On
tourne deux grands films sous le ciel africain
Tandis qu'à Marrakech,
là " Ville Rouge ", Marcel L'Herbier tourne dans le
calme du bled les extérieurs des " Hommes Nouveaux ",
à Sidi-bel-Abbès, Christian Jaque, réalisateur
d'" Un de la Légion ", a toutes les peines du monde
à soustraire Fernandel aux assauts enthousiastes de ses admirateurs.
L'Afrique du Nord, qui est en passe de devenir le grand atelier du cinéma
français, prête actuellement sa lumière, ses décors
naturels, en un mot toute sa précieuse photogénie à
deux films qui s'annoncent comme devant être classés, chacun
dans son genre, parmi les productions maîtresses de la prochains
saison.
Tandis qu'aux environs de Marrakech, entre Aït-Ourir et Dar-Caïd
Ouriki, dans le cadre unique d'originalité et de pittoresque
de la Casbah Ouanina, Marcel L'Herbier poursuit, après avoir
tourné en studio et à bord du " Djenné ",
la réalisation de cette page héroïque, pleine de
foi nationale et d'enthousiasme, qu'il a tirée des " Hommes
Nouveaux ", de Claude Farrère, Christian Jaque dirige à
Sidi-bel-Abbès les extérieurs d'" Un de la Légion
", avec le concours d'une figuration abondante, obligeamment mise
à sa disposition par les autorités militaires.
J'ai passé une semaine à suivre les différents
ébats dé ces deux troupes qui comptent l'une et l'autre,
dans leurs rangs, des vedettes de tout premier plan.
...
A Sidi-bel-Abbès, je croyais éprouver certaines
difficultés à repérer immédiatement l'équipe
de Christian Jaque. Or, je n'avais pas plutôt pénétré
dans la coquette cité oranaise, que mon attention était
attirée par un brouhaha énorme, des bruits d'émeute
qui se répercutaient à l'infini comme un tonnerre. Quelqu'un
me prévint alors gentiment : " C'est Fernandel qui passe...
". Une bonne partie de la population lui faisait escorte. On hurlait
: " Vive Jim la Houlette " (ce film a fait certainement sensation
dans les parages) et l'on applaudissait et l'on sifflait à la
mode espagnole pour mieux manifester sa joie.
- " Je n'ai jamais vu pareille chose, me dit Christian Jaque. Que
ce soit à la caserne de la Légion, dans la rue ou au restaurant,
les admirateurs de Fernandel ne nous laissent aucun répit. Les
adjurations les plus cordiales, l'arrosage préconisé par
le patron dé l'hôtel et jusqu'à l'appel amical des
autorités municipales, rien n'y fait. Ces gens ont le diable
au corps, mais ils sont cependant si sympathiques qu'on aurait vraiment
mauvaise grâce à leur en vouloir ".
J'ai pu par moi-même mesurer les conséquences de ce débordement
populaire. Une demi-journée entière a été
nécessaire au jeune réalisateur d'" Un de la Légion
" pour arriver à mettre au point et à enregistrer
convenablement une scène qui empruntait le cadre imposant de
l'Hôtel de Ville. Le chef opérateur Langenfeld, l'ingénieur
du son Jacques Hawadier se soumirent patiemment au bon vouloir d'une
foule que j'estimai à quatre ou cinq cents personnes, heureusement
encouragés par l'attitude admirable de Christian Jaque, (brillamment
secondé par son assistant Carron) et le sourire confiant du directeur
de la production M. Calamy.
Thérèse Dorny et ma gracieuse compatriote Manette Delphot
étaient, cette fois, les seuls personnages " de service
". La distribution comprend, d'autre part, les noms de Suzy Prim,
Paul Azaïs, Daniel Mendaille, Rolla Norman, Devere, Sinoel, Le
Vigan, Paul Amiot. Après avoir tourné quelques raccords
à Oran, Christian Jaque et sa phalange de collaborateurs s'embarqueront
a destination de Marseille.