Le
bou youyou
le petit train de la nostalgie
Auteur : Guy Montaner

Tracé du Bou youyou
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Napoléon III au sujet de l'entreprise qu attendait
la France Impériale s'écriait lyrique, lors de l'un de
ses discours " Nous avons des territoires incultes i défricher,
des routes à ouvrir, des ports i creuser, des barrages à
réaliser, un chemin de fer à installer. Nous avons en
face d( Marseille un vaste royaume assimilé à k France...
". Voilà pourquoi quelques années après
furent mises sur rails devieilles machines un peu dépassées
pai l'âge dont la France se débarrasait. Parmi ces dernières,
une de celles qui est à l'origine de notre récit. Baptisé
" Bou youyou " ce petit train mythique à vapeur, à
voie étroite de 1,05 m, plein de promesses, fut chargé
d'assurer la desserte entre Oran et Hamman-bou-Hadjar,
toute nouvelle station thermale, qui attirait nombre de visiteurs dont
costumes et habits tranchaient avec la population locale. Une ligne
de 72 km, présentant parfois quelques difficultés, synonyme
de folklore durant les 3 heures que durait ce trajet.
Pendant des années, nombre d'articles parus dans les revues des
amicales, associations, journaux spécialisés,
dont l'Echo de l'Oranie souvent présent, nous ont fait rêver.
Merci à tous ces auteurs qui nous permettent encore de conserver
la mémoire de ce petit train, sinon comment aurions-nous appris
que cette fameuse Compagnie du Tramway d'Oran à Hammam-bou-Hadjar
était née en Belgique (eh ! oui).
C'est le 21 avril 1906 que M. Englebert, notaire, enregistra sa création
à Bruxelles. Création qui parut au journal officiel belge
puis français. Après bien des démarches administratives
ce n'est qu'en 1911 " que la ligne fut ouverte, pour ne s'arrêter
qu'en 1949.
Le Bou
youyou est mort
Vive le Bou youyou
Le quoi
Le Bou youyou
Qu'est ce que c'est ça ?
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Un petit train qui allait d'Oran à Hammam-bou-Hadjar où
il avait son dépôt C'est là que, bien avant l'aube,
le train quittait son emplacement pour rejoindre le centre-ville, pas
loin de l'église, des hôtels. Là, un grand nombre
de personnes attendaient déjà... Le train était
pris d'assaut pour bien des raisons, recherche du siège le plus
confortable dans le sens de la marche, et ils n'étaient pas nombreux.
Pour les joueurs c'était le wagon de marchandises qui était
recherché. Assis à même le sol, de folles parties
de cartes s'engageaient.
En attendant le départ les accompagnateurs restaient avec les
voyageurs, conversant avec eux. On entendait les mille recommandations
habituelles dans les langues " française, espagnole, arabe
". Le départ, toujours lent, pénible, permettait
à la population de converser avec les voyageurs en marchant à
côté du train qui prenait petit à petit de la vitesse
en allant vers Aïn-el-Arba. Après les magnifiques vignobles,
on voyait dans la plaine de Bled Kerkour des céréales
à perte de vue ; c'était juste après Saint-Maur
qu'avait lieu un curieux cérémonial. Tout le personnel
du train, conducteur, chauffeur, mécanicien et autres agents,
abandonnait l'omnibus pour prendre un train parti d'Oran afin de revenir
à leur point de départ. C'est ainsi que pendant des années
les divers employés ignoraient la première ou la seconde
partie du trajet....Revenons donc aux autres qui poursuivaient leur
périple passant par Tafaroui, Arbal, Valmy, la Sénia et
enfin Oran.
Notre ami Amédée Moreno rencontra en Indochine Jacques
Chancel et Christian Poncelet, qui devait devenir bien des années
plus tard Président du Sénat. Une amitié sincère
lia Christian et Amédée. Pour avoir assisté à
certains de leurs entretiens téléphoniques dans les locaux
de la Maison Maréchal Juin, je peux vous assurer de la chaude
ambiance et des nombreuses évocations sur des fugues oranaises
à bord de ce fameux Bou youyou.
Et Bou youyou pourquoi... pour certains qui lui donnent du Bouillouilloui
(voir Antoine Carillo) en invoquant pour cette onomatopée, le
bouillonnement des jets de vapeur en même temps que les efforts...
J'opte pour le cri traditionnel répété des fatmas
: les youyous stridents poussés au passage du tortillard.
Lors de son arrivée à Oran, dans le coeur de la ville,
la gare se trouvant à l'angle du Bd Joffre et du Bd de Mascara
face au cinéma REX, c'est comme une envolée de moineaux,
tous pressés de rejoindre, bureaux, boutiques, et autres rendez-vous.
Pour le retour du soir, c'était plus feutré, presque tous
les voyageurs, encombrés de paquets et autres colis volumineux,
prenaient le temps de s'installer plus calmement.
Il se dit qu'Albert Camus aimait bien assister à ces départs.
A la fermeture de la ligne en 1949 tous les Oraniens furent affectés
et la ville d'Hammam-bou-Hadjar y perdit un peu de son âme.
Guy Montaner
CDHA