COLLO,
COLLO QUI FUT CHULLU

COLLO QUI FUT CHULLU


12 siècles avant notre ère, les pionniers de Tyr et de Sidon trafiquaient de Tripoli jusqu'à Tanger

REPETONS-LE, puisque cette vérité s'impose à chaque étape : premiers marins du monde et très souvent les seuls, dès le douzième siècle avant notre ère, les Phéniciens de Tyr et de Sidon fréquentèrent et occupèrent le rivage africain. De Leptis Magna, dans la Grande Syrte, par delà Tripoli, à Agadir, dans le Souss marocain, ils eurent des « emporia » dans chaque anse de la Côte, où ils échangeaient des étoffes et des bijoux, voire des idoles de leurs dieux, contre les produits locaux que leur cédaient les Libyens ou Berbères autochtones.

CONTRAIREMENT à l'opinion courante. les criques du littoral ne furent pan seules à connaître ces mercantis venus d'Asie, auxquels s'apparenteraient les actuels Beni-Mzab. L'oasis de Rhadamès elle-même (l'antique Cidamus), aux confins tuniso-tripolitains, pendant de Rhat l'algérienne, fut un comptoir phénicien, en relation avec d'autres qui devaient jalonner la route de l'Afrique noire par le Pays des Garamantes.

Outre ces entrepôts, Tyriens et Sidoniens eurent des colonies en Afrique. Trois cents, estiment, les doctes. Et plusieurs capitales, dont Hadrumète (Sousse), Byzerte, Utique... Enfin, Carthage. qui date seulement du neuvième siècle avant notre ère, laquelle ne fut longtemps elle-même qu'une factorerie, mais qui devint, un jour, plus belle et plus puissante que Tyr et que Sidon — une fille plus belle que sa mère. Ainsi un temps fut, de l'aveu même de Salluste, historien de " La Guerre de Jugurtha », "où les Carthaginois donnèrent des lois à presque toute l'Afrique ». D'où l'inquiétude de Rome et d'où les "guerres puniques ". Mais d'où la preuve aussi que Rome trouva ici une organisation sociale. Où elle trouva des routes et des cités prospères, des terres mises en valeur, un territoire administré. la France n'a rencontré que le désordre et la ruine. une anarchie universelle. fille d'un despotisme millénaire.
Il faut connaître cela pour apprécier à son prix l'action de la France en Afrique.•

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COLLO QUI FUT CHULLU
COLLO QUI FUT CHULLU


12 siècles avant no tre ère, les pionniers de Tyr et de Sidon
trafiquaient de Tripoli jusqu'à Tanger

REPETONS-LE, puisque cette vérité s'impose à chaque étape : premiers morins du monde et très souvent les seuls, dès le douzième siècle avant notre ère, les Phéniciens de Tyr et de Sidon fréquentèrent et occupèrent le rivage africain. De Leptis Magna, dans la Grande Syrte, par delà Tripoli, à Agadir, dans le Souss marocain, ils eurent des « emporia » dans choque anse de la Côte, où ils échangeaient des étoffes et des bijoux, voire des idoles de leurs dieux, contre les produits locaux que leur cédaient les Libyens ou Berbères autochtones.

CONTRAIREMENT à l'opinion courante. les criques du littoral ne furent pan seules à connaîtra ces mercantis venus d'Asie, auxquels s'apparenteraient les actuels Beni-Mzab. L'oasis de Rhadamès elle-même (l'antique Cidamus), aux confins tuniso-tripolitains, pendant de Rhat l'algérienne, fut un comptoir phénicien, en relation avec d'autres qui devaient jalonner la route de l'Afrique noire par le Pays des Garamantes.

Outre ces entrepôts, Tyriens et Sidoniens eurent des colonies en Afrique. Trois cents, estiment, les doctes. Et plusieurs capitales, dont. Hadrumète (Sousse), Byzerte, Utique... Enfin, Carthage. qui date seulement du neuvième siècle avant notre ère. laquelle ne fut longtemps elle-même qu'une factorerie, mais qui devint. un jour, plus belle et plus puissante que Tyr et que Sidon — une fille plus belle que sa mère. Ainsi un temps fut, de l'aveu même de Salluste, historien de e La Guerre de Jugurtha », a où les Carthaginois donnèrent des lois à presque toute l'Afrique ». D'où l'inquiétude de Rome et d'où les < guerres puniques a. Mais d'où la preuve aussi que Rome trouva ici une organisation sociale. Où elle trouva des routes et des cités prospères, des terres mises en valeur, un territoire administré. la France n'a rencontré que le désordre et la ruine. une anarchie universelle. fille d'un despotisme millénaire.
Il faut connaître cela pour apprécier à son prix l'action de la Fran ce en Afrique.•

La pourpre de Collo égalait celle de Tyr
COMME toutes les baies de l'Afrique septentrionale. Collo fut doncb â l'origine " un e emporium » phénicien, et non le moins important.•
Mais de ce long passé punique. que reste-t-il aujourd'hui ? Pas même un nom : des tombes, unemegaepole entière en bordure cte ia mer vrai cimetière marin, que les natifs dénomment "Koudiat - Esuain », le Coteau des Idoles. Tombes profondes dans le roc, qui rappellent les hypogées et les mastabas du Nil pharaonique, et que Stephane Gseil attribue au troisierne siècle, époque des premières melees entre Cartilage et Rome.
( Je n'ai pas corrigé la suite.)
Une industrie locale semble avoir survécu à l'occupation punique. C est la teinturerie de pourpre. Des auteurs latins. sont Pomponius Me-la. un Espagnol romanisé, rapportent que Collo. longtemps ateres .1a. destruction de Carthage, était comparée à Tyr pour la pourpre de ses toisons. Ce que contirmera Solin au troisième siècle de notre ère. Mals personne ne nous dit si le a purpureum pallium » de Ptolémée. fils et successeur de Juba II sur le trône de Julia-Césaree
(Chercheil), dont l'éclat indiscret avait porté ombrage a Caliguia, ce qui coûta la vie au roi de Mauritanie. était teint de la pourpré ta-briquée à Collo.

Nul ne nous dit non plus de quoi. d'où et comment les teintureeis de
Collo tiraient leur matière coloran-
te. Las Tyriens de Syrie obtenaient la leur du a murex s, mollusque
marin qu'ils péchaient sur les cô-
tes de leur pays. En Grèce et dans l'Atlantique, un autre coquillage
p:oduisait une teinture d'une nuan-
ce différente. Qui nous dira le nom et l'habitat du mollusque qui pro-
duisait la pourpre « comparable a celle de Tyr », fabriquée à Collo ? Mais n'était-ce •pas le a murex
lui-même ? Les chasseurs sous-ma-
rins viennent de le découvrir dans
les fonds de la Petite Syrte, à Djerba notamment. Il pouvait donc exister dans les parages de Collo, et 11 y vit peut-être encore 7
La ville de Minerve
SA vraie prospérité — à notre connaissance — Collo la connaîtra en devenant romaine sous le nom de Chullu ; Kolops, écrivent d'aucuns, à quoi Strabon ajoutera l'épithète Grande : Kolops-Magnus. que Pline l'Ancien et Ptolémée adoptèrent. d'où l'appellation déformée de Collo que lui donnèrent les Kabyles.
Au témoignage de Solin. Chullu occupait, en Numidie, le premier rang. après Cirta. Colonie dès Trajan. elle fut consacrée à Minerve et devint e Colonat Minervia Chullu e. L'importance de Chullu est en outre attestée par le fait qu'elle forma avec Cirta (Constantine), Ru'lcade (Philippeville). et Milet, (Mi-
la) le territoire attribué par César au condottière Sittius, son allié contre Juba. lors de la création de a l'Africa nova e. Ce fut la Confédération des Quatre Colonies : < Respublica IV colonarium e.
Bocchus et Jugurtha
ENFIN, Chullu est célèbre dame l'histoire de l'Afrique, par la livraison qU'y aurait fait Bocchus, roi de Mauritanie, de Jugurtha, roi des Numides, à Sylla son
Collo. — Le port.
allié, après la victoire de Cirta par Marius.
Cette capture. selon la thèse de M. André Berthier, qui contredit lea précédentes, aurait eu lieu e à la fin de 106 ou même au début de 105 ». En voici le récit, par Salluste
, « Dès que le jour est venu et qu'on lui a ansioacé l'approche de Jugurtha, il sort, suivi de quelques intimes... se porte au devant de lui comme pour lui faire honneur et s'établit sur une éminence. parfaitement en vue des soldats embusqués. Le Numide s'y rend de son côté, accompagné de la plupart de ses amis, et sans armes, ainsi qu'il a été convenu, mais soudain, à un signal donné, la troupe sort de sa cachette et l'enveloppe de toutes parts. Tous ceux de sa suite sont égorgés. Lui-même est garotté et livré.à Sylla. qui le conduit à Marius s.
J'ajoute que Bocchus était le beau-père de Jugurtha. qui avait épousé sa tille, ou mieux l'une de ses fil.es, ce qui, pour nous, accroit l'odieux de sa félonie. Mais Salluste le souligne excellemment :
e Ces sortes de liens ont assez peu de force chez les Numides comme chez les Maures : chacun, en effet, p énant autant de femmes que lui permet sa fortune, les uns dix, les autres plus, et surtout les rois; le coeur, ainsi tiraillé en tous sens. s'émousse bientôt ; aussi aucune de ces femmes n'est-elle véritablement la compagne de l'époux ; toutes lui sont égaiement indifférentes ». (a Belluue Jugurthinum s, chap. LXXX.)
Notons-le en passant, l'historien Salluste est un maitre psychologue
Constantine ou Le Kef ?
l'AJOUTE que, selon M. Berthier. j cité plus haut, Constantine n'est pas la Cirta de Salluste, laquelle serait Le Kef. alias < Cirta Ilene-
ria », Cirta de Vénus, célèbre par son temple de la Vénus de l'Eryx. Proposition hardie, car elle sape les assises de la science officielle professée a ex cathedra e depuis toujours. Elle réhabilite Salluste, accusé d'être un piètre géographe, et du même coup bafoue aselle considéré jusqu'ici comme le pontife de l'histoire ancienne de ce pays.
Tout d'un coup, est à reconsidérer. Nos certitudes sont remises en question. Le granit de nos convictions se pulvérise. Tout ce que l'on croyait sûr n'est plus que conjecture.
Certes, on peut discuter. Mais st la thèse de l'auteur du « Problème de Cirta s n'est pas pour tous teeremptoire reconnaissons qu'elle est troublante.' D'autant plus que M. Berthier. archiviste en chef et conservateur du musée Gustave Mercier de Constantine, n'est pas un démoPsseur de vocation, ni de profession. Il n'a rien d'un dynamitera.
Jeune savant réfléchi; plein de science et de conscience, l'héSitatioh n'est pas permise : s'il a dit ce qu'il a dit. c'est qu'il devait le dire ; il ne pouvait pas ne pas le dire. Il n'a pa8 lancé cette bombe dans la forteresse de l'Érudition officielle pour nous étonner et se mettre en vedette. mais par devoir d'état pour l'amour de la vérité historique
Et s'il nous trompe. c'est qu'il Sr trompe.
La parole est aux exégètes.
Châtiment de Jugurtha et récompense de Bocchus
POUR revenir à Jugurtha, dont le sort est le même quelque soit le théâtre où Bocchus l'a lia é, moins heureux que Sophonisbe, qui avait échappé à cette humiliation, grâce au poison de Maseinissa, 11 orna le triomphe de Marius, comme Juba II enfant ornera celui de César, après sa victoire de Thapsus sur Pompée et Juba I.
Le grand corrupteur que fut Jugurtha, celui qui, fuyant Rome par ordre du Sénat que ses turpitudes avaient scandalisé, proférait cette invective : a Ville vénale, qui périrait si elle trouvait un acheteur ! », expia ses crimes dans cette même Rome qu'il avait injuriée, enfoui dans les basses fosses de la prison Mamertime. où Vercingétorix devait périr lui-même, cinquante-huit ans plus tard.
Ainsi finit Jugurtha, e cognonien » (surnom) qui signifie < le
ercermoseame
Par sumerumine
Claude-Maurice Robert
plus grand s en libyco-berbère. Et cette dénomination n'était pas usurpée : il fut, avec Massinissa, le plus grand des Numides. Protégé de Scipion. il avait appris le latin en Espagne. pendant le siège de Numance, où il s'était couvert de gloire. Mais cette gloire a des ombres : adopté par Mie'-'sa (héritier de Massinissa) qui redoutait „son prestige, il fit assassiner ses deux fils : Adherbal et Hiempsal, pour s'emparer du royaume de leur père. Cela. selon Salluste, plébéien parvenu et concussionnaire avide. mais protégé de César. qui le sauva du cachot.
Illustration du vers fameux :
« L'amitié d'un grand homme est un
[bienfait des dieux. -
En récompense de sa trahison, Bocchus recut de Sylla la Numidie occidentale. Juxtaposée à sa Mauritanie, qui englobait le Maroc jusqu'à la Moulouya, cela faisait un royaume qui s'étirait de l'Atlantique jusqu'à « l'Ampsaga Lumen », l'oued El-Kébir actuel, à l'est de Djidjelli.
Rome exigeait beaucoup, mais elle était solvable.
J'ajoute que ce même Bocchus serait le monarque enseveli dans le Tombeau de la Chrétienne, que l'on s'entête, j'ignore pourquoi. à attribuer à Juba II, malgré l'indication précise de Stéphane Gsell.
Des fouilles de Vandales
COMME les Phéniciens. les Romains se survivent surtout parle des tombeaux. parmi lesquels on distingue un sarcophage en marbre blanc à décoration chrétienne (transporté aujourd'hui au musée de Philippeville).
Les vestiges d'une occupation au moins cinq fois séculaire seraient beaucoup moins rares si des fouilles méthodiques, scientifiquement diriegées, avaient pu avoir lieu. Hélas 1* chacun sonda le sol à son envie et pour ,son propre compte : un adju-
Cl. J. Rigel.)
dant, un capitaine, un administrateur. un Instituteur... Fouilles de
Vandales. osons le dire car tout
ce qu'ils trouvèrent est perdu pour la Science, sans parler de ce qu'ils ont détruit par leur impréparation. C'est que la bonne volonté, ici, ne suffit. L'Archéologie est une science • pour la connaître, il faut l'apprendre. Et s'abstenir, parfois, vaudrait mieux que d'agir.
Un temple à Allah sur un temple à Neptune
L"plus curieux débris de la Chullu antique. je les ai vus dans une mosquée, en bordure de la mer, laquelle fut édifiée sur un temple païen avec ses matériaux, ce qu'atteSte cette inscription en caractères pompeux sertie dans la façade'
« NEPTUNO s
A l'intérieur, 30 colonnes antiques en ma.bre blanc. extrait sans doue du Fil-Fila, la marbriere de Philippeville, supportent le plafond. Enfin, les jarres et les vasques, qui servent aux ablutions des fidèles musulmans, seraient. aussi, un héritage de Rome...
Le roi Pierre d'Aragon débarque à Collo
I E passe l'invasion destructrice des j Vandales, après 429. et la recon-
quête de Byzance, en 533. Cent ans plus tard, cette dernière capitule. défaite par les musulmans.
Les siècles coulent. sans que rien, de saillant puisse nous être connu. Mais. en 1280. un exploit peu commun a Collo pour théatre : appelé par Ibn Ouesir, gouverneur de Constantine pour le compte du bey de Tunis, Pierre III, roi d'Aragon. s'embarqua pour Collo. Mais le complot fut éventé. Et quand, le 28 juin 1280, la flotte partie de Tortose et grosse de 140 voiles pénétra dans la rade. tous les habitants avaient fui, Et l'Aragonais apprenait que le sultan de Tunis avait fait décapiter le bey usurpateur avec tous ses féaux.
Avant de se rendre en Sicile, dont les habitants lui offraient la couronne, ayant vainement sollicité et attendu une aide du pape. Pierre III incendia Collo et rembarqua son armée pour Palerme. Ce qui, dit Ibn Khaldoun. « fut accompli en trois jours ».
Collo, une fois de plus. était détruite a de fond en comble s.
Mais je pose cette question : Qu'elle eût été le sort de l'Algérie. et de l'Afrique par voie de conséquence. si ce débarquement de 2.000 fantassins et de 800 cavaliers. effectué sans coup férir, avait été expiai-té avec intelligence ?
Plus heureux que saint Louis, douze ans auparavant. dans sa croisade de Tunis. Pierre d'Aragon n'eût-11 pas réussi où échoua le roi de France 7