Notre-Dame
de la mer à Chiffalo petit coin de Sicile...sur la côte algéroise
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PRIÈRE A NOTRE-DAME DE LA MER Oh ! Vierge Marie qui, pour nous inspirer confiance, avez voulu prendre différents noms : Notre-Dame du Mont, Notre-Dame de la Neige, Notre-Dame du Bon Secours, voici qu'on peut aussi vous appeler véritablement Notre-Dame de la Mer. Soyez la protection de tous ceux qui usent de cet élément qu'est l'immensité de l'eau. Soyez la gardienne des pécheurs, des navigateurs. Faites-les arriver à bon port et donnez-leur la prospérité dans leur travail. Et surtout que votre présence dans les fonds marins leur fasse penser qu'au-dessus des biens matériels et périssables, ils recherchent les biens spirituels et éternels dont vous êtes le symbole vivant. La grâce de Dieu dont vous êtes remplie dépasse en beauté et en richesse toutes les merveilles qu'on peut rencontrer au fond des eaux et qui sont, elles aussi, l'ceuvre du Créateur. Que tous ceux qui scrutent la profondeur des abîmes pour en retirer le bien-être corporel puissent sortir, par votre intercession, des bas-fonds du péché et ainsi parvenir au port de l'éternel salut. AINSI SOIT-IL. NOTRE-DAME DE LA MER A CHIFFALO Le samedi 24 juillet 1954, fête de sainte Christiane, un correspondant de « L'Algérie Magazine Automobile « : Lucien Ressort, ingénieur de l'Institut Agricole d'Algérie, et le signataire de ces lignes, apportèrent le salut d'un ami à l'abbé Schiano, curé de Chiffalo. Nous venions de Castiglione, après visite de la station d'Aquiculture, où quelques pensionnaires de l'établissement furent photographiés (reportage inclus dans ce numéro). L'un et l'autre ne connaissions pas le curé de Chiffalo : présentations accomplies, l'invitation prévisible : «Et maintenant, le verre de l'amitié ! Des pêcheurs se joignirent à nous dans ce petit café parfumé d'iode et d'anisette. On parlait chaleur et pêche, santé et nourriture, bêtes, et plantes. On parlait de Jujube, le chien de Ressort, croisement d'un chacal (l'allure) et d'un plumeau (la queue), on parlait pour ne rien dire, on parlait par camaraderie. Comment vint l'idée d'une statue sous-marine de la Vierge ? Soudain, Lucien Ressort parla pour quelque chose : - Quand
verrons-nous une chapelle sous-marine de la Vierge en Afrique du Nord
? Le curé de Chiffalo agréa, encore qu'il nous prit pour des exaltés inoffensifs. Sous notre ciel d'Algérie, par une chaude journée de juillet, que ne promet-on pas ? Le lendemain, l'abbé Schiano recevait confirmation par téléphone : notre directeur, Maurice Magnan, acceptait notre idée. Cette acceptation signifiait que tous les soucis financiers s'effaçaient. Interprète de beaucoup, je veux remercier notre patron d'avoir de suite dit oui à un projet téméraire.
L'abbé Schiano
fut plus réservé : « Vous pensez absolument réussir... vous disposez d'un
mois à peine... Et si ça ratait ?... « Le comité d'organisation est constitué (L' Abbé Schiano, curé de Chiffalo; Maurice Magnan, directeur de l'Algérie Magazine Automobile ; Léon Cazzelles, rédacteur en chef ; Robert Couturier, rédacteur ; Lucien Ressort, ingénieur de l'institut Agricole d'Algérie.). Nos amis nous apporteront leur aide. Le succès est assuré. - D'accord, allons-y ; seule objection : reculer la date au dimanche suivant, parce que le 15 août les pêcheurs de Chiffalo se rendent en procession à Notre-Dame d'Afrique. - Entendu ; l'immersion de Notre-Dame de la Mer aura lieu le dimanche 22 août à Chiffalo. Néanmoins, la statue sera terminée le 15 août ; Monseigneur la bénira à Notre-Dame d'Afrique ; elle restera exposée une semaine sur le parvis de la basilique ; le samedi 21, elle prendra la route du littoral pour rejoindre Chiffalo, sa paroisse ; elle sera tractée par une puissante remorque décorée aux couleurs de la Vierge ; des centaines de véhicules l'escorteront ; la caravane occupera plusieurs kilomètres de route nationale ; un service d'ordre, en grande tenue, dirigera le convoi ; en mer, remorqueurs, vedettes, chalutiers, bateaux de pêche et de plaisance suivront l'itinéraire ; dans le ciel. des avions survoleront la caravane à faible altitude ; les localités traversées pavoiseront ; il nous faut encore des fanfares, des illuminations, des lâchers de ballons ; tous les journaux en parleront. aussi bien d'Algérie que de la Métropole ; la radio offrira ses antennes ; le cinéma gravera cette fête unique en Afrique du Nord ; nous déplacerons plusieurs dizaines de milliers de personnes. En un mot, une fête digne de la Vierge. - Vous voyez grand... De fait, on voyait grand... La réussite fut néanmoins conforme aux prévisions du pro-gramme. Telle demeure l'origine de l'idée de l'immersion d'une statue de la Vierge au large de Chiffalo. Certains prétendirent que l'idée n'était pas aussi simple. Notre confrère « Dernière Heure » fit écho à ces farouches consciences ; nous en parlerons plus avant. La vérité historique est ainsi, n'en déplaise aux détracteurs ou aux névrosés ; Notre-Dame de la Mer demeure l'oeuvre de quatre hommes de bonne volonté, les quatre du comité d'organisation qui voulurent rendre un solennel hommage à la Mère du Dieu auquel ils croient. Pèlerinage à Notre-Dame de la Mer Les pêcheurs de Chiffalo saluèrent notre projet avec enthousiasme. Eux-mêmes choisirent la grotte où se trouve Notre-Dame de la Mer, à quelques encablures de l'autre côté de la digue du petit port de pêche. Chaque fois qu'il sortent pour la pêche, précise l'abbé Schiano, ils passent dessus la Vierge et font une prière pour le succès de leur labeur. Cela permet de sanctifier leur travail. Cette cavité se trouve à 30 mètres environ de la jetée du port et demeure à l'abri de la mauvaise mer. La statue de Notre-Dame de la Mer de Chiffalo peut se voir, poursuit l'abbé Schiano. Sans compter les plongeurs sous-marins qui viennent tournoyer autour d'elle le dimanche, combien y viennent en pèlerinage. La statue, par temps calme et eau claire, se voit bien de la surface malgré les dix mètres de profondeur. Empruntant des barques au port. beaucoup vont prier au-dessus de Notre-Dame de la Mer. Tous les dimanches, des fleurs sont installées sur l'eau, à l'aide de lièges flottants, et maintenues sur les lieux par des grappins. D'autres se contentent de venir sur la jetée, de jeter des fleurs à la mer, et, s'agenouillant vers le large, de lancer leur prière. » Notre camarade Claude Brunet publiait un article en exclusivité sur Notre-Dame de la Mer à Chiffalo, dans la « Dépêche Quotidienne » du 12 août, illustré, entre autres, d'une photo de la glaise de la statue de Geneviève Courtot. La toute première silhouette de Notre-Dame de la Mer que nous-mêmes ayons vue. Ce jour-là, dès qu'ils ouvraient la « Dépêche Quotidienne « et remarquaient la photo, les pêcheurs de Chiffalo embrassaient l'exemplaire à l'emplacement du cliché. Inutile de spécifier que le contingent habituel de journaux fut insuffisant dans toute la région. Plus un exemplaire sur tout le littoral. Une voiture partie de Chiffalo alla demander aux bureaux d'Alger des journaux... Mlle Geneviève Courtot, auteur de Notre-Dame de la Mer, a, sans conteste, démontré son talent. Mlle Geneviève Courtot n'a que 23 ans et se réclame des Beaux-Arts d'Alger. Parmi toutes les maquettes présentées, nous avons retenu la sienne parce qu'elle reflète une authentique inspiration. Les lignes de la statue sont très simples pour une raison péremptoire : faune et flore sous-marines s'incrusteront sur la statue, d'ici quelques mois, et modifieront la silhouette de l'oeuvre. Or, la statue immergée au large de Chiffalo prendra précisément tout son relief par ces incrustations de coquillages et d'algues ; de même qu'elle fut traitée pour être vue à la verticale. Ce n'est pas une statue de Saint-Sulpice que nous voulions, mais une oeuvre originale. Poésie de la Vierge Dans la religion chrétienne, la Vierge signifie Amour. Cette vénération implique poésie et bonté, bien utiles à la vie de tous les jours. Depuis que le monde est monde, la mère a toujours aimé l'enfant et l'enfant a toujours aimé la mère. Les exceptions de-meurent trop rares pour leur accorder mention. Vénérer la Vierge ou respecter l'idée mystique de la Vierge, selon qu'on se ré-clame ou non du christianisme, c'est, en tout cas, rendre hommage à sa propre mère. Le chrétien sait la toute-puissance de Marie auprès de Dieu ; il ne peut en douter puisqu'il juge d'après la puissance de sa propre mère sur lui-même. Et celui qui n'a pu aimer sa maman mérite beaucoup d'indulgence, parce qu'il ignore l'amour qui, à lui seul, démontrerait l'existence et l'immortalité de l'âme.
Il y a quelque gêne à écrire ces vérités élémentaires aujourd'hui où toutes les valeurs éternelles sont bafouées. Soyons franc : on a la conviction d'être un fossile du temps où la crainte de Dieu était le commencementde la sagesse. Soyons pourtant ces fossiles bravant les sarcasmes des méchants ou des sots, osons proclamer que, sans Dieu, l'existence n'est qu'une élucubration, plaisante parfois, d'esprits ambitieux. Péché de jeunesse que de se passer de Dieu. Finalement, bien peu osent le nier ; ils lui octroient une autre identité, voilà tout. Alors, à tout prendre. admettons au moins le pari de Pascal. Croyant en Dieu et appartenant à la religion chrétienne, n'était-il point logique que nous rendions hommage à la Vierge Marie ?... Et comment lui rendre cet hommage autrement qu'en lui offrant toutes les ressources de notre métier ? c'est-à-dire en lui offrant toute la publicité que nous pouvions. Pourquoi le mot de publicité serait-il péjoratif ? Publicité signifie « faire connaître » Certes, la Vierge n'a pas besoin de nous pour être vénérée sur tous les azimuts de notre pauvre planète. Mais qui pourrait nous reprocher notre action spectaculaire en faveur de la Vierge Marie ? M. le Curé de Chiffalo a nettement précisé notre pensée : « Ce n'est pas d'abord pour nous que nous scellons une Vierge sur une haute montagne ou au fond de la mer, mais avant tout pour la Vierge elle-même, pour proclamer sa gloire. Sur le dôme même des cathédrales du moyen âge, on sculptait de magnifiques statues de pierre. Rien n'était négligé et pourtant personne ne peut voir cela. On les plaçait là pour faire de tout ce monument, partie visible ou invisible, un chef-d'oeuvre à la gloire de Dieu. « Nous voulons une Vierge sous-marine pour montrer que la Sainte Mère de Dieu, chef-d'oeuvre de la création, est plus belle que toutes les merveilles que l'on peut rencontrer au fond des eaux et Dieu sait s'il y en a. C'est tout simplement pour montrer la supériorité de Marie sur toute créature,pour lui manifester notre admiration. Si nous ne voyons pas son effigie, elle, elle se voit et nous saura gré de placer son image partout comme un signe de vénération. »
Autre approbation de grande valeur;,pour nous, celle d'un musulman : « Si je suis ici aujourd'hui c'est d'abord parce que Marie (Merriem), la mère de Jésus (Sidna Aïssa), est reconnue dans notre religion comme au-dessus de toutes les femmes et que nos filles portent ce prénom, encore qu'il soit d'un emploi restreint : si je suis ici, c'est aussi parce que vous êtes mes frères qui défendez des principes de morale et de religion... » Réponse à un détracteur « Dernière Heure » du 24 août publiait une lettre d'un de ses lecteurs signée des initiales F. L. Pour simplifier la lecture nous reproduirons cette lettre par le paragraphe suivi de notre réponse.Je me permets de vous faire part de quelques réflexions qui m'ont été suggérées au sujet des cérémonies qui ont entouré, hier et avant-hier, l'installation de la statue de la Vierge à Chiffalo. Ce faisant, je suis sûr de me faire l'interprète des sentiments d'un grand nombre de vrais catholiques pratiquants dont je m'honore d'être. Nous aussi, Monsieur F. L., nous nous réclamons de la réligion chrétienne et c'est précisément pourquoi nous ne sommes pas « assurés d'être l'interprète des sentiments d'un grand nombre » qu'ils soient catholiques ou non, pratiquant ou ne pratiquant pas. Nous sommes plus modestes et avons l'esprit critique plus aiguisé pour n'émettre, en toutes choses, que notre opinion sans pré-tendre qu'elle soit celle d'un grand nombre. Pour ma part, je me méfie des anges sur terre ; ils ne sont que des bêtes depuis Pascal. J'ai trop connu de sépulcres blanchis. De propos délibéré, je ne trouble pas les consciences par mes doutes, de peur d'en rendre compte quelque jour. Si je juge, je m'informe aussi exactement et complètement que possible .« Il ne m'appartient pas de discuter les raisons pour lesquelles, à l'imitation de ce qui venait d'être fait en Espagne, les autorités diocésaines ont donné leur acquiescement à une initiative privée. Il est permis de penser que les statues de la Vierge et du Christ doivent surtout être érigées sur les hauts lieux terrestres et non dans des bas-fonds sous-marins. Une statue religieuse doit être vue du plus grand nombre de vivants possible et non de quelques amateurs de pêche sous-marine. Je crains fort que la Vierge de Chiffalo soit désormais un but d'excursion sans ferveur à l'usage des fervents de natation. » Vous êtes en contradiction avec vous-même : « Il ne vous appartient pas de discuter... » néanmoins « il est permis de penser ». Ayez l'honnêteté intellectuelle d'écrire : « je pense ». Je ne vous cacherai pas ma pensée : je n'aime pas les « ultras qui font le mal en voulant l'assentiment du Seigneur. Confiez donc vos scrupules de conscience à votre confesseur et non pas à notre confrère « Dernière Heure ». Un mot est mal choisi : « à l'imitation de ce qui venait d'être fait en Italie ». Nous ignorions que le Christ-Roi serait immergé le même jour au large de San Fruttuoso. Ce parallèle aurait dû vous inciter à plus de prudence dans votre jugement, parce qu'en-fin nous ne sommes pas les seuls à penser le contraire de vous-même, à savoir que les statues de la Vierge ou du Christ ont leur place aussi bien sur terre que sur mer. En effet, le royaume de Dieu est partout et les trois quarts de notre globe sont occupés par les eaux. A l'origine du monde, les océans recouvraient toute la planète et Dieu sépara la terre des eaux. Ainsi, les océans témoignent-ils la majesté du Créateur. La Vierge ayant été choisie de toute éternité pour être la mère de Dieu, il nous semble un hommage pour elle que son effigie règne aussi bien dans les mers que sur terre, puis-que Marie est Reine du Monde. Vous avancez une interprétation toute personnelle de penser qu'une statue de Notre-Dame doive être érigée plutôt qu'immergée. Probable-ment, n'êtes-vous jamais descendu vous-même dans la mer contempler les merveilles de la création. Quant à votre crainte que la statue ne soit qu'« un but d'excursion sans ferveur à l'usage des fervents de natation », l'abbé Schiano vous apporte tous apaisements à cet égard. « Quoi qu'il en soit, l'installation de cette statue a été le prétexte de manifestations, de publicité et de réjouissances dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est bien difficile d'y trouver la moindre trace de pieuse intention.» Là, vous y allez un peu fort ! Notre esprit est droit et nos intentions propres. Vous ne voyez nulle trace de « pieuse intention ? J'en vois au moins une, la mienne, et si, quelque jour, je fais votre connaissance, vous obtiendrez toutes précisions utiles à cet égard. Si je parle de moi, c'est par probité et non par vanité. Cependant, je m'autoriserai de vous dire que ceux qui menèrent à bien l'idée de Notre-Dame de la Mer, en particulier les trois autres du comité d'organisation, avaient des intentions aussi pieuses que les vôtres car, bien entendu, c'est par « pieuse intention » que vous nous jugez. « L'initiative privée » s'est d'abord accompagnée d'une publicité pour une revue automobile locale. Toute la correspondance échangée par l'« initiative privée » a été adressée sur du papier à en-tête de cette revue, tout comme de la publicité indirecte pour cette revue a été « accrochée » dans une interview à Radio-Algérie. » Nous n'avons recherché nul gain dans cette entreprise. Tout fut gratuit. Les dépenses d'une telle fête demeurent importantes. Seul profit, et nous en convenons volontiers, les sympathies que nous avons pu gagner. Il demeure légitime que notre revue emporte quelque avantage moral de cette fête et que de nouveaux lecteurs sachent qui nous sommes et l'esprit qui nous anime. Si nous avons un budget de publicité de prestige à dépenser, nous préférons offrir une Vierge aux pêcheurs de Chiffalo que de patronner des festivités où votre farouche conscience aurait tout loisir de s'insurger. Peut-être pensons-nous encore que Notre-Dame peut bénir notre travail. Voyez-vous, notre foi est fort simple. Radio-Algérie a rempli sa tâche qui est d'informer, en nous accordant une interview. La plupart des journaux ont parlé de Notre-Dame de la Mer, d'autant mieux que l'Agence France-Presse avait diffusé une information à ce sujet. N'était-il pas d'une élémentaire courtoisie que la radio mentionnât que c'était nous, Algérie Magazine Automobile, qui offrions la statue ?
« Un quotidien du matin a intégré une manifestation publicitaire qu'il patronne dans le programme de la Vierge de Chiffalo. » En l'occurrence, les stocks-cars des moins de 10 ans de la « Dépêche Quotidienne ». Que voulez-vous, on demeure incapable de prier 24 heures sur 24 heures et, lorsqu'on est en liesse, on aime se distraite sainement. Citons encore l'abbé Schiano "L'Algérie, pays neuf, n'a pas encore de traditions. Si nous regardôns seulement vers la France, que dire alors des grands pardons bretons, des « charités » normandes, des kermesses religieuses, des foires mariales (le mot foire peut-il aller avec le mot mariale ? et pourtant...) de toutes ces manifestations folkloriques qui ont lieu à propos de la fête d'un saint du pays! Sans parler de la fête des gitans des Saintes Maries de la Mer ! « Nous avons essayé de faire quelque chose dans ce goût-là à Chiffalo. Résultat positif : Marie a été glorifiée. Et tout le monde a été content de ces manifestations qui, jusque dans les réjouissances populaires, ont été dans le cadre de la fête... ».
« Que dire enfin de ce qu'on a appelé la « procession de samedi » ?... qui dit « procession religieuse » dit recueillement. Or, on a vu se dérouler une caravane publicitaire motorisée analogue, aux dimensions près, à celle du Tour de France. Après l'audition d'un disque de musique sacrée, on entendait un haut-parleur beugler de la publicité pour une marque de disques et d'appareils électro-acoustiques. II y avait des voitures publicitaires de boissons hygiéniques, d'apéritifs, d'horlogerie, que sais-je encore ? ». Si vous aviez lu notre programme, tant dans la presse que sur les affiches, vousauriez su qu'il s'agissait d'une « caravane » et non pas d'une procession, selon votre terme ; le mot était explicite. Aucun prêtre n'accompagnait cette « caravane »à laquelle étaient cordialement invités tous ceux qui voulaient bien y participer. D'importantes firmes d'Alger ont compris le sens de ce cortège et par leurs camions publicitaires rendaient hommage non pas essentiellement à la Vierge, entité religieuse, mais encore à la Vierge, entité folklorique. Grâce à nous, trente mille personnes pour le moins ont apporté leur hommage à Notre-Dame. Trente mille personnes pour lesquelles — et c'est ainsi que nous l'entendions — l'Algérie Magazine comptait pour bien peu. F. L. n'était pas présent à la fête ; sans quoi il n'écrirait pas que des haut-parleurs ont diffusé quelque publicité que ce soit. C'est faux : les ordres étaient formels à cet égard. Les firmes s'interdisaient toute publicité directe. Seule, leur présence témoignait en leur faveur, encore que tous les camions fussent parqués loin du port de Chiffalo où se déroulèrent les manifestations religieuses. Précisions encore du curé de Chiffalo:« Je sais qu'on a reproché la présence de voitures publicitaires. Nous avons accepté cela pour que la cérémonie ait aussi un caractère folklorique. D'ailleurs, ces voitures ont eu une tenue très digne quelques-unes même furent décorées de fleurs en l'honneur de la Vierge (consigne expresse de la direction). Toutes ont fait un don libre et généreux à la kermesse paroissiale de ce jour. Ordre avait été donné de ne diffuser aucune réclame. Toutes ces autos mettaient une ambiance de couleur et de variété qui ajoutait à la fête. Certains esprits scrupuleux pouvaient voir une note intéressée de leur part c'est peut-être possible ! Pour moi, je suis persuadé qu'il faut ouvrir la religion au grand vent du large, même s'il doit y parvenir (et c'est fatal) quelques impuretés. « Non, non, mille
fois non ! De nombreux catholiques fervents ont été outrageusement choqués.
La phrase célèbre « c'est plus qu'une erreur, c'est une faute" est
la seule pour qualifier ce qui s'est passé. Au cours des trois journées où elle fut exposée, le 15 août à Notre-Dame d'Afrique,les 21 et 22 août à Chiffalo, la statue fut dégarnie de toutes les fleurs du socle, pourtant abondantes, par une foule enthousiaste. Durant le transport de la statue d'Alger à Chiffalo, combien de fois la remorque dut-elle s'arrêter! De jeunes enfants montaient sur la plate-forme et jetaient des pétales cueillis quelques instants auparavant. Là, un homme fait signe de ralentir. Il saute sur le marchepied et dit : « Dans cinquante mètres, c'est notre maison, ralentissez, ma mère, qui voit très peu, voudrait tout de même voir la Vierge... ». Ici, une jeune maman veut que son bébé soit photographié avec la Vierge en arrière-plan, parce que c'est elle qui l'a sauvé, il y a quelques mois, d'une grave maladie. » J'étais aux côtés du chauffeur, M. Charles Vitiello, dans la cabine du tracteur-remorque que Berliet avait mis à notre disposition pour la circonstance. Un coup de téléphone quelques jours auparavant avait suffi : " Vous voulez un camion pour la Vierge ?... Un seul vous suffit vraiment ? bien vrai ? nous vous enverrons un très beau véhicule et un chauffeur chevronné : 30 ans de maison M. de Berthois prête un plateau Marel monté sur remorque Coder. Même histoire chez Shell, toujours par téléphone : « De l'essence pour les avions qui survoleront la manifestation ? D'accord ! Combien de litres ? ». Et Shell offrit plusieurs centaines de litres d'essence d'aviation. Partout même histoire, même histoire merveilIeuse : Elna fait revenir son super car d'Oranie pour la circonstance Byrrh joint à la caravane son fameux camion carrossé en fût ; J. A. Benoit, ses véhicules ultra-modernes, et surtout Robert et Jacques Colin mettent à notre disposition tout leur matériel de sonorisation et d'enregistrement. Un patron carossier de Maison-Carrée, M. Lucien Calafat, pourtant sollicité par d'importants soucis, n'hésita pas à mettre bénévolement au service de Notre-Dame, toute sa ferveur et ne ménagea ni son temps, ni sa peine. Oui, j'étais dans la cabine à côté du chauffeur de Berliet. Nous ne parlions guère : nous vivions des instants qui ne s'oublient jamais. Le chauffeur m'a dit : » Je n'ai pas l'impression de transporter un bloc de pierre de 200 kilos, mais quelque chose d'immense et de léger, quelque chose qu'on ne transporte jamais ; il me semble que je conduis en étant dirigé... ». J'avais aussi l'impression que l'événement nous dépassait. Oui, ce dimanche 22 août, à Chiffalo, fut la fête de tous les hommes de bonne volonté. Photo typique : Son Excellence Monseigneur Duval bavardait, en toute simplicité, avec un jeune pêcheur musulman monté sur le « Saint-André » quelques instants avant l'immersion de Notre-Dame de la Mer. De ce dialogue, dont je fus auditeur involontaire, je ne retiendrai que cette phrase du jeune pêcheur : « Tu sais, la Vierge elle va nous donner de bonnes pêches... ». Monseigneur répondit par un temps de silence. C'était l'instant inoubliable où Notre-Dame de la Mer s'enfonçait dans les flots, sortie d'un filet de pêche à grosses mailles.
La mer tourmentée tout le jour s'était calmée ; le Saint-Louis, remorqueur de haute mer, actionna sa sirène ; l'Ombrine de la Marine Nationale lui répondit ; les milliers de spectateurs, massés sur la jetée de Chiffalo, s'étaient tus. Un avion de l'Aéro-Club de l'AIA, volant à une cinquantaine de mètres d'altitude, largua une gigantesque gerbe aux couleurs de la Vierge offerte par la maison Franco. Le pilote était M. Courtois, mécanicien diéséliste de Maison-Carrée. Des mouettes, rougeoyantes sous le soleil couchant, rendaient, peut-être elles aussi, hommage à la Mère du Créateur. Alors, Monseigneur entonna le « Magnificat » repris par tous ceux qui se trouvaient là, tandis que, par 10 mètres de fond, les plongeurs du Harpon Club Aquafortain scellaient la statue sur son socle de deux tonnes. Seules, quelques bulles d'air remontant à la surface indiquaient le dur travail de la valeureuse équipe, la visibilité sous-marine très mauvaise ce jour-là interdisant toute observation depuis les bateaux. Puis, ce furent quelques Ave Maria pour ceux qui moururent en mer... Puis d'autres pour les intentions particulières de chacun. Tous les bateaux accomplirent alors un tour d'honneur au large de Chiffalo jusqu'à Bou-Haroun. J'étais adossé au mât du Saint-André qui ouvrait la procession. Le vent frappait les drapeaux et oriflammes, quelques dernières vagues de fond hissaient le bateau au-dessus de la ligne d'horizon com me pour lui rendre hommage d'avoir transporté la statue de Notre-Dame de la Mer. Dans le doute, la tristesse ou le chagrin, je me souviendrai que j'ai vécu ces heures merveilleuses. Notre-Dame de la Mer aura apporté d'autres joies à beaucoup d'autres. Aussi, estimons-nous avoir bien agi : c'est le principal, en somme, la quiétude de l'âme.
Nous avons noté, au cours de la cérémonie, la présence de MM. Tapissier, représentant le ministre Jacques-Chevallier, député-maire d'Alger, Moissennet, représentant M. Cuttoli, secrétaire général du Gouvernement Général, Dromigny, délégué de l'Assemblée Algérienne, conseiller général, maire de Téfeschoun-Chiffalo, Gabet, maire de Koléa, le capitaine de frégate de Lasborde, représentant la Marine d'Alger, l'administrateur Pennec, de l'Inscription Maritime, Castagliola, président du Comité central des Pêches, Caillebotte, chef de quartier à l'Inscription Maritime, Burtin, du « Public Relation » de la Sté Shell, Bonnin, de « France-Presse ».
ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE MONSEIGNEUR DUVAL ARCHEVEQUE D'ALGER PRONONCÉE DURANT L'IMMERSION DE NOTRE-DAME DE LA MER A CHIFFALO
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