Cherchell - Iol - Césarée
L'ECOLE MILITAIRE De...CHERCHELL
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 70, janvier 2012, "A.F.N. Collections"
http://afn.collections.free.fr/pages/bulletin.html

sur site : avril 2012

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L'ÉCOLE MILITAIRE DE CHERCHELL
" L'armée ne doit être que le bras de la Nation, jamais sa tête. "
Pio Baroja (l'Apprenti conspirateur)


La Nation se souvient


Octobre 1962
...l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell ferme ses portes et émigre avec tous ses cadres à Montpellier. Un demi-siècle après, son souvenir reste toujours aussi vivace dans la mémoire de ses anciens élèves et instructeurs. Comment oublier celle qui a tant contribué à la formation des officiers et sous-officiers ? Une cérémonie d'hommage aux anciens élèves des écoles militaires de Cherchell et Médiouna eut lieu le 8 octobre 2010 à l'hôtel des Invalides à Paris. Placé sous le haut patronage du secrétaire d'état à la défense et aux anciens combattants, ce rappel à la mémoire collective me fut d'autant plus précieux et émouvant que j'eus le privilège d'être l'un de ces élèves durant la guerre d'Algérie.

Désigné pour Cherchell le 29 décembre 1959, je devais rejoindre l'école le 7 janvier 1960 après avoir transité par le 73e RIMA au sein duquel je fus sélectionné pour suivre le peloton EOR. Je faisais, dès lors partie de la promotion " Vercors " qui comprenait 312 élèves-officiers en formation. C'était la 57e promotion depuis la création de l'école.

Une école pour former l'encadrement de l'Armée d'Afrique

Le 8 novembre 1942, les troupes anglo-américaines débarquent au Maroc et en Algérie. L'Afrique du Nord à l'exception d'une partie de la Tunisie est libérée mais coupée de la Métropole. L'armée française est en mesure de reprendre sa place aux côtés des alliés. Très vite s'imposa la nécessité de former des chefs de section et de peloton pour l'encadrement de l'Armée d'Afrique. Le colonel Calliès fut chargé par le général Giraud de créer une école d'élèves-officiers à Cherchell. Par manque de place, une partie de la première promotion sera installée à Médiouna, au Maroc. Le colonel Calliès, homme d'expérience, savait ce qu'il en coûte de lancer dans la bataille des hommes mal aguerris. Aussi, durant le stage, l'entraînement limité à six mois n'en était pas moins intense et formait des chefs de section capables d'affronter la dure réalité d'un combat.

L'école à peine créée, les difficultés assaillirent ses dirigeants : locaux insuffisants, équipement obsolète, pénurie de matériel. Seuls le moral et l'enthousiasme étaient à un niveau élevé : le désir d'effacer le revers de 1940 était présent chez tous ces jeunes gens dont la plupart étaient des français d'Algérie. L'école fut aménagée vaille que vaille dans les locaux de la caserne Dubourdieu, libérée par un bataillon du ler RTA parti en Tunisie combattre l'Africa Korps de Rommel. Pour pallier l'exiguïté de la caserne, de nouveaux locaux furent construits en 1956. Notre compagnie fut cantonnée dans l'un d'eux.

Ecole Militaire d'Infanterie

Depuis 1945, l'école n'était plus interarmes. Annexe de Saint Mexant, elle formait les EOR d'infanterie des unités d'AFN et, de 1949 à 1958, une partie des EOR de la Métropole. Le 10 mai 1958, elle prit le nom d' " Ecole Militaire d'Infanterie " et le 10 août 1959, le Ministre des Armées la chargea de former la totalité des officiers de réserve d'Infanterie. Nous fûmes donc soumis au dur entraînement du fantassin : étude de l'armement individuel et collectif, sports de combat, marches forcées, marches de nuit en plein Chenoua, exercices de combat, prise de commandement d'une section en opération, observation et topographie. Afin de connaître et vivre la vie d'un poste en zone d'insécurité, notre stage comprenait un séjour en ferme durant une période de 6 semaines. Notre compagnie séjourna dans la ferme Tripier située sur le plateau qui surplombe Cherchell. Nous y expérimentâmes tous les problèmes inhérents au service en campagne : exercices de ratissage, patrouilles, sorties et embuscades de nuit, rallyes, tir au mortier, exercices de combat avec appui de l'aviation, héliportage.

A la fin du stage, nous étions physiquement et moralement aptes à assurer le commandement d'une section. L'enseignement était validé par un examen final qui donnait lieu à un classement de tous les élèves-officiers de la promotion. Nous pûmes choisir notre affectation en fonction de notre rang de classement. Je fus au 39e rang sur 293 élèves classés. Cette position avantageuse me permit d'être nommé sous-lieutenant de réserve et de choisir comme affectation le C.I.T.O.M cantonné à Fort de l'Eau où je fus nommé " officier de renseignements " du Quartier IV du sous-secteur de Maison- Carrée Zone Alger-Sahel.

L'Histoire s'écrit avec le sang de ses héros

De 1947 à 1962, 52 promotions se sont succédées et ont formé 20 000 aspirants et sous-lieutenants qui représenteront 90% des chefs de section des unités opérationnelles d'infanterie pendant la guerre d'Algérie. Ils paieront un lourd tribut à cette guerre. Les chefs de section étant les officiers les plus exposés, 191 tomberont au Champ d'Honneur dont certains étaient encore élèves, l'école étant en zone d'insécurité. Mais l'Histoire s'écrit aussi avec le sang de ses héros !

Ceux de Cherchell ont bien mérité que la Nation se souvienne !

Claude BARNIER