-----L' aventure commença quelque
part dans les montagnes de Kabylie. Le jeune Ahmed ben AMAR el GAID n'avait
pas envie de passer ses jours entre les chèvres et les oliviers.
Il rêvait d'aventures, de voyages et de grandes émotions...
Il mit au point un spectacle coloré, avec de belles danseuses du
ventre, (des Ouled Nails), qu'il intitula "la grotte algérienne",
et partit ainsi à la conquête de la Métropole.
-----Le public français découvrit
avec ravissement ces beautés kabyles et, le succès aidant,
l'ambition d'Ahmed ben AMAR grandit. Fortuitement, Marie BONNEFOUX, sur
du directeur de la Ménagerie lozérienne, s'éprit
de lui, l'épousa et le suivit ardemment dans ses rêves les
plus audacieux... Au bout de quelques années, l'un d'entre ces
derniers l'amena à concevoir un autre genre de spectacle, sans
danseuses, mais avec une "fosse aux lions" où il fit
descendre ses trois fils Ahmed, Abdellah et Mustapha, "les plus jeunes
dompteurs du monde"... Il s'agissait en fait d'une petite ménagerie,
bien modeste en vérité, à peine riche de 2 lions,
4 hyènes, 1 ours et 4 singes... Mais qui valut au nom AMAR de commencer
à se faire connaître, notamment lors de ses prestations dans
diverses foires, comme la Foire aux Pains d'Epices à Paris en 1909..
.
-----En 1913, Ahmed ben AMAR mourut. Mais
sa femme ne renonça pas à l'aventure et à l'appel
des grands chemins, fidèlement soutenue par Ahmed fils et Mustapha,
tandis qu' Abdallah avait décidé d'ouvrir sa propre ménagerie.
Après une interruption due à la Grande Guerre, le nom commença
à briller de plus en plus fort au firmament de la renommée...
L'établissement grandit. Madame Vve AMAR et ses fils acquirent
des gradins de cirque, un chapiteau et se lancèrent hardiment sur
les routes.
Dès 1926, "le Grand Cirque Ménagerie AMAR Frères
" devint célèbre au-delà des frontièreS.
Hollande, Belgique, Allemagne... autant de succès
remportés. En 1929, doté de deux pistes, il prit le titre
de "Cirque Géant", pour contrecarrer les efforts de son
rival allemand Julius GLEICH qui, aux portes de Paris, accueillait 10.000
spectateurs dans un spectacle donné sur trois pistes à la
fois...
-----Forts de leur popularité sans
cesse grandissante, les Frères AMAR prirent la route de l'Algérie,
la Tunisie, le Maroc où l'accueil s'avéra délirant.
Ils continuèrent ensuite vers l'Egypte, la Palestine, la Syrie,
la Grèce, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Yougoslavie,
la Hongrie, l'Autriche, l'Italie, avant de rejoindre Paris, couverts de
gloire et de deniers..
.
-----Devenus fabuleusement riches, ils souhaitèrent
alors créer dans la capitale un établissement fixe et convoitèrent
le Cirque Napoléon (Cirque d'Hiver). Hélas, leur farouche
concurrent Joseph BOUGLIONE, qui ne leur pardonnait pas de l'avoir gagné
de vitesse pour un achat d'un troupeau de quinze éléphants,
en prit possession... Les Frères AMAR s'installèrent donc
à l'Empire, avenue de Wagram, où ils montèrent des
spectacles éblouissants, invitant les attractions les plus étonnantes,
annoncées avec un sens de la communication tel qu'aucune d'entre
elles ne passait inaperçue : ours blancs dans un décor arctique,
cerfs dans une chasse à courre... Le chapiteau AMAR n'en continuait
pas moins ses tournées, rassemblant un public enthousiaste et fidèle...
-----La seconde guerre mondiale empêcha
les voyages, mais 3 cirques AMAR se dressèrent durant toutes les
hostilités aux portes de la capitale : "Le Grand Cirque"
de Mustapha, "le Cirque International" d'Ali et le "Nouveau
Cirque de Paris" d'Amar et Schérif. Le retour de la paix vit
peut-être l'éclatement de la famille, la popularité
du cirque n'en souffrit pas... Il fait bien avouer que l'on n'avait pas
lésiné sur le programme : "91
chevaux, 16 poneys, 15 mules, 4 ânes, 17 dromadaires, 3 lamas, 2
guanacos, 2 yacks, 1 mouflon, 1 cacatoès, 27 singes, 10 lions et
lionnes (dont le célèbrissime d'Artagnan), 1 panthère,
1 puma, 1 loup, 4 hyènes, 4 ours blancs, 2 ours noirs, 1 ours du
Thibet, 4 otaries, 4 éléphants, 1 hippopotame, 1 girafe,
2 serpents najas, 5 pythons , 1 vautour et aussi 1 bouc nain et 1 boeuf
phénomène à 5 pattes, le membre supplémentaire
étant fixé à son épaule gauche"
(1).
----Chaque année,
on changeait de spectacle, cherchant à faire, selon la loi du cirque,
toujours plus fort, toujours plus sensationnel : cirque traditionnel ou
pantomimes nautiques sous chapiteau, nuits de Chine, soirées espagnoles...
mais aussi, exhibitions sportives ou présentation d'artistes de
music?hall, tel Fernand RAYNAUD...
-----L'Algérie demeurait
chère au coeur des directeurs, qui s'y rendaient
volontiers, avec, il faut bien le dire, des spectacles plus limités,
en raison du coût des voyages et des mauvaises conditions de transport
à travers le pays pour des convois à la fois si lourds et
si fragiles...
-----Puis Madame Vve AMAR disparut, puis
Ahmed, puis Ali... Schérif préféra quitter l'établissement
familial et se retirer dans un zoo... En 1968, Mustapha AMAR, fatigué
à son tour, se résigna à abandonner la direction
du cirque aux destinées duquel il avait si farouchement veillé...
-----Actuellement, l'enseigne du Cirque AMAR
appartient à Firmin BOUGLIONE Jr, fils de l'inoubliable Joseph.
La direction de l'établissement est assurée par la sympathique
famille RECH, un autre nom bien familier dans l'histoire des banquistes
français.
-----Grâce à l'érudition
de Jean VILLIERS, et à sa passion pour le cirque, HORIZON - EUROPE
est fière de proposer aux visiteurs du Rassemblement Mondial des
Pieds-noirs et Harkis, les 13 et 14 Juin à l'Hippodrome de Vincennes,
une exposition, unique au monde, d'affiches du Cirque AMAR, généreusement
prêtées par la Bibliothèque Nationale de Paris.
Michèle BARBIER
(1) Cirque Parade Adrian-
Editions SOLAR
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