L'ÉCOLE MILITAIRE
DE CHERCHELL
" L'armée ne doit être que le bras de la Nation, jamais
sa tête. "
Pio Baroja (l'Apprenti conspirateur)
La Nation se souvient
Octobre 1962...l'Ecole Militaire d'Infanterie de Cherchell ferme
ses portes et émigre avec tous ses cadres à Montpellier.
Un demi-siècle après, son souvenir reste toujours aussi
vivace dans la mémoire de ses anciens élèves et instructeurs.
Comment oublier celle qui a tant contribué à la formation
des officiers et sous-officiers ? Une cérémonie d'hommage
aux anciens élèves des écoles militaires de Cherchell
et Médiouna eut lieu le 8 octobre 2010 à l'hôtel des
Invalides à Paris. Placé sous le haut patronage du secrétaire
d'état à la défense et aux anciens combattants, ce
rappel à la mémoire collective me fut d'autant plus précieux
et émouvant que j'eus le privilège d'être l'un de
ces élèves durant la guerre d'Algérie.
Désigné pour Cherchell le 29 décembre 1959, je devais
rejoindre l'école le 7 janvier 1960 après avoir transité
par le 73e RIMA au sein duquel je fus sélectionné pour suivre
le peloton EOR. Je faisais, dès lors partie de la promotion "
Vercors " qui comprenait 312 élèves-officiers en formation.
C'était la 57e promotion depuis la création de l'école.
Une école pour former l'encadrement de
l'Armée d'Afrique
Le 8 novembre 1942, les troupes anglo-américaines débarquent
au Maroc et en Algérie. L'Afrique du Nord à l'exception
d'une partie de la Tunisie est libérée mais coupée
de la Métropole. L'armée française est en mesure
de reprendre sa place aux côtés des alliés. Très
vite s'imposa la nécessité de former des chefs de section
et de peloton pour l'encadrement de l'Armée d'Afrique. Le colonel
Calliès fut chargé par le général Giraud de
créer une école d'élèves-officiers à
Cherchell. Par manque de place, une partie de la première promotion
sera installée à Médiouna, au Maroc. Le colonel Calliès,
homme d'expérience, savait ce qu'il en coûte de lancer dans
la bataille des hommes mal aguerris. Aussi, durant le stage, l'entraînement
limité à six mois n'en était pas moins intense et
formait des chefs de section capables d'affronter la dure réalité
d'un combat.
L'école à peine créée, les difficultés
assaillirent ses dirigeants : locaux insuffisants, équipement obsolète,
pénurie de matériel. Seuls le moral et l'enthousiasme étaient
à un niveau élevé : le désir d'effacer le
revers de 1940 était présent chez tous ces jeunes gens dont
la plupart étaient des français d'Algérie. L'école
fut aménagée vaille que vaille dans les locaux de la caserne
Dubourdieu, libérée par un bataillon du ler RTA parti en
Tunisie combattre l'Africa Korps de Rommel. Pour pallier l'exiguïté
de la caserne, de nouveaux locaux furent construits en 1956. Notre compagnie
fut cantonnée dans l'un d'eux.
Ecole Militaire d'Infanterie
Depuis 1945, l'école n'était plus interarmes. Annexe de
Saint Mexant, elle formait les EOR d'infanterie des unités d'AFN
et, de 1949 à 1958, une partie des EOR de la Métropole.
Le 10 mai 1958, elle prit le nom d' " Ecole Militaire d'Infanterie
" et le 10 août 1959, le Ministre des Armées la chargea
de former la totalité des officiers de réserve d'Infanterie.
Nous fûmes donc soumis au dur entraînement du fantassin :
étude de l'armement individuel et collectif, sports de combat,
marches forcées, marches de nuit en plein Chenoua, exercices de
combat, prise de commandement d'une section en opération, observation
et topographie. Afin de connaître et vivre la vie d'un poste en
zone d'insécurité, notre stage comprenait un séjour
en ferme durant une période de 6 semaines. Notre compagnie séjourna
dans la ferme Tripier située sur le plateau qui surplombe Cherchell.
Nous y expérimentâmes tous les problèmes inhérents
au service en campagne : exercices de ratissage, patrouilles, sorties
et embuscades de nuit, rallyes, tir au mortier, exercices de combat avec
appui de l'aviation, héliportage.
A la fin du stage, nous étions physiquement et moralement aptes
à assurer le commandement d'une section. L'enseignement était
validé par un examen final qui donnait lieu à un classement
de tous les élèves-officiers de la promotion. Nous pûmes
choisir notre affectation en fonction de notre rang de classement. Je
fus au 39e rang sur 293 élèves classés. Cette position
avantageuse me permit d'être nommé sous-lieutenant de réserve
et de choisir comme affectation le C.I.T.O.M cantonné à
Fort de l'Eau où je fus nommé " officier de renseignements
" du Quartier IV du sous-secteur de Maison- Carrée Zone Alger-Sahel.
L'Histoire s'écrit avec le sang de ses
héros
De 1947 à 1962, 52 promotions se sont succédées et
ont formé 20 000 aspirants et sous-lieutenants qui représenteront
90% des chefs de section des unités opérationnelles d'infanterie
pendant la guerre d'Algérie. Ils paieront un lourd tribut à
cette guerre. Les chefs de section étant les officiers les plus
exposés, 191 tomberont au Champ d'Honneur dont certains étaient
encore élèves, l'école étant en zone d'insécurité.
Mais l'Histoire s'écrit aussi avec le sang de ses héros
!
Ceux de Cherchell ont bien mérité que la Nation se souvienne
!
Claude BARNIER
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