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site le -2003
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J'ai
le plaisir de vous adresser ci-joint, le reportage de la visite de Jacques
Chirac au cimetière juif de Saint Eugène par Elisabeth Schemla,
pour www.proche-orient.info
En exclusivité et dans son intégralité, le plan d'action et de coopération relatif aux sépultures civiles françaises en Algérie. En vous en souhaitant bonne réception et bonne lecture. Florence Drory
.----- Le soleil est à midi, là-haut. Comme avant. Comme toujours. Instant quotidien et unique dans chaque cimetière marin de Méditerranée, entre flammes sombres des cyprès, tôle bleue de l'eau, odeur fraîche de la résine et silence d'éternité lacéré par les klaxons ; seul instant à figer vainement « le secret changement », celui du temps et de l'histoire. Or en cette minute, le lundi 3 mars 2003, l'Histoire précisément fait irruption à Bologhine-Saint-Eugène, sur la corniche à la sortie d'Alger, sous la garde de la basilique Notre-dame d'Afrique, sentinelle dorée qui a tant bien que mal veillé, du sommet de la colline, sur 30 000 tombes accrochées à son flanc. ----- Lorsque Jacques Chirac descend de sa voiture officielle sous les cris et les youyous de la foule au spectacle,- elle qui en manque tant-, puis franchit la grille d'entrée du cimetière chrétien, il marche apparemment, ni plus ni moins, sur les traces de ses prédécesseurs. Giscard et Mitterrand ont déjà foulé ces allées, rendu hommage à la mémoire de ceux qui sont enterrés dans cette rare beauté, se sont avant lui recueillis au pied de la chapelle qui, jadis, a entendu les murmures des prières et croulé sous les bouquets de fleurs vives.
----- Pourtant, cette visite est d'emblée différente. Pas seulement parce que ce chef de l'État, n'éprouvant sans doute ni la froideur du premier ni la fascination du second pour les territoires des morts, lui confère solennité et chair à la fois. Mais parce que Saint-Eugène commence à ressusciter. Ressusciter, c'est bien le mot. Depuis la dernière visite présidentielle ici, dans les années 80, ces deux cimetières français, comme tous les autres en Algérie, ont subi un martyr. Durant la décennie sauvage, époque de peur et de sang que l'Algérie a affrontée solitaire, - abandonnée aux islamistes, en particulier par les gouvernements de la France et ses diplomates, barricadés dans leur ambassade d'Hydra transformée en forteresse -, les égorgeurs de Dieu se sont aussi attaqués aux cimetières des pieds-noirs qu'ils ont profanés. Leur haine xénophobe n'avait pas de plus parfaite, de plus pure cible que cette France ex-colonisatrice qui avait laissé une langue, des murs et ses morts. ----- Jacques Chirac ne sait sans aucun doute pas à quel point l'offense a été grave. Et le spectacle de réconciliation qui s'offre à lui, tandis qu'il monte vers la chapelle où l'attendent l'archevêque d'Alger, Henri Tessier, le pasteur Philippe et l'imam Djeloul qui vont pour les deux premiers réciter un fort « Notre Père » et pour le troisième expliquer que « l'islam respecte toutes les religions », ne peut pas lui permettre de mesurer tout à fait l'ampleur du scandale. Voilà des semaines en effet qu'une vingtaine d'équipes de cantonniers travaillent d'arrache-pied pour élaguer, désherber, chauler, goudronner, restaurer. Aussi, en prenant ensuite l'allée de ronde qui longe la rue, le Président de la République apprend-il avec quelque étonnement qu'une fatwa partie de la mosquée de Saint-Eugène, alors fief islamiste très dur, avait été prononcée contre le cimetière. Au loin, là-bas, les ossuaires ont été fracassés, voilà pourquoi nombre d'entre eux sont toujours béants. Il écoute attentivement le récit des exactions commises et précise, avec vigueur : « La France, désormais, prend en main tout cela. Nous veillerons scrupuleusement à ce que le plan de rénovation des cimetières que nous mettons en route avec les autorités algériennes soit respecté. Bouteflika s'est montré très coopératif. Il faut que chacun puisse venir ici pour se recueillir dignement sur les tombes ». Il scrute au passage les caveaux, interroge. Tel qu'en lui-même, tout en parlant, Chirac ne peut s'empêcher de temps en temps de lever les bras et de tendre les mains avec un vaste sourire à l'adresse des gens qui, de leurs balcons d'où ils ont entendu ou vu ce qui se déroulait alors, l'acclament et hurlent. Sans retenue. Il continue : « Il n'y a pas que les morts. Dans le même état d'esprit, les archives, celles de vos parents, de vos ancêtres qui sont ici, dont vous avez légitimement l'envie de pouvoir les consulter et les dupliquer seront toutes rendues et numérisées. C'est une tâche de mémoire très importante aussi. » Se rapproche, alors, le carré de terre uniquement planté de croix blanches : les soldats français morts pour leur pays y sont enterrés. ----- Et puis enfin, dans le long mur blanc qui sépare le cimetière chrétien du cimetière juif, un petit portail de fer. Il est ouvert. Il faut gravir trois marches. « De hautes marches », dit Jacques Chirac en franchissant le seuil tandis que les oiseaux, comme à la fête, mêlent leurs trilles aux vivats et aux youyous qui continuent de plus belle. Un geste d'une énorme portée symbolique ----- Lorsqu'il pose le pied de l'autre côté du portail pour déboucher aussitôt devant des pierres sculptées de lettres hébraïques, ce pas fait de Jacques Chirac le premier président de la République depuis l'indépendance en 1962 à honorer les morts juifs de l'Algérie française. ----- Le chef de l'Etat ne peut ignorer qu'il accomplit ainsi un geste d'une énorme portée symbolique. Pour la mémoire, qu'il invoque tant dans ce voyage d'État, et le présent. Pour tous ceux qui sont enfouis ici et que la République avait dédaignés, ne jugeant guère nécessaire jusque-là de mêler dans un même recueillement, sans exception, tous les enfants de Marianne et d'Abraham. Pour leurs fils, filles et descendants aussi qui, quarante ans après l'arrachement et l'exil qui les a conduits en France ou en Israël rencontrent enfin, en cette matinée printanière d'une période politique difficile, la compassion qu'ils n'espéraient plus. ----- Jacques Chirac est attendu. Un homme âgé et seul, appuyé sur sa canne, lui tend la main. Roger Saïd, avocat qui a du fuir son cabinet de Blida pour Maisons-Laffitte en 1994, au plus fort de la vague sauvage et qui, depuis deux ans, y retourne fréquemment, est aussi le président de la communauté juive. Il est ému. Très ému même. Croire à ce qu'il voit ? Se trouver en face du Président de la République, lui qui avance depuis tant et tant de temps au milieu de l'absence ? Il en fait tomber sa kippa. À peine atteint-elle le sol, le chef de l'État s'est déjà précipité pour la ramasser. ----- Mais Saïd est désolé aussi. Car il n'a pas eu le temps de réunir les dix hommes nécessaires pour la prière. Les aurait-il seulement trouvés d'ailleurs, à part Frédéric Belaïche, dont le père assassiné par les islamistes en plein Alger, repose à quelques pas ? Car la capitale a depuis longtemps perdu tous ses juifs et les synagogues, fermées, n'en ont plus que le nom. Quant au Consistoire, propriétaire du cimetière, il a coupablement abandonné Saint-Eugène, laissant à ceux qui venaient visiter leurs morts le soin de glisser quelques billets à un gardien qui, des années durant, a vécu avec sa famille terrorisé par les intégristes en armes qui se livraient, dans les tombes, à leurs orgies. [ (lire plus bas, en annexe) ----- « Qu'est-ce que cette bâtisse ? » demande gentiment Chirac en se tournant vers ces murs ocres ornés de mauvais vitraux, fraîchement replacés. « Les deux rabbins qui, au 15ème siècle, ont refondé la communauté juive algéroise y reposent », lui répond Roger Saïd. Il souligne ainsi, délicatement, la longue présence des Juifs en Algérie dont certains, même, étaient installés plus à l'Est depuis des temps immémoriaux, bien avant les Arabes et les Turcs. Juifs qui, pour cette raison même, mieux que d'autres aussi parce qu'ils ont endossé - avec dévotion pour la plupart - la nation qui les a faits citoyens par le décret Crémieux de 1870, restent le lien indispensable entre la France et l'Algérie. « Et là ? » poursuit Chirac en pénétrant dans la pièce parsemée de plaques à la mémoire des soldats français juifs qui se sont sacrifiés pour leur patrie. « Ici, ce sont ceux qui sont tombés en 39/45. » Dehors, officiels et journalistes font cercle.
----- Alors, Roger Saïd demande au
Président de la République de bien vouloir écouter
une prière. Jacques Chirac se retourne et invite d'un geste l'archevêque
et le pasteur à se joindre à lui. Les mots qui s'élèvent
soudain dans un silence étreint s'adressent, par delà les
vivants, aux 4830 hommes, femmes, enfants du cimetière marin, à
cette tombe au loin dont la colonne brisée a été
emportée, la laissant comme déshabillée, et ces mots
disent d'abord « Chema Israël, Ecoute
Israel, l'Eternel est notre Dieu, l'Eternel est un »,
puis la traduction en français d'un extrait de la prière
quotidienne du matin que le chef de l'Etat écoute, comme s'il avait
un temps infini devant lui :"Dieu de miséricorde
et de grâce, aie pitié de nous, et de toutes tes créatures,
car nul n'est comme toi, Eternel, notre Dieu". Texte d'Elisabeth Schemla ----- « Dès les premiers pas
pour monter vers le haut du cimetière juif que surplombe l'église
Notre-Dame d' Afrique, le spectacle est désolant. Des ronces, des
branchages envahissent les allées, des chèvres broutent
au milieu des tombeaux ouvragés, ornés de fleurs de marbre
et de grilles à arabesques. Plus de visiteurs depuis longtemps,
si longtemps. À cette hauteur, ce n'est qu'un cimetière
à l'abandon qui emplit l'âme de tristesse et de nostalgie,
où l'on entend les pleurs de jadis qui, jaillis des vivants, étaient
mille fois plus doux cependant que les vrilles des oiseaux dans ce silence
pétrifié. Mais, une fois délaissée cette montée
pour tourner à droite et s'enfoncer dans le cimetière... PLAN D' ACTION ET DE COOPÉRATION RELATIF AUX SÉPULTURES CIVILES FRANÇAISES EN ALGERIE A. Un devoir de mémoire ----- Les cimetières chrétiens et israélites en Algérie font partie de l'histoire de l'Algérie et de la France. Ils constituent un patrimoine commun qui doit être conservé au titre du devoir de mémoire et du respect dû aux défunts. ----- Ces cimetières font l'objet, de la part des autorités françaises, d'une vigilance constante et d'efforts soutenus pour lutter contre les inévitables dégradations dues au temps et aux circonstances. (ndlr : cette affirmation est fausse. Et plus encore pour le cimetière juif que pour le cimetière chrétien, comme ont pu en témoigner Alexandre Arcady avec un film et Elisabeth Schemla avec un livre. Jusqu'à une date très récente, les autorités françaises ne se sont nullement préoccupées de l'état de ces deux cimetières. Pas plus d'ailleurs que les autorités religieuses et les pieds-noirs chrétiens et juifs qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne se sont guère mobilisés pour leurs morts) ----- Les obligations l'égard de ces cimetières sous souveraineté algérienne et des sépultures sont partagées en vue de la préservation de ce patrimoine familial et historique. ----- Les sépultures demeurent la propriété des familles à qui la responsabilité première de leur entretien Incombe. Toutefois, nombre d'entre elles confient à des associations l'accomplissement, pour leur compte, de leurs obligations à l'égard des tombes de leurs défunts. ----- Pour sa part, la France fait son devoir. Elle fait face aux besoins les plus pressants d'entretien des sites ou de remise en état de décence des sépultures, en témoigne l'action régulière des consulats de France qui rencontre la coopération des autorités algériennes centrales et locales. ----- L' Etat consacre déjà des moyens importants à cette cause [ ndlr :1 million € à ce jour ]. Dès 2003, il intensifiera son action pour soutenir les efforts des familles, des associations, des collectivités territoriales françaises conjointement à celle des autorités algériennes, dans le cadre du présent plan d'action- L'objectif est de parvenir en cinq ans à une situation satisfaisante en plein accord avec le Gouvernement algérien. B. Les actions ----- 1. Le recensement général des cimetières, chrétiens et israélites, effectué par les autorités algériennes, permettra de dresser un bilan de l'état de conservation et d !entretien de chaque site. ----- Ce recensement indiquera également l'existence et l'état de conservations des registres et des plans des cimetières. ----- Ces études seront achevées en vue de disposer d'un état général des sites au plus tard le 31 décembre 2003. ----- 2. D'ores et déjà, l'état d'un certain nombre de cimetières dans les principaux centres urbains et dans les régions accessibles est connu des autorités consulaires françaises. L'ampleur des travaux déjà entrepris en liaison avec les autorités locales a pu être mesurée en janvier 2003, lors d'une mission conjointe du Ministère des affaires étrangères et de la Mission Interministérielle aux rapatriés. ----- 3.
Sur la base des éléments disponibles, une commission technique
franco-algérienne arrêtera, avant le 30 juin 2003,
les premières propositions d'action à mettre en uvre
selon 1e cas : -----4. Cette commission technique examinera également les besoins en matière de sécurité (réfection des murs d'enceinte et des portails d'accès) et de gardiennage, en liaison avec les autorités locales compétentes et, le cas échéant, avec les associations. -----5. Une réflexion sur la question des concessions non renouvelées sera lancée sans délai avec les autorités algériennes, par l'Ambassade de France en coordination avec les autorités consulaires et les associations. -----6. Des fiches d'Information, établies par cimetière, seront progressivement mises en ligne sur les sites internet de l'ambassade et des consulats généraux de France en Algérie, au plus tard le 31 décembre 2003. -----7. Une action
de communication sera effectuée par la Mission interministérielle
aux Rapatriés, en liaison avec les associations, en direction des
familles pour : -----8. L' Etat encouragera les collectivités territoriales françaises à appuyer cet effort national dans le cadre d'actions de coopération décentralisée, à l'exemple de la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur avec la Wilaya d'Alger. C. Les moyens -----1. Compte tenu de sa complexité et de son ampleur, le présent plan sera mis en uvre durant les cinq prochaines années. -----Sans préjuger des actions des autorités algériennes, des associations et des familles, l'Etat mettra en oeuvre ce plan d'action de manière concertée de 2003 à 2007. Les modalités financières de son engagement seront déterminées au vu des travaux de la commission technique. L'important effort financier qu' iI consent déjà par l'intermédiaire du ministère des affaires étrangères sera développé avec la contribution des autres administrations de l'Etat concernées et des collectivités territoriales Intéressées. -----2. L'exécution de ce plan est confiée au Ministre des affaires étrangères, à la Mission interministérielle aux rapatriés, à l'Ambassadeur et aux Consuls généraux de France en Algérie. -----3. Un rapport sur l'état d'exécution de ce plan pluriannuel sera établi, en janvier de chaque année, par le Ministre des affaires étrangères et la Mission interministérielle aux rapatriés. Copyright proche-orient.info.
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