------30
ans après, sur fond de profanations des cimetières Juifs
et Chrétiens, l'Algérie harassée par la crise économique,
est à la recherche d'un équilibre qu'elle n'a jamais su
trouver depuis 1962.
------30ans
après les Accords d'Evian, elle offre l'image d'un pays arrêté
dans le temps. Il n'est pas rare de voir dans les hôtels subsister
l'ascenseur datant des années 50, souvenir d'une époque
révolue, ou d'y retrouver un mobilier suranné et d'origine
du temps de la France. L'économie pétrifiée dans
son startingblok de 1962, a favorisé la misère. Pauvreté
qui au lieu de réduire le nombre de naissance, a contribué
comme dans tous les pays du tiers monde, à accélérer
le taux de natalité. Aujourd'hui, les rues grouillent d'une jeunesse
à la recherche d'un emploi, tiraillée entre un modernisme
représenté par la France, à la fois lointaine et
proche, et les traditions d'un Islam radical. Cette double identité,
héritage de l'Algérie Française est toujours très
présente dans le paysage social. Elle est à la source d'un
affrontement de civilisations entre les tenants d'un modernisme et les
représentants d'un retour aux valeurs ancestrales de l'Islam. L'incapacité
du F.L.N. a gérer le pays a conduit de nombreux algériens
à se laisser séduire par les sirènes du Front Islamique
du Salut. L'Algérie présente le spectacle d'un gâchis
humain, culturel et matériel. Tout Pied-Noir éprouve devant
cette décomposition la nostalgie d'un pays stoppé dans son
dialogue entre communautés et dans ses réformes, victime
de ses passions et de manoeuvres politiciennes. Malheureusement, on ne
refait pas l'histoire.
L'HORREUR DES PROFANATIONS
--------Peu
de Pieds-Noirs retournent en Algérie pour des raisons de contraintes
matérielles. L'appréhension psychologique d'un séjour
sur une terre symbole de leur souvenir et de leur souffrance, est aussi
un facteur difficile à surmonter pour nombreux d'entre eux. Chaque
période de la Toussaint ranime dans leur coeur la douleur de ne
pouvoir honorer sur place la mémoire de leur aïeux. Pour tout
candidat au retour, après le temps de la découverte de l'Algérie
d'hier et d'aujourd'hui, le cimetière est un passage obligé.
Les Pieds-Noirs, comme toute communauté du bassin méditerranéen,
ont un profond respect de leurs morts. Le drame de l'exil se conjugue
souvent avec la tristesse de l'abandon des siens enterrés là-bas.
Tant de bruits circulent sur l'état de ces nécropoles que
la visite des tombes est une épreuve supplémentaire au voyage.
Malheureusement, la réalité est à la hauteur des
rumeurs. Des milliers de tombes chrétiennes et juives profanées
en Algérie, 500 cimetières saccagés sur 600 répertoriés
par l'Association de Sauvegarde des Cimetières en Algérie
(la liste serait trop longue et trop cruelle, de Oued-ElAlleug, Fort de
l'Eau, Mouzaïaville, Birtouta,tous devenus irrécupérables).
Seuls les cimetières des grandes métropoles sont épargnés.
Force est de constater que les années et le manque d'entretien
n'est pas à la source de ce drame. Ces profanations sont-elles
perpétrées par des idéologues tentant d'effacer toute
trace de présence française ? Par des intégristes
musulmans irrités de voir sur le sol algérien des sépultures
chrétiennes et judaïques, religions pourtant existantes avant
l'Islam en Afrique du Nord ? Ou par des pilleurs de tombés à
la
recherche de dents en or ou du zinc des cercueils, métal rare en
Algérie ? Une chose est certaine, elles sont l'oeuvre de bandes
organisées et outillées car le déplacement des pierres
tombales demande un attirail adéquat et ne peut être l'oeuvre
d'herbes folles ou de pluies abondantes. Notre objectif n'est pas de lancer
des condamnations, mais il est difficile de comprendre cette violence
sur les tombes d'innocents. Les Pieds-Noirs étaient dans l'ensemble
des gens de condition modeste et non des suppôts du colonialisme.
Il est important de trouver une solution, car ces morts, ces hommes et
ces femmes, ces pionniers de l'Algérie moderne, sont des enfants
de cette terre et méritent comme tout être humain le respect
de leur repos. IL est indiscutable que l'ensemble des Algériens
eux?mêmes sensibles à la mémoire des morts, ne peut
être tenu pour responsable. Mais il est regrettable de constater
que l'État Algérien et plus particulièrement l'Ambassade
de France à Alger, alertés par l'A.S.C.A., n'ont jamais
daigné se pencher sur ce problème.
SAUVONS LES CIMETIERES
--------Certains
Pieds-Noirs ont déjà pris conscience de ce drame. Ainsi
Jean-Paul GAVINO et Alain BOURDON, responsables de l'Association pour
la Sauvegarde des Cimetières en Algérie, dont l'action sur
le terrain est remarquable, proposent d'ouvrir le débat sur le
devenir des nécropoles. Selon eux, après étude de
la situation, le regroupement des petits cimetières non protégés
dans les grandes nécropoles urbaines gardiennées (sous forme
d'ossuaires spécifiques), apparaît comme une solution raisonnable.
Mais cette hypothèse risque de heurter la sensibilité de
certaines familles préférant conserver le caveau familial.
Le danger est grand de voir aussi disparaître de nombreux cimetières
témoignages d'un patrimoine historique. Cependant le gardiennage
de tous les cimetières semble une entreprise difficile. De toute
manière, selon l'option choisie, les opérations de sauvegarde
ne peuvent être financées que par la France et l'Algérie.
Les Pieds-Noirs ont déjà été spoliés
de leurs biens, ils n'ont pas à assumer la réparation de
ces profanations. A ce propos, le magazine désire connaître
le sentiment de ses lecteurs sur ce problème, et ouvre ses tribunes
afin d'élargir le débat. Il est temps de se mobiliser et
de soutenir les actions de l'A.S.C.A. Participez à la pétition
nationale et soyez présents au grand Rassemblement Mondial des
Pieds-Noirs et Harkis, les 13 et 14 Juin, pour montrer notre détermination
à sauvegarder notre mémoire. Notre but n'est pas de juger
ou de soulever une polémique, mais de combattre le silence afin
que les hommes politiques de tous bords et les responsables d'associations
dites humanitaires, prennent position comme pour Carpentras, au nom des
Droits de l'Homme. A l'heure du dialogue Nord?Sud devenu incontournable
pour l'équilibre méditerranéen, l'Algérie
comme la France ont tout intérêt à apporter une solution
au devenir des cimetières chrétiens et israélites.
L'INSULTE FAITE À
NOS MORTS.
------Le témoignage
que les représentants de l'ASCA (Association de Sauvegarde des
Cimetières en Algérie) rapportent d'Algérie repousse
les limites de l'horreur. Ce qui devait être pour nos camarades
un pieux pèlerinage sur les tombes des morts, s'est transformé
bien vite en un voyage au bout du désespoir.
------Leur
désespoir. Celui de leurs familles. Notre désespoir aussi.
Celui de toutes les familles piedsnoires meurtries et humiliées.
------Dans
les villages de la campagne algérienne - ceux en tout cas que l'ASCA
a visités - le constat est trop souvent le même. Ou bien
les cimetières ont disparu, rasés au bulldozer pour faire
place à des constructions de fortune, ou bien ils sont abandonnés
après avoir été profanés. Ce ne sont que tombes
éventrées, caveaux saccagés, stèles brisées
et parfois même -vision macabre - ossements extraits de cercueils
parsemant les allées.
------L'insulte
faite aux morts est inexplicable. Nous la recevons comme une blessure
toujours présente. Mais par delà le chagrin et la révolte,
se pose un problème politique d'une gravité exceptionnelle.
------Comment
en effet, dans tant de centre ruraux, où chacun naguère
se connaissait et s'estimait, les profanateurs ont-ils pu agir au fil
des mois et des années en toute impunité ? S'agit-il, comme
certains l'avancent sur place, de détrousseurs de cadavres, de
simples d'esprit ou de petits voyous en mal de jeux interdits ? S'agit-il
plutôt d'initiatives concertées de prédateurs idéologiques
acharnés à effacer, dans l'isolement des campagnes algériennes,
les dernières traces- les plus symboliques, les plus profondes
- de la présence française ? Et qui pour cela, transforment
nos nécropoles chrétiennes et juives en champs d'épandage.
------La question
est posée, mais force nous est de constater que jamais les autorités
algériennes-religieuses, administratives politiques n'ont, de leur
propre initiative, condamner le sacrilège, contraire à toutes
les croyances et traditions de l'Islam.
------Que
dire encore de l'inertie des responsables français ? Que dire du
silence des autorités morales de notre pays si promptes d'habitude
à défendre les justes causes ? La grande détresse
des cimetières français d'Algérie pose aujourd'hui
un problème national. C'est à Paris d'intervenir pour mettre
un terme immédiat à des pratiques indignes de la France
comme de l'Algérie. Que doit-on faire ? Est-il encore possible
d'obtenir des dirigeants algériens qu'ils fassent respecter les
cimetières isolés ? Faut-il plutôt organiser le rapatriement
collectif des cercueils ou leur regroupement dans trois ou quatre grandes
villes algériennes ?La communauté des rapatriés doit
bien entendu être consultée sur ces points essentiels, mais
c'est au gouvernement français, une fois l'avis des familles exprimé,
de prendre les dispositions qui s'imposent. L'heure est venue pour les
Pieds?Noirs, toutes confessions et toutes opinions confondues, de se mobiliser.
Pour tous, le devoir est clair. Nous ne tolèrerons pa, que, près
de trente ans après l'exil nos morts eux-mêmes, dans un tra
gigue symbole, soient arrachés
leur terre.
L'opinion française révoltée à juste titre
par la profanation de Carpentras, ne peut pas ne pas nous comprendre.
----- -Robert
SOULE, journaliste à Paris depuis trente ans, est un Pied-Noirs
qui a débuté en Algérie, à "l'Echo d'Alger",
d'Alain de SERIGNY en qualité de Grand Reporter puis directeur
de l'information
à France-Soir.
Robert SOULE
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CIMETIÉRE de
FORT de L'EAU :Le symbole l'horreur
-------La
vision de ce cimetière révèle les tristes dérapages
d'une Algérie confrontée à un problème d'identité.
-------Il
est difficile de retenir son émotion devant le spectacle de ces
profanations... Ce cimetière n'est que l'une des cinq cent nécropoles
dévastées, répertoriées par l'Association
de Sauvegarde des Cimetières d'Algérie dont nous tenons
à saluer le travail et le courage (cette association piednoire
mérite tout notre soutien
A.S.C.A. BP 68 - 94440 Villecresnes). Les noms gravés sur ces tombes
attestent l'état-civil d'une communauté où s'écrit
l'histoire d'un peuple de pionniers, qui, à la sueur de son front
avait su construire un pays moderne. Pour les jeunes générations
nées en France par accident historique, le nombre de familles regroupées
par sépulture frappe l'esprit et rappelle, si besoin était,
l'origine de ses racines. Quelle douleur pour les Pieds-Noirs impuissants
devant ces horreurs de ne pouvoir honorer, comme en France, une ascendance
plus nombreuse enterrée en cette terre d'Algérie.
-------Mais
pourquoi cette violence gratuite ? Pourquoi ces croix et ces étoiles
de David arrachées comme pour symboliser le rejet de religions,
pourtant présentes en Algérie bien avant l'Islam ?
-------Pourquoi
ces tombes démolies, ces cercueils éventrés, ces
ossements livrés aux chiens errants ?
-------L'Algérie
a-t-elle peur des fantômes d'un époque où l'islam,
le judaïsme e1 le christianisme cohabitaient pacifiquement, au point
aujourd'hui de s'acharner avec plus de violence qu'en 1962 sur ses propres
cimetières ? Car ces morts, juifs ei chrétiens sont des
hommes de cette terre d'Algérie.
-------Ferhat
ABBAS, leader musulman de, années 50, avait dit : "J'ai
beau interroger les cimetières, il n'existe pas de nation algérienne"*
-------Est-ce
finalement cette appartenance à un creuset de plusieurs civilisations
qui force l'Algérie d'aujourd'hui à détruire les
traces d'histoire bien réelle, à éduquer les masses
dans le rejet de la France, à distiller une dialectique falsifiée
encourageant à son insu la montée de l'intégrisme
?
* Référence "Entente Franco Musulmane du 26 Février
1936. "
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