Le terminus de la gare de Blida étant
éloigné du centre ville, dès 1920, les CFA avaient
présenté un projet de prolongement de la ligne jusqu'au
centre-ville. Cette idée resta au stade de projet jusqu'en 1947.
Le conseil municipal décide alors de réaliser ce projet.
Celui-ci est approuvé par le Gouvernement Général
et les travaux sont menés rondement pour une mise en service
en 1948.
On se doute aisément que tout ne se fit pas sans grincements
de dents ; faire arriver une micheline en plein coeur de la ville ne
laissa pas indifférents les blidéens.
Dans sa première partie la voie avait été placée
au centre de l'avenue de la gare, ce qui laissait suffisamment de place
pour une cir-culation automobile de chaque côté. Par contre
le parcours se terminait rue Lamy, où des voitures, stationnant
le long des trottoirs, compliquaient la circulation. Ne parlons pas
des cyclistes qui se trouvaient obligés de circuler entre les
rails et le trottoir ou encore les calèches qui avaient des difficultés
car leurs roues pouvaient se coincer dans les rails.
Les horaires
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Les voies traversaient le carrefour le plus important
de la ville où un agent de police officiait au " parapluie
" dans le but de gérer le passage.
Quand on consulte la presse locale de l'époque on a une idée
de l'accueil réservé à ce projet par les blidéens.
Les remarques oscillent entre l'hostilité totale et l'ironie
assez sévère.
Voici quelques commentaires humoristiques, sur la Micheline, relevés
dans le journal local " Le Tell " :
" Quoi qu'il en soit les travaux ont commencé. On a creusé
la rue Lamy et l'avenue de la Gare de 50 cm, pour placer, dans la tranchée
ainsi faite, les traverses et les rails.
50 cm C'est dommage ! Quand on pense que si l'on creusait " trois
ou quatre mètres " de plus, on pourrait installer un métro
à Blida ".
" Pour l'instant les commerçants de la rue Lamy et de l'avenue
de la Gare sont mécontents. La circulation, devenue difficile
devant leur magasin leur a enlevé la moitié de leurs clients
".
" En fait, tout le monde parle de la Micheline ; à toute
heure en tout lieu, vous surprendrez des discussions sur ce sujet. Tant
et si bien que Mme X.. a donné à sa fille, qui vient de
naître le prénom de Micheline.
Depuis ce jour, son autre enfant ne fait que pleurer : il veut qu'on
l'appelle " Autorail ".
Cette micheline d'une capacité inférieure à 100
places avait son utilité au quotidien et quelques-uns de nos
professeurs l'empruntaient pour venir d'Alger. Il y avait 5 allers-retours
par jour et il suffisait d'une petite heure pour relier Blida à
Alger.
Une fois la Micheline arrivée au terminus, en haut du Boulevard
des Orangers, le chauffeur descendait de la machine pour reprendre les
commandes à l'autre extrémité. Un jour, le conducteur
ayant sûrement oublié de serrer le frein, la micheline
se mit à descendre lentement le boulevard qui était légèrement
en pente. Les blidéens présents racontent encore aujourd'hui
comment ce conducteur courait après sa Micheline. Finalement
c'est un voyageur qui réussit à casser la vitre d'accès
à la cabine et put serrer le frein avant le carrefour.
La Micheline anima la ville pendant quelques années, le 30 mai
1959, elle disparut de la circulation.
Jean-Baptiste Salvano
Extrait du Mémoire Vive n°71