L'École primaire supérieure
du Champ de Manuvres, à Alger, a été inaugurée
dimanche.
L'enseignement primaire supérieur
a fait, depuis longtemps, ses preuves et le développement admirable
qu'il a pris en Afrique du Nord, souligne, d'une façon largement
suffisante, son utilité et l'excellence de ses résultats.
L'Algérie ne compte pas moins de vingt-neuf établissements
qui lui sont entièrement destinés. Le dernier né,
celui qui étale maintenant sur l'ancien Champ de Manuvres
d'Alger, la silhouette affinée de son architecture moderne, a été
inauguré dimanche dernier, sous la présidence de M. Georges
Hardy, recteur de l'Académie, avec le concours d'une foule nombreuse,
composée des principales personnalités de la ville et des
parents d'élèves.
Ce fut là l'occasion d'une très belle manifestation, une
de ces cérémonies sans, doute officielles, mais qui savent,
néanmoins, rompre avec l'empirisme et les traditions, du protocole
universitaire. A la vérité, M. Hardy nous gratifia d'un
discours proprement remarquable tant par les idées nobles et fières
qui s'en dégagent que par la souplesse et l'élégance
de la forme.
Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons du style
de ce littérateur prestigieux. Aujourd'hui, nous ne pouvons, que
regretter que les obligations de sa charge ne lui permettent point de
se produire plus souvent en des conférences dont nous pouvons affirmer
qu'elles seraient suivies avec le plus vif intérêt par toute
la jeunesse et l'élite intellectuelle de la blanche capitale.
Voyez comme il sait rendre hommage à notre beau ciel d'Algérie
:
- " Voici une maison merveilleusement claire, une corbeille de lumière.
Le grand ciel bleu y entre comme un ami, comme un voisin, sans frapper
à la porte. Il se mêle à tous les travaux comme à
tous les jeux. Il finit, ma foi, par faire partie du personnel de l'établissement,
et sans commettre de passe-droit, je puis bien lui réserver mon
plus beau salut, n'eut-il d'autre mérite - malgré la fraîcheur
de son teint - que d'être le doyen d'âge.
Je tiens à le célébrer en tout cas, pour la provision
de bonne humeur et d'entrain qu'il nous apporte, pour les habitudes, de
netteté qu'il nous suggère, pour l'élévation
de sentiment qu'il nous impose, et je souhaite que l'architecture qu'il
a si heureusement inspirée continue de s'affirmer ailleurs et de
développer ses tendances. Nous n'avons pas le droit, sous un climat
comme le nôtre, d'ouvrir des gouffres obscurs à l'usage des
écoliers : c'est au contraire, un devoir pour l'Algérie
de devenir le pays par excellence de l'école lumineuse et de l'enseignement
joyeux. "
Comme cela est gentiment dit ! Et puis encore : - Il y a pourtant, sur
cette école qui vient de naître et qui tout de suite apparaît
si robuste, un petit nuage. Disons-nous bien qu'il y a de ces nuages-là
sur tous les berceaux. No voit-on pas que, dans le déséquilibre
de notre époque, instruire pour instruire ne suffit plus ? Le voilà
donc le nuage qui pointe à l'horizon. Mais nous ne te permettrons
pas, ô redoutable annonciateur de tempête, d'assombrir ce
splendide pan de ciel. Nous sommes tous ici, en ce jour, des sortes de
parrains et nous prenons l'engagement de l'écouter par tous les
moyens. Ainsi, mesdames messieurs, cette cérémonie d'inauguration
aura été autre chose qu'un échange de propos aimables
par un matin de printemps. Je veux espérer qu'elle aura renforcé
en nous le sentiment d'une charge d'aînesse et du même coup,
ranimé notre foi en l'avenir ; car pour traverser les temps de
crise avec un courage intact, il n'est rien de plus efficace, voyez-vous,
que d'avoir devant soi. comme une étoile dans la nuit, la petite
lueur tenace d'un devoir bien net et délibérément
accepté ".
MM. Robert, directeur de la nouvelle école ; Brunel maire, et Morard,
au nom de la Chambre de Commerce, prirent également la parole et
la matinée se termina dans les chants et les toasts, sous un soleil
éclatant et radieux qui s'était invité en voisin
" sans frapper à la porte ".
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