1958 et l'appel du Général De Gaulle, le putsch de 1961, le F.A.F (Front de l'Algérie française) et l'O.A.S. (Organisation de l'Armée Secrète)
-----Ce qu'ils ont dit Pierre Mendès-France (1954) : "l'Algérie, c'est la France. On ne transige pas lorsqu'il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation et l'intégrité de la République".
-----François Mitterrand (1954) : "Je n'admets pas de négociations avec les ennemis de la Patrie. L'Algérie, c'est la France".
-----Edgar Faure (1955) : "L'Algérie restera intégrée à la France".
-----André Morice (1955) : "II n'y a pas d'autre solution que celle de l'Algérie Française".
-----Michel Debré (1956) : "La perte de l'Algérie, ce serait la fin des principes fondamentaux qui font la gloire de la République Française".
-----Maurice Bourgès-Maunoury (1957) "Envisageons avec confiance l'avenir de cette terre française".
-----René Coty (1957) : "Qu'on ne compte pas sur la France pour sacrifier, de l'autre côté de la Méditerranée, une nouvelle AlsaceLorraine".
-----Charles De Gaulle (1958)
- à Bône : "Venez à la France, elle ne vous trahira pas".
- à Oran : "L'Algérie est organiquement une terre française, aujourd'hui et pour toujours".
- à Mostaganem : "Vive l'Algérie Française !".

CLAUDE PLAIT