Léonc Erhmann
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La conquête de la 3ème dimension
débuta en Algérie par les essais d'aérostation entrepris
par Fiévée et Rey de 1893 à 1896 à l'Arba
et par une ascension en ballon le 30 août 1905 à Constantine.
Une section de la Ligue Nationale Aéronautique présidée
par André Maginot, futur ministre de la Guerre, vit alors le jour
à Alger en mars 1909.
Parmi les pionniers, René Métrot, né en janvier 1873
à Blida, après avoir appris à piloter au camp de
Chalons, effectua le 1er vol motorisé le 18 novembre 1909 avec
son biplan Voisin en parcourant un kilomètre au-dessus de l'hippodrome
du Caroubier, à côté d'Alger. Après l'obtention
de son brevet en janvier 1910 il créa une école de pilotage
à Blida mais, faute d'élèves, il abandonnera l'aviation.
Quant à Julien Serviès, né le 24 mars 1876 à
Saint-Denis-Du-Sig, il réalisa le ter vol sur Sommer à La
Sénia le 14 décembre 1909 et fonda une école de pilotage
avant de devenir le ter pilote militaire français le 13 octobre
1911. A la déclaration de guerre, il donna à l'Armée
les 3 avions de son école mais il sera abattu et fait prisonnier.
Son plus jeune frère Ferdinand, pilote de l'escadrille MF32 sera
tué en combat aérien le 22 juin 1915 au nord d'Arras et
son autre frère, André, trouvera la mort près d'Angers
en 1919 en essayant un prototype Letord 7. Une fois libéré
Julien Serviès deviendra Président fondateur du Comité
d'entente des aéro-clubs d'AFN. Enfin Léonce Ehrmann, champion
cycliste né à Boufarik le 31 août 1877, après
avoir obtenu son brevet en octobre 1911, devient chef
pilote d'une école de pilotage à Mourmelon, avant de revenir
en Algérie. Il fut le 1er à voler dans le Constantinois
en février 1912 mais il sera victime d'un grave accident en juillet
en Autriche. À Boufarik, malgré sa " jambe folle "
il reprit les vols après avoir adapté un monoplan Borel
à son infirmité pour réaliser des présentations
aériennes, mais en effectuant une " boucle " à
Bône le 18 avril 1914 il s'écrasa après la rupture
en vol de son avion.
Alors même que l'aviation militaire n'en était qu'à
ses débuts en France, plusieurs territoires de l'Empire connurent
des essais d'implantation aéronautique, mais en AFN le développement
d'une aviation militaire coloniale fut ralenti lors du déclenchement
du conflit. Il redémarra dès 1916 avec le développement
de fronts périphériques et les armées, pour résister
à la poussée des Senoussis dans le Sud Tunisien et aux tribus
révoltées au Maroc et utilisèrent l'aviation pour
des reconnaissances à longue distance. De nouvelles escadrilles
furent d'abord créées en Tunisie et au Maroc puis en Algérie
et la révolte des Touareg du Hoggar entraîna la constitution
d'une escadrille saharienne qui n'a pu atteindre l'objectif prévu
en raison des dangers engendrés par le survol des contrées
désertiques avec les avions de l'époque. En revanche, dans
le Sud Tunisien, le capitaine de Lafargue, pour permettre à ses
avions de voler sans trop de risques, les fit accompagner par un échelon
roulant avec lequel les aviateurs restaient en liaison radio durant toute
la mission. L'action efficace de l'aviation au Maroc et en Tunisie conduisit
à son renforcement constant si bien qu'en novembre 1918 on ne comptait
pas moins de 16 escadrilles opérationnelles en Afrique du Nord,
dont 4 en Tunisie, 4 en Algérie et 8 au Maroc.
Installation de Baraki
( Ardhan)
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L'Aéronautique Navale
Le Service de l'Aéronautique maritime, créé en juillet
1914, était scindé entre l'Aviation pour les hydravions
et les avions et l'Aérostation pour les dirigeables et les ballons
captifs. Lors des grandes manoeuvres navales de mai 1914 une douzaine
d'hydravions fut utilisée pour des reconnaissances en divers points
de la Méditerranée, principalement à Toulon et Bizerte.
En Algérie des patrouilles aériennes destinées à
l'observation et à la lutte anti sous marine eurent lieu à
partir de 1917 et plusieurs CAM ( Centres d'Aviation Maritime ) furent
créés à Oran, à Arzew, à Alger ( hydrobase
de l'Agha ), puis en 1918 à Bône et Djidjelli. De ces centres
dépendaient plusieurs postes de combat et centres de relâche
( Bougie, Cherchell, Tenes, Mosta-ganem et Beni-Saf ). Les hydravions
jouèrent un rôle essentiel dans la détection des mines
et la reconnaissance mais ils ont été peu efficaces contre
les sous-marins ennemis
Hydravion à Bougie
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La Marine, soucieuse de développer conjointement l'utilisation
des dirigeables, créa plusieurs centres le long des côtes
méditerranéennes, tout d'abord à Bizerte, puis à
Baraki et à La Sénia. L'Astra-Torrès AT-6 en provenance
d'Au-bagne arriva le 17 novembre 1917 à Baraki réalisant
ainsi la première liaison aérienne entre la métropole
et l'Algérie. Le 6 février 1918, le dirigeable Zodiac ZD-1
se posa à La Sénia, après avoir transité à
Baraki. Les dirigeables, utiles pour leur effet dissuasif sur les sous-marins,
demandaient cependant des installations coûteuses et étaient
très dépendants des conditions météorologiques.
L'Aéronautique Maritime, qui a connu une forte expansion au cours
de la Grande Guerre, était surtout installée en Tunisie
et de fait a eu une faible activité en Algérie, même
si le porte hydravions Commandant Teste a fait de nombreuses traversées
entre Hyères et Bizerte, Alger ou Oran pour transporter les avions
monomoteurs et le matériel roulant des escadres de chasse et de
bombardement.
L'Aviation Militaire
Le développement de l'aviation en métropole avait été
suivi avec intérêt dans les colonies françaises et,
dès la création de l'Aviation Militaire, son emploi au Sahara
fut envisagé. Le commandement militaire à Alger demanda
fin 1910 la création d'une unité aérienne spécialisée
dans les vols désertiques. Le colonel Hirschauer vint en Algérie
en janvier 1911 pour étudier les installations nécessaires
au " centre d'expériences d'aviation coloniale militaire "
et l'escadrille d'Henry Farman s'implanta alors à Biskra. Son commandant,
le lieutenant Max de Lafargue, effectua le premier vol le 17 février
1912 puis entreprit aussitôt des voyages tout autour de l'oasis
vers Touggourt et Ouargla. L'Aéronautique militaire implantée
sur ce territoire fut placée sous l'autorité du Gouvernement
Général d'Algérie mais releva de la Direction de
l'Aéronautique du Ministère de la Guerre. En 1913, Emile
Dewoitine, soldat de l'escadrille de Biskra, construit un étrange
engin avec un moteur et des roues d'avion, dans le but d'assurer des liaisons
rapides au Sahara. Il parviendra à relier Biskra à Touggourt
et El-Oued en transportant le Général Bailloud, commandant
le 20ème Corps, qui sera un promoteur de l'aviation. A la suite
du raid Biskra-Tunis le général Pistou, en charge de la
division de Tunis, obtint en 1914 l'implantation d'une
escadrille à Kassar-Saïd commandée par le lieutenant
Reimbert.
L'aviation n'était pas encore considérée comme un
véritable outil de guerre lors du déclenchement du premier
conflit mondial qui débuta, en Algérie, le 4 août
1914 avec le bombardement par des croiseurs allemands, le Goeben et le
Breslau, de Bône et de Philippeville. La 1 ère mission aérienne
fut réalisée en Farman le 15 septembre 1916 par le Sous-Lieutenant
de Chattenay de l'escadrille F 541 accompagné du lieutenant-colonel
Le Boeuf ( directeur des affaires indigènes en Tunisie ). Partis
de Foum-Tataouine pour bombarder Nalout à la frontière tripolitaine,
ils ne reviendront pas et leur avion ne sera retrouvé que le 10
janvier 1917 en Algérie près de la frontière. D'autres
troubles se développeront au Sahara, avec notamment l'assassinat
du père de Foucauld à Tamanrasset le ter décembre
1916 et dans le Sud-Constantinois, ce qui entraîna des vols d'intimidation
sur l'Aurès par l'escadrille F 546. Celle-ci entreprendra au départ
de Biskra, du 4 juin au 16 septembre 1917, un long périple au cours
duquel elle effectua des vols vers Bougie, Aumale et Aïn-Boucif puis
survola à plusieurs reprises la Kabylie avant de se diriger vers
Sétif, Aïn-M'Lila et Guelma. Elle rayonna ensuite vers Bône
et Souk-Ahras avant de regagner Biskra par Batna. Ce raid consacra l'Aviation
militaire en Algérie car, avec des avions vétustes, l'escadrille
avait parcouru un chemin considérable en survolant les massifs
montagneux dans des conditions très difficiles. Elle avait aussi
créé de nombreux aérodromes, ramené des photographies
et mis en évidence les possibilités offertes par l'aviation
comme moyen de reconnaissance. Dès lors devgrands voyages furent
entrepris dans le Nord-Sahara puis dans toute l'Algérie pour mieux
définir les conditions de vol en milieu désertique. À
cette fin l'escadrille Saharienne F 547 fut créée à
Ouargla puis fin 1918 les escadrilles VR 548 et VR 549 virent le jour.
Trois Farman entreprendront le voyage aller-retour d'Ouargla à
In Salah en mars 1918, puis ils participeront à une reconnaissance
mixte autos avions d'Ouargla à Colomb-Béchar en janvier
1919, mais seulement 2 avions termineront le circuit.
En octobre l'escadrille 305 équipée de Farman renforça
le dispositif aérien qui participera à des missions de bombardement
et de reconnaissance. Malgré les dégâts subis après
les ouragans de début 1917, l'escadrille 302 ( futur 551 ) participera
en avril à des opérations dans la région de Fez et
la 305 du côté d'Agadir. Quatre nouvelles escadrilles ( 553
à Meknès, 554 à Marrakech, 555 à Taza et 556
à Rabat ), aux ordres du commandant Cheutin, furent créées
en juin pour renforcer les différents secteurs, sachant que la
552 ( ex 305 ) fut affectée en particulier à la surveillance
des côtes.
En raison de l'agitation rencontrée dans différentes régions
l'aviation sera employée de façon intensive pour des missions
de réglage de tirs d'artillerie et de bombardement de tribus dissidentes
notamment dans la région du Tafilalet.
À l'armistice le matériel aérien étant très
fatigué il fut difficile de mettre sur pied les nouvelles escadrilles
car les Breguet arrivèrent au compte-gouttes.
Portraits de quelques As Français
célèbres nés en AFN
Un aviateur était qualifié d'As après avoir obtenu
cinq victoires homologuées en combat aérien. René
Fonck ( 1894-1953 ) fut le plus titré avec 75 victoires
à son palmarès mais parmi les As cinq sont nés en
AFN :
Georges Madon (1892-1924) - 41 victoires
Né à Bizerte le 28 juillet 1892 il se passionne pour l'aviation
et dès son arrivée en France en 1911 il s'inscrit à
l'aérodrome d'Étampes. En 1912 il s'engage au 1er régiment
de génie de Versailles puis il est affecté au centre école
d'Avord où il obtient son brevet militaire. Au déclenchement
de la guerre il est affecté à l'escadrille BL30 pour réaliser
sur Farman des missions de reconnaissance, de bombardements nocturnes
et de réglage d'artillerie. Passé dans la chasse à
la Spa 38 en 1916 il abat le 23 septembre son premier Fokker puis enchaîne
les victoires dont celle sur Lothar Richthofen, frère de l'As des
As allemand. Au cours de l'année 1918 il remportera 21 victoires
dont un quadruplé le 1er juin. Promu capitaine à titre temporaire,
Madon avait pour devise " Qui s'y frotte s'y pique " mais il
meurt en service aérien commandé au cours d'une exhibition
aérienne à Tunis le 11 novembre 1924.
Maurice Boyau (1888-1918) - 35 victoires
Né le 8 mai 1888 à Mustapha en Algérie,
Maurice Boyau s'installe à Dax en 1907. Joueur international de
rugby, ce sportif est mobilisé en 1914 au 18ème escadron
de train puis est envoyé fin 1915 à l'école Blériot
de Buc où il sera nommé moniteur après l'obtention
de son brevet de pilote militaire. Il rejoint la N°77 ( escadrille
des sportifs ) où il accomplit des missions de chasse. Sa lère
victoire est homologuée le 16 mars 1917 et il remporte un triplé
le 22 juillet 1918. Pionnier du bombardement d'assaut, ayant à
son palmarès 20 drachens et 15 avions, il sera abattu le 16 septembre
1918 lors de l'attaque d'un ballon du côté de Mars la Tour
mais ni son avion ni son corps ne furent retrouvés.
Gabriel Guérin (1892-1918) -
23 victoires Né le 25 juillet 1892 au Maroc, Gabriel Guérin
commence la guerre au 18ème régiment d'infanterie avant
d'être affecté dans l'aviation à l'escadrille N°15
de bombardement, puis il devient chef de l'escadrille SPA 88 où
il obtiendra la majeure partie de ses victoires. Il se tue le 1er août
1918 près de Senlis en Spad suite à une panne moteur au
décollage. Le lieutenant Gabriel Guérin repose au cimetière
Sainte Marie de la ville du Havre.
Albert Auger (1889-1917) - 7 victoires
Né le 26 janvier 1889 à Constantine, Albert Auger était
sous-lieutenant au 31ème d'infanterie quand la guerre éclate.
Blessé dans les Ardennes il rejoint l'école d'aviation de
Pau en février 1915 et il est affecté en mai à l'escadrille
C11 sur Caudron. Promu capitaine en décembre 1915 il commande l'escadrille
N°3 du Groupe de Chasse 12 des Cigognes. Ce pilote audacieux, deux
fois cité à l'ordre de l'Armée, est mortellement
blessé au cou lors d'un combat aérien le 28 juillet 1917.
Son corps repose au cimetière de Passy.
Paul Homo (1892- 1968) - 5 victoires
Né le 10 avril 1892 à Arba ( Alger ), Paul Homo est incorporé
au 16ème régiment d'artillerie. Promu sous lieutenant il
rejoint le 2ème groupe d'artillerie lourde en avril 1915 puis,
affecté à l'escadrille 209, il suit les cours de l'école
d'aviation du Crotoy, d'Avord, de Pau et de Cazaux pour les exercices
de tir aérien. Promu capitaine à titre temporaire il commande
l'escadrille BR 235 le 9 juillet 1918 et il obtiendra 5 victoires aériennes
en qualité d'observateur mitrailleur. À l'issue du conflit
il se retrouvera au 3ème groupe d'aviation d'Afrique puis au 36ème
régiment d'aviation. Rappelé au service le 1er septembre
1939 à la base aérienne de Sétif il est démobilisé
le 20 juillet 1940. Il décède le 20 avril 1968 à
Rocquencourt.
Conclusion
Il n'y a pas eu d'usage autonome de l'aviation lors du 1er conflit mondial
qui avait montré la nécessité de concentrer les forces
aériennes pour mener une action efficace mais la voie du transport
aérien était ouverte. En effet, après la guerre,
l'aviation militaire en Algérie fut réorganisée avec
la création de trois Groupes d'Aviation Autonomes ( 1er GAA à
Alger, 2ème GAA à Oran et 3ème GAA à Sétif
) qui auront la charge d'aménager chacun une voie transsaha-rienne
( ouest, centrale et est ). Dès 1919, avec la constitution à
la Sénia du 36ème Régiment d'Aviation d'Afrique,
commencera le rééquipement des unités avec des Breguet
14, biplaces de bombardement et de reconnaissance, qui seront adaptés
aux conditions du vol saharien grâce à de notables améliorations
( réservoirs supplémentaires, coffre à outillage
et à vivres ). Le 4ème GAA de Tunisie, quant à lui,
n'existera que de 1920 à 1923.
Général
Yves Riondet
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