Alger, Algérie : climat, météorologie
L'orage d'avant-hier a provoqué un véritable désastre
On signale encore des victimes dont un indigène tué,
deux disparus et plusieurs blessés

On estime, en outre, que les dégâts s'élèvent à plusieurs millions

L'usine de ciment de la Pointe-Pescade est entièrement dévastée

Les communications télégraphiques et téléphoniques ayant été coupées en .plusieurs endroits, il ne nous avait pas été possible de connaître hier matin toute l'étendue du désastre causé par l'orage survenu avant-hier soir.

De l'enquête à laquelle nous nous sommes livrés et des nouveaux renseignements qui nous sont parvenus, il y aurait malheureusemeat de nouvelles victimes à enregistrer et c'est une véritable catastrophe qui vient de s'abattre sur Alger et sur les environs, occasionnant pour plusieurs millions de dégâts.

A ALGER

C'est ainsi que le commissariat du 7e arrondissement était avisé hier matin à la première heure qu'un fort éboulement s'était produit la nuit précédente au-dessous de la villa Sésini située à l'extrémité du boulevard Bru.

Un important amas de blocs et de pierres s'étant détaché et dévalant la pente écrasa sous son poids une maisonnette, située en contre-bas du
ge indigène.près du cimetière de Belcourt. Plusieurs locataires indigènes de la maison n'ayant pas eu le temps de fuir furent pris sous les décombres.

Des secours furent aussitôt organisés par les voisins dont les immeubles étaient restés indemnes et lorsqu'on put dégager les victimes l'une d'elles, Elaïd ben Ahmed, âgé de 46 ans, journalier, avait cessé de vivre. Le malheureux indigène avait reçu sur la tête un gros bloc qui lui avait fracturé le crâne et il avait eu en outre la poitrine écrasée par une autre énorme pierre. Le Dr Raffi, appelé d'urgence ne put que constater le décès.

Un autre journalier, Yahia Rabah ben Ahmed, âgé de 26 ans, avait reçu de graves contusions au thorax et dût être hospitalisé d'urgence sur avis du Dr Costes qui s'était également rendu sur les lieux.

Deux mauresques, Azoua Moher bent Messaoud, 23 ans, et Cheddit Messaouda, 24 ans, qui habitaient avec les deux premières victimes n'ont eu que des meurtrissures sans gravité.

D'autre part, en ville, la pluie torrentielle a causé d'importants dégâts dans les diverses maisons où l'eau a pénétré.

Au 143 de la rue Sadi-Carnot où logent dans une courette des ménages d'ouvriers, trois appartements occupés par ces malheureuses familles ont été complètement inondés et toute la literie et les meubles ont été détruits. Rue Molière, la boulangerie Bardy a éé envahie littéralement rue Sadi-Carnot ce sont les caves de la droguerie Yelmi que l'eau a remplies sur une profondeur de plus de un mètre ainsi que les magasins servant d'entrepôt à la Société de l'Air Liquide où les dégâts s'élèveraient à plus de 100.000 francs, et les caves du moulin de l'Agha, appartenant à M. Bugéya, et dont la marche a dû être arrêtée. Les pompiers du poste Bruce se sont employés, toute la journée d'hier, à puiser l'eau en ces endroits à l'aide des pompes à refoulement de la Ville.

Boulevard de l'Orangerie, à Belcourt ; rue de Picardie, à Bab-el-Oued, de nombreux magasins et logements situés au rez-de-chaussée ont également été inondés jusqu'à une certaine hauteur et les habitants .ont dû évacuer leurs logements. Là aussi les pompiers des différents postes ont travaillé une bonne partie de la journée au dégagement des eaux.

A l'Ermitage, le mur d'une villa s'est écroulé sur plusieurs mètres.

S'est également éboulée une partie du mur du cimetière de Saint-Eugène dont les matériaux se sont répandus sur la voie des C. F. R. A. arrêtant complètement la circulation.

La route Malakoff est complètement envasée depuis son origine jusque près du cimetière catholique et les véhicules ont peine à passer.

Dès hier matin, de nombreuses équipes d'ouvriers ont été employées dans les principales artères pour déblayer les rues des matériaux de toutes sortes et de la terre qui les encombrent.

VERS SAINT-EUGENE

Dans cette charmante localité l'eau dévastatrice a causé de nouveaux et graves dégâts.

L'appartement de M. Gratetti a été envahi par les eaux.

L'épicerie de M. Sigura 'à été submergée et il y avait déjà 60 centimètres d'eau lorsque le propriétaire a réussi à ouvrir les portes pour laisser le passage permettant l'évacuation.

La villa Esposito, chemin des Carrières, a été également inondée et comblée en partie de terres.

Au lieu dit le Ravin, quelques immeubles ont été plus ou moins inondés.

Rue Lavigerie, une partie du mur de soutènement de la route surplombant le ravin s'est éboulée jusqu'aux fondations, sur une longueur de dix mètres.

Le chemin de la vallée des Consuls a été comblé par des pierres, de la terre, et des arbres ont été arrachés par la violence du torrent. Entre Notre-Dame d'Afrique et la propriété Rouby, une partie de la route a été enlevée, laissant à peine le passage d'un léger véhicule.
Nous nous sommes fait un plaisir de constater que le Service de la voirie a pris d'ores et déjà toutes ses dispositions pour rétablir la circulation dans le plus bref délai.

Le nouveau commissaire de police, M. Suzini, qui avait pris son service dans la matinée pour la première fois à Saint-Eugène, a été sur la brèche toute la nuit et toute la journée, faisant preuve d'une activité digne des plus vifs éloges.

Dès les premières alertes, nos pompiers, dont le dévouement ne redoute pas les intempéries, ont été partout pour porter les premiers secours.
Continuant nos investigations, nous partons ensuite

A LA POINTE-PESCADE


où l'on venait de nous signaler que l'usine des chaux et ciments Portland, qui se trouve au bas d'une montagne, en face de la douane, avait été complètement dévastée par l'ouragan.

Un spectacle lamentable s'offre à notre vue. Dans la vaste usine qui hier encore était en pleine activité et où travaillaient près de 400 ouvriers, des milliers de tonnes de pierres et de boue jaunâtre ont envahi les bâtiments heureusement solidement construits, et en. lisé toutes les machines.

L'actif directeur technique, M. Novince, est là, occupé à donner des ordres à une équipe d'ouvriers qui s'emploie à dégager l'appartement d'un de leurs camarades, M. Lempereur, affecté à la bascule et qui a été complètement envahi par les eaux bourbeuses et des immondices de toutes sortes. Lui-même, entraîné par le torrent n'a pu se sauver qu'en s'aggriipant, dans la nuit, à un wagon chargé de sacs de ciment que les eaux, arrivant avec force, emportaient.

M. Novince qu'accompagnent MM. Juliani et Brucker, sous-directeurs administratifs de la Société Portland, nous montre les dégâts incroyables causés en une demi-heure à peine par l'ouragan et qu'il estime d'ores et déjà à près de cinq millions de francs.

L'énorme masse d'eau dévalant, vers 20 heures, avec une force inouïe de la montagne qui surplombe l'usine construite dans une cuvette, s'abattait tout d'abord sur les ouvrages de sécurité qui étaient complètement submergés, entraînant avec elle un mur de près de onze mètres de hauteur qui s'écroulait et plus de trois mille mètres cubes de pierres représentant environ. quatre mille tonnes, entreposées à la station d'arrivée du câble aérien qui se trouve derrière l'usine.

Les eaux et les. pierres venaient alors s'engouffrer tout d'abord dans un bâtiment, mesurant six mètres de hauteur et vingt mètres de longueur,
servant au séchage du schiste, qui était complètement englouti avec ses machines. Puis, continuant leur oeuvre dévastatrice, c'était au tour des moteurs et des broyeurs du crû, qui ne pèsent pas moins de cent tonnes chacun, à être déplacés de leur position et à disparaître sous une couche de terre et de pierres de près de cinq mètres de hauteur.

Ce furent ensuite les concasseurs et les gros fours rotatifs, mesurant près de 65 mètres de longueur, se trouvant dans d'autres bâtiments, qui disparurent sous plus de deux mètres d'amas de toutes sortes. Les bâtiments servant aux ateliers de forge, de mécanique, de menuiserie et d'approvisionnement ne furent pas non plus épar. gnés et subirent le même sort que les autres.

Le torrent d'eau et de pierres auxquel s'étaient encore ajouté les eaux de l'Oued Karabadja sorties de leur lit, obstruèrnt le tunnel qui conduit aux bâtiments où sont entreposés des milliers de sacs de ciment
et de chaux . Ceux-ci furent bientôt recouverts sur, plus de deux mètres de hauteur et les nombreuses piles entassées complétement détruites.
( suite dans l'article.)

Echo d'Alger du 17-9-1928 - Transmis par Francis Rambert
mise sur site :nov.2020
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