sur site le 30-1-2003
-Alger, le Champ de Manoeuvres
La Villa Roux
Extrait de la "Dépêche Algérienne" années 1928-1930, vu dans gamt n°46,1994/2

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Chronique du Vieil Alger
La Villa Roux

-----Encore un site du quartier de l'ancien Champ de Manoeuvre qui disparaît ! Nous voulons parler du lieu où furent les jardins de la villa Roux, que connurent particulièrement les algérois de jadis. La fiêvre des transformations qui, autour du Champ de Manceuvre, a fait tant se modifier, s'altérer un paysage non sans intérêt, et auquel on avait fini par s'attacher, poursuit actuellement son oeuvre en la partie indiquée. Puisse s'y réaliser, une conception qui ne fasse pas trop regretter ce qui fut autrefois.
-----Villa Roux ! Quelle personnalité, nous demande-t-on, valut à la maison cette appellation ? Ce fut son fondateur même, dont le nom, comme celui des Saulière, des Gandillot, des Picon, demeura associé à l'histoire du nouvel Alger. Devenu dès 1831, acquéreur de la plus grande partie des terrains destinés à constituer le dit Champ de Manceuvre, le sieur Roux qui avait revendu le tout.à l'état au prix de 150.000 francs, fit ériger la villa en question, que longe la jnoderne rue de Lyon. Sur l'emplacement de l'un des lots qu'avait cédés Roux,- se 'trouve le square que crêa la municipalité, en voisinage de la route d'Hussein-Dey.
-----Ce champ d'exercices militaires, désaffecté depuis plusieurs années, se couvre aujourd'hui, de nombreuses constructions qu'on s'est efforcé d'offrir plus pratiques qu'élégantes. Sur son aspect des débuts, Fromentin (en 1852) donna quelques détails. « C'est un grand terrain vide et battu, dit-il, sans verdure aucune, enclos d'aloès et d'oliviers. On n'y voit jamais que de rares chameliers arabes qui coupent au plus court, pour éviter le circuit de la route d'Alger, des enterrements maures qui se rendent au cimetière Sidi Abd-el-Kader, et des exercices de cavalerie ». Cependant, grâce à la troupe, ce vaste espace devait s'envelopper d'ombre, sur trois côtés du moins. Avec des platanes et des eucalyptus, furent des noyers, des mûriers, des oliviers, des saphoras, des cosuarinas et des balahés. En tout, mentionne un rapport du génie, 896 sujets.
-----Ainsi agrémenté, le Champ de Manoeuvre put servir de théâtre à d'attrayantes fêtes auxquelles concourut l'armée. Du haut de tribunes élevées du côté de la route du Hamnia, le monde officiel algérois, en compagnie de catégories diverses, assista maintes fois à d'ardentes courses, à de joyeuses; fantasias, à de brillants carrousels. Rappelons que les manifestations hippiques de 1852, sous le gouverneur Randon, firent, plus que d'autres, sensation. Après la course des Aghas et
des Caïds, une chevauchée arabe eut lieu, à laquelle prirent part 3.000 cavaliers. «En cette circonstance, rapporte le chroniqueur, J. de Châtillon, revécurent avec ces maîtres de l'équitation, les traditions du cirque de Cordoue : écharpes, bourses, ceintures enlevées de terre au passage, dans le vertige d'un triple galop».Là, fut dans la suite, donné le spectacle de prestigieuses revues, par exemple, lors de la venue de
l'Empereur en 1860, du président Loubet en 1903.

 

------Telles furent, en ce cadre disparut les scènes qu'avec les villas du général Margueritte, du général Bernell, du peintre Fromentin, de l'agha Mahi-Eddin, vit, en proximité, se dérouler la villa Roux.
-----Gracieuse avec sa façade d'angle sur. montée d'une horloge, avec ses jardins intérieurs constellés de corolles, cette résidence énonçait, par ses désignations successives inscrites au fronton, le charme floral dont elle se caractérisa au cours du temps. Ce fut tout d'abord la villa des lilas. Ce devint plus tard, la villa des roses. Son décor parfumé s'anima dans le passé de fêtes de genres divers : concerts, sauteries, ventes de charité. Où sont les générations qui goûtèrent le charme des des premières
----Parmi ces fêtes se signale la soirée du 18 juin 1863, donnée dans les jardins illuminés, avec le concours de la musique des Chasseurs et à laquelle se rendit le général comte de Martimprey. En avait été l'organisatrice, la société l'Orphéon, dont le chef, Salvator Daniel, devait en 1871, à la faveur de la Commune, remplacer momentanément, à la tête de l'académie de musique, le grand Ambroise Thomas.
-----Bien d'autres souvenirs ont palpité en ce lieu, qui furent familiers aux anciens de la cité et dont, en certaine mesure, s'illustra la villa Roux.
-----Mais des temps oublieux ont fait suite à l'époque, quelque peu lointaine, où à tant de choses, la mémoire des gens savait rester fidèle.
-----Ces souvenirs, à cette heure, se dispersent, s'évanouissent dans la poussière des démolitions entreprises en ce domaine !

H. KLEIN.


(Extrait de la "Dépêche algérienne"
années 1928-30)
Communiqué par M. Abel ROUX (adh. N° 64)
(descendant du "Sieur ROUX")